1029
CURRICULUM
Prolapsus rectal: mise à jour
Céline Duvoisin Cordoba, Nicolas Demartines, Dieter Hahnloser
Service de chirurgie viscérale, Centre hospitalier universitaire vaudois, Lausanne
Le prolapsus rectal (PR) est une pathologie relativement
peu fréquente mais très invalidante qui peut se présenter
sous forme d’une simple protrusion en passant par un
saignement anal, une constipation chronique, et jusqu’à
l’incontinence aux selles. Le PR nécessite très souvent
un traitement chirurgical.
Cet article a pour but de passer en revue la pathologie
d’un PR et de servir de guide pour permettre le diagnos-
tic, choisir les investigations utiles et conseiller aux pa-
tients les différents traitements possibles. Pratiquement:
– quels sont les symptômes?
– quels sont les examens utiles?
– quels sont les différents traitements?
Une question de dénition:
prolapsus rectal complet
Le PR complet se dénit par la protrusion de toutes les
couches du rectum au travers de l’anus (g. 1 et 2 ).
Il se manifeste par une extériorisation des anneaux
concentriques de la muqueuse rectale. Son incidence
est de 0,25–0,45% dans la population adulte. Sa préva-
lence est estimée à 1% des adultes au-delà de 65 ans, soit
2,5 nouveaux cas pour 100 000 habitants chaque année
[1]. Les femmes représentent 80–90% des patients.
Cette pathologie est connue depuis les civilistions égyp-
tiennes et grecques, et la plus ancienne référence se
trouve dans le Papyrus Ebers 1500 avant J.-C. Hippo-
crate a décrit un traitement original en proposant de
suspendre le patient par les pieds et de le secouer pour
réduire le prolapsus. Une fois le PR réduit, il a proposé
d’appliquer de la soude caustique sur la muqueuse pen-
dant trois jours. Les premières publications modernes
remontent à 1888 où Mikulicz a popularisé l’amputation
du PR par voie périnéale, puis Moschcowitz l’a faite par
voie abdominale en 1912. Durant le XXe siècle, de mul-
tiples techniques ont été décrites, par voies abdominales
et périnéales [2].
Les facteurs de risques décrits sont le genre féminin, la
multiparité, les accouchements par voie basse, et l’âge
au-dessus de 40 ans. La constipation chronique, les
pathologies psychiatriques et les antécédents de chirurgie
pelvienne font également partie des facteurs de risque.
Dans la littérature, une étude bien conduite en contredit
une autre en ce qui concerne le mécanisme physio-
pathologique du PR. On ne met pas en évidence une
cause unique, mais plusieurs explications sont possibles
[2]. Si la pathogénie demeure incertaine, les anomalies
anatomiques constitutives du PR sont bien connues. Il
s’agit de l’insufsance de xation postérieure du rec-
tum, de la longueur excessive du recto-sigmoïde, d’un
cul-de-sac de Douglas anormalement profond, du dia-
stasis des muscles releveurs de l’anus, et de la faiblesse
du sphincter anal.
Prolapsus rectal incomplet (interne)
ou intussusception
Le PR incomplet consiste en une procidence de la mu-
queuse uniquement, ou un prolapsus de la paroi rectale
ne s’extériorisant pas au-travers de l’anus. On l’appelle
PR occulte ou intussusception. On suppose que l’évolu-
tion naturelle de l’intussusception est le PR complet. En
pratiquant une sélection prudente des patients, le fait
d’opérer les intussusceptions symptomatiques pourrait
prévenir leur évolution en PR complet. Par la suite, cet
article se concentre uniquement sur le PR complet ou
externe.
A la consultation
Les symptômes du PR complet peuvent être insidieux, et
mimer ceux du cancer rectal: l’apparition d’une masse,
réductible ou non, de rectorragies, d’un inconfort abdo-
minal, d’une sensation de vidange rectale incomplète,
d’un transit altéré, d’une extériorisation de mucus ou
d’une incontinence aux selles. Les premiers symptômes
sont la protrusion d’une masse dans le canal anal avec
décharge de mucus, souvent en association avec la défé-
Quintessence
• Le prolapsus rectal (PR) est une pathologie invalidante, apparaissant
typiquement chez la femme âgée.
• Il est important de différencier cliniquement un PR d’un autre trouble
de la statique pelvienne tel qu’un rectocèle, un cystocèle ou un prolapsus
hémorroïdaire (ou anal) car les traitements sont différents.
• L’anamnèse gynécologique et urologique font partie de la consultation
ainsi que l’évaluation du degré d’incontinence ou de constipation.
• Malgré tout, la chirurgie reste le traitement de choix et les taux de réci-
dive varient selon la technique et l’abord. La tendance actuelle est d’effec-
tuer une rectopexie antérieure selon D’Hoore, par laparoscopie, avec d’ex-
cellents résultats à court terme.
• Une récidive de prolapsus rectal est mieux traitée par un abord ab-
dominal.
Les auteurs ne
déclarent aucun
soutien nancier ni
d’autre conit
d’intérêt en
relation avec cet
article.
Forum Med Suisse 2013;13(50):1029–1032