Les défis de la profession infirmière au sein de la société

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Document de réflexion sur
« QU’EST-CE QUE LA SOCIÉTÉ CIVILE, AUJOURD’HUI, DANS LES
PAYS MEMBRES DE LA FRANCOPHONIE? »
Proposition du
Secrétariat international des infirmières et infirmiers francophones (SIDIIEF)
LES DÉFIS DE LA PROFESSION INFIRMIÈRE AU SEIN DE LA SOCIÉTÉ CIVILE
D’AUJOURD’HUI DANS LES PAYS MEMBRES DE LA FRANCOPHONIE
Dans les pays membres de la francophonie, comme ailleurs dans le monde, la société civile
représente l’ensemble des forces vives de la société. Il s’agit d’organisations
professionnelles, d’associations ou organisations à base communautaire et d’organisations
non gouvernementales.
C’est au sein de cette société civile qu’opère le Secrétariat international des infirmières et
infirmiers de l’espace francophone (SIDIIEF). Il s’agit d’un grand réseau international
francophone ayant pour mission la diffusion des savoirs et le partage des expériences
éprouvées entre les infirmières et infirmiers afin de contribuer à l’amélioration de la qualité
des soins et des services offerts aux populations. Le SIDIIEF réunit des associations
d’infirmières, des centres hospitaliers, des écoles, des universités, des ordres, des syndicats
d’infirmiers ainsi que des membres individuels de différents pays de la francophonie.
Le SIDIIEF est donc un réseau d’échanges dans les domaines de la pratique clinique, de la
gestion, de la formation et de la recherche en sciences infirmières. Il réunit les leaders en
soins infirmiers préoccupés de la qualité des pratiques soignantes, de l’évolution des
pratiques managériales, du développement de la recherche en sciences infirmières et de la
formation initiale et continue.
Le SIDIIEF a été créé pour répondre aux besoins, maintes fois exprimés par les infirmières
et les infirmiers francophones, d’avoir un lieu permettant l’expression de leur diversité
culturelle et les échanges de savoirs en français.
LA PROFESSION INFIRMIÈRE DANS LA FRANCOPHONIE À L’ÈRE DE LA MONDIALISATION
Dans les pays de la francophonie, la profession d’infirmière se développe à un rythme
différent des pays anglo-saxons notamment. Alors que dans le monde anglo-saxon les
infirmières et infirmiers sont préoccupés par le développement de la recherche infirmière
comme outil d’amélioration de la qualité de la prestation des soins infirmiers, dans les pays
de culture latino-française d’Europe et notamment d’Afrique, ces professionnels en sont
encore à des débats de reconnaissance et de légitimation de leur discipline (Debout, 2007).
En effet, encore aujourd’hui, peu de pays francophones offre une formation de niveau
universitaire comparativement aux pays anglo-saxons. De plus, les programmes de
formation d’infirmière sont difficilement comparables d’un pays francophone à un autre,
tant dans le niveau de scolarisation que dans le contenu des formations. La formation
professionnelle en soins infirmiers doit être évaluée et ajustée en tenant compte de la
réalité culturelle et du niveau général de développement du système éducatif de chaque
pays. En Afrique francophone comme dans l’ensemble des pays en développement où la
personnel infirmiers et sages-femmes dispensent l’essentiel des soins de santé à la majorité
de la population, ces professionnels sont tenus à l’écart des structures de l’enseignement
supérieur et de la recherche scientifique.
Le SIDIIEF a d’ailleurs mené une étude comparative sur le niveau de formation des
infirmières et infirmiers dans différents pays francophones. Le rapport final sera disponible
dès le mois de mai 2008. Toutefois, les résultats préliminaires obtenus dans les différents
pays francophones répertoriés démontrent clairement qu’il n’y a pas de consensus quant
aux années de scolarisation de base exigées pour accéder à une formation d’infirmière, ni
en ce qui a trait aux nombres d’années de formation du programme proprement dit. Dans
ce contexte, il est quasi impossible de comparer les titres et les fonctions attribués aux
infirmières et infirmiers dans les différents pays.
De plus, étant donné qu’il n’y a pas ou peu de formation universitaire infirmière dans les
pays de la Francophonie, il est très difficile d’obtenir du financement pour des projets de
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mobilité étudiante ou professorale ou même pour faire financer des projets de recherche.
Par exemple, l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) exige que tout projet soit
mené par deux universités dont une du Sud. Dans un tel contexte, aucun projet ne peut être
proposé à l’AUF dans les pays francophones.
L’accès à l’information et aux connaissances demeure un défi pour les infirmières et les
infirmiers francophones puisque la plupart des documents de référence et les congrès sont
en anglais. Cette réalité est encore plus difficile pour les infirmières et les infirmiers
d’Afrique francophone qui doivent à la fois traduire le contenu et l’adapter à leur réalité
clinique. Instituer la suprématie d’une langue pour les échanges professionnels et
scientifiques dans un domaine aussi complexe que celui du soin porté à la personne, c’est
appauvrir les échanges et réduire l’expression de la pensée. Le fait de parler une même
langue n’indique nullement que nous partagions un même référentiel culturel ni même un
référentiel sémantique identique. Tout échange de connaissances et d’informations
nécessitent forcément une adaptation culturelle.
Ainsi, l’état de la profession n’est pas uniforme à travers le monde. Certes, la prestation
des soins infirmiers est réglementée dans tous les pays, mais le champ d’exercice, le degré
d’autonomie, l’organisation collective, les conditions de travail, la force de représentation
politique sont très variables. Dans la mesure où la profession d’infirmières est
généralement à prédominance féminine, des problèmes de statu peuvent, dans certains
pays, être liés à des aspects de discrimination sexiste.
La création du SIDIIEF est donc un moyen mis de l’avant par les infirmières et les
infirmiers eux-mêmes pour les soutenir dans leur réponse aux différents défis que pose le
contexte actuel de la mondialisation tels que :
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la circulation rapide des informations et des connaissances;
l’iniquité dans les moyens d’accès à ces informations;
la contribution des infirmières au développement de leurs pays respectifs;
la mobilité internationale;
les menaces d’épidémies;
le vieillissement des populations occidentales;
l’insuffisance de personnel infirmier qualifié;
les nouvelles questions éthiques;
les maladies environnementales, etc.
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Le SIDIIEF mène différents projets visant le développement de la profession d’infirmière.
Par exemple, tous les trois ans, un grand congrès mondial est organisé qui réunit près de
1500 participants de toute la Francophonie mondiale afin de leur permettre de venir
présenter et de se mettre à jour sur les différents développements qui ont cours. Afin de
permettre aux infirmières et infirmiers des pays en émergence de pouvoir participer au
congrès, le SIDIIEF met sur pied un Fonds de soutien qui offre des bourses de
participation. Ainsi, les infirmières et infirmiers du sud peuvent non seulement participer à
l’ensemble des activités de formation continue, mais viennent également présenter leurs
projets, leurs défis et leurs besoins en termes de formation à l’ensemble de la communauté
infirmière francophone. C’est également un moment propice pour permettre à ces dernières
de se rencontrer et d’échanger sur différentes problématiques.
Le SIDIIEF est donc une organisation francophone qui connaît très bien les besoins de
formation des infirmières et infirmiers. De plus, il réunit l’ensemble des experts du
domaine des soins tant cliniciens, formateurs, chercheurs que gestionnaires pouvant
répondre à ces besoins.
Par exemple, la Ligue des infirmières et infirmiers francophones de la République
Démocratique du Congo (LIEF) a déposé une demande au SIDIIEF pour un projet de
renforcement des compétences infirmières en obstétrique. Les infirmières de ce pays
manquent de formation et de mises à jour de leurs connaissances. Ainsi, en partenariat
avec la LIEF et d’autres partenaires de la RDC, le SIDIIEF a travaillé à la préparation et au
dépôt d’une demande de subvention pour un projet de renforcement des compétences
infirmières en obstétrique à Kinshasa, en République démocratique du Congo.
Le SIDIIEF a également soutenu la participation de conférenciers internationaux à des
événements organisés par des membres du SIDIIEF dans différents pays africains dont la
République démocratique du Congo, le Burkina Faso, le Maroc et le Gabon.
RECOMMANDATIONS
AUX CHEFS D’ÉTAT ET DE GOUVERNEMENT MEMBRES DE LA
FRANCOPHONIE
En résumé, les organisations de la société civile francophone constituent des acteurs
importants qui connaissent bien les réalités culturelles de la Francophonie. Non seulement
peuvent-elles expliquer la situation et les besoins, mais elles peuvent également donner
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des avis et même contribuer à solutionner différentes problématiques. Encore faut-il
qu’elles disposent de moyens et d’appuis suffisants.
Le SIDIIEF est une association professionnelle internationale engagée à soutenir le
développement de la compétence infirmière afin que la profession puisse continuer à
assumer son mandat social en termes de contribution à la santé et au mieux-être des
populations.
Seule une mise en commun de recherches, des stratégies de soins, des meilleures pratiques
pourront permettre à tous les pays, solidairement et équitablement de trouver des solutions
à des problématiques communes de santé. Des organisations telles que l’OIF ont donc tout
intérêt à travailler en étroite collaboration avec des OING, comme le SIDIIEF, qui
possèdent une expertise dans un domaine bien précis. En effet, les OING connaissent bien
le terrain et peuvent contribuer à aménager des solutions durables pour les populations.
Même s’il y a des variations d’un pays à l’autre, un fait toutefois est universel : la santé
d’une nation est un facteur important de développement. La disponibilité suffisante de
personnel infirmier contribue au développement d’un pays par son apport significatif à la
santé d’un peuple. C’est pourquoi le nombre d’infirmières dans un pays est un indicateur
de développement. Ainsi, selon le rapport de 2004 du Conseil international des infirmières
(CII) 2 , le ratio moyen d’infirmières/population dans les pays à haut revenu est presque huit
fois supérieur à celui des pays à faible revenu. Le ratio moyen en Europe est dix fois
supérieur à celui de l’Afrique. Celui de l’Amérique du Nord, dix fois celui de l’Amérique
du Sud.
L’importance relative de la profession d’infirmière dépend en grande partie de la richesse
d’un état et des politiques sociales dont il se dote. L’équation est très simple : plus le pays
est riche, plus la technologie et le système de soins sont développés, donc, plus il y a
d’infirmières ! Plus les politiques sociales favorisent un large accès aux soins de santé, plus
il y a d’infirmières.
2
CONSEIL INTERNATIONAL DES INFIRMIÈRES (2004). La pénurie mondiale d’infirmières diplômées – aperçu des
questions et solutions, p. 7 (www.icn.ch/global/shortagef.pdf)
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C’est pourquoi plusieurs agences internationales considèrent la disponibilité suffisante de
professionnels de la santé qualifiés, comme un enjeu stratégique d’importance au plan du
développement des pays. Les agences suivantes ont produit des mises en garde ou des
études sur les pénuries de personnel sanitaire : l’Organisation mondiale de la santé (OMS),
la Banque mondiale et l’Organisation pour la coopération et le développement économique
(OCDE). En 2004, le CII fait le point sur la question et rapporte que le Forum des Nations
Unies sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) a déclaré en mai
2004, que le « secteur de la santé connaît une crise de ressources humaines qui doit être
résolue de manière urgente. » 3
Ainsi, la profession d’infirmière n’échappe pas au problème mondial de la pauvreté et du
clivage Nord/Sud. L’abandon de pays dans la pauvreté pose la question de l’éthique
planétaire et de la solidarité des peuples. L’engagement personnel pour l’humanisation des
politiques socio-économiques mondiales restera un combat nécessaire de tous les citoyens
du monde mais, à fortiori, celui des infirmières et des professionnels de la santé des pays
développés. Parler de la santé en tant que droit de la personne et passer à l’action pour
améliorer la santé des peuples aux prises avec la pauvreté doit aussi faire partie des
politiques des pays bien nantis.
C’est pourquoi le SIDIIEF recommande aux chefs d’État et de gouvernement, membres de
la Francophonie, de prendre en considération la formation du personnel infirmier dans
leurs enjeux prioritaires.
3
COMMISSION SUR L’AVENIR DES SOINS DE SANTÉ AU CANADA (2002). Guidé par nos valeurs : L’avenir des soins de
santé au Canada : rapport final. Rapport Romanow, Saskatoon, Commission sur l’avenir des soins de santé
au Canada (www.hc-sc.gc.ca/français/soins/romanow/).
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