L’Encéphale (2009) Supplément 5, S172–S177 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep Intervalle libre et/ou rémission B. Bonin*(a), B. Trojak(a) (a) CHU 3 rue du Faubourg Raines, 21033 DIJON Historique Historiquement, le concept d’intervalle libre pour la maladie maniaco-dépressive n’est pas défini par Hippocrate (460-375 av. JC) : celui-ci, dans le Corpus Hippocraticum écrit : « la manie serait une affection chronique qui comprendrait un délire sans fièvre, continu, avec une forte agitation » et « quand la crainte et la tristesse persistent longtemps, c’est un état mélancolique ». Les premiers auteurs à évoquer l’intervalle libre sont Caelius Aurelianus, au Ve S., qui écrit, dans le « Caelii aureliani de morbis acutis et chronicis » : « la manie, quand elle s’empare d’un esprit, se manifeste par la colère, par la gaieté, par la tristesse, par la futilité… la manie est parfois continue, parfois elle est allégée par des intervalles libres… » ; et Alexandre de Tralles, au VIe S, évoque des « intermittences » entre les accès de manie et mélancolie. Les psychiatres européens des XVIIIe et XIXe siècles développent cette notion d’intervalle libre : Ph Pinel, en l’an IX, écrit à propos de cas de manie : « sur 25 guérisons… il n’y a eu que deux rechutes après cinq ans de rétablissement… ». Pour W. Grisienger, en 1845, les accès reviennent avec des intervalles complètement libres, réguliers ou irréguliers [20]. En 1851, JP. Falret, dans les « Leçons cliniques de médecine mentale » décrit, à propos de la folie circulaire, « des intervalles libres et de véritables intermittences qui caractérisent plusieurs espèces de maladies mentales », et des « états maladifs qui se reproduisent sans cesse, comme fatalement, et ne sont séparés que par un intervalle de raison de courte durée » [19]. En 1854, * Auteur correspondant. E-mail : [email protected] Les auteurs n’ont pas signalé de conflits d’intérêts. © L’Encéphale, Paris, 2009. Tous droits réservés. J. Baillarger parle de folie à double forme, et à partir de 1899, E. Kraepelin décrit la folie maniaque dépressive, qui présente une évolution par accès [5, 32]. Le concept de rémission apparaît en médecine au XIXe siècle, comme l’atténuation, la disparition provisoire ou l’affaiblissement temporaire des symptômes d’une maladie, par exemple dans les fièvres intermittentes. La notion de rémission sera rapidement appliquée à la schizophrénie : pour Bleuler, la schizophrénie « peut évoluer temporellement et qualitativement sans guère de règles : progression continue, stabilisation, poussées, rémissions sont possibles à tout moment » (1911). Pour Henri Ey, « la rémission est une guérison plus ou moins longue, plus ou moins complète, et fait partie des évolutions spontanées d’une schizophrénie guérie » [17]. De même P. Berner écrit, « la schizophrénie évolue par phases ou par poussées entrecoupées de rémissions » [8]. Pour A. Porot, « des rémissions surprenantes, par leur degré ou leur durée, peuvent se voir dans l’évolution de la maladie » [46]. Et on lit dans le manuel de HI. Kaplan et BJ. Sadock [29] que la schizophrénie peut présenter une rémission stable avec symptômes résiduels ou une rémission totale avec rechutes. En 1965, L. Michaux écrit : « Si tout redevient absolument normal, la règle, née de l’expérience, veut que l’on se demande si l’on n’a pas fait une erreur de diagnostic » [41]. La rémission dans les troubles bipolaires est évoquée par Henri Ey, qui constate la « longueur très variable des rémissions des malades atteints d’accès maniaco-dépres- Intervalle libre et/ou rémission S173 sifs » et qui souligne la controverse établie dans toutes les sociétés psychiatriques, où l’on s’interroge sur le sort et la fin des malades atteints d’accès maniaco-dépressifs [18]. fonctionnement prémorbide dans le mois qui suit l’installation de la perturbation ; et le trouble schizophréniforme, où l’épisode pathologique dure au moins un mois mais moins de six mois. Définitions Intervalle libre et diagnostic L’étymologie latine permet de définir les notions de rémission et d’intervalle libre. Pour l’intervalle libre : inter vallum (espace entre deux palissades) ; pour la folie intermittente : intermittere (ménager des intervalles) ; pour la rémission : remissus/remittere (remettre). Dans le Littré, la rémission désigne à la fois le processus (la diminution temporaire des symptômes d’une maladie), et le résultat (la cessation plus ou moins complète des symptômes entre les accès). La notion d’intervalle libre dans les troubles bipolaires est liée à celle de récurrence, et à celle d’épisodes. Dans la CIM-10, l’intervalle libre est une période sans symptômes, avec guérison habituelle entre les épisodes. La cotation « en rémission » correspond à un patient qui ne présente actuellement aucune perturbation significative de l’humeur et n’en a pas présenté au cours des derniers mois (« trouble affectif bipolaire, actuellement en rémission »). Dans le DSM III-R, l’intervalle libre est caractérisé par une humeur normale entre les épisodes, et dans le DSM IV-TR, l’évolution de la maladie peut être décrite avec ou sans guérison complète entre les épisodes. La rémission a une définition médicale stable dans le temps mais peu précise et peu spécifique. Cette notion renvoie à un degré d’amélioration symptomatique d’une pathologie, partielle ou complète, à une qualité d’amélioration clinique, fonctionnelle, et enfin à la durée de cette amélioration. Elle peut concerner une affection aiguë ou chronique, un accès d’une pathologie récidivante, ou un accès unique. Pour les troubles de l’humeur, le DSM IV-TR définit la rémission partielle lorsque les symptômes sont présents mais que les critères complets ne sont pas remplis, ou s’il existe une période d’une durée inférieure à deux mois suivant la fin d’un épisode sans aucun symptôme significatif de cet épisode. Dans la rémission complète, il n’existe aucun signe ou symptôme significatif de l’affection depuis au moins deux mois. Pour la schizophrénie, la rémission apparaît, dans le DSM IV-TR, au niveau des différentes spécifications de l’évolution observée après un délai d’un an : évolution continue ; évolution épisodique avec symptômes résiduels entre les épisodes ; évolution épisodique sans symptômes résiduels entre les épisodes ; épisode isolé en rémission partielle, avec symptômes résiduels significatifs ; ou épisode isolé en rémission complète. Les définitions sont similaires dans la CIM-10 : évolution continue, évolution épisodique avec déficit progressif, évolution épisodique avec déficit stable, évolution épisodique rémittente, rémission incomplète, rémission complète. Enfin, le DSM IV-TR définit les « autres troubles psychotiques » : le trouble psychotique bref, avec rémission complète de tous les symptômes et retour au niveau de Dans les troubles de l’humeur, c’est la présence de l’intervalle libre qui permet de définir les différentes formes des troubles thymiques, mais « le critère entre les deux maladies (hyperthymie, schizophrénies) ne doit pas être recherché uniquement dans la périodicité » [15]. Dans un ancien Manuel de Psychiatrie, J. Rogues de Fursac décrit les différentes formes évolutives des troubles de l’humeur : folies périodiques, folie à formes alternes, folie à double forme, et folie circulaire (figures 1, 2) [47]. On retrouve les mêmes types évolutifs dans les spécifications du DSM IV-TR pour l’évolution, applicables aux troubles de l’humeur : trouble récurrent, avec guérison complète entre les épisodes, sans trouble dysthymique ; trouble récurrent, sans guérison complète entre les épisodes, sans trouble Folies périodiques Excitation État normal Excitation normal État Excitation Manie périodique normal Dépression État Dépression Dépression État normal Mélancolie périodique Folie à formes alternes normal Dépression État normal État Excitation normal Dépression État normal État Excitation Folie alterne Figure 1 Formes évolutives des troubles de l’humeur [47]. S174 B. Bonin 1 État terminal 10 % 2 15 % 3 24 % 4 12 % 5 10 % 6 10 % Dépression Folie à double forme Début Type d’évolution 7 6% 8 5% Folie circulaire 9 5% Excitation Excitation Excitation Dépression État normal Excitation Excitation Folie à double forme Figure 3 Types évolutifs de la schizophrénie selon Ciompi [12]. Dépression Dépression Dépression Évaluation de la rémission Figure 2 Formes évolutives des troubles de l’humeur [47]. dysthymique ; trouble récurrent, avec guérison complète entre les épisodes, surajouté à un trouble dysthymique ; et trouble récurrent, sans guérison complète entre les épisodes, surajouté à un trouble dysthymique. On retrouve également la définition des intervalles libres dans les définitions de la bipolarité du DSM IV-TR : dans le Trouble bipolaire I, la récurrence est définie soit par une inversion de la polarité de l’épisode, soit par un intervalle d’au moins deux mois sans symptômes maniaques entre les épisodes, et l’intervalle entre deux épisodes tend à diminuer avec l’âge du sujet. Dans le Trouble bipolaire II, 60 à 70 % des épisodes hypomaniaques surviennent immédiatement avant ou après un épisode dépressif majeur, avec des modalités évolutives propres à chaque sujet, et l’intervalle entre deux épisodes tend également à diminuer avec l’âge du sujet. Dans le domaine de la schizophrénie, les auteurs soulignent la grande variabilité interindividuelle : « la notion du caractère inéluctable de l’évolution vers la détérioration paraît très discutable. Déjà au début du XXe siècle, 10 à 20 % des schizophrénies évoluaient soit vers la guérison, soit vers une stabilisation sans grande altération de la personnalité » [31]. Ces différents types évolutifs de la schizophrénie décrits par Ciompi ont été repris en 2005 par JM. Azorin (figure 3) [4, 12]. La description clinique de la rémission porte en premier lieu sur la rémission symptomatique, qui peut être partielle (réduction de la sévérité des symptômes) ou complète (sans symptômes résiduels). Les échelles d’évaluation les plus utilisées dans ce domaine sont la Brief Psychiatric Rating Scale, la Positive And Negative Syndrome Scale, et la Clinical Global Impression. La rémission fonctionnelle peut être importante, avec le retour d’une autonomie, d’une insertion familiale, relationnelle, professionnelle, d’une adaptation sociale ; elle peut être évaluée par la SKILLS (Independant Living Skills Survey), la Global Assessment of Functionning, ou la Personal and Social Performance. On peut aussi évoquer une rémission cognitive [34]. L’appréciation de la rémission a pris en compte, à partir des travaux de Strauss et Carpenter en 1973 [50], et de Berner en 1982 [8], des éléments d’intégration sociale du patient, comme la durée de non-hospitalisation, les contacts sociaux autres que professionnels, l’existence d’un emploi ou d’une occupation régulière, l’absence d’hospitalisation, l’absence de signes positifs, et le niveau global d’adaptation sociale et familiale. Le Consensus d’experts dirigé par J. Kane en 2003 a défini des indicateurs symptomatiques (symptômes positifs, négatifs, cognitifs…) et des indicateurs fonctionnels (autonomie de vie, métier, relations sociales). Il précise également que le meilleur indicateur est le changement relatif du patient par rapport à son état antérieur, plutôt que le changement vers un chiffre absolu fourni par une échelle. La rémission symptomatique a ainsi été définie par l’absence ou la faible intensité des troubles pendant 3 mois, et une amélioration syndromique (« recovery », dans le sens de rétablissement) pendant au moins un an et fonctionnelle (emploi, relations sociales…) [28]. Intervalle libre et/ou rémission En 2005, N. Andreasen a défini le niveau nécessaire de symptômes pour parler de rémission : note de sévérité à la PANSS ≤ 3 pour 8 items durant au moins 6 mois (idées délirantes, contenu inhabituel de la pensée, activité hallucinatoire, désorganisation conceptuelle, maniérisme et troubles de la posture, émoussement affectif, repli social, absence de fluidité et de spontanéité dans la conversation) [2]. Plus récemment, en 2007 et 2008, S. Leucht et J. Kane ont repris ces critères en définissant des critères de réponse comme une amélioration clinique de la psychopathologie (indépendamment de la persistance ou non de symptômes) avec une réduction des scores de 50 % à la BPRS et à la PANSS, et des critères de rémission, où le patient ne présente plus de symptômes significatifs, avec 8 items de la PANSS d’intensité faible ou moyenne depuis au moins 6 mois. S. Leucht et J. Kane soulignent l’intérêt de l’échelle CGI à 7 stades, et insistent surtout sur l’importance de définir des critères de rémission et de guérison qui soient unanimement acceptés [35, 36]. Clinique de l’évolution Les troubles bipolaires sont considérés, de façon globale, comme des troubles de bon pronostic, en particulier du fait des intervalles libres. Néanmoins, la période inter-critique est évoquée par certains comme une phase pathologique à part entière, du fait du handicap fonctionnel associé [23]. La maladie maniaco-dépressive est en effet réputée évoluer vers des guérisons symptomatiques et des retours à l’adaptation sociale antérieure, mais on constate fréquemment une chronicisation des troubles, avec la persistance d’une symptomatologie discrète et de difficultés d’adaptation chez au moins un tiers des patients bipolaires, la survenue d’abus ou de dépendance à l’alcool chez 8 à 10 % des patients, et une surmortalité, en particulier par suicide [43]. Le DSM IV-TR décrit les modalités évolutives habituelles des troubles bipolaires. Dans le trouble bipolaire de type I, la majorité des sujets présente une réduction symptomatique significative entre les épisodes, mais on constate chez 20 à 30 % une labilité de l’humeur et d’autres symptômes résiduels, et chez 60 % des difficultés chroniques interpersonnelles ou professionnelles entre les épisodes aigus. Une guérison incomplète entre les épisodes apparaît par ailleurs plus fréquente lorsque l’épisode en cours s’accompagne de caractéristiques psychotiques non congruentes à l’humeur. Dans le trouble bipolaire de type II, la majorité des sujets récupère un niveau de fonctionnement complètement normal entre les épisodes, mais 15 % des sujets présentent une labilité de l’humeur, et des difficultés relationnelles ou professionnelles. Les symptômes intercritiques sont de différents types. On observe des symptômes résiduels (troubles thymiques dépressifs, hypomaniaques ou mixtes ; troubles cognitifs), un risque suicidaire accru, des comorbidités psychiatriques ou somatiques fréquentes, une évolution vers la cyclothymie, et une altération du fonctionnement social. S175 Les symptômes résiduels peuvent être liés à la chronicisation, à la résistance au traitement, aux effets indésirables des psychotropes, mais aussi aux retentissements des accès sur les conduites sociales et sur la personnalité. Le caractère toujours actif de la maladie est évoqué, compte tenu du fait que ces symptômes résiduels sont un facteur de risque de récidive [25]. Et jusqu’à 70 % des patients présenteraient des manifestations sub-syndromiques inter-critiques. L. Judd et al. ont étudié les symptômes résiduels thymiques chez des patients bipolaires I (146 patients) et bipolaires II (86 patients) suivis durant environ 13 ans. Dans les deux cas, ils montrent que les troubles thymiques sont présents environ la moitié du temps (47,3 % du temps chez les types I : dépression = 31,9 % ; manie ou hypomanie = 8,9 % ; mixte = 5,9 %. Et 53,9 % du temps chez les types II : dépression = 50,3 % ; hypomanie = 1,3 % ; mixte = 2,3 %). Ils montrent également que les symptômes sub-syndromiques hypomaniaques ou dépressifs mineurs sont trois fois plus fréquents que les symptômes dépressifs et maniaques caractérisés. Ils soulignent donc l’évolution souvent chronique des troubles bipolaires de type I comme de type II [23, 24]. Le déficit neuropsychologique intercritique apparaît également plus fréquent et plus constant que ce que l’on pensait initialement, avec des altérations des capacités d’attention, de la mémoire et des fonctions exécutives, le déficit cognitif étant associé à une qualité de vie médiocre [7, 11, 39]. Un important travail de S. McElroy et al. a évalué la fréquence des troubles psychiatriques associés aux troubles bipolaires, soulignant l’importance des troubles anxieux et des abus de substance (figure 4) [40]. Une autre étude, l’étude de Zurich, a étudié le devenir de 219 patients souffrant de troubles bipolaires [3] ; elle montrait qu’environ 40 % des patients seulement étaient en rémission fonctionnelle. De nombreuses études s’intéressent au handicap social de la maladie bipolaire. Elles retrouvent une incapacité de travail pour environ 30 % du temps chez les bipolaires I et pour environ 20 % du temps pour les troubles bipolaires II et les troubles dépressifs récurrents. L’altération du fonctionnement psychosocial (Longitudinal Interval Follow-up Evaluation) concernerait plus de 50 % du temps de ces patients, avec une capacité satisfaisante de travail chez environ un quart seulement des patients. Il en résulte bien sûr une altération de la qualité de vie [14, 21, 26, 51]. On retrouve également pour les schizophrénies des comorbidités psychiatriques, somatiques et addictives [6, 16, 38]. De nombreuses études de suivi ont été menées [1, 13, 33, 42]. D’une façon générale, elles mettent en évidence des altérations de la qualité de vie très comparables chez les patients souffrant de troubles bipolaires et chez ceux souffrant de schizophrénie [53]. Les grandes études européennes de suivi des patients schizophrènes, déjà anciennes, montraient des taux d’évolutions favorables et défavorables similaires, d’environ 50 % [10, 12, 22]. Une étude plus récente [48] retrouve, parmi 1 010 patients souffrant de schizophrénie, 10 % de patients en rémission complète, symptomatique et fonctionnelle, et 34 % de patients en rémission symptomatique complète mais sans amélioration fonctionnelle satisfaisante. S176 B. Bonin Anorexie nerveuse Boulimie nerveuse Troubles alimentaires Troubles anxieux généralisés Stress post-traumatique Troubles obsessionnels-compulsifs Phobie simple Phobie sociale Trouble panique/Agoraphobie Troubles de l’anxiété Toxicomanie aux opiacés Toxicomanie aux tranquillisants Toxicomanie à la cocaïne Toxicomanie aux stimulants Toxicomanie au cannabis Alcoolisme Dépendances 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 Pourcentage de comorbidité : Comorbidités psychiatriques de l'axe I. Pourcentage de comorbidités chez les patients bipolaires recrutés pour le réseau collaboratif de la Stanley Foundation [40] Figure 4 Fréquence des troubles psychiatriques associés aux troubles bipolaires. Enfin, les premiers résultats d’une étude encore en cours ont été publiés très récemment [9], portant sur 265 patients suivis pendant 5 ans après un premier épisode psychotique ; ils montrent que la proportion de patients en rémission fonctionnelle s’accroît au fil du temps. Pronostic La qualité de l’intervalle libre et la qualité de la rémission conditionnent le pronostic. Ainsi, en ce qui concerne les troubles bipolaires, l’existence de symptômes inter-critiques augmente le risque de récidive. Dans la schizophrénie, la notion de période critique est importante, la qualité d’évolution du trouble schizophrénique au cours des 5 premières années semblant conditionner l’évolution ultérieure [30]. Pour améliorer la qualité de l’intervalle libre ou de la rémission, il faut favoriser l’alliance thérapeutique et la continuité du traitement pharmacologique et psychothérapique, permettre un repérage précoce des symptômes de récidive, soigner les comorbidités, mettre en place une éducation thérapeutique du patient et de sa famille, favoriser le maintien des liens avec l’entourage et le renforcement des liens sociaux, favoriser la qualité de vie, et engager une remédiation cognitive [44, 49]. Conclusion La notion d’intervalle libre renvoie à l’évolution spontanée, qui est sensible à l’environnement et à la thérapeutique ; cette notion représente d’une certaine manière la signature de la chronicité. La notion de rémission est associée à celle de réponse à une thérapeutique, en fonction de l’évolution spontanée. Elle constitue un message d’espoir pour le rétablissement et la guérison de l’accès [52]. On peut rappeler, pour terminer, les définitions du Manuel d’A. Porot, en 1952, soulignant les aspects évolutifs et médicolégaux [45]. La rémission y est définie comme l’atténuation plus ou moins marquée des symptômes pouvant annoncer une guérison, et l’intervalle libre comme une période de rémission, plus ou moins complète, et plus ou moins longue, au cours d’un état d’aliénation mentale. Porot définit également le « moment lucide », court éclair de lucidité dans une maladie dont l’évolution n’est pas interrompue, et « l’intermission », retour complet à l’état normal entre deux accès, dans les psychoses maniaques et mélancoliques intermittentes ou à double forme. Dans tous les cas, il ne faut cependant pas perdre de vue que, même durant les intervalles libres ou les périodes de rémission, la stigmatisation de la maladie mentale demeure… Références [1] Addington J, Addington D. Symptom remission in first episode patients. Schiz Res 2008 ; 106 : 281-5. [2] Andreasen NC, Carpente WT, Kane JM et al. Am J Psychiatry 2005 ; 162 (3) : 441-9. [3] Angst J, Sellaro R. Historical perspectives and natural history of bipolar disorder. Bipolar Disorder 2000 ; 48 : 445-57. [4] Azorin JM. Évolution de la notion de rémission dans la schizophrénie. Encéphale 2005 ; 31 : 7-10 (cahier 2). [5] Baillarger J. De la folie à double forme. Ann Med Psychol 1854 ; 6 : 369-84. 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