Intervalle libre et/ou rémission S175
Les symptômes résiduels peuvent être liés à la chronici-
sation, à la résistance au traitement, aux effets indésira-
bles des psychotropes, mais aussi aux retentissements des
accès sur les conduites sociales et sur la personnalité.
Le caractère toujours actif de la maladie est évoqué, compte
tenu du fait que ces symptômes résiduels sont un facteur de ris-
que de récidive [25]. Et jusqu’à 70 % des patients présenteraient
des manifestations sub-syndromiques inter-critiques.
L. Judd et al. ont étudié les symptômes résiduels thymi-
ques chez des patients bipolaires I (146 patients) et bipolai-
res II (86 patients) suivis durant environ 13 ans. Dans les
deux cas, ils montrent que les troubles thymiques sont pré-
sents environ la moitié du temps (47,3 % du temps chez les
types I : dépression = 31,9 % ; manie ou hypomanie = 8,9 % ;
mixte = 5,9 %. Et 53,9 % du temps chez les types II : dépres-
sion = 50,3 % ; hypomanie = 1,3 % ; mixte = 2,3 %). Ils mon-
trent également que les symptômes sub-syndromiques
hypomaniaques ou dépressifs mineurs sont trois fois plus
fréquents que les symptômes dépressifs et maniaques carac-
térisés. Ils soulignent donc l’évolution souvent chronique
des troubles bipolaires de type I comme de type II [23, 24].
Le défi cit neuropsychologique intercritique apparaît éga-
lement plus fréquent et plus constant que ce que l’on pensait
initialement, avec des altérations des capacités d’attention,
de la mémoire et des fonctions exécutives, le défi cit cognitif
étant associé à une qualité de vie médiocre [7, 11, 39].
Un important travail de S. McElroy et al. a évalué la
fréquence des troubles psychiatriques associés aux troubles
bipolaires, soulignant l’importance des troubles anxieux et
des abus de substance (fi gure 4) [40].
Une autre étude, l’étude de Zurich, a étudié le devenir
de 219 patients souffrant de troubles bipolaires [3] ; elle
montrait qu’environ 40 % des patients seulement étaient en
rémission fonctionnelle.
De nombreuses études s’intéressent au handicap social de
la maladie bipolaire. Elles retrouvent une incapacité de tra-
vail pour environ 30 % du temps chez les bipolaires I et pour
environ 20 % du temps pour les troubles bipolaires II et les
troubles dépressifs récurrents. L’altération du fonctionne-
ment psychosocial (Longitudinal Interval Follow-up
Evaluation) concernerait plus de 50 % du temps de ces
patients, avec une capacité satisfaisante de travail chez
environ un quart seulement des patients. Il en résulte bien
sûr une altération de la qualité de vie [14, 21, 26, 51].
On retrouve également pour les schizophrénies des comorbi-
dités psychiatriques, somatiques et addictives [6, 16, 38]. De
nombreuses études de suivi ont été menées [1, 13, 33, 42]. D’une
façon générale, elles mettent en évidence des altérations de la
qualité de vie très comparables chez les patients souffrant de
troubles bipolaires et chez ceux souffrant de schizophrénie [53].
Les grandes études européennes de suivi des patients
schizophrènes, déjà anciennes, montraient des taux d’évo-
lutions favorables et défavorables similaires, d’environ
50 % [10, 12, 22].
Une étude plus récente [48] retrouve, parmi
1 010 patients souffrant de schizophrénie, 10 % de patients
en rémission complète, symptomatique et fonctionnelle, et
34 % de patients en rémission symptomatique complète
mais sans amélioration fonctionnelle satisfaisante.
En 2005, N. Andreasen a défi ni le niveau nécessaire de
symptômes pour parler de rémission : note de sévérité à la
PANSS ≤ 3 pour 8 items durant au moins 6 mois (idées déli-
rantes, contenu inhabituel de la pensée, activité hallucina-
toire, désorganisation conceptuelle, maniérisme et troubles
de la posture, émoussement affectif, repli social, absence
de fl uidité et de spontanéité dans la conversation) [2].
Plus récemment, en 2007 et 2008, S. Leucht et J. Kane
ont repris ces critères en défi nissant des critères de réponse
comme une amélioration clinique de la psychopathologie
(indépendamment de la persistance ou non de symptômes)
avec une réduction des scores de 50 % à la BPRS et à la
PANSS, et des critères de rémission, où le patient ne pré-
sente plus de symptômes signifi catifs, avec 8 items de la
PANSS d’intensité faible ou moyenne depuis au moins
6 mois.
S. Leucht et J. Kane soulignent l’intérêt de l’échelle
CGI à 7 stades, et insistent surtout sur l’importance de défi -
nir des critères de rémission et de guérison qui soient una-
nimement acceptés [35, 36].
Clinique de l’évolution
Les troubles bipolaires sont considérés, de façon globale,
comme des troubles de bon pronostic, en particulier du fait
des intervalles libres. Néanmoins, la période inter-critique
est évoquée par certains comme une phase pathologique à
part entière, du fait du handicap fonctionnel associé [23].
La maladie maniaco-dépressive est en effet réputée
évoluer vers des guérisons symptomatiques et des retours
à l’adaptation sociale antérieure, mais on constate fré-
quemment une chronicisation des troubles, avec la persis-
tance d’une symptomatologie discrète et de diffi cultés
d’adaptation chez au moins un tiers des patients bipolai-
res, la survenue d’abus ou de dépendance à l’alcool chez
8 à 10 % des patients, et une surmortalité, en particulier
par suicide [43].
Le DSM IV-TR décrit les modalités évolutives habituelles
des troubles bipolaires. Dans le trouble bipolaire de type I,
la majorité des sujets présente une réduction symptomati-
que signifi cative entre les épisodes, mais on constate chez
20 à 30 % une labilité de l’humeur et d’autres symptômes
résiduels, et chez 60 % des diffi cultés chroniques interper-
sonnelles ou professionnelles entre les épisodes aigus.
Une guérison incomplète entre les épisodes apparaît
par ailleurs plus fréquente lorsque l’épisode en cours s’ac-
compagne de caractéristiques psychotiques non congruen-
tes à l’humeur.
Dans le trouble bipolaire de type II, la majorité des
sujets récupère un niveau de fonctionnement complète-
ment normal entre les épisodes, mais 15 % des sujets pré-
sentent une labilité de l’humeur, et des diffi cultés
relationnelles ou professionnelles.
Les symptômes intercritiques sont de différents types.
On observe des symptômes résiduels (troubles thymiques
dépressifs, hypomaniaques ou mixtes ; troubles cognitifs),
un risque suicidaire accru, des comorbidités psychiatriques
ou somatiques fréquentes, une évolution vers la cyclothy-
mie, et une altération du fonctionnement social.