Les professionnels sont-ils responsables de la souffrance des patients ? Quand cette souffrance est due a la maladie, aux conditions de vie ou aux institutions, bien sur que non. Quand elle est due au systeme de sante ou a ses professionnels, tout soignant est concerne. Dans un conflit entre patient et soignant, la parole du patient devrait être prise en compte au même titre que celle du professionnel. Et avoir le même poids. Or, dans les faits, parce que nous vivons dans une societe hierarchisee, c'est loin de se passer comme ça. La paroles des patients est souvent mise en question des l'enonce de leur maladie ou de leurs plaintes. Alors, quand ils invoquent la maltraitance, elle l'est encore moins. Comment alors, les soignants eux-memes pourraient-ils attendre que les patients prennent en compte leur souffrance ? Les patients n'ont pas pour vocation de soigner les soignants. Et s'ils ont le sentiment de n'etre pas entendus par beaucoup de soignants, pourquoi les entendraient-ils en retour ? Les deux souffrances existent. C'est tout ce qu'on peut dire. Et elles doivent être envisagées séparément, et non comme deux souffrances qui s'opposent. Un conflit qui empêche de lutter contre les véritables causes A l'heure actuelle, les patients reprochent aux soignants de terrain (qui sont en position de les ecouter) les souffrances que d'autres leur ont fait subir. Et qu'ils n'ont pas pu denoncer. Quand les professionnels sont hésitants à les croire, parce qu'ils se sentent impuissants ou submergés, les patients prennent ces hésitations comme une fin de non-recevoir et une forme de collusion. Et dans le même temps, les soignants de terrain reprochent aux patients de ne pas tenir compte de leurs conditions de travail. Cette incompréhension mutuelle alimente les conflits (verbaux, sinon physique) et empêche les deux camps de s'unir et d’œuvrer ensemble contre la cause commune de ces inégalités et de ces souffrances : un système élitiste, qui dessert la majorité des citoyens et exploite la majorité des professionnels de santé. Un système qui ne fait que reproduire, de manière aiguë, l'élitisme et les inégalités de la société française dans son ensemble. Source MARTIN WINCKLER (extraits) l’école des soignants EVREUX 02.32.33.82.69 VERNON 02.32.71.64.32 L’ENQUETE du Petit Papier De la C.G.T Dans notre société élitiste, ascension économique et inégalités sociales cohabitent. Face aux exigences institutionnelles et aux conditions de vie, les patients et les soignants en pâtissent. Chacun souffre isolément face à une incompréhension réciproque, les menant ainsi à des conflits qui n'auraient pas lieux d'être… Explications. Le professionnel de santé a choisi son métier Souffrances de part et d'autre Il est bon de rappeler que les professionnels de santé sont a priori au service du patient. Ils ne leur font pas une faveur en s'occupant d'eux. Ils font leur travail. Pour un professionnel de santé, la bienveillance n'est pas optionnelle. Elle n'est pas une convention sociale, mais fait partie de ses obligations. Être bienveillant, ça fait partie du boulot. Ça ne veut pas dire qu'il doit tout encaisser sans rien dire, bien entendu. Face à un patient désagréable ou agressif, le professionnel est en droit de dire qu'il ne peut pas travailler dans ces conditions et de demander qu'il se calme. S'il ne le fait pas, il est aussi en droit de lui dire : Je ne peux pas m'occuper de vous si vous êtes dans cet état. Les patients souffrent. Comme leur nom l'indique. Ils souffrent d'être malades, mais aussi de leurs conditions de vie, de la situation économique et parfois du comportement de certains soignants, de certaines institutions. Beaucoup de professionnels de santé souffrent. C'est tout aussi indéniable. Ils souffrent en particulier d'être pris entre deux feux : d'une part, leur métier comporte son lot de pressions, souvent intolérables : le suicide est fréquent dans les professions de santé, plus que dans la population générale ; le burn-out et la dépression extrêmement répandus. D'autre part, les pressions sont vives de la part du système, qu'on exerce en institution ou en libéral. Et dans un pays où la seule solution aux coûts de la santé consiste à pratiquer des coupes, tout le monde est susceptible de souffrir. Enfin, les soignants souffrent par ricochet de la souffrance institutionnelle (ou d’État) que subissent les patients. Un patient au chômage, harcelé moralement ou criblé de dettes, par exemple, a beaucoup de motifs d'être désagréable ou agressif avec un professionnel de santé. Non que le professionnel en question y soit pour quelque chose, mais parce qu'il est dans une position paradoxale : il est censé soulager le patient, mais il doit parfois le faire dans des conditions impossibles. Et il est en première ligne. Alors, c'est lui (ou elle) qui prend. Et là encore, les deux côtés campent sur leurs positions : les exigences des patients semblent démesurées au professionnel qui manque de moyens, l'impuissance ou la fatigue du soignant sont perçues comme un rejet par le patient qui s'adresse à lui de bonne foi. En tant que tel, il a des obligations (morales, déontologiques, légales). Et l'une de ses obligations, est d'être bienveillant et respectueux envers tous les patients. Professionnellement parlant, c'est meme mieux de dire calmement a un patient que s'il est trop enerve, on ne peut pas l'aider : la communication etant impossible, le soin l'est aussi. Souvent, les choses se calment. Quand on prend le temps de les laisser se calmer. Le calme d'un soignant calme le patient. La colere accentue leur agressivite. C'est de la psychologie elementaire. Malheureusement, on n'enseigne pas aux medecins la maniere de desamorcer l'agressivite d'un patient. On devrait. On le fait dans d'autres pays, et ça profite a tout le monde. Une double souffrance… et laquelle ? Souffrance des patients et souffrance des soignants sont deux problèmes distincts. Et quand l'incompréhension mutuelle est si grande, les conflits sont inévitables. Il y a donc de la souffrance de part et d'autre et chacune des deux ignore l'autre. Il y a cependant des différences, et il est important de les rappeler… La souffrance des patients est liee d'abord a la maladie et a leurs conditions de vie ou de travail, ensuite parfois a certains professionnels, a certaines institutions de soins. Les professionnels font ce qu'ils peuvent. (Au moins pour "ne pas nuire".) Les patients reprochent aux soignants de terrain [...] les souffrances que d'autres leur ont fait subir. […] les soignants de terrain reprochent aux patients de ne pas tenir compte de leurs conditions de travail. La souffrance des soignants est provoquee d'abord et avant tout par les institutions, des l'ecole (de medecine, d'infirmieres(iers), de sages-femmes) jusqu'aux administrations de l’Etat, en passant par les etablissements de soin. De maniere occasionnelle, les professionnels subissent aussi les eclats des patients. Et ce sont toujours les memes soignants qui les subissent, comme on le verra plus loin. L'un l'a choisi, l'autre l'a subi Le patient n'a pas choisi d'être malade Il le subit, comme il subit le reste de ses conditions de vie ; et l'appel qu'il fait au soignant vise au moins a attenuer la situation de maladie ; a l'egard des professionnels de sante, il n'a pas d'obligations particulieres pas plus qu'a l'egard des enseignants, de la police ou des fonctionnaires de La Poste. Un patient n'est pas oblige de faire confiance a un medecin. La confiance, ça se merite. Et tous les medecins savent que les patients les testent un certain temps avant de la leur accorder. Cela dit, l'immense majorite des patients sont gentils et courtois avec les medecins et leur font confiance. Quand les patients sont desagreables, c'est inconfortable, voire insupportable pour les professionnels mais ça n'est pas une infraction a un code ou a des lois, c'est une attitude personnelle. NE PAS JETER SUR LA VOIE PUBLIQUE Il n'est pas possible de comparer ces deux situations de souffrance ; pas plus qu'on ne peut comparer la souffrance des manifestants matraques a celle, reelle, de certains membres des forces de police1. Les deux souffrances existent. C'est tout ce qu'on peut dire. Et elles doivent etre envisagees separement, et non comme deux souffrances qui s'opposent. Les patients sont-ils responsables de la souffrance des soignants ? S'ils ne sont ni agressifs ni insultants, non. Ils sont soumis aux memes lois, aux memes contraintes (et souvent a des contraintes pires). Et en plus, ils consultent parce qu'ils sont obliges, pas par plaisir ou pour mettre expres les medecins en echec avec des problemes insolubles.