172 V. Fonteille, S. Stoléru
niques permettent d’étudier le cerveau dans son ensemble,
ainsi que les interactions entre régions cérébrales.
Après une présentation succincte des méthodologies
employées, nous exposerons les principaux résultats issus
des travaux menés sur les corrélats cérébraux du désir et de
l’excitation sexuels chez les sujets masculins sans troubles
cliniques.
Méthodologie des études en neuro-imagerie
fonctionnelle de l’excitation sexuelle
Les méthodes d’imagerie fonctionnelle reposent sur le pos-
tulat qu’il existe un couplage régional entre le niveau de
l’activité neurale, la consommation d’énergie et le débit
sanguin. Concernant les paradigmes expérimentaux, la plu-
part des études sur le désir sexuel utilisent des stimuli
de nature visuelle (films et/ou photographies), mais on
peut aussi trouver des études qui font appel à d’autres
modalités sensorielles tels que le toucher (Georgiadis et
Holstege, 2005), l’odorat (Huh et al., 2008 ;Savic et al.,
2001) et l’audition (Ethofer et al., 2007). Par ailleurs,
il est important de choisir une bonne condition contrôle
car les analyses «soustractives »consistent à soustraire au
signal enregistré dans la condition sexuelle le signal enre-
gistré dans une condition contrôle non sexuelle : «Condition
sexuelle — Condition contrôle ». Pour identifier les régions
cérébrales impliquées spécifiquement dans l’excitation
sexuelle, les stimuli contrôles devraient idéalement avoir
exactement les mêmes caractéristiques que les stimuli
sexuels, à l’exception de la nature de leur contenu — sexuel
ou non sexuel. Cependant, le nombre de personnages
apparaissant dans les stimuli des différentes conditions,
les caractéristiques des images (luminosité, résolution,
contraste) et les caractéristiques des personnages (gros plan
versus vue en pied, orientation du regard, expression des
visages, etc.) ne semblent pas avoir été rigoureusement
contrôlés dans les études.
Régions cérébrales impliquées dans
l’excitation sexuelle chez les sujets sains
Aires corticales visuelles et cortex inférotemporal
La grande majorité des études rapportent une activation des
aires corticales visuelles extrastriées et du cortex inféro-
temporal, notamment du gyrus fusiforme, en réponse à des
stimuli sexuels. Deux interprétations sont ainsi possibles :
•cette activation est réellement due à la nature sexuelle
des stimuli sexuels ;
•elle est simplement le résultat de stimuli contrôles
inadéquats du fait d’une différence au niveau des caracté-
ristiques des stimuli visuels dites de «bas niveau », comme
la couleur ou la luminance.
Une des fac¸ons appropriées de répondre à cette der-
nière hypothèse est d’étudier deux groupes de sujets
d’orientations sexuelles différentes et de comparer les
réponses des aires corticales visuelles aux mêmes stimuli
sexuels, qui représentent des stimuli sexuels pour un groupe
et des stimuli non sexuels pour l’autre groupe (Paul et al.,
2008 ;Ponseti et al., 2006). Ces deux études suggèrent que
la réponse des aires visuelles n’est pas spécifiquement liée à
l’excitation sexuelle car on n’observe pas d’activation plus
importante dans le groupe pour lequel les stimuli sexuels
sont appropriés. Une autre fac¸on d’aborder le problème de
stimuli contrôles potentiellement inadéquats est d’étudier
la corrélation entre la réponse des aires visuelles et un indi-
cateur comportemental de la réponse sexuelle. Comme le
degré d’activation des aires corticales et du cortex infé-
rotemporal se révèle corrélé avec le niveau de la réponse
érectile (Arnow et al., 2002 ; Ferretti et al., 2005 ; Moulier
et al., 2006), ces régions corticales semblent répondre à
la nature sexuelle de ces stimuli. Phan et al. (2002) ont
noté que les stimuli visuels émotionnels induisaient une
activation du cortex occipital dans 60 % des 35 études sur
l’imagerie cérébrale des émotions qu’ils ont répertoriées.
En particulier, Sabatinelli et al. (2007) ont montré que
le cortex occipital latéral était activé bilatéralement par
des stimuli sexuels visuels et par des stimuli déplaisants
représentant des mutilations. Ainsi, ces régions visuelles
répondent à la nature émotionnelle et à la nature sexuelle
des stimuli dans la mesure où ces derniers stimuli génèrent
une émotion intense et non uniquement à leurs caracté-
ristiques visuelles. Il est donc probable que le degré élevé
d’émotion et/ou d’attention suscité par les stimuli érotiques
entraîne un effet modulateur de type top-down sur les aires
visuelles extrastriées.
Cortex orbitofrontal
Le cortex orbitofrontal (COF) est impliqué, chez les pri-
mates non humains et chez les êtres humains, dans
l’attribution d’une signification motivationnelle à certains
stimuli renforc¸ateurs tels que les odeurs ou les stimuli
tactiles agréables (Rolls, 2000). Cette activation orbitofron-
tale décrite pour les stimuli motivationnels non sexuels se
produit également pour les stimuli sexuels. Ainsi, le COF
jouerait un rôle similaire dans l’évaluation de la perti-
nence motivationnelle des stimuli sexuels. En effet, chez
des hommes hétérosexuels et des femmes homosexuelles,
la présentation de visages féminins attirants provoque une
forte activation dans le COF médial par comparaison avec
la présentation de visages d’hommes (Ishai, 2007). Ainsi,
ces résultats suggèrent que le COF évalue la valeur sexuel-
lement pertinente des visages, ce qui est cohérent avec
d’autres études sur le rôle du COF dans l’évaluation de la
beauté des visages (Aharon et al., 2001 ; O’Doherty et al.,
2003). En revanche, les différences entre les rôles joués
par les diverses parties du COF (médiale versus latérale)
dans l’évaluation de la pertinence des stimuli sexuels res-
tent assez confuses. Tandis que pour certaines études, le
COF médial serait impliqué dans l’évaluation de l’attirance
pour les visages (Ishai, 2007 ; O’Doherty et al., 2003) et dans
l’excitation sexuelle (Safron et al., 2007), d’autres études
ont trouvé des activations dans des aires plus latérales
(Aharon et al., 2001 ; Karama et al., 2002 ; Kim et al., 2006;
Moulier et al., 2006 ; Redouté et al., 2000 ;Stoléru et al.,
1999 ;Tsujimura et al., 2006). Cette prédominance pour une
activation plus latérale du COF dans l’excitation sexuelle
est en contradiction avec le fait que l’activité dans le COF