– Revue de philosophie politique de l’ULg – N°3 – Février 2010 – p. 120
Comme on l’a dit, ce Pacte est par ailleurs marqué par un engagement
purement volontaire de l’entreprise – le texte du GC y insiste – qui ne s’articule donc à
aucune forme de mesure, qu’on comprenne le mot « mesure » comme réglementation
ou comme évaluation (celle-ci supposant la possibilité d’un jugement objectif et
extérieur). Bref, il semble n’exister que par ce qu’il évite3, reposant ainsi à première vue
sur le pari d’un sens de la responsabilité, d’une hypothétique bonne foi dans
l’engagement, d’une bonne volonté de l’entreprise, mais nous laissant dépourvus des
critères du bon ou de l’éthiquement responsable permettant d’apprécier le bien fondé
d’un tel pari. Face aux textes du GC, nous nous trouvons donc précisément devant ce
que nous cherchons à analyser, à savoir : un « pur » discours – certes dépourvu de
toute pureté (s’il faut entendre le fait qu’il appartiendrait à un genre de discours donné
de manière précise), mais qui ne vaut que par sa production comme discours. Et ce
discours trouve sa « pureté » (à savoir cette pureté de la seule manifestation) dans le
fait même de ne pouvoir être compris que comme une promesse s’il appartient bien à
une logique de responsabilisation sociale.
Il est d’ailleurs intéressant de noter comment le GC, qui ne cesse de se
présenter comme un engagement volontaire et dépourvu d’enjeux contraignants,
parvient à justifier l’existence de cette obligation, même purement générique, de
communiquer, de rendre compte de son engagement : dès lors que le pacte est un
engagement purement volontaire qui ne s’appuie sur aucune contrainte et qui ne peut
donner lieu à aucune évaluation, et que c’est engagement n’est en conséquence qu’un
engagement à progresser (et non pas un engagement au respect de certains principes
ou de certains buts préalablement définis4), l’intégrité même de ce pacte réclame que
l’engagement soit constaté sous peine de ne rien signifier. Telle est bien l’étrange
contractualité minimale propre à la promesse : l’obligation de constat qu’elle implique
découle de son caractère volontaire et tendanciel. Comme le dit le texte du GC, « une
démarche volontaire perd de son intérêt et de sa crédibilité si elle ne permet pas de
constater les progrès accomplis »5. Nous devons en réalité communiquer
dès lors
que
nous refusons toute contrainte. Et cette communication ne peut représenter un
engagement que comprise comme une promesse. C’est ce mouvement même de
réduction de l’engagement à une promesse et ses implications que nous entendons
analyser ici.
3Voir à ce sujet T. Berns et G. Jeanmart, «La responsabilité qui s’impose. Le cas de la responsabilité
sociale des entreprises »,
Traduire nos responsabilités planétaires. Recomposer nos paysages
juridiques
, (sous la direction de C. Eberhard), Editions Bruylant, 2008, p. 409-427.
4Voir T. Berns et L. Blésin, « Le devenir contractuel du Global Compact », in :
Repenser le contrat
, G.
Lewkowicz et M. Xifaras (éd.), Dalloz, Paris, 2009, en particulier p. 250 à 253.
5Cf. « Guide pratique de la communication sur le progrès »,
http://www.un.org/french/globalcompact/guide.htm