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Le Journal de RIC-SUD - JUIN 2016
CORTICOTHERAPIE AU LONG COURS ET CONSEILS HYGIENO-DIETETIQUES : LES PATIENTS
NOUS RACONTENT - Muriel NOGUE, Yves-Marie PERS
A l’heure actuelle, la corticothérapie
reste un traitement très utilisé, notamment en
rhumatologie, et ce malgré le développement des
biothérapies qui représentent pourtant un grand
pas en avant dans le traitement de fond de nom-
breux rhumatismes. La corticothérapie peut être
utilisée à forte dose dans les poussées de polyar-
thrite rhumatoïde par exemple, et parfois en traite-
ment de fond à des doses moins élevées. On esti-
me que 0,75% de la population globale est concer-
née par une corticothérapie au long cours, c'est-à-
dire d’une durée de plus de trois mois.
Ce traitement est désormais bien connu,
et notamment ses effets indésirables potentiels qui
peuvent apparaitre dès les premières semaines de
traitement comme le diabète cortico-induit, l’hy-
pertension, la prise de poids, l’irritabilité, ou au
bout de plusieurs mois ou années, comme l’ostéo-
porose. Les médecins proposent en prévention de
ces effets indésirables, différents conseils hygiéno-
diététiques, qui restent difficiles à mettre en place
dans le quotidien des patients (régimes hyposodés,
hypoglucidiques, hyper protéinés, riches en calcium
et en vitamine D...).
Nous nous sommes donc demandés quelles
étaient les difficultés que rencontraient les per-
sonnes sous corticothérapie face à ces conseils.
Pour évaluer ces difficultés, nous avons donné la
parole aux patients.
Nous nous sommes intéressés tout
d’abord à la relation du patient à son traitement,
qui conditionne sa prise quotidienne et son effica-
cité. Les patients ont témoigné d’une grande ambi-
valence face à la corticothérapie. On notait en effet
une bonne image globale de la cortisone : « De
prendre de la cortisone ça me permet de vivre tous
les jours, d’être normale. » , avec cependant une
grande crainte des effets indésirables potentiels :
« On s’inquiète, pour les reins, le foie … les os. » et
un sentiment d’impuissance face à ces effets : «
C’était de me voir déformée, prendre une taille, je
pouvais pas maîtriser, rien à faire, c’est dur, c’était
surtout ça qui me désespérait. »
Quand on questionnait les patients sur
les éléments qui auraient pu les aider dans l’initia-
tion de la cortisone, et dans la relation au traite-
ment, certains évoquaient l‘information et l’expli-
cation comme issues : « Nous expliquer pourquoi,
pourquoi et à quoi ça sert et pourquoi le prendre »
mais surtout le choix des mots pour ne pas ef-
frayer : « Il faut dire d’abord la cataracte, pas dire
ça va vous rendre aveugle. » « Choisir les mots.», et
la nécessité de mieux mettre en évidence la balan-
ce bénéfice/risque du traitement.
Lorsqu’on abordait la question des
conseils hygiéno-diététiques, une notion apparais-
sait fréquemment, celui de régime strict « Donc ils
m'ont fait faire un régime hyper strict. », basé sur
des interdits : « J’avais pas droit à grand-chose. »,
imposé par le médecin et par la menace des effets
indésirables : « Mais je fais attention, parce que
déjà, j’ai peur du diabète. ». Ce chantage alimentai-
re s’accompagnait d’un retentissement psychologi-
que fort « J’ai craqué. J’ai fait une dépression. Le
tout cumulé… » , avec les notions de frustration « Il
faudrait que je mette un cadenas au frigo. », de
culpabilité : « Il suffit qu’on prenne un morceau
après on culpabilise, non, j’me fais du mal c’est pas
bien, j’ai mangé salé. » et de perte du plaisir ali-
mentaire.
Ici encore, lorsqu’on interrogeait les
patients sur la manière d’améliorer les conseils, ils
prônaient la non culpabilisation : «Qu’on me pré-
vienne de la prise de poids, mais qu’on présente pas
ça comme… comme quelque chose à surtout ne pas
faire. » de la souplesse dans le régime : « Que de
temps en temps bah, même si on a craqué pour un
sorbet, une glace, ou un gâteau, il fallait pas que ça
en fasse... que ça ne prenne pas une ampleur de
stress. » On retrouvait dans de nombreux entre-
tiens l’intérêt de présenter des astuces pratiques :
« Puis donner des petites astuces par exemple
comme je faisais moi par exemple dans la prépara-
tion des repas, commencer à préparer sans sel,
séparer sa part et rajouter en cours de cuisson le
sel, voilà quoi ».
Concernant l’acticité physique, les per-
sonnes interrogées mettaient en avant les diffi-
cultés liées à leur pathologie de fond et relevaient
ici encore la nécessité de conseils adaptés à leurs
douleurs et à leurs goûts personnels.
Nos patients, issus de suivi ambulatoire,
avaient pour la plupart une source de renseigne-
ments médicale via leur médecin, via des consulta-
tions diététiques ou la lecture des notices d’infor-
mation des corticoïdes, mais également des infor-
mations de la part de leur famille, d’internet, ou
même d’émissions télévisées. Il existait une gran-
de ambivalence face à l’information qui parfois
inquiète « Et bon après il faut faire attention à ce
qu’on lit parce que des fois ça fait plus peur qu’au-
tre chose. » « Alors les effets indésirables, après
voilà j’en parlerai peut être pas trop parce que des
fois ça peut faire peur, hein. » Cette notion de tri
d’information est revenue au fil des entretiens,
intervenant selon un mode conscient, volontaire :
« J’ai pas forcément trop écouté. » ou inconscient,
par défaut de mémorisation : « Parce que vous
savez ce qu’on vous dit quand vous sortez de l’hôpi-
tal, je suis resté deux jours à l’hôpital, ... on vous a
dit plein plein plein de choses, et mais « oui oui oui
oui oui », et puis le lendemain, « mais qu’est ce qu’il
m’a dit ? » ».
Les patients estimaient qu’une des
manières d’améliorer la qualité des informations
concernant le traitement et ses effets indésirables,
serait une information répétée, éventuellement
sous forme de support écrit pour une accessibilité
illimitée.
L’entourage n’était pas un thème à part
entière que nous pensions initialement aborder,
mais il semble s’être imposé à nous par lui-même,
au fil des entretiens, occupant une place importan-
te dans le vécu de la prise en charge et prenant
part aux difficultés des patients. En effet, l’entoura-
ge semblait décrit comme investit du besoin d’ai-
der le patient, de le protéger, du fait d’une inquié-
tude omniprésente « J’ai des amis qui s’inquié-
taient vraiment. ». Aidant pour certains, participant
aux mesures mises en place : « Maintenant ma
femme fait la cuisine sans sel », mais avec une
implication parfois vécue difficilement par les pa-
tients, avec un sentiment de contrôle extérieur : «
Ah tu devrais faire ci, du devrais faire ça. Mais tu
sais que tu es sous cortisone ?» parfois culpabilisan-
te. L’exclusion était une thématique reprise par de
nombreux patients, que ce soit en famille, avec les
amis, dans la vie de tous les jours. « Moi c'était plus
le stress de gêner les amis qui m'invitaient ou le
regard à l'extérieur au resto parce que bon, il y a
des serveurs ou des serveuses qui montrent bien
qu'on les emmerde si je peux m'exprimer ainsi. »
Et il est vrai que l’entourage est souvent
sollicité, informé sur la pathologie de fond mais
rarement sur les mesures à prendre en compte
avec un traitement comme la cortisone, ce qui
pourrait être une piste d’amélioration évoquée par
certains patients : « Donc plutôt une information
orale et éventuellement… Familiale aussi, enfin
familiale, l’entourage aussi parce que bon… »
L’ensemble des pistes d’amélioration
proposées par les patients pourrait entrer dans le
cadre d’un travail d’éducation thérapeutique à part
entière. Avec un temps éducatif collectif permet-
tant une information fiable sur des notions de
base, secondairement approfondies et adaptées à
chaque patient au cours d’un temps individuel. Le
tout pourrait être complété par un support écrit ou
un support informatique afin de pérenniser l’infor-
mation.
Le CHU de Montpellier travaille déjà
autour de ces pistes d’amélioration avec l’envie
d’améliorer la qualité de vie des patients sous
corticothérapie. Un support écrit à destination des
patients et des médecins généralistes est en cours
de rédaction avec la participation des spécialistes
et de médecins traitant qui utilisent la corticothéra-
pie, sous le regard expérimenté de patients volon-
taires.
http://ric-sud.com/