
MARIE-CHRISTINE JAMET
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Notre intention est de fournir une description et un classement des
différents emplois libres et figés en français, en exploitant les avancées
théoriques en linguistique, et plus particulièrement les recherches ouvertes
par Maurice Gross dans le domaine du lexique-grammaire qui portent sur les
relations entre les constructions syntaxiques des verbes et leurs signi-
fications.
Cette analyse est faite dans une optique comparative français/italien.
Toutefois elle ne cherche pas à expliquer les symétries et dissymétries entre
les deux langues, mais tout simplement à les souligner.
Le français et l’italien sont en effet les deux seules langues romanes natio-
nales3 qui possèdent un pronom clitique qui peut être complément d’un
verbe, d’un nom ou d’un adjectif4 (3):
(3) a. Je doute de son succès. J’en doute vraiment.
J’ai la certitude de son succès. J’en ai la certitude absolu.
Je suis sûr de son succès. J’en suis absolument sûr.
b. Dubito del suo successo. Ne dubito molto.
Ho la certezza del suo successo. Ne ho la certezza assoluta.
Sono sicuro del suo successo. Ne sono assolutamente sicuro.
Des verbes transitifs directs, transitifs indirects ou intransitifs admettent le
pronom en qui est un complément essentiel5; le pronom peut alors recouvrir
différents rôles sémantiques (thème ou objet, locatif, cause, moyen, etc.).
Ce pronom est en mesure de remplacer:
soit un groupe prépositionnel (SP) introduit par la préposition de en
français et di ou da en italien, suivies d’un nom (SPnom) ou d’un infinitif
(SPinf)6,
3 Le catalan et différentes langues régionales ont aussi un pronom similaire.
4 Maurice Gross utilise la dénomination plus neutre de Particule Préverbale (PPV). Nous
maintenons, par commodité, l’appellation de «pronom clitique» qui indique que le pronom se
comporte comme les autres clitiques du point de vue de son emploi anaphorique et de sa place
par rapport au verbe. Mais contrairement aux autres clitiques, le pronom en (comme y) est
invariable, ce qui lui a valu l’appellation traditionnelle de pronom adverbial, car il substitue
en principe un SP et pas un SN.
5 Le Goffic (1993) oppose complément essentiel à complément accessoire, et cette distinction
recouvre celle de la grammaire générative qui oppose les arguments internes ou éléments
nucléaires, qui sont liés au verbe, aux éléments extranucléaires présents dans la phrase (in La
Grande Grammatica di consultazione, vol 1: 34). Toutefois, la notion «d’argument interne»
inclut le sujet, alors que la notion de «complément essentiel» l’exclut.
6 Très souvent, le pronom remplace un groupe prépositionnel construit avec un pronom
démonstratif neutre, de cela, se référant sémantiquement au contexte antérieur, sans qu’il y ait