REVUE DE NEUROPSYCHOLOGIE
NEUROSCIENCES COGNITIVES ET CLINIQUES
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Article de synthèse
normale centrée réduite). Un indice de biais de réponse,
ou c, peut également être calculé. Exprimé comme la dif-
férence entre le critère du participant et le critère neutre
(situé exactement entre les deux distributions), il s’écrit :
c = (z(pHit) + z(pFA))/2, et sera ainsi positif si le participant
est conservateur, négatif si celui-ci est libéral.
Cette modélisation a pour intérêt principal de fournir un
score de performance (le d’) qui, contrairement au pourcen-
tage de réussite, est indépendant du critère du participant.
Aussi ce modèle a-t-il connu un grand succès pour la
mémoire de reconnaissance, mais, plus généralement, pour
toutes les tâches basées sur une discrimination.
Une composante de rappel dans la mémoire
de reconnaissance
Vers la fin des années soixante, il est apparu que
les résultats observés ne pouvaient être imputés au seul
processus de reconnaissance et il a été proposé qu’un
processus de rappel «post-reconnaissance »interviendrait
afin de vérifier le jugement de reconnaissance [8, 9]. En
1971, distinguant les effets de répétition et de taille de
liste sur les temps de latences des réponses, l’équipe
d’Atkinson propose un nouveau modèle de la mémoire
de reconnaissance : selon ces auteurs, le jugement le
plus précoce de reconnaissance serait basé sur une
sensation subjective de familiarité s’avérant quelquefois
insuffisante pour induire un choix et qui nécessiterait alors
une recherche explicite en mémoire (figure 1C, modèle
d’Atkinson [10]). Ainsi, un processus de récupération en
mémoire (appelé ultérieurement recollection) est intégré au
processus de la mémoire de reconnaissance.
Les deux processus ont dès lors fait l’objet de nom-
breuses tentatives de modélisation [10-14]. Si, à la fin des
années quatre-vingt-dix, ces modèles ne s’accordent pas
en tous points (e.g., processus indépendants, parallèles ?),
ils admettent unanimement que la mémoire de reconnais-
sance repose sur la contribution des deux processus [6]. La
familiarité, sentiment que l’item a déjà été rencontré pré-
cédemment, serait rapide et automatique. La recollection,
processus de récupération de détails associés à l’encodage
de l’item, serait à l’inverse contrôlée et plus lente.
Pour le modèle le plus populaire dans ce domaine, le
modèle Dual-Process Signal Detection (DPSD ; figure 1C
[15]), la recollection est décrite comme un processus à
seuil qui intervient ou non, suivant une certaine probabilité.
En cas de recollection, quel que soit l’indice de familiarité
obtenu indépendamment par le processus de familiarité,
la réponse du participant sera positive. Si aucune recollec-
tion n’a lieu, le processus de reconnaissance repose alors
simplement sur le processus de familiarité, qui se modélise
dans le cadre de la SDT. Si l’indice de familiarité dépasse le
«seuil-critère »du participant, la réponse sera alors posi-
tive. Ainsi, si le modèle DPSD postule l’indépendance des
deux processus, il est intéressant de remarquer que, dans le
cas d’une recollection, ce modèle postule que le résultat de
la reconnaissance reposera uniquement sur cette recollec-
tion. Les calculs visant à quantifier la contribution respective
de la familiarité et de la recollection dans beaucoup de para-
digmes expérimentaux utilisés aujourd’hui, dans les études
de neuro-imagerie et dans celles consacrées aux effets de
lésions cérébrales, se basent sur ce modèle.
Un processus n’est-il pas suffisant ?
La nécessité d’une contribution des deux processus à la
mémoire de reconnaissance a été contestée pendant long-
temps. En effet, plusieurs auteurs ont discuté la parcimonie
d’un tel modèle. Selon eux, la familiarité et la recollection,
avant tout distinguées sur la base de l’expérience subjective
rapportée à la reconnaissance, seraient en fait différen-
tiables simplement en termes de «force »de la mémoire
et ne constitueraient pas deux processus distincts [1, 16].
La mémoire de reconnaissance resterait modélisable dans
le cadre de la SDT, en ajoutant un second critère, qui
distinguerait les réponses basées simplement sur la fami-
liarité, rapportées sans recollection (à force de mémoire
faible), de celles rapportées avec recollection (à force de
mémoire forte) (cf. le modèle Equal-Variance Signal Detec-
tion [EVSD] ; figure 1B [1, 16]). Une version améliorée a
été proposée avec une variabilité plus grande pour les
items anciens que celle pour les nouveaux items (modèle
Unequal-Variance Signal Detection [UVSD] ; figure 1B
[3, 17]).
Cependant, pour les défenseurs d’une vision à deux pro-
cessus, les processus de familiarité et de recollection sont
de natures différentes, la première quantitative (un degré de
familiarité) quand la seconde serait qualitative (récupération
de détails ou non) [6]. De plus, les modèles à un seul proces-
sus se heurtent au cas particulier d’une expérience courante
du quotidien : le phénomène du «boucher dans le bus »
(butcher-in-the-bus phenomenon [11]). Ce phénomène cor-
respond à l’expérience de la reconnaissance manifeste d’un
visage, accompagnée pourtant d’une incapacité à se rappe-
ler qui est cette personne. Une telle reconnaissance se base
ainsi sur un fort sentiment de familiarité (avec grande confi-
ance), sans être accompagnée d’aucune recollection. Afin
de prendre en compte ce phénomène et les arguments en
faveur de la nature différente de la familiarité et de la recol-
lection, Wixted et Mickes ont proposé un modèle, basé sur
la SDT, mais à deux processus (modèle Continuous Dual-
Process [CDP] ; figure 1C). Selon cette conception, chaque
processus serait modélisable indépendamment par la SDT,
y compris la recollection qui serait alors considérée comme
un processus continu (contrairement à un processus à seuil
comme dans le DPSD).
De nombreux paradigmes
De nombreux paradigmes ont été développés afin
d’étudier les propriétés et les contributions respectives des
© John Libbey Eurotext, 2012