Introduction 1.1 La recherche non scientifique et la recherche

Introduction
1.1 La recherche non scientifique et la recherche scientifique
1.2 Les objectifs et les règles de la recherche scientifique
1.3 L’émergence des sciences humaines
1.4 La recherche en sciences humaines
1.5 Les étapes de la démarche scientifique
1.6 L’approche quantitative et l’approche qualitative
1.7 Les contraintes inhérentes à la recherche
Le chapitre 1 en un clin d’œil
Testez vos connaissances
Objectif
Expliquer les caractéristiques de la démarche scientifique
en sciences humaines
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Introduction
La violence, et en particulier les batailles, attire généralement beaucoup de specta-
teurs [aux parties de la Ligue nationale de hockey] aux États-Unis et au Canada.
Étonnamment, l’assistance aux parties tend à diminuer, toutes choses étant égales
par ailleurs, à mesure qu’augmente le nombre moyen de buts marqués par partie.
R. J. Paul. «Variations in NHL attendance: The impact of violence, scoring, and regional rivalries
(Discrimination and The NHL)», The American Journal of Economics and Sociology, vol. 62, nº 2,
2003, p. 345-365.
Après des décennies d’augmentation constante du taux de criminalité, le Canada et
les États-Unis connaissent maintenant leur première période de décroissance stable
de ce taux.
M. Ouimet. «Explaining the American and Canadian crime “drop” in the 1990s», Canadian
Journal of Criminology, vol. 44, nº 1, 2002, p. 33-51.
Dans l’ensemble, l’impact défavorable d’une augmentation du salaire minimum sur
l’emploi au Québec se répercute surtout sur les travailleurs de moins de 25 ans.
Ministère des Finances du Québec. «Impact du salaire minimum sur l’emploi. Estimations pour
le Québec de 1981 à 2000», Rapport d’analyse 2001-2002, février 2002, p. 90-98.
Les résultats qu’ont obtenus Page et coll. laissent croire à l’existence d’une relation
«dose-effet», voire d’une relation directe telle que, en Australie, au cours du XX esiècle,
la présence des conservateurs à la tête des deux niveaux de gouvernement est associée
à des taux de suicide plus élevés. ».
M. Shaw, D. Dorling et G. Davey Smith. «Mortality and political climate: how suicide rates have
risen during periods of Conservative goverment, 1901-2000», Journal of Epidemiology and
Community Health, vol. 56, nº 10, octobre 2002, p. 723-725.
Certains sont en faveur du travail à temps partiel, soutenant qu’il peut permettre aux
jeunes de développer de nouvelles compétences qui favoriseront plus tard leur intégra-
tion au marché régulier du travail. D’autres, au contraire, s’y opposent, alléguant que
le travail à temps partiel peut détourner les intérêts des étudiants de leurs études et
éventuellement conduire au décrochage.
Geneviève Fournier et coll.
«Travail à temps partiel chez un échantillon d’étudiant-e-s des niveaux secondaire et collégial
professionnels», Revue canadienne de l’éducation, vol. 22, nº 1, 1997, p. 1-17.
Plus d’un tiers des messages publicitaires [télévisés] montrant des enfants ont un
caractère agressif.
M.S. Larson. «Gender, race, and aggression in television commercials that feature children», Sex
Roles: A Journal of Research, janvier 2003, p. 67-76.
CHAPITRE 1
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L’importance et la nature de la recherche en sciences humaines 3
Les énoncés ci-contre constituent quelques exemples de résultats de travaux de recherche
en sciences humaines effectués selon diverses méthodes. On entend en effet régulière-
ment parler des résultats de travaux menés par des chercheurs en sciences humaines qui
œuvrent au sein d’une université, d’un organisme public ou d’une entreprise privée. L’ob-
jectif du présent ouvrage vise donc à décrire les méthodes utilisées par les chercheurs en
sciences humaines et à montrer pourquoi ces méthodes sont adéquates lorsqu’il s’agit de
mettre au jour et d’expliquer les faits caractérisant la vie en société.
L’intérêt pour les questions liées à la vie individuelle et collective ne représente qu’une des
nombreuses raisons pour lesquelles il importe de bien comprendre les méthodes de
recherche. S’il est vrai qu’on se pose des questions sur les êtres humains et leur organisa-
tion sociale depuis l’Antiquité, les réponses formulées au fil des générations ont trop sou-
vent été fondées sur des superstitions, des intuitions et des conjectures. Au cours des deux
derniers siècles, la situation a grandement évolué avec la mise au point de méthodes de
recherche plus systématiques. Des moyens scientifiques permettant de rassembler des
faits vérifiables se sont graduellement substitués aux intuitions et aux conjectures, ce qui
a donné lieu à un remarquable essor des connaissances au sujet des êtres humains et de
leur univers social.
L’expansion des méthodes de recherche scientifique a suscité l’émergence de diverses disci-
plines en sciences humaines qui ont mis l’accent sur les différents aspects de l’être humain.
Ainsi, le champ des sciences humaines englobe non seulement l’anthropologie, l’écono-
mique, la science politique, la psychologie, la sociologie, l’histoire et la géographie, mais
également des domaines d’études tels que la démographie, la téorologie (l’étude du tou-
risme), la théorie des jeux (l’étude des comportements stratégiques) et les communications.
La recherche en sciences humaines se distingue de la simple enquête sur des questions
sociales, laquelle s’appuie surtout sur le sens commun. Les explications fondées sur le sens
commun ne sont certes pas dépourvues de pertinence, mais le recours exclusif à celui-ci ne
permet pas de déterminer si les affirmations qui en découlent sont justes ou non. La
recherche en sciences humaines — et la recherche scientifique en général — est présente
dans la vie quotidienne de tous. Les médias traitent abondamment de rapports et de débats
engendrés par la recherche scientifique. Le taux de criminalité a-t-il augmenté l’année der-
nière? Le taux de décrochage scolaire est-il en hausse ? L’écart de revenus entre les
hommes et les femmes s’est-il rétréci depuis 10 ans? La famille traditionnelle est-elle en
voie de disparition? Les résultats de recherche concernant de telles questions exercent une
influence beaucoup plus profonde qu’on ne pourrait le croire à première vue.
De fait, la recherche en sciences humaines oriente souvent les opinions et les comporte-
ments de chacun. Par exemple, un lecteur ouvre son quotidien du matin et y découvre un
article signalant que le taux de chômage a fortement augmenté depuis un mois. Plus loin,
un autre article traite d’une étude ayant montré que les travailleurs sont plutôt pessimistes
quant à leur avenir et, pire encore, ceux qui travaillent dans le domaine même que vise ce
lecteur sont les plus préoccupés par leur situation future. Ces articles, dont la teneur pro-
vient sans doute de travaux de recherche en sciences humaines, auront certainement une
incidence sur l’opinion de ce lecteur en ce qui a trait à l’état de l’économie et à ses propres
perspectives d’emploi. Toutefois, sera-t-il en mesure de faire une évaluation critique des
résultats de recherche rapportés dans les médias?
Sciences humaines
Ensemble de disciplines
dans lesquelles les prin-
cipes du raisonnement
scientifique sont appli-
qués à différents aspects
de la vie humaine, dont
l’anthropologie, l’écono-
mique, la géographie,
l’histoire, la science
politique, la psychologie
et la sociologie.
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Tous les grands journaux et magazines publient régulièrement des articles relatant les
résultats de travaux de recherche en sciences humaines. En outre, les dirigeants qui ins-
taurent les grandes politiques sociales actuelles justifient souvent leurs décisions en invo-
quant les résultats de certaines études en sciences humaines, lesquelles servent alors de
fondements scientifiques aux politiques adoptées. Mais quels étaient les objectifs visés par
ces études? Quelles en sont les conclusions et où résident leurs principales faiblesses?
Les entreprises privées consultent également les résultats de travaux de recherche en
sciences humaines avant de prendre diverses décisions d’affaires et de gestion et avant de
déterminer les meilleurs moyens afin d’inciter les consommateurs à acheter leurs produits.
Des messages publicitaires mentionnent fréquemment que des tests ou des études ont
révélé qu’un produit donné est supérieur à un autre ou que les consommateurs préfèrent
un produit plutôt qu’un autre. Ces tests et ces études sont-ils fiables?
Compte tenu des innombrables utilisations de la recherche en sciences humaines, il est
essentiel de comprendre les avantages de ce type de recherche et de pouvoir en faire une
évaluation critique. Le présent ouvrage examine certains moyens d’obtenir une informa-
tion de grande qualité à partir des résultats de travaux en sciences humaines. Grâce à
l’étude des méthodes de recherche employées pour l’obtention de cette information, il
devient possible de procéder à une évaluation critique de la qualité de cette information.
La recherche non scientifique et
la recherche scientifique
Pourquoi faut-il disposer d’une information de qualité? Quelles sont les lacunes de l’in-
formation non scientifique? Pour bien répondre à ces questions, il faut d’abord définir
la nature générale de l’information et distinguer la recherche non scientifique de la
recherche scientifique.
L’information factuelle et la recherche non scientifique
Dans le monde moderne, la vie quotidienne fourmille d’informations. Lors d’une activité
sociale par exemple, il importe de connaître et de comprendre le milieu environnant afin
d’agir de manière convenable. On doit savoir ce qui s’y passe, saisir les causes sous-
jacentes de l’événement et connaître les attentes d’autrui. Tout ce savoir et toute cette
information forment habituellement ce qu’on nomme des convictions, des opinions et des
valeurs personnelles. Au fil des ans, on élargit ce savoir, on acquiert de l’expérience et on
se fie davantage à ses propres intuitions. Il peut alors être tout à fait bouleversant
d’apprendre que tout ce «savoir» est remis en question par la science! Aux yeux des cher-
cheurs, toutes les façons socialement acceptables d’acquérir des connaissances dans la vie
quotidienne peuvent se révéler erronées.
Une large partie de cette information susceptible d’être erronée provient de la famille, des
enseignants et d’autres autorités morales. Il s’agit d’une information traditionnelle: elle
indique les façons de faire qui sont appropriées parce qu’elles ont toujours été jugées telles.
Toute remise en question ou critique de ce type d’information est considérée comme blas-
phématoire ou profondément irrespectueuse. Dans le passé, cette information était
d’ailleurs presque toujours la seule qui existait. Il en est tout autrement aujourd’hui avec
CHAPITRE 1
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Autorités morales
Sources d’information
dont l’exactitude est
tenue pour acquise
en raison du respect
ou de la foi qui leur
sont accordées.
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L’importance et la nature de la recherche en sciences humaines 5
l’abondance de chaînes de télévision et de radio, de journaux, de revues et de livres.
Dès l’entrée à l’école, les élèves s’aperçoivent que leurs enseignants ont des idées qui dif-
fèrent de celles de leurs parents et que leurs camarades de classe en expriment d’autres
tout aussi variées. Ils découvrent alors rapidement que différentes personnes ou sources
d’information proposent plusieurs idées au sujet de ce qui est réel, approprié ou juste.
Comment peut-on faire un choix parmi un ensemble d’idées si diverses, voire opposées?
On apprend généralement à bien déterminer les règles spécifiques qui s’appliquent dans
une situation particulière, et on adapte ensuite son comportement ou son attitude en
conséquence. En d’autres termes, on fait un usage pratique de l’information sociale pour
mieux s’adapter à la vie en société. On ne réfléchit pas très longtemps à la teneur même de
cette information et on se demande rarement si elle est logique et cohérente ou même véri-
tablement exacte.
Quelles sont les caractéristiques de cette information sociale? Celle-ci repose d’abord et
avant tout sur la foi et les traditions, ou encore sur des méthodes empiriques figées. La foi
renvoie ici au fait qu’une chose est jugée irrévocablement vraie et qu’il est erroné de rejeter,
de critiquer ou même de tenter d’examiner et d’évaluer une croyance ou un acte. Les tra-
ditions désignent des prémisses pratiques portant sur des façons de faire et de penser qui
sont fondées sur des habitudes sociales. Ces prémisses consolident l’expérience vécue, la
structurent et lui donnent un sens, peu importe que la réalité leur soit conforme ou non.
Les préjugés représentent une forme extrême de règles stéréotypées, en vertu desquelles
sont formulées des généralisations au sujet d’un organisme ou d’un groupe spécifique
et sont définies les relations qu’une personne ou une collectivité doit établir avec ce
groupe. Lorsqu’une personne ne correspond pas au cliché, elle constitue alors l’exception
qui confirme la règle plutôt que de susciter un réexamen du stéréotype. On se sert chaque
jour d’une grande quantité d’information non critiquée qui oriente les observations faites,
alors que ce sont ces mêmes observations qui devraient orienter l’information en question.
Prenons l’exemple d’un enfant élevé dans un milieu où on lui a toujours dit que les
membres d’un certain groupe ethnique qu’il côtoyait très peu sont paresseux et vivent de
l’aide sociale. À l’âge adulte, remettrait-il en question son opinion s’il rencontrait un indi-
vidu issu de ce groupe et devenu le dirigeant d’une entreprise prospère? Il est fort probable
qu’il le considérerait comme une exception plutôt que de remettre en question son opi-
nion. Pourtant, s’il voulait véritablement bien connaître ce groupe, il devrait s’affranchir
de cette opinion stéréotypée et s’efforcer d’en observer et d’en étudier les membres.
Le monde d’aujourd’hui valorise l’information factuelle. On obtient en effet une grande
partie de cette information dans des médias comme la télévision, la radio, les journaux et
les revues; chacun sait cependant que cette information n’est pas toujours irréprochable.
En outre, les grands médias populaires donnent peu de détails sur chacun des sujets traités,
sous prétexte qu’ils peuvent ainsi en aborder un plus grand nombre et attirer un plus vaste
auditoire. Au lieu d’analyser les événements et d’en expliciter les causes, les bulletins de
nouvelles diffusés à la radio et à la télévision tendent à donner une brève description des
événements, à en présenter les aspects les plus spectaculaires et à mettre l’accent sur
quelques personnes associées à ces événements. On accorde généralement peu de suivi
aux reportages antérieurs, de sorte que, en l’absence de tout contexte, il peut être difficile
de bien comprendre la nature et les causes des événements présentés dans les médias.
Ainsi, les nouvelles sont de plus en plus traitées comme un divertissement: seuls les faits
Foi
Croyance incondition-
nelle en certaines idées.
Traditions
Prémisses profondément
enracinées que partage
un groupe humain en
matière d’ordre social.
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