Pratique des soins
62 Krankenpflege ISoins infirmiers ICure infermieristiche 7/2016
çue comme meilleure par les patients
atteints de SLA lorsque la prise en charge
est interdisciplinaire. Les résultats de
l’étude de Paris et al., (2012) mettent en
évidence que les troubles de la dégluti-
tion affectent la QdV des patients car ils
impliquent une augmentation de la du-
rée des repas, une diminution du désir
de s’alimenter, une peur de subir un
trouble de la déglutition et des difficul-
tés à communiquer oralement. Tout
ceci a donc un impact sur la santé et sur
la vie sociale des patients. L’étude de
Körner et al., (2013) permet également
de poursuivre cette réflexion en dé-
montrant que la progression de la ma-
ladie entraîne une perte de poids et les
pertes fonctionnelles consécutives ont
des répercussions directes sur la QdV.
Pour 84.6% des patients de l’étude, la
pose d’une gastrostomie a augmenté
leur QdV tout en permettant de préve-
nir ou de pallier aux problèmes liés à la
malnutrition.
Ces différentes études recommandent
donc d’une part d’évaluer la dysphagie
et ses conséquences de manière pré-
coce en investiguant également le statut
socio-économique, les comportements
alimentaires et les habitudes de vie des
patients dans le but de freiner l’impact
de ces troubles sur la QdV des patients
(Paris et al., 2012). Et d’autre part, la
mise en place précoce d’une gastrosto-
mie permettrait également d’anticiper
la perte de poids et de ce fait, la dimi-
nution de la QdV (Körner et al., 2013)
Stratégies d’adaptation
Le concept de stratégies d’adaptation,
un des trois fondements de la TGS fait
ici référence à l’adaptation aux symp-
tômes de la SLA. Les études montrent
que les stratégies d’adaptation mises en
place par les patients permettent l’aug-
mentation de la QdV grâce à la gestion
des symptômes auxquels ils doivent
faire face (Paris et al., 2012, Van den
Berg et al., 2005, Körner et al., 2013).
Ces stratégies peuvent découler tant
des ressources du patient que des inter-
ventions spécifiques et individualisées
proposées par les soignants (Kirton et
nants pour évaluer sa QdV. Ainsi, le tra-
vail en partenariat avec le patient
semble indispensable. Malgré l’existen-
ce de nombreuses échelles de mesure
de la QdV, il n’existe pas de normes
universelles définies pour l’évaluer ob-
jectivement. L’étude de Van de Berg et
al., (2005) avance que la QdV est per-
Regards croisés
Apports issus de la clinique dans une unité de neurologie
«Soins pluridisciplinaires», «qualité de
vie», «stratégies d’adaptation», «parte-
nariat avec le patient»: que se cache-t-
il derrière ces termes rendus familiers
et idéalisés par les résultats des recher-
ches exposés ici? Comment les concré-
tiser?
De «soins pluridisciplinaires», chemi-
nons d’abord vers une approche «inter-
professionnelle», indispensable à l’ac-
compagnement optimal des patients
aux pathologies de plus en plus com-
plexes. Notre équipe soignante se com-
pose ainsi de nombreux professionnels
travaillant ensemble afin d’offrir des
soins cohérents, sécuritaires et centrés
sur le patient.
Voici quelques prérequis indispen-
sables au fonctionnement de notre
équipe interprofessionnelle:
• Connaissance des rôles de chacun
dans l’évaluation et la gestion de la
dysphagie: expertise spécialisée et
pointue de la logopédiste, accompa-
gnement de l’infirmière dans une ex-
pertise holistique du patient permet-
tant, entre autres, l’intégration des
thérapies au quotidien.
• Reconnaissance et respect des com-
pétences de l’autre dans l’évaluation
et le traitement des troubles de la dé-
glutition à travers le partage d’obser-
vations notamment, sans pour au-
tant perdre sa légitimité ou sa spéci-
ficité professionnelle.
• Elargissement et approfondissement
de nos champs de savoir-faire et de
connaissances tant au chevet du
patient que lors de formations inter-
professionnelles organisées régu-
lièrement dans notre service. Ces
moments précieux permettent de ré-
fléchir ensemble à nos pratiques.
Nous rencontrons, bien sûr, des difficul-
tés dans la mise en place et la pérenni-
sation de ces soins interprofessionnels.
La principale difficulté semble être la
gestion des zones de chevauchement,
mal définies, entre professions. Qui dé-
cide, prend l’initiative, quand, com-
ment, avec quelles répercussions? De
plus, cette difficulté de gestion croît si
de fausses croyances ou des résistances
s’ajoutent. L’aspect chronophage de
cette approche est également un obs-
tacle à considérer. La gestion sereine de
ces zones semble être favorisée par dif-
férents facteurs: la reconnaissance de
chaque profession au sein de l’équipe,
son ancienneté, l’assise du profession-
nel en tant que tel, soutenu par son
expertise. De plus, l’identification de
cette assise favorise la définition du lea-
der et permet d’en changer lorsque
cela devient nécessaire. En un mot: être
dans un leadership collaboratif!
Travailler conjointement demande une
vraie remise en question et des ajuste-
ments de nos pratiques. L’ouverture
d’esprit, la flexibilité et l’humilité sont
aussi à développer et à entretenir.
Nous travaillons au quotidien pour que
le patient soit considéré, respecté com-
me thérapeute de lui-même, avec sa
propre expertise, connaissant ses res-
sources, ses limites, ses valeurs et ses
besoins spécifiques. Nous devons lui
transmettre des messages clairs et cohé-
rents, accueillir le sens que ceux-ci ont
pour lui et ses proches et l’associer aux
prises de décisions dans son projet de
santé.
A travers ce partenariat, nous pouvons
ainsi l’accompagner dans ses stratégies
d’adaptation, favoriser son autonomie
et participer à améliorer sa qualité de
vie.
Aline Vuistiner (logopédiste) et
Marie-Lucie Iovine-Rauber (infirmière)
«Une étude met en évi-
dence que les infirmiers
interrogés manquent de
confiance en eux pour
satisfaire les besoins de
ces patients.»
al., 2010). L’individualisation, l’antici-
pation et la continuité des soins sont
alors des démarches essentielles à la
prise en charge. Pour appuyer ce
constat, un des postulats de la TGS a
tout particulièrement retenu notre at-
tention: «la gestion des symptômes est
un processus dynamique qui est modi-
fié selon les résultats obtenus par la
personne et par les interrelations entre
la personne, sa vision de sa santé et de
sa maladie ainsi que son environne-
ment» (Dodd et al., 2001, cité par
Eicher, 2013). Portillo et Cowley (2010)
mettent en avant que les patients ont
besoin du soutien et de l’accompagne-
ment des infirmiers face à ces nou-
veaux défis. Les résultats de leur étude
montrent que les infirmiers interrogés
manquent pourtant de confiance en
eux pour satisfaire les besoins de ces
patients. De ce fait, Portillo et Cowley
(2010) proposent d’adopter l’approche
holistique, qui vise une prise en charge
globale du patient. Cette approche
considère que les facteurs environne-
mentaux, sociaux et personnels sont
fondamentaux et doivent figurer dans
l’offre en soins. Cet élément revient
également dans la TGS qui a pour Gold
Standard l’appréciation subjective du
patient vis-à-vis de sa pathologie.
Soins pluridisciplinaires
La pluridisciplinarité est décrite comme
étant un atout dans la prise en charge de
pathologies neurodégénératives (Van
den Berg et al., 2005, Körner et al.,
2013). L’implication de différents profes-
sionnels de la santé permet de réduire la
dispersion et l’isolement des interven-
tions (Kirton et al., 2010). Dans les ser-
vices de neurologie, l’infirmier dévelop-
pe de nouvelles compétences issues
d’autres disciplines. Ce processus per-
met l’intégration des thérapies; l’infir-
mier prodigue des soins en garantissant
une continuité des interventions spéci-
fiques pour pallier aux symptômes. Ce-
pendant, l’acquisition de ces compé-
tences ne peut avoir lieu sans un travail
collaboratif et interdisciplinaire. Le sup-
port interdisciplinaire fourni par les
équipes de soins favorise une expertise
et une prise en charge holistique opti-
male, en incluant le patient et ses
proches dans chaque prise de décision
(Portillo et Cowley, 2010). Afin de contri-
buer à cette spécialisation, l’usage des
guidelines existants est un support non
négligeable. Il est nécessaire d’uniformi-
ser les pratiques afin de réduire le senti-
ment de vulnérabilité et l’isolement pro-
fessionnel (Rio et Cawadias, 2007).
Lorsque les dispositions institution-
nelles ou professionnelles ne permettent
pas aux infirmiers de se spécialiser, le re-
cours à des services de soins externes
spécialisés devraient être envisagé (Kir-
ton et al., 2010).
Les propositions exposées dans cet écrit
découlent principalement d’études réa-
lisées par différents professionnels de la
santé. Les investigations d’études infir-
mières en lien avec la problématique de
ce travail sont rares et ciblent un plus
large panel de pathologies neurolo-
giques. L’ouverture sur des études pluri-
disciplinaires converge donc vers la
compréhension de la prise en charge
globale du patient et suggère la collabo-
ration interdisciplinaire et la coordina-
tion des soins.
Conclusion
La persévérance et la continuité des
études scientifiques sur la SLA et de ses
symptômes sont essentielles. Ces re-
cherches ont permis, jusqu’ici, la créa-
tion d’associations en faveur de la SLA
et ont permis le rassemblement des pro-
fessionnels de la santé et des patients
pour optimiser la prise en charge de
cette pathologie incurable et relative-
ment méconnue.
Les suggestions retenues à la lecture cri-
tique des différents articles initient donc
une réflexion de la pratique clinique et,
surtout, une réflexion du rôle spécifique
de l’infirmier dans la gestion de la dys-
phagie et de ses symptômes associés
dans la SLA. A la suite de notre travail
de Bachelor, nous avons souhaité parta-
ger nos résultats avec des spécialistes de
la clinique provenant toutes deux d’un
service de neurologie. Interpellées par
ce sujet, nous leur avons proposé d’ap-
porter leur constat face à cette problé-
matique (lire ci-contre).
Références:
La bibliographie en lien avec cet
article peut être obtenue auprès
des auteurs. Vous la trouverez également
via notre app: www.reader.sbk-asi.ch
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Krankenpflege ISoins infirmiers ICure infermieristiche 7/2016
Les patients atteints de SLA ont besoin d’un accompagnement compétent basé sur la
collaboration interprofessionnelle.
«Il est primordial de
spécifier, pour chaque
patient, quels sont
les facteurs détermi-
nants pour évaluer
sa qualité de vie.»