Analyse Complexe à plusieurs variables - IMJ-PRG

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Analyse Complexe à plusieurs
variables
Le Théorème de Hartogs
Rubén Martos Prieto
Dossier de synthèse réalisé sous la direction de M. Dinh Tien-Cuong dans
le cadre de l’UE Travaux d’Étude et de
Recherche (T.E.R.) en Master 1.
Université Pierre et Marie Curie (Paris)
Année académique 2012-2013
Table des matières
Introduction
1
1 Fonctions holomorphes
3
1.1 Propriétés Élémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.2 Applications Holomorphes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
2 Les problèmes de Cousin
18
2.1 Cohomologie de Dolbeault . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
2.2 Les théorèmes de Cousin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
3 Le théorème de Hartogs
36
3.1 Fonctions harmoniques et sous-harmoniques . . . . . . . . . . . . . 37
3.2 Théorème de Hartogs (sur l’holomorphie séparée) . . . . . . . . . . 48
3.3 Théorème (d’extension) de Hartogs . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
4 Variétés de Stein
55
Bibliographie
59
i
Résumé
Dans le présent dossier, on réalise une introduction à l’étude des fonctions holomorphes à plusieurs variables avec le but principal de démontrer
le classique Théorème (d’extension) de Hartogs.
Après de donner les définitions et propriétés générales de la théorie de
fonctions holomorphes à plusieurs variables, on poursuit par donner l’outil
clé dans la démonstration du théorème à savoir : le Lemme de DolbeaultGrothendieck, qui assure la solution de l’équation ∂ pour les polydisques de
Cn . Ensuite, en ayant la solution de cette équation, on traite les problèmes
(additifs et multiplicatifs) de Cousin pour les polydisques ; analogues aux
problèmes de Mittag-Leffler et Weierstrass, respectivement dans le cas d’une
variable complexe. Une autre application de l’existence d’une telle solution
est le Théorème (d’extension) de Hartogs.
On réalise de même un étude générale des fonctions harmoniques et sousharmoniques pour justifier que l’holomorphie d’une fonction complexe à n
variables est équivalente à l’holomorphie de la fonction par rapport à chaque
variable séparément.
Finalement, on inclut une introduction sur les domaines d’holomorphie
dans Cn comme illustration de la signification du théorème de Hartogs et
sur les variétés de Stein comme généralisation de ces domaines.
ii
Introduction
Au long du siècle XIX célèbres mathématiciens comme Euler, Gauss, Riemann,
Cauchy ou Weierstrass sont les principales fondateurs d’un des domaines les plus
classiques et remarquables des mathématiques, à savoir l’Analyse Complexe.
À partir du découvrement du corps des nombres complexes comme une extension naturelle des nombres réels, on trouve un nouveau corps dont on construit un
analyse mathématique analogue à celui qui se réalisait sur R mais qui offre une
série de résultats en contraste avec ce que l’on pouvait espérer de l’analyse réel.
Ainsi, l’analyse complexe représente, en un principe, une abstraction de l’analyse
réel en perdant de l’intuition géométrique bien que l’on gagne en profondeur dans
les résultats, fruit de l’origine algébrique du corps C.
Si la théorie d’une variable complexe nous donne déjà des résultats étonnants,
il ne pouvait pas être autrement dans le cas de plusieurs variables complexes. Ici
on perd complètement toute intuition possible et, en fait, il apparaît des nouveaux
phénomènes qui sont en contraste même avec ce que l’on pouvait espérer de la
théorie analytique d’une variable complexe ; raison pour laquelle le développement
formel de l’analyse complexe à plusieurs variables dut attendre considérablement
par rapport à l’apparition de l’analyse complexe à une variable.
En 1897, Hurwitz 1 démontre que toute fonction holomorphe dans C2 \{0} peut
être étendue comme fonction holomorphe à tout C2 . Dans sa thèse en 1906, Hartogs 2 décrit de façon plus générale en que consiste ce phénomène. À partir de ce
point, la théorie commence à se developper avec les travaux de mathématiciens
comme Behnke 3 , Stein 4 ou Thullen 5
Ainsi, la première propriété observée parmi les fonctions holomorphes à plusieurs variables (et qui les distingue essentiellement de celles d’une variable) est
la prolongation analytique. Dans le plan complexe C, tout domaine est le domaine maximal d’holomorphie pour une certaine fonction tandis que le théorème
de Hartogs affirme que en Cn (avec n > 1) ceci n’arrive plus toujours, puisque
1. Adolf Hurwitz (1859-1919) fut un mathématicien allemand né à Hildesheim et dont le
domaine de recherche comprenait les surfaces de Riemann avec lesquelles il démontra différents
résultats sur les courbes algébriques.
2. Friedrich Moritz Hartogs (1874-1943) fut un mathématicien allemand dont le domaine de
recherche comprenait la théorie des ensembles et la théorie des fonctions à plusieurs variables
complexes.
3. Heinrich Behnke (1898-1979) fut un mathématicien allemand né à Münster dont le domaine de recherche comprenait principalement l’analyse complexe en collaborant avec Cartan et
Thullen.
4. Karl Stein (1913-2000) fut un mathématicien allemand né à Hamm dont le domaine de
recherche comprenait l’analyse complexe et la cryptographie.
5. Peter Thullen (1907-1996) fut un mathématicien allemand né à Trier dont le domaine de
recherche comprenait l’analyse complexe à plusieurs variables.
1
le phénomène qu’il observe est que toute fonction holomorphe peut se prolonger
à un domaine strictement plus grand lorsque cette fonction est définie dans le
complémentaire d’un compact.
De ce phénomène on déduit déjà différentes particularités de la théorie de
plusieurs variables complexes par rapport à celle d’une variable. Notamment, on
observe que la classification et définition des singularités d’une fonction complexe
de n (avec n > 1) variables n’est pas tellement claire comme pour le cas d’une variable. Dans ce sens, la théorie de faisceaux est appliquée pour donner une “bonne”
définition de fonction méromorphe de sorte que l’on peut généraliser les problèmes
de Mittag-Leffler et Weierstrass avec les appelés problèmes additif et multiplicatif
de Cousin. Par ailleurs, une fois que les domaines d’holomorphie de Cn ont étés
caractérisés, une autre question ouverte serait celle de trouver le domaine d’holomorphie maximal d’une fonction en connaissant son domaine de définition et à ce
point, de même que dans une variable, il faut donner un nouveau pas d’abstraction
et quitter Cn pour se placer dans une variété complexe en apparaissant les appelées
variétés de Stein.
Les problèmes de Cousin et les variétés de Stein sont des sujets assez liés entre
eux. En C les problèmes de Mittag-Leffler et Weierstrass sont toujours résolubles
et en vertu du Théorème de Behnke-Stein, la même conclusion est vraie pour
une surface de Riemann ouverte. En Cn , la résolution des problèmes de Cousin
n’est pas tellement simple et, en particulier, la solution du problème multiplicatif
dépend fortement de la nature topologique du domaine en question. La théorie
développée par Oka 6 et Cartan 7 (entre 1930 et 1960) permet de démontrer que
le problème additif est toujours résoluble pour tout domaine d’holomorphie et,
de plus, pour toute variété de Stein ; en imposant une condition topologique en
addition à la variété, le problème multiplicatif est résoluble aussi. Dans ce sens, les
variétés de Stein représentent le milieu naturel de l’étude de la théorie des fonctions
analytiques à plusieurs variables (car elles ont “suffisantes fonctions holomorphes”).
6. Kiyoshi Oka (1901-1978) fut un mathématicien japonais né à Osaka dont le domaine de
recherche comprenait principalement en l’analyse complexe à plusieurs variables.
7. Henri Cartan (1904-2008) fut un mathématicien français né à Nancy dont le domaine de
recherche comprenait la topologie algébrique.
2
1
Fonctions holomorphes
Connue déjà la théorie générale sur les fonctions holomorphes d’une variable,
on prétend donner une généralisation de la susnommée théorie pour le cas des
plusieurs variables complexes.
Ainsi, dans cette section on va introduire premièrement les notions nécessaires
pour cette tâche. Ensuite on tente de généraliser aussi les résultats classiques et
essentiels pour la théorie générale (par exemple la formule intégrale de Cauchy ou le
principe du maximum). Au long de la section on observera que le langage introduit
et les résultats exposés sont complètement analogues aux ceux connues pour une
variable complexe. Cependant, il existe des “points” délicats où on ne peut pas
faire une généralisation immédiate. On verra donc quels sont les problèmes et les
différences par rapport aux fonctions analytiques d’une variable complexe.
1.1
Propriétés Élémentaires
Étant donné un nombre entier n ≥ 1, considérons l’espace vectoriel complexe
C dont les coordonnées canoniques seront notées par z1 , . . . , zn de telle sorte que
tout point de Cn , disons z peut s’exprimer comme z = (z1 , . . . , zn ) ∈ Cn .
On a une identification naturelle entre Cn et R2n (tant qu’espaces topologiques),
puisque on a C ' R2 de telle sorte que à chaque coordonnée complexe zk ∈ C
avec k = 1, . . . , n est associée deux coordonnées réelles, disons (xk , yk ) ∈ R2 qui
représentent les parties réelle et imaginaire de la coordonnée correspondante, c’est
a dire, zk = xk + iyk , pour tout k = 1, . . . , n (et inversement). Les parties réelles et
imaginaires seront notées encore comme xk := <(zk ) et yk := =(zk ) respectivement,
pour tout k = 1, . . . , n. On peut considérer donc un système de 2n coordonnées
réelles dans Cn .
Si l’on dispose d’une fonction complexe définie sur un ouvert de Cn , on peut
définir sa “différentiabilité” de la façon analogue au cas réel (en tant qu’une fonction à variables complexes). Or on a besoin de rapporter ceci avec le cas connu en
variable réelle, donc on doit imposer aussi la différentiabilité de la fonction, tant
que fonction à variables réelles.
n
1.1.1 Définition. Soit Ω un ouvert de Cn . Une fonction f : Ω → C est dite Cdifférentiable sur Ω si f est R-différentiable et pour tout point a ∈ Ω il existe une
application linéaire Ta : Cn → C telle que :
f (z) = f (a) + Ta (z − a) + o(kz − ak)
L’application Ta s’appelle différentielle de f en a.
Soit Ω un ouvert quelconque de Cn . Considérons une fonction complexe f
définie sur Ω. On vient de dire que dans Cn on peut considérer un système de
3
2n coordonnées réelles {(xk , yk )}k=1,...,n . Supposons que la fonction f , en tant que
fonction complexe de 2n variables réelles, soit différentiable (c’est à dire, soit Rdifférentiable). On peut écrire donc sa différentielle dans un point a ∈ Ω :
da f =
n
X
∂f
∂f
(a)da xk +
(a)da yk
∂yk
k=1 ∂xk
En conséquence, on peut considérer son développement de Taylor au premier
ordre au voisinage d’un point a ∈ Ω, en écrivant :
f (z) = f (a) + da f (z − a) + o(kz − ak)
n
X
∂f
∂f
= f (a) +
(a)(xk − <(ak )) +
(a)(yk − =(ak )) + o(kz − ak)
∂yk
k=1 ∂xk
= f (a) +
n
X
1 ∂f
1 ∂f
(a)(zk − ak + zk − ak ) +
(a)(zk − ak − zk − ak )+
2i ∂yk
k=1 2 ∂xk
+ o(kz − ak)
n
X
1 ∂f
∂f
= f (a) +
(a) − i
(a) (zk − ak )
∂yk
k=1 2 ∂xk
∂f
1 ∂f
(a) + i
(a) (zk − ak ) + o(kz − ak)
+
2 ∂xk
∂yk
Définissons désormais les opérateurs différentiels suivants :
∂
1 ∂
∂
:=
−i
∂zk
2 ∂xk
∂yk
∂
1 ∂
∂
et
:=
+i
∂z k
2 ∂xk
∂yk
(1.1)
pour chaque k = 1, . . . , n. On a les relations suivantes :
∂
∂
∂
∂
∂
∂
=
+
et
=i
−
∂xk
∂zk ∂z k
∂yk
∂zk ∂z k
(1.2)
Grâce à ces opérateurs différentiels, le développement ci-dessus reste :
f (z) = f (a) +
n
X
∂f
∂f
(a)(zk − ak ) +
(a)(zk − ak ) + o(kz − ak) ,
∂z k
k=1 ∂zk
d’où on déduit qu’une fonction f : Ω → C est C-différentiable si et seulement
∂f
si elle est R-différentiable et ∂z
= 0, pour tout k = 1, . . . , n. Et dans ce cas, la
k
différentielle de f , en tant que fonction à variables complexes, est donnée par :
df =
n
X
∂f
∂f
dzk +
dz k ,
∂z k
k=1 ∂zk
4
où on pose dzk := dxk + idyk et dz k := dxk − idyk pour chaque k = 1, . . . , n.
Dans le cas particulier n = 1 et en posant f (z) = u(x, y) + iv(x, y) on a :
∂f
1 ∂u ∂v
i ∂u ∂v
=
−
+
+
∂z k
2 ∂x ∂y
2 ∂y ∂x
= 0 est équivalente au système d’équations de
de telle sorte que l’équation ∂f
∂z
Cauchy-Riemann. Pour cette raison on donne la définition suivante :
1.1.2 Définition. Soit Ω un ouvert de Cn et f : Ω → C une fonction complexe
de classe C 1 . On dit que f est une fonction holomorphe sur Ω si elle vérifie les n
équations de Cauchy-Riemann :
∂f
∂f
= ··· =
=0
∂z 1
∂z n
L’ensemble des fonctions holomorphes sur Ω est noté O(Ω).
1.1.3 Remarques.
1. Il découle de la définition elle-même que si f est une fonction holomorphe de n variables, alors f est une fonction holomorphe en
chaque variable séparément.
2. D’après les raisonnements auparavant, dire que f est holomorphe est équivalent à dire que f est C-différentiable.
3. L’ensemble O(Ω) a une structure d’anneau avec les opérations usuelles de
somme et produit de fonctions.
4. Soit f : Ω → C une fonction complexe de classe C 1 . Les formules suivantes
(de facile vérification) peuvent être utiles pour quelque calcul postérieur :
∂f
∂z
=
∂f
et
∂z
∂f
∂z
=
∂f
∂z
Par ailleurs, dans R2n on considère la topologie usuelle dont la base d’ouverts
sont les “boules” (ou “disques” pour n = 1). Comme Cn s’identifie à R2n topologiquement (comme espaces métriques), alors c’est opportun de bien définir les
“boules” dans Cn .
1.1.4 Définition. Soit a = (a1 , . . . , an ) un point de Cn et soit R = (R1 , . . . , Rn ) un
ensemble de n nombres entiers positifs. On appelle polydisque (ouvert) de centre
a et rayon R l’ensemble défini par :
D(a, R) := {z ∈ Cn : |zk − ak | < Rk pour tout k = 1, . . . , n}
On peut en déduire déjà la formule de Cauchy pour une fonction holomorphe
de plusieurs variables :
5
1.1.5 Théorème (Formule intégrale de Cauchy généralisée). Soit Ω un ouvert de
Cn et D(a, R) un polydisque quelconque tel que D(a, R) ⊂ Ω, avec a = (a1 , . . . , an ) ∈
Ω et R = (R1 , . . . , Rn ) ∈ Rn+ . Si f ∈ O(Ω), pour tout z ∈ D(a, R) on a :
f (z) =
1 Z
f (ξ)
dξ1 . . . dξn ,
(2πi)n Γ (ξ1 − z1 ) . . . (ξn − zn )
où l’ensemble Γ := {ξ ∈ Ω : |ξ − a| = R} est le produit des cercles |ξk − ak | = Rk
pour tout k = 1, . . . , n où chacune est orientée en le sens contraire au celui des
aiguilles d’un montre.
Démonstration. La preuve consiste en faire une récurrence sur n en appliquant la
formule de Cauchy classique pour les fonctions holomorphes d’une variable.
Fixons donc n − 1 des coordonnées, par exemple les dernières n − 1. Ainsi,
étant donnée un point z = (z1 , . . . , zn ) ∈ D(a, R) on fixe les valeurs de z2 , . . . , zn
telles que |zk − ak | ≤ Rk pour tout k = 2, . . . , n. En conséquence, la fonction
f (z1 , z2 , . . . , zn ) est une fonction holomorphe d’une variable (à savoir z1 ) dans un
voisinage du disque |z1 − a1 | ≤ R1 . On peut donc appliquer la formule de Cauchy
classique en écrivant :
f (ξ1 , z2 , . . . , zn )
1 Z
dξ1 ,
f (z1 , z2 , . . . , zn ) =
2πi |ξ1 −a1 |=R1
(ξ1 − z1 )
ce qui est vrai pour tout z1 tel que |z1 − a1 | < R1 .
Ensuite, pour chaque valeur de ξ1 fixée telle que |ξ1 − a1 | = R1 , la fonction de
l’intégrant est une fonction holomorphe dans un voisinage du disque |z2 − a2 | ≤ R2
en faisant varier la variable z2 . On applique à nouveau la formule de Cauchy :
f (z1 , z2 , . . . , zn ) =
Z
1 Z
f (ξ1 , ξ2 , . . . , zn )
dξ1 dξ2 ,
2πi |ξ1 −a1 |=R1 |ξ2 −a2 |=R2 (ξ1 − z1 )(ξ2 − z2 )
ce qui est vrai pour tout z1 tel que |z1 − a1 | < R1 et pour tout z2 tel que |z2 − a2 | <
R2 .
En suivant le même raisonnement pour les variables qui restent on obtient
immédiatement la formule de l’énoncé en terminant la preuve.
On a commencé par donner une définition simple de fonction holomorphe en
utilisant les opérateurs différentiels naturels et la différentiabilité d’une fonction
complexe à n variables complexes en tant que fonction complexe à 2n variables
réelles. Or d’après la théorie connue à une variable, on sait que les fonctions holomorphes présentent une structure locale comme la somme d’une série entière (elles
sont comme “polynômes généralisés”). On va introduire la notion de “fonction analytique” dans Cn et ensuite on va en déduire que cela fournit une nouvelle définition
de fonction holomorphe, de même que pour le cas à une variable complexe.
6
1.1.6 Définition. Soit Ω un ouvert de Cn . Une fonction f : Ω → C est dite
analytique sur Ω si localement f coïncide avec la somme d’une série entière
convergente, c’est à dire, si pour chaque point a = (a1 , . . . , an ) ∈ Ω il existe
R = (R1 , . . . , Rn ) ∈ Rn+ et des nombres complexes aα1 ,...,αn tels que
f (z) =
aα1 ,...,αn (z1 − a1 )α1 . . . (zn − an )αn ,
X
α1 ,...,αn ∈N
pour tout z ∈ D(a, R).
Cette expression ci-dessus s’appelle développement en série entière de f au
voisinage de a.
1.1.7 Note. Afin de simplifier les notations, il sera commode d’utiliser les “multiindices”. Ainsi, un n-entier α sera un ensemble rangé de n entier non négatifs,
disons α = (α1 , . . . , αn ) et on posera :
– |α| := α1 + . . . + αn
– α! := α1 ! . . . αn !
– si z = (z1 , . . . , zn ) est un ensemble de nombres complexes (ou plus généralement, un ensemble quelconque de lettres), alors z α := z1α1 . . . znαn
– si z = (z1 , . . . , zn ) sont les coordonnées canoniques de Cn , alors ∂z α :=
∂z1α1 . . . ∂znαn
– si z = (z1 , . . . , zn ) sont les coordonnées canoniques de Cn , ∧ désigne le
produit extérieur et I = (i1 , . . . , ip ) est une famille rangée d’indices (avec
I ∈ {1, . . . , n}), alors dzI := dzi1 ∧ . . . ∧ dzip .
1.1.8 Remarque. De même que pour une variable, les fonctions analytiques sont
des fonctions différentiables (tant que fonctions de variables réelles) de telle sorte
que la différentielle d’une telle fonction dans un polydisque D(a, R) comme dans
la définition est donnée par :
(df )k =
X
αk aα1 ,...,αn (z1 − a1 )α1 . . . (zk − ak )αk −1 . . . (zn − an )αn ,
α1 ,...,αn ∈N
pour tout k = 1, . . . , n.
Donc, une fonction analytique est différentiable dans D(a, R) et ses dérivées
partielles sont encore des fonctions analytiques dans le même polydisque D(a, R).
Comme conséquence, une fonction analytique f : Ω → C est de classe C ∞ dans
Ω et si a ∈ Ω et pour tout z ∈ D(a, R) on a un développement en série entière
de f au voisinage de a comme ci-dessus, alors ses coefficients sont précisément les
coefficients du développement de Taylor de f au voisinage de a, qui s’écrivent en
utilisant la notation de multi-indices comme suit :
aα1 ,...,αn =
∂ |α| f
1
not. 1
(a) ≡
(Dα f )(a)
α1
α
n
α! ∂z1 . . . ∂zn
α!
7
1.1.9 Proposition. Soit Ω un ouvert Cn . Si f ∈ O(Ω), alors f est analytique sur
Ω.
Démonstration. Soit a = (a1 , . . . , an ) ∈ Ω un point de notre ouvert et soit R =
(R1 , . . . , Rn ) ∈ Rn+ tel que le polydisque D(a, R) ait son adhérence contenu dans
Ω. D’après la formule de Cauchy du théorème 1.1.5, pour tout z ∈ D(a, R) on a
f (z) =
1 Z
f (ξ)
dξ1 . . . dξn
(2πi)n Γ (ξ1 − z1 ) . . . (ξn − zn )
où l’ensemble Γ := {ξ ∈ Ω : |ξ − a| = R} est comme dans le théorème précé1
est continue sur Γ pour tous
dent. C’est clair que la fonction (ξ1 −a1 )α1 ...(ξ
α
n −an ) n
α1 , . . . , αn ∈ N et par construction son maximum sur Γ est R1α .
Il en découle que pour tout z ∈ D(a, R) fixé, la série de fonctions
(z1 − a1 )α1 . . . (zn − an )αn
(ξ1 − a1 )α1 +1 . . . (ξn − an )αn +1
|α|∈N
X
est uniformément et absolument convergente sur Γ, ce qui nous permet de sommer
la série avec un rangement arbitraire. On la somme successivement sur chaque
valeur de αk (k = 1, . . . , n) en fixant les autres, c’est à dire :
∞
X
α1 =0
...
∞
X
(z1 − a1 )α1 . . . (zn − an )αn
α1 +1 . . . (ξ − a )αn +1
n
n
αn =0 (ξ1 − a1 )
∞
∞
X
X
1
z1 − a1
=
...
(ξ1 − a1 ) . . . (ξn − an ) α1 =0 αn =0 ξ1 − a1
!α1
zn − an
...
ξn − an
!αn
,
où la somme est faite sur Γ, donc on a |ξ − a| = R soit |ξk − ak | = Rk pour tout
k = 1, . . . , n et de plus on a choisi z ∈ D(a, R), ce qui veut dire que |zk − ak | < Rk .
Ainsi, la somme du membre à droite de l’expression ci-dessus est un produit des
sommes des séries géométriques correspondantes :
∞
X
∞
X
(z1 − a1 )α1 . . . (zn − an )αn
α1 +1 . . . (ξ − a )αn +1
n
n
α1 =0
αn =0 (ξ1 − a1 )
1
1
1
1
,
=
z1 −a1 . . .
zn −an =
(ξ1 − a1 ) . . . (ξn − an ) 1 − ξ1 −a1
1 − ξn −an
(ξ1 − z1 ) . . . (ξn − zn )
...
Ensuite on multiplie par f (ξ) la fonction obtenue et intègre sur Γ. Puisque
cette fonction est la limite uniforme d’une suite de fonctions comme on vient
de démontrer, alors on peut intégrer composante par composante en échangeant
8
l’intégrale avec la somme infinie :
f (ξ)
dξ1 . . . dξn
Γ (ξ1 − z1 ) . . . (ξn − zn )
Z
X
(z1 − a1 )α1 . . . (zn − an )αn
= f (ξ)
dξ1 . . . dξn
α1 +1 . . . (ξ − a )αn +1
(ξ
−
a
)
Γ
1
1
n
n
|α|∈N
Z
=
X
Z
...
Z
α1 ,...,αn ∈N |ξ1 −a1 |=R1
|ξn −an |=Rn
f (ξ)(z1 − a1 )α1 . . . (zn − an )αn
dξ1 . . . dξn ,
(ξ1 − a1 )α1 +1 . . . (ξn − an )αn +1
ce qui est vrai pour tout z ∈ D(a, R). Or, d’après la formule de Cauchy on sait
que cette intégrale est exactement (2πi)n f (z). Par conséquent, la formule ci-dessus
nous dit que pour tout z ∈ D(a, R) notre fonction holomorphe f (z) admet le
développement en série entière suivant
X
f (z) =
aα1 ,...,αn (z1 − a1 )α1 . . . (zn − an )αn ,
α1 ,...,αn ∈N
en posant
aα1 ,...,αn :=
Z
f (ξ)dξ1 . . . dξn
1 Z
,
.
.
.
n
(2πi) |ξ1 −a1 |=R1
|ξn −an |=Rn (ξ1 − a1 )α1 +1 . . . (ξn − an )αn +1
ce qui termine la preuve.
1.1.10 Corollaire (Inégalités de Cauchy). Soit Ω un ouvert Cn . Si f ∈ O(Ω),
alors les coefficients aα1 ,...,αn de son développement comme série entière au voisinage d’un point a de Ω vérifient les inégalités suivantes :
|aα1 ,...,αn | ≤
M
,
Rα
où M := sup|f (ξ)|, α = (α1 , . . . , αn ) ∈ Nn et R = (R1 , . . . , Rn ) ∈ Rn+ est tel que
ξ∈Γ
D(a, R) ⊂ Ω
Vu que toute fonction holomorphe est une fonction analytique et en utilisant
la remarque 1.1.8, l’unicité des coefficients de Taylor du devéloppement d’une
fonction au voisinage d’un point et la preuve de la proposition précédente nous
donnent le corollaire suivant :
1.1.11 Corollaire. Soit Ω un ouvert Cn . Si f ∈ O(Ω), alors f est de classe C ∞
dans Ω.
9
De plus, si a ∈ Ω et D(a, R) est un polydisque tel que D(a, R) ⊂ Ω, alors les
coefficients de son développement en série entière dans D(a, R) sont précisément :
∂ |α| f
1
(a) =
α! ∂z1α1 . . . ∂znαn
Z
1 Z
f (ξ)
=
...
dξ1 . . . dξn
n
α
+1
1
(2πi) |ξ1 −a1 |=R1
. . . (ξn − an )αn +1
|ξn −an |=Rn (ξ1 − a1 )
aα1 ,...,αn =
Notons que la preuve de la proposition précédente nous donne de plus que la
convergence de la série entière qui représente la fonction holomorphe f est uniforme
et absolue sur tout polydisque dont l’adhérence est contenu dans l’ouvert Ω de
définition de la fonction. Ensuite, on va démontrer la réciproque de ce résultat :
1.1.12 Proposition. Soit Ω un ouvert de Cn . Si f : Ω → C est une fonction
analytique telle que son développement en série entière au voisinage D(a, R) de
a avec D(a, R) ⊂ Ω converge uniforme et absolument, alors f est une fonction
holomorphe.
Démonstration. Soient a ∈ Ω et D(a, R) un polydisque tel que D(a, R) ⊂ Ω où f
admet un développement en série entière au voisinage de a, disons
f (z) =
X
aα1 ,...,αn (z1 − a1 )α1 . . . (zn − an )αn
α1 ,...,αn ∈N
Par hypothèse, cette série converge uniforme et absolument dans D(a, R).
Il faut voir que f est une fonction holomorphe dans Ω. Or l’holomorphie est
une propriété locale, donc il suffit que la fonction f exprimée comme ci-dessus soit
holomorphe dans D(a, R).
Premièrement, f est une fonction continue car f est la limite uniforme (dans
D(a, R)) d’une série de fonctions continues.
Deuxièmement, la fonction f est holomorphe sur chaque variable séparément.
En effet, prenons la variable zk pour un certain k = 1, . . . , n et fixons les variables
restantes, alors f devient une fonction d’une seule variable exprimée dans le disque
D(ak , Rk ) comme la somme d’une série entière, ce qui veut dire par définition que f
(tant que fonction uniquement de la variable zk ) est holomorphe. En conséquence,
∂f
= 0, pour tout k = 1, . . . , n.
on a ∂z
k
Ainsi, on peut appliquer récursivement la formule classique de Cauchy à f en
bougeant à chaque pas une seule variable et en prenant à chaque pas nombres
positifs ρk < Rk pour tout k = 1, . . . , n. On obtient donc :
1 Z
f (ξ)
f (z) =
dξ1 . . . dξn ,
n
(2πi) Γ (ξ1 − z1 ) . . . (ξn − zn )
10
(1.3)
pour tout z ∈ D(a, ρ) où l’ensemble Γ := {ξ ∈ Ω : |ξ − a| = ρ} est le produit des
cercles |ξk − ak | = ρk pour tout k = 1, . . . , n.
∂f
est une fonction continue
Par dérivation sous l’intégrale, on en déduit que ∂z
k
pour tout k = 1, . . . , n sur D(a, ρ). Puisque f est déjà continue, f est de classe C 1
dans D(a, ρ), avec ρ = (ρ1 , . . . , ρn ) quelconque plus petit que R = (R1 , . . . , Rn ),
d’où f est de classe C 1 sur D(a, R).
On conclut que f est holomorphe dans D(a, R). Donc f est bien holomorphe.
Avec tous les résultats précédents on a établi le théorème classique sur les
équivalences existantes pour définir une fonction holomorphe généraliser ici au cas
des fonctions complexes à plusieurs variables :
1.1.13 Théorème. Soit Ω un ouvert de Cn et soit f : Ω → C une fonction
complexe. Les assertions suivantes sont équivalentes :
1. f est une fonction de classe C 1 dans Ω (en tant que fonction à 2n variables
réelles) et vérifie les n équations de Cauchy-Riemann
∂f
∂f
= ... =
=0
∂z 1
∂z n
2. pour tout a ∈ Ω et tout polydisque D(a, R) tel que D(a, R) ⊂ Ω, f vérifie la
formule intégrale de Cauchy :
f (z) =
1 Z
f (ξ)
dξ1 . . . dξn ,
n
(2πi) Γ (ξ1 − z1 ) . . . (ξn − zn )
ce qui est vrai pour tout z ∈ D(a, R) et l’ensemble Γ := {ξ ∈ Ω : |ξ − a| = R}
est le produit des cercles |ξk − ak | = Rk pour tout k = 1, . . . , n.
3. f est une fonction analytique (complexe) sur Ω.
On dira que la fonction f est holomorphe sur Ω si f vérifie l’une de ces conditions.
En particulier si Ω = Cn , on dit que f est une fonction entière.
1.1.14 Remarque. Il faut noter que pour déduire la formule (1.3) de la proposition
précédente, on a besoin de que la fonction f soit continue pour bien appliquer le
Théorème de Fubini dans la récursion faite en appliquant la formule de Cauchy
classique. Ce que l’on a prouvé implicitement avec la susnommée formule est qu’une
fonction complexe continue dans un ouvert de Cn et holomorphe par rapport à
chaque variable séparément est une fonction holomorphe.
Néanmoins, on peut démontrer le même résultat en affaiblissant l’hypothèse de
continuité de la fonction. Ceci s’appelle Théorème de Hartogs et on le verra plus
tard.
11
En ayant déjà la formule de Cauchy en définissant une fonction holomorphe à
plusieurs variables selon le théorème ci-dessus, on peut aussi généraliser aisément
des résultats classiques connus pour la théorie à une variable :
1.1.15 Théorème (de Liouville généralisé). Toute fonction entière et bornée est
constante.
1.1.16 Théorème (Principe d’unicité généralisé). Soient Ω un domaine de Cn et
U un ouvert non-vide de Ω. Si f, g ∈ O(Ω) tels que f = g sur U , alors f = g sur
Ω.
1.1.17 Théorème (Principe du maximum généralisé). Soit Ω un domaine de Cn
et f : Ω → C une fonction holomorphe. S’il existe un maximum local de |f | dans Ω,
c’est à dire, un point a ∈ Ω et un voisinage U de a dans Ω tels que |f (a)| ≥ |f (z)|
pour tout z ∈ U , alors f est constante.
En conséquence, si Ω est un ouvert borné de C et f est une fonction holomorphe
(non constante) au voisinage de Ω, alors
|f (z)| < max |f (z)| ,
z∈∂Ω
pour tout z ∈ Ω.
1.1.18 Théorème (de Weierstrass généralisé). Soit Ω un ouvert de Cn . Si {fn }n∈N
est une suite de fonctions holomorphes dans Ω qui converge uniformément sur tout
compact de Ω vers une fonction f , alors f est une fonction holomorphe dans Ω
et la suite des dérivées {Dα fn }n∈N converge uniformément sur tout compact de Ω
vers Dα f , pour tout α ∈ Nn .
1.1.19 Corollaire. Soit Ω un ouvert de Cn . Si fn est une série de fonctions
holomorphes dans Ω qui converge uniformément sur tout compact de Ω vers une
fonction f , alors f est une fonction holomorphe dans Ω et la série des dérivées
P α
D fn converge uniformément sur tout compact de Ω vers Dα f , pour tout α ∈ Nn .
P
1.2
Applications Holomorphes
L’une des propriétés importantes des fonctions holomorphes d’une variable est
que la composition de deux fonctions holomorphes est à nouveau une fonction
holomorphe en ayant ainsi la “règle de la chaîne” d’habitude. Maintenant on ne
peut pas considérer directement la composition de deux fonctions holomorphes à
plusieurs variables, mais en introduisant les “fonctions vectorielles” comme suit,
on fera une généralisation de ceci.
Pour cela on va considérer, pour entiers n, m ≥ 1, les espaces vectoriels complexes Cn et Cm . On notera (z1 , . . . , zn ) le système de coordonnées canoniques sur
Cn et (w1 , . . . , wm ) celui de Cm .
12
1.2.1 Définition. Soient Ω un ouvert de Cn , Ω0 un ouvert de Cm et F : Ω →
Ω0 une application entre eux. On dit que F est holomorphe si chaque fonction
coordonnée de F est une fonction holomorphe.
1.2.2 Lemme. Soient Ω un ouvert de Cn , Ω0 un ouvert de Cm et F : Ω → Ω0
une application R-différentiable entre eux. Si (f1 , . . . , fm ) désigne ses fonctions
coordonnées, alors la différentielle de F est la matrice (d’ordre 2m × 2n) dont les
lignes sont données par :
(dF )i =







n
P
∂fi
∂fi
dzk + ∂z
dz k
∂z
k
k=1 k
n
P
∂f i
∂f i
df i−m =
dzk + ∂z
dz k
∂z
k
k=1 k
dfi =
, si i=1,. . . ,m
, si i=m+1,. . . ,2m
Autrement dit, la différentielle de F peut s’exprimer comme :
dF =
m
X
dfi + df i
i=1
La matrice de la différentielle d’une application (différentiable) F est appelée
matrice jacobienne de F et sera notée JF .
Démonstration. Comme F est une fonction différentiable en tant que fonction à
variables réelles, alors on connaît l’expression de sa différentielle en termes du
système de coordonnés réelles dont on dispose et en termes des fonctions conjuguées de chaque fonction coordonnée de F . Notons que ce système est pris dans
l’ordre {(xk , yk )}k=1,...,n . Pour chaque i = 1, . . . , m, posons fi := ui + ivi , où
ui = ui (z1 , . . . , zn ) et vi = vi (z1 , . . . , zn ) sont les parties réelle et imaginaire de
fi . Alors, la matrice de la différentielle de F = (f1 , . . . , fm ) ≡ (u1 , v1 , . . . , um , vm )
est bien d’ordre 2m × 2n dont les lignes sont données par : (attention à l’ordre de
nos coordonnées : est celui des composantes de F )
(dF )2i−1 = dui =
(dF )2i = dvi =
n
X
∂ui
k=1 ∂xk
dxk +
∂ui
dyk , pour i=1,. . . ,m
∂yk
n
X
∂vi
∂vi
dxk +
dyk , pour i=1,. . . ,m
∂yk
k=1 ∂xk
Ensuite, pour obtenir la matrice de l’énoncé il ne faut que réaliser le bon changement de coordonnées à savoir, des coordonnées {(xk , yk )}k=1,...,n aux coordonnées
{(zk , z k )}k=1,...,n . Pour cela, on utilise les opérateurs (1.1) et (1.2) définis antérieurement. En effet, ces opérateurs nous donnent précisément la matrice de changement
de variable de la différentielle de F en termes des coordonnées réelles vers celle en
13
coordonnées complexes. Cette matrice, disons B est donnée grâce à (1.1) et son
inverse grâce à (1.2) :

B=
1
2
















1
−i
0
0
1 0
i 0
0 1
0 −i
0
0
1
i
0
0
0
0
0
0
0
0
..
.
0
..
.
0
0
...
...
...
...
.
0 ..
0
0
0
0
0
0
0 ... 1 1
0 . . . −i i


































, B −1 =
1 i 0 0
1 −i 0 0
0 0 1 i
0 0 1 −i
0
0
0
0
0
0
0
0
..
.
0
..
.
0
0
0
...
...
...
...
...
0
0
0
0
0
0
0
0
... 1 i
. . . 1 −i

















Finalement, on fait le changement de variable de la différentielle de F , à savoir
B −1 (dF )B ; où dF est entendu ici comme la différentielle de F exprimée dans les
coordonnées réelles, c’est à dire, la matrice écrite ci-dessus. Le calcul (à vérifier)
donne bien la différentielle de F sous la forme de l’énoncé.
1.2.3 Remarque. Soient Ω un ouvert de Cn , Ω0 un ouvert de Cm et F : Ω → Ω0
une application R-différentiable entre eux. Considérons ϕ : Ω0 → C une fonction
R-différentiable.
Alors la fonction composée ϕ◦F est (tant que fonction différentiable à variables
réelles) une fonction R-différentiable sur Ω et sa différentielle dans un point a ∈ Ω
est donnée par :
da (ϕ ◦ F ) = dF (a) ϕ ◦ da F ,
grâce à la règle de la chaîne habituelle.
Or comme on a déjà vu, la différentielle de la fonction ϕ ◦ F peut s’exprimer
en termes des coordonnées complexes {(zk , z k )}k=1,...,n :
da (ϕ ◦ F ) =
n
X
∂(ϕ ◦ F )
∂(ϕ ◦ F )
(a)da zk +
(a)da z k .
∂zk
∂z k
k=1
La question est si la dérivée de la composition peut être exprimée avec ces
mêmes coordonnées en appliquant la règle connue, c’est à dire, comme suit :
m
X
∂(ϕ ◦ F )
∂ϕ
∂fi
∂ϕ
∂f
(a) =
(F (a))
(a) +
(F (a)) i (a)
∂zk
∂zk
∂wi
∂zk
i=1 ∂wi
m
X
∂(ϕ ◦ F )
∂ϕ
∂fi
∂ϕ
∂f
(a) =
(F (a))
(a) +
(F (a)) i (a)
∂z k
∂z k
∂wi
∂z k
i=1 ∂wi
(puisque on ne sait que l’on peut appliquer cette règle selon les coordonnées (et
composantes de F ) réelles ; en fait on observe qu’ici il apparaît les conjuguées des
14
composantes de F qui ne sont pas des composantes proprement dit). Ces formules
résultent tout simplement de développer en coordonnées la formule de la règle de
m
P
la chaîne ci-dessus en posant da F = dfi + df i d’après le lemme.
i=1
Montrons que la composition d’applications holomorphes est à nouveau une
application holomorphe.
1.2.4 Proposition (Règle de la chaîne). Soient Ω un ouvert de Cn , Ω0 un ouvert
de Cm et F : Ω → Ω0 une application holomorphe entre eux. Si ϕ : Ω0 → C est une
fonction holomorphe, alors la fonction composée ϕ◦F est une fonction holomorphe
sur Ω.
Démonstration. Étant donné l’application holomorphe F , notons F ≡ (f1 , . . . , fm )
ses fonctions coordonnées. Comme F est holomorphe, alors f1 , . . . , fm sont des
fonctions holomorphes par définition, donc en particulier elles sont des fonction de
classe C 1 . De même, la fonction ϕ est une fonction de classe C 1 . La composition
ϕ ◦ F est donc une fonction de classe C 1 .
Ainsi, on peut appliquer la règle de chaîne connue à la composition ϕ ◦ F tant
que fonction à variables réelles. Si a ∈ Ω est un point quelconque, alors on peut
écrire la différentielle de la fonction en a :
da (ϕ ◦ F ) = dF (a) ϕ ◦ da F .
Et d’après le lemme on peut écrire :
da (ϕ ◦ F ) =
m
X
∂ϕ
∂ϕ
(F (a))da fi +
(F (a))da f i .
∂wi
i=1 ∂wi
ϕ
Or comme ϕ est holomorphe, alors ∂w
= 0 pour tout i = 1, . . . , m. Donc la
i
différentielle de ϕ ◦ F en a s’exprime en termes uniquement de {da fi }i=1,...,m . Or
chaque fonction coordonnée f1 , . . . , fm est aussi holomorphe par hypothèse, donc
∂fi
= 0 pour tout k = 1, . . . , n ce qui entraîne que la différentielle de chaque fi est
∂z k
une combinaison uniquement de dz1 , . . . , dzn et par conséquent da (ϕ◦F ) s’exprime
uniquement en termes de dz1 , . . . , dzn , d’où ∂ϕ◦F
= 0 pour tout k = 1, . . . , n ; d’où
∂z k
l’holomorphie de ϕ ◦ F comme on souhaitait.
1.2.5 Corollaire. Soient Ω un ouvert de Cn , Ω0 un ouvert de Cm et F : Ω → Ω0
une application holomorphe entre eux. Si Ω00 est un ouvert de Cp et G : Ω0 →
Ω00 une application holomorphe, alors la composition G ◦ F est une application
holomorphe sur Ω.
Ensuite, on va généraliser le théorème d’inversion locale connu pour les applications différentiables réelles et même pour les fonctions holomorphes d’une variable.
15
1.2.6 Définition. Soient Ω et Ω0 deux ouverts de Cn . Une application holomorphe
F : Ω → Ω0 est un difféomorphisme holomorphe ou un biholomorphisme si F est
bijective et son inverse F −1 : Ω0 → Ω est une application holomorphe.
1.2.7 Définition. Soient Ω et Ω0 deux ouverts de Cn . Une application holomorphe
F : Ω → Ω0 est un difféomorphisme holomorphe local (ou encore un biholomorphisme local) si pour tout point a ∈ Ω il existe un voisinage ouvert U de a dans Ω
tel que la restriction de F à ce voisinage est un difféomorphisme holomorphe avec
un autre ouvert de Ω0
1.2.8 Théorème (d’inversion locale généralisé). Soient Ω et Ω0 deux ouverts de
Cn . La condition nécessaire et suffisante pour qu’une application holomorphe F :
Ω → Ω0 soit un biholomorphisme local est que
det(JF (a)) 6= 0 ,
pour tout point a ∈ Ω.
Démonstration. Montrons d’abord que la condition est nécessaire. Supposons donc
que l’application holomorphe F : Ω → Ω0 est un biholomorphisme local, alors pour
tout point a ∈ Ω il existe un voisinage ouvert U de a dans Ω tel que F|U : U → V est
un biholomorphisme où V est un voisinage ouvert de F (a) dans Ω0 . En conséquence
F : U → V et F −1 : V → U sont des applications holomorphes et telles que
F −1 ◦ F = Id où F −1 ◦ F est à nouveau une application holomorphe grâce à la
règle de la chaîne. En appliquant la même règle on obtient que
da (F −1 ◦ F ) = dF (a) F −1 ◦ da F .
Il en découle que (da F )−1 = dF (a) F −1 , d’où que la différentielle de F soit un
isomorphisme linéaire pour tout point a ∈ Ω et par conséquent det(JF (a)) 6= 0
pour tout point a ∈ Ω.
Passons à montrer que la condition est suffisante. Étant donnée l’application
holomorphe F : Ω → Ω0 supposons donc que det(JF (a)) 6= 0 pour tout point
a ∈ Ω. En entendant F comme application différentiable réelle, on peut appliquer
le théorème d’inversion locale ce qui nous assure donc que F est bien un difféomorphisme local. Ainsi, pour tout point a ∈ Ω il existe un voisinage ouvert U de a
dans Ω tel que F|U : U → V est un difféomorphisme où V est un voisinage ouvert
de F (a) dans Ω0 . Il manque à voir que (F|U )−1 est une application holomorphe
et pour cela il suffit de voir que (F|U )−1 (plutôt, chaque fonction coordonnée de
l’application (F|U )−1 ) vérifie les équations de Cauchy-Riemann (car on a déjà la
différentiabilité). Notons G ≡ (g1 , . . . , gn ) l’application inverse de F|U et ses composantes. Pour tout point z ∈ U on a bien G(F|U (z)) = z soit :
gj (f |1 (z), . . . , f |n (z)) = zj ,
16
pour chaque j = 1, . . . , n.
Si le système de coordonnées canoniques de l’ouvert V ⊂ Cn est noté par
(w1 , . . . , wn ), alors en différentiant cette expression en appliquant la règle de la
chaîne on obtient :
dzj = dz (gj ◦ F ) =
n
X
∂gj
∂gj
(F (z))dz fi +
(F (z))dz f i ,
∂wi
i=1 ∂wi
pour chaque j = 1, . . . , n. Or, l’application F est holomorphe par hypothèse de telle
que sorte que chaque fonction coordonnée fi de F vérifie les équations de CauchyRiemann, en conséquence dz f i est une combinaison linéaire uniquement de dz z i
pour tout i = 1, . . . , n. De plus
le déterminant
jacobien de F est précisément (par
définition) det(JF ) = det
∂(f1 ,...,fn )
∂(z1 ,...,zn )
, qui est différent de zéro pour tout point
de Ω. Mais on peut l’écrire encore comme det
det
∂(f1 ,...,fn )
∂(z1 ,...,zn )
= det
∂(f 1 ,...,f n )
∂(z 1 ,...,z n )
∂(f1 ,...,fn )
∂(z1 ,...,zn )
= det
∂(f1 ,...,fn )
∂(z1 ,...,zn )
=
. Et comme ce déterminant est différent de zéro
pour tout point de Ω, alors {dz f i }i=1,...,n sont linéairement indépendants. Ainsi,
∂gj
= 0 pour tout i = 1, . . . , n, d’où gj est
la formule ci-dessus implique que ∂w
i
holomorphe sur V . Ceci est vrai pour tout j = 1, . . . , n donc G = (F|U )−1 est
holomorphe sur V .
À partir du théorème d’inversion locale, on peut en déduire donc (de même
que pour les applications différentiables réelles à plusieurs variables) le théorème
des fonctions implicites :
1.2.9 Théorème (des fonctions implicites généralisé). Étant donné l ∈ N, soit Ω
un ouvert de Cl+m et F : Ω → Cm une application holomorphe dont les fonctions
coordonnées sont f1 , . . . , fm . Notons (z1 , . . . , zl , ξ1 , . . . , ξm ) le système de coordonnées canoniques sur l’ouvert Ω ⊂ Cl+m .
Si (a, b) ≡ (a1 , . . . , al , b1 , . . . , bm ) ∈ Ω est un zéro de F tel que
det
∂(f1 , . . . , fm )
(a, b) 6= 0
∂(ξ1 , . . . , ξm )
alors il existe des voisinages ouverts U de (a, b) dans Ω et V de (a1 , . . . , al ) dans
Cl et une unique application holomorphe G : V → Cm tels que les affirmations
suivantes son équivalentes :
– F (z, ξ) = 0 pour tout (z, ξ) ∈ U
– pour tout z ∈ V on a G(z) = ξ.
17
2
Les problèmes de Cousin
En 1895 le mathématicien français Pierre Cousin considère le problème de
généraliser aux fonctions complexes à plusieurs variables les théorèmes classiques
de Mittag-Leffler et de Weierstrass sur l’existence de fonctions méromorphes dans
C (non constantes) avec des caractéristiques fixées.
On rappelle succinctement ici la problématique proposée par les théorèmes
classiques de Mittag-Leffler et Weierstrass.
Soient Ω un ouvert de C et f une fonction méromorphe sur Ω, alors on s’intéresse à comprendre les pôles de f . Les résultats nous disent que toute fonction
méromorphe est complètement déterminée par la connaissance soit de la partie
principale de son développement en série de Laurent en chaque pôle, soit de l’ordre
des pôles et de la multiplicité de ses zéros.
Si maintenant on considère un ensemble A de points de l’ouvert Ω, on se demande sous quelles conditions on peut construire une fonction méromorphe dans
Ω dont les pôles soient exactement les points fixés de A et de plus dont les parties
principales soient fixées à l’avance. Puisque les singularités d’une fonction complexe (à une variable) sont isolées, alors on en déduit déjà que l’ensemble A ne
peut pas avoir de points d’accumulation dans Ω. Le théorème de Mittag-Leffler
affirme que la solution de ce problème existe toujours.
En ce qui concerne le théorème de Weierstrass, on propose le problème analogue : on veut construire une fonction méromorphe dans Ω dont les zéros et pôles
sont fixés à l’avance dans un ensemble A ⊂ Ω ainsi que leur respectives multiplicités
et ordres. Le théorème de Weierstrass assure que ce problème a toujours solution
et il représente la version multiplicative du problème proposé par Mittag-Leffler.
Ainsi on appelle Premier Problème de Cousin ou Problème additif de Cousin la
généralisation du théorème classique de Mittag-Leffler pour les fonctions complexes
à plusieurs variables et celle du théorème classique de Weierstrass est appelée
Second Problème de Cousin ou Problème multiplicatif de Cousin.
2.1
Cohomologie de Dolbeault
Premièrement, on va établir le langage et les notations opportunes pour parler
du calcul différentiel extérieur dans Cn . Ainsi, on va définir un opérateur qui représentera les équations différentielles (non homogènes) de Cauchy-Riemann et qui est
très important pour la théorie complexe comme on s’apercevra pendant les raisonnements qui suivent. De plus, cet opérateur nous permettra de définir des groupes
de cohomologie concrets en représentant une généralisation de la cohomologie de
De Rham connu pour le cas différentiable réel.
18
Comme d’habitude, on commence en se situant dans le cas réel (où le calcul
différentiel est connu). Soit Ω un ouvert de Cn où on dispose du système canonique des coordonnées complexes (z1 , . . . , zn ) qui est équivalente au système des
coordonnées réelles (x1 , y1 , . . . , xn , yn ) comme on sait déjà. Ainsi, une 1-forme (différentielle) ω dans Ω n’est que une combinaison linéaire
n
X
ω=
Ak dxk + Bk dyk
k=1
où les Ak et Bk sont des fonctions complexes (R-différentiables), pour tout k =
1, . . . , n.
Or, en faisant le changement de coordonnées (avec les relations dzk = dxk +idyk
et dz k = dxk −idyk pour tout k = 1, . . . , n que l’on connait déjà), cette combinaison
devient une combinaison en termes de {dzk , dz k }k=1,...,n :
ω=
n
X
fk dzk + gk dz k
k=1
où les fk et gk sont des fonctions complexes (R-différentiables), pour tout k =
1, . . . , n.
Vue cette expression, on distingue déjà deux parties dans la forme de ω : celle
qui est combinaison uniquement de {dzk }k=1,...,n et celle qui l’est de {dz k }k=1,...,n .
On peut parler donc de deux types de 1-formes différentielles.
Ainsi, on donne les définitions suivantes (avec les mêmes notations précédentes) :
2.1.1 Définition. Soit Ω un ouvert de Cn . Une 1-forme différentielle (complexe)
ω dans Ω est un combinaison linéaire :
ω=
n
X
fk dzk + gk dz k ,
k=1
pour certains fonctions complexes différentiables fk et gk dans Ω avec k = 1, . . . , n.
L’ensemble des 1-formes différentiables dans Ω sera noté 1 (Ω).
En particulier,
– on dit que ω est une (1, 0)-forme différentielle ou une 1-forme de bidegré
(1, 0) si
a
ω=
n
X
fk dzk ,
k=1
pour certains fonctions complexes différentiables fk dans Ω avec k = 1, . . . , n.
L’ensemble des formes différentiables de bidegré (1, 0) dans Ω sera noté
(1,0)
(Ω).
a
19
– on dit que ω est une (0, 1)-forme différentielle ou une 1-forme de bidegré
(0, 1) si
ω=
n
X
gk dz k ,
k=1
pour certains fonctions complexes différentiables gk dans Ω avec k = 1, . . . , n.
L’ensemble des formes différentiables de bidegré (0, 1) dans Ω sera noté
(0,1)
(Ω).
– on dit que ω est une 1-forme holomorphe si ω est une forme de bidegré (1, 0)
et ses coefficients fk avec k = 1, . . . , n sont holomorphes dans Ω.
a
Si f : Ω → C est une fonction complexe R-différentiable, alors sa différentielle
df est une 1-forme différentielle (complexe), puisque l’on a déjà montré dans la
première section que
n
X
∂f
∂f
dzk +
dz k .
df =
∂z k
k=1 ∂zk
Ainsi, à chaque fonction complexe R-différentiable dans Ω on peut l’associer
une 1-forme différentiable avec sa différentielle. À nouveau, dans l’expression de
la différentielle de f on distingue la partie qui s’exprime comme combinaison uniquement de {dzk }k=1,...,n et celle qui l’est de {dz k }k=1,...,n . On définit donc les
opérateurs suivants :
a
∂ : C ∞ (Ω) −→
f
(1,0)
(Ω)
7−→ ∂(f ) :=
n
P
∂f
k=1
a
∂ : C ∞ (Ω) −→
f
(0,1)
∂zk
dzk
(Ω)
7−→ ∂(f ) :=
n
P
∂f
k=1
∂z k
dz k
On observe que aussi bien l’opérateur ∂ que l’opérateur ∂ sont des opérateurs
linéaires (entre C-espaces vectoriels) et par définition c’est claire que
df = ∂f + ∂f ,
pour toute fonction f ∈ C ∞ (Ω).
Par ailleurs, si la fonction f est holomorphe, alors par définition on a
pour tout k = 1, . . . , n de telle sorte que sa différentielle reste :
df =
∂f
∂z k
=0
n
X
∂f
dzk ,
k=1 ∂zk
il en résulte donc que f est holomorphe si et seulement si sa différentielle df est
une forme différentielle de bidegré (1, 0) ou encore si ∂f = 0. Par conséquent,
20
l’ensemble des fonctions holomorphes dans Ω, O(Ω), est précisément le noyau de
l’opérateur ∂ ci-dessus. On dispose toujours donc de la suite exacte suivante :
∂
0 −→ O(Ω) −→ C ∞ (Ω) −→
a
(0,1)
(Ω)
2.1.2 Remarque. Notons que la suite ci-dessus ne doit pas être forcément une suite
exacte à droite, autrement dit, l’opérateur ∂ ne doit pas être forcément surjectif. La
n
P
surjectivité de l’opérateur ∂ veut dire que si ω ∈ (0,1) (Ω) de la forme ω =
gk dz k ,
a
alors il existe une fonction complexe f ∈ C ∞ (Ω) telle que
k=1
∂f
= gk , pour tout k = 1, . . . , n
zk
Un cas particulier consiste en prendre g := g1 = . . . = gn (en identifiant de
façon naturelle donc (0,1) (Ω) à C ∞ (Ω)). Dans ce cas, la surjectivité de l’opérateur
∂ revient à résoudre une équation du genre
a
∂f = g ,
où f est la fonction inconnue et g est la donnée. Cette équation représente bien le
système d’équations non homogènes de Cauchy-Riemann d’habitude.
Ce problème-ci est l’un des problèmes les plus importants pour l’analyse et
la géométrie complexes. On rappelle que pour le cas d’une variable complexe,
l’existence de solution du système d’équations non homogènes de Cauchy-Riemann
découle du Théorème de Runge (sur l’approximation des fonctions holomorphes).
De plus, l’existence de cette solution permet de montrer le classique Théorème
de Mittag-Leffler (sur l’existence de fonctions méromorphes avec ses pôles et les
parties singulières correspondantes préfixées).
Ici, pour le cas de plusieurs variables, on va étudier aussi le problème d’existence
de solution du système d’équations non homogènes de Cauchy-Riemann et en
déduire les résultats opportunes en généralisant ceux connus pour une variable
complexe.
Afin de définir des groupes de cohomologie, on a envie de suivre encore la suite
exacte que l’on a construit ci-dessus. Ainsi, en utilisant le produit extérieure on
peut étendre les opérateurs ∂ et ∂ sur les formes différentielles de bidegré arbitraire.
En effet, grâce au calcul différentiel habituel on peut donner la définition suivante :
2.1.3 Définition. Soit Ω un ouvert de Cn . Étant donné r ∈ N de la forme r :=
p+q avec p, q ∈ N, une r-forme différentielle (complexe) ou une forme différentielle
de bidegré (p, q) ω dans Ω est une combinaison linéaire
n
X
hI,J dzI ∧ dz J ,
i1 ,...,ip =1
j1 ,...,jq =1
21
où I = (i1 , . . . , ip ) et J = (j1 , . . . , jq ) sont des familles rangées d’indices (sans
répétitions) telles que |I| = p et |J| = q et hI,J son des fonctions différentiables
dans Ω.
L’ensemble des r-formes différentiables dans Ω sera noté r (Ω) ≡ (p,q) (Ω).
a
a
a
Si ω ∈ (p,q) (Ω), alors les opérateurs ∂ et ∂ sont définis par extension linéaire
comme suit
∂ω = ∂
n
X
i1 ,...,ip =1
j1 ,...,jq =1
∂ω = ∂
n
X
n
X
hI,J dzI ∧ dz J :=
∂(hI,J ) ∧ dzI ∧ dz J
i1 ,...,ip =1
j1 ,...,jq =1
n
X
hI,J dzI ∧ dz J :=
i1 ,...,ip =1
j1 ,...,jq =1
∂(hI,J ) ∧ dzI ∧ dz J
i1 ,...,ip =1
j1 ,...,jq =1
D’après la définition des opérateurs ∂ et ∂ sur les fonctions différentiables,
on en tire que l’opérateur ∂ agissant sur une (p, q)-forme différentielle ω ajoute
au produit extérieur de ω uniquement un terme de la forme dzk pour quelque
k = 1, . . . , n (avec k ∈
/ I).
Donc par définition on obtient que ∂ω ∈ (p+1,q) (Ω). De même, on a bien
∂ω ∈ (p,q+1) (Ω).
Par analogie, on pose d := ∂ + ∂ qui est (grâce à ce que l’on vient de dire) un
opérateur linéaire de la forme
a
a
d:
a (Ω) −→ a
r
r+1
(Ω) ,
ce qui est vrai pour tout r ∈ N.
2.1.4 Remarques.
1. Cet opérateur d que l’on vient de construire représente une
généralisation de la différentielle d’une fonction (différentiable) pour quelque
soit r-forme (différentielle). En effet, si r = 0, alors on a 0 (Ω) = C ∞ (Ω) et
d devient la différentielle habituelle.
a
2. Par les propriétés du produit extérieur, on obtient que ∂ω = 0 si ω est une
(n, q)-forme différentielle et ∂ω = 0 si ω est une (p, n)-forme différentielle.
En effet, il n’existe pas des formes différentielles (non-nulles) de bidegré plus
grand que la dimension n.
En remarquant que l’opérateur d que l’on vient de définir n’est autre que l’opérateur de la différentielle extérieure habituelle mais exprimé dans un autre système
de coordonnées, alors le calcul différentiel connu nous donne le résultat suivant
(avec les mêmes notations précédentes) :
22
2.1.5 Lemme. L’opérateur d :
a (Ω) −→ a
r
r+1
(Ω) , défini par d := ∂ + ∂ vérifie
d ◦ d ≡ d2 = 0
En conséquence, on obtient
1. ∂ 2 = 0
2. ∂∂ + ∂∂ = 0
2
3. ∂ = 0
Ainsi, pour tout r = p + q ∈ N on a défini une application (linéaire) entre
l’espace des r-formes différentielles et celui des (r + 1)-formes différentielles. On
a remarqué de plus que, par définition, les opérateurs ∂ et ∂ agissent de façon
indépendante sur l’espace correspondant en modifiant uniquement le paramètre
p ou q, respectivement. De plus, comme il n’existe pas des formes différentielles
de bidegré plus grand que le maximal n sauf les formes nulles (selon la remarque
ci-dessus), alors on a peut écrire en particulier la suite longue suivante pour un
p ∈ N donné :
0 −→ Op (Ω) −→
a
(p,0)
∂
(Ω) −→
a
(p,1)
∂
∂
(Ω) −→ . . . −→
a
(p,n)
∂
(Ω) −→ 0 ,
(2.1)
où Op (Ω) désigne l’ensemble de (p, 0)-formes différentielles dont les fonctions coordonnées sont des fonctions holomorphes sur Ω (de sorte que pour p = 0 on obtient
que O0 (Ω) n’est autre que l’anneau des fonctions holomorphes sur Ω, c’est à dire,
O0 (Ω)=O(Ω)).
Ainsi, la première flèche est une inclusion naturelle et les flèches suivantes sont
l’opérateur ∂ défini sur l’espace des différentielles correspondant selon la construction ci-dessus.
2.1.6 Note. Pour simplifier la notation, on va noter ∂ pour toutes les flèches précédentes sans faire distinction entre les opérateurs qui représentent.
Ensuite, on a envie de que cette suite longue soit une suite exacte, ce que veut
dire que le noyau de chaque flèche doit être l’image de la flèche précédente. Plus
précisément, en utilisant l’abus de notation expliqué dans la note ci-dessus, il faut
prouver que
Im(∂) = ker(∂)
Or, le lemme précédent nous dit déjà que Im(∂) ⊂ ker(∂). Donc, la seule chose
non-trivial qui reste à montrer est l’inclusion opposée qui revient à dire que si
ω ∈ (p,q) (Ω) est une (p, q)-forme différentielle dans Ω telle que ∂ω = 0, alors il
existe une (p, q − 1)-forme différentielle dans Ω, disons α telle que ∂α = ω, pour
tout q = 1, . . . , n.
a
23
Cependant, ce résultat n’est pas vrai en toute généralité dont on l’a énoncé.
En effet, on va prouver que l’existence de cette forme α est locale, c’est à dire, que
si ω est comme ci-dessus, alors elle est localement exprimable comme ∂α = ω, où
α est une certaine (p, q − 1)-forme différentielle dans un ouvert de Ω. De sorte que
l’expression globale de ω comme l’image par ∂ de quelque (p, q − 1)-forme n’est pas
vraie en générale ; elle le sera pour un certain type d’ouverts de Cn ; comme par
exemple, les polydisques comme on verra plus tard
Rappelons d’abord les résultats suivants d’une variable complexe (une démonstration peut être consultée dans [3] ou dans [4]) qui seront utilisés dans la suite
pour faire un argument de récurrence :
2.1.7 Lemme. Si f : C −→ C est une fonction complexe R-différentiable à support
compact, alors pour tout z ∈ C la formule suivante est vérifiée :
f (z) =
1 Z ∂f 1
dξ ∧ dξ
2πi C ∂ξ ξ − z
Comme conséquence de ce résultat on peut donner le théorème suivant :
2.1.8 Théorème. Soit Ω un ouvert de C. Si g : Ω −→ C est une fonction complexe
R-différentiable dans Ω, alors il existe une fonction R-différentiable f dans Ω telle
que
∂f
=g
∂f ≡
∂z
Autrement dit, le système d’équations non homogènes de Cauchy-Riemann a
toujours une solution et, de plus, cette solution est unique à une fonction holomorphe sur Ω près.
2.1.9 Remarques.
1. Si l’on suppose que la fonction g du théorème précédent
est à support compact dans Ω, alors le résultat découle aisément du lemme
ci-dessus en posant
1
1 Z
g(ξ)
dξ ∧ dξ ,
f (z) =
2πi Ω
ξ−z
pour tout z ∈ C.
Pour le cas général, on rappelle qu’il suffit de considérer une suite exhaustive de compacts dans Ω et d’appliquer le cas de support compact avec le
théorème d’approximation de Runge.
2. Notons néanmoins que même si la fonction g est à support compact dans Ω,
la solution f du théorème précédent ne doit pas être forcément une fonction
à support compact dans Ω. Plus précisément, en appliquant le théorème de
24
Stokes on montre que si g est à support compact dans Ω, alors la solution f
= g est à support compact si et seulement si
de l’équation ∂f
∂z
Z
z k g(z)dz ∧ dz = 0 ,
C
pour tout k ∈ N.
La généralisation pour l’opérateur ∂ que l’on va donner ici, montre en particulier que en dimension n > 1, la solution de l’équation ∂ est une forme à
support compact dès que la forme de donnée est à support compact.
Ainsi, on va généraliser ce dernier théorème pour une (p, q)-forme différentielle
(complexe) quelconque selon les explications que l’on vient de donner ci-dessus.
2.1.10 Lemme (de Dolbeault-Grothendieck). Soient a ∈ Cn un point quelconque
et D(a, R) un polydisque ouvert centré en a et de rayon R > 0. Étant donnés les
nombres naturels p, q avec q ≥ 1, considérons une (p, q)-forme différentielle ω dans
le polydisque D(a, R).
Si ∂ω = 0, alors il existe une (p, q − 1)-forme différentielle α dans D(a, R) telle
que ∂α = ω dans un polydisque D0 (a, R0 ) centré en a et de rayon R0 < R.
Démonstration. Tout d’abord, au moyen d’une translation on peut supposer que
le point a considéré soit l’origine de Cn . Ainsi, soit ω une (p, q)-forme différentiable
dans le polydisque D(0, R) comme dans l’énoncé. Par définition, son expression
locale en coordonnées est de la forme :
n
X
hI,J dzI ∧ dz J ,
i1 ,...,ip =1
j1 ,...,jq =1
où I = (i1 , . . . , ip ) et J = (j1 , . . . , jq ) sont des familles rangées d’indices (dans
l’ordre strictement croissant) telles que |I| = p et |J| = q et hI,J son des fonctions
différentiables dans D(0, R).
Sans perte de généralité, on peut se ramener au cas en que ω est une (0, q)-forme
et donc son expression en coordonnées soit de la forme :
n
X
hJ dz J ,
j1 ,...,jq =1
où J = (j1 , . . . , jq ) est une famille rangée d’indices (sans répétitions) telles que
|J| = q et hJ son des fonctions différentiables dans D(0, R) ; parce que si on
démontre le théorème pour une telle ω, alors en multipliant la solution trouvée
pour l’équation par les dzI correspondants, on obtient à nouveau une solution de
l’équation (par définition de l’opérateur ∂) en montrant donc le cas général.
Étant donné un nombre naturel k, soit ω une (0, q)-forme différentiable comme
ci-dessus telle que :
25
(a) k est le nombre le plus petit tel que l’expression en coordonnées de ω ne
contienne pas de termes avec dz k+1 , . . . , dz n .
(b) si R = (R1 , . . . , Rn ) est le rayon du polydisque D(0, R) et R0 = (R10 , . . . , Rn0 )
est tel que Ri0 < Ri pour tout i = 1, . . . , n ; alors ∂ω = 0 dans D(0, R1 ) × . . . ×
0
) × . . . × D(0, Rn0 ).
D(0, Rk ) × D(0, Rk+1
Ainsi, pour démontrer le théorème on va faire une récurrence sur k.
Si k = 0, alors par définition de k c’est clair que ceci implique que ω est
nulle et le théorème est trivialement satisfait. Étant donné k ≥ 1, supposons le
théorème vrai pour k − 1 et prouvons-le pour k. Ainsi, on suppose que la forme
ω vérifie les conditions (a) et (b) ci-dessus ; en particulier elle s’exprime de telle
manière qu’elle ne contient pas des termes avec dz k+1 , . . . , dz n , autrement dit, elle
s’exprime uniquement en termes de dz 1 , . . . , dz k . En rangeant l’expression de ω,
on peut l’écrire comme
ω = dz k ∧ β + γ ,
où β et γ sont des (0, q)-formes différentiables qui s’expriment uniquement en
termes de dz 1 , . . . , dz k−1 (pour cela, il suffit de mettre en facteur les termes de ω
avec dz k pour obtenir β ; et le reste ne contiennent donc pas de termes en dz k en
obtenant γ).
0
)×
Par hypothèse, on sait que ∂ω = 0 dans D(0, R1 )×. . .×D(0, Rk )×D(0, Rk+1
0
. . . × D(0, Rn ), donc on obtient (dans le même domaine)
0 = ∂ω = ∂(dz k ∧ β + γ) = dz k ∧ ∂β + ∂γ
Puisque la forme ω s’exprime uniquement en termes de dz 1 , . . . , dz k , alors
en l’appliquant l’opérateur ∂ les seules termes qui restent de la nouvelle forme
sont ceux dont les coefficients sont la dérivée des coefficients de ω par rapport
à z k+1 , . . . , z n . Comme ∂ω = 0, alors ces coefficients que l’on vient de décrire
doivent être nuls, autrement dit, les fonctions coordonnées de la forme ω sont des
0
fonctions holomorphes dans D(0, Rk+1
), . . . , D(0, Rn0 ) en tant que fonctions de variables zk+1 , . . . , zn , respectivement. La même conclusion est vraie donc pour les
fonctions coordonnées des formes β et γ ci-dessus.
Puisque la forme β est différentiable dans le polydisque D(0, R), alors ses fonctions coordonnées sont différentiables dans le polydisque par définition. En particulier, elles sont différentiables en chaque coordonnée z1 , . . . , zn séparément dans
les disques D(0, R1 ), . . . , D(0, Rn ), respectivement. Et de plus, par le raisonnement
que l’on vient de faire, les fonctions coordonnées de β sont holomorphes en tant que
0
fonctions de variables zk+1 , . . . , zn dans D(0, Rk+1
), . . . , D(0, Rn0 ), respectivement.
On déduit du lemme précédent que l’on a rappelé que pour chaque fonction
coordonnée de β (en tant que fonction de zk et donc différentiable dans D(0, Rk )),
∂f
disons gβ ; il existe une fonction différentiable fβ dans D(0, Rk ) telle que ∂zβk = gβ ,
ce qui est vrai dans D(0, R1 ) × . . . × D(0, Rk−1 ) × D(0, Rk0 ) × . . . × D(0, Rn0 ).
26
Or, grâce à ce que l’on vient de dire sur les fonctions coordonnées de β,
on en déduit que toutes les fonctions fβ sont des fonctions différentiables dans
0
), . . . , D(0, Rn0 ) en tant que
D(0, R1 ), . . . , D(0, Rn ) et holomorphes dans D(0, Rk+1
fonctions de zk+1 , . . . , zn , respectivement.
Ensuite, on construit une nouvelle forme différentiable ω 0 résultat de remplacer
les coefficients gβ de la forme β par les fonctions fβ que l’on vient de trouver. Alors,
par construction c’est clair que
∂ω 0 = dz k ∧ β + γ 0 ,
ce qui est vrai dans D(0, R1 ) × . . . × D(0, Rk−1 ) × D(0, Rk0 ) × . . . × D(0, Rn0 ) ;
où γ 0 est une (0, q)-forme différentiable qui s’exprime uniquement en termes de
dz 1 , . . . , dz k−1 par construction.
Ainsi, dans ce domaine on obtient ω−∂ω 0 = γ−γ 0 et en conséquence ∂(γ−γ 0 ) =
0 (dans le même domaine) et de plus γ − γ 0 s’exprime uniquement termes de
dz 1 , . . . , dz k−1 par construction.
L’hypothèse d’induction nous assure l’existence d’une (0, q − 1)-forme différentiable α0 telle que ∂α0 = γ − γ 0 . En posant α := ω 0 + α0 , on a ∂α = ω ce qu’il faut
démontrer.
Ensuite, il convient d’introduire les définitions suivantes :
2.1.11 Définition. Soit Ω un ouvert de Cn . Une (p, q)-forme différentielle ω dans
Ω avec p, q ∈ N est dite ∂-fermée si ∂ω = 0.
L’ensemble des (p, q)-formes différentielles dans Ω ∂-fermées sera noté par
(p,q)
(Ω).
f
a
2.1.12 Définition. Soit Ω un ouvert de Cn . Une (p, q)-forme différentielle ω dans
Ω avec p, q ∈ N est dite ∂-exacte s’il existe une (p, q − 1)-forme différentielles α
dans Ω telle que ∂α = ω.
L’ensemble des (p, q)-formes différentielle dans Ω ∂-exactes sera noté par (p,q)
ex (Ω).
a
De la définition elle-même, il en découle que toute (p, q)-forme ∂-exacte est une
(p, q)-forme ∂-fermé. Mais, la réciproque n’est pas vraie en général et ce problème
est précisément ce qu’on a analysé dans le lemme de Dolbeault-Grothendieck. On
a montré que toute (p, q)-forme ∂-fermée est localement ∂-exacte, c’est à dire, que
si ω est une telle forme fermée dans un ouvert Ω ⊂ Cn , alors pour tout point a ∈ Ω
il existe une (p, q − 1)-forme α dans un voisinage ouvert U de a dans Ω telle que
∂α = α.
Si l’on veut faire l’analogie avec le cas d’une variable complexe, pour trouver
une solution globale du système d’équations non homogène de Cauchy-Riemann
on avait besoin d’utiliser l’approximation des fonctions holomorphes par fonctions
holomorphes (d’après le théorème classique de Runge), ce qui revient à être une
27
condition topologique sur le domaine considéré. Néanmoins, le cas de plusieurs
variables complexes devient plus compliqué de sorte que les domaines où une telle
approximation est possible ne sont pas caractérisés par une condition topologique.
Or, le cas des polydisques est assez simple vu la définition de fonction holomorphe selon le théorème 1.1.13. En effet, si Ω est un ouvert de Cn et f est une
fonction holomorphe sur Ω, alors on sait que f est une fonction analytique sur Ω ce
qui revient à dire que f est localement la somme d’une série entière convergente et
cette convergence est en fait uniforme sur chaque compact de Ω. Plus précisément,
si a ∈ Ω et D(a, R) est un polydisque avec R > 0 et tel que D(0, R) ⊂ Ω, alors f
s’exprime dans ce polydisque comme la limite uniforme dans D(a, R) d’une suite
de polynômes.
2.1.13 Remarque. En résumé, on peut toujours approcher uniformément une fonction holomorphe sur un polydisque par polynômes.
Par ailleurs, on dit qu’un ouvert D de Cn est un polydomaine s’il est résultat
d’un produit de domaines de C, disons D = D1 ×. . .×Dn avec D1 . . . , Dn domaines
de C.
Ainsi, grâce au Théorème de représentation conforme de Riemann, l’approximation polynomiale est encore vraie sur tout polydomaine simplement connexe de
Cn considéré.
Alors, l’exactitude globale d’une forme fermée est liée aux propriétés analytiques et topologiques de la région de définition de la forme selon les explications
que l’on vient de donner. Or, grâce à l’approximation polynomiale des fonctions
holomorphes sur polydisques, ces domaines-ci sont les plus simples où on peut démontrer l’exactitude globale en raffinant le lemme de Dolbeault-Grothendieck (sa
démonstration s’appuie sur le lemme précédent et on ne le détaille pas ici ; on peut
la trouver dans [7]) :
2.1.14 Lemme. Soit D un polydisque dans Cn . Étant donnés les nombres naturels
p, q avec q ≥ 1, considérons une (p, q)-forme différentiable ω dans le polydisque D.
Si ω est ∂-fermée dans D, alors ω est ∂-exacte dans D.
Reprenons maintenant la suite longue 2.1 construite avec l’opérateur ∂ :
0 −→ Op (Ω) −→
a
(p,0)
∂
(Ω) −→
a
(p,1)
∂
∂
(Ω) −→ . . . −→
a
(p,n)
∂
(Ω) −→ 0
Comme on a déjà expliqué, cette suite n’est pas toujours exacte ; bien que
l’image de chaque flèche est contenue toujours dans le noyau de la flèche suivante.
Par conséquent, pour chaque flèche on peut considérer le correspondant groupe
quotient, de sorte que ce groupe mesure par construction le défaut de la suite
d’être exacte. Plus précisément, ce groupe quotient mesure pour nous le défaut
des (p, q)-formes fermées d’être exactes dans l’ouvert Ω considéré.
28
De façon plus formelle, l’opérateur ∂ définit une complexe de C-espaces vectoriels (à savoir, les espace des (p, q)-formes différentiables dans Ω avec p fixé et
q ∈ N) dont la cohomologie est par définition la cohomologie de Dolbeault que l’on
cherché depuis au départ :
2.1.15 Définition. Soit Ω un ouvert de Cn . Si p ∈ N est un nombre fixé, on appelle
cohomologie q-ième de Dolbeault ou q-ième groupe de cohomologie de Dolbeault le
groupe quotient donné par :
Hq (Ω) :=
a
(p,q)
(Ω)
f
a
(p,q)
ex (Ω)
,
pour chaque q ∈ N.
2.1.16 Remarque. On peut distinguer quelques cas particuliers parmi les groupes
de cohomologie :
(a) Si q = 0, alors il n’existe pas de (p, 0)-formes différentiables ∂-exactes ; autrement dit, comme la première flèche de la suite 2.1 ci-dessus n’est autre qu’une
injection naturelle, alors une (p, 0)-forme ∂-exacte se réduit a une (p, 0)-forme
de Op , d’où l’affirmation. En conséquence, le 0-ième groupe de cohomologie de
Dolbeault s’écrit comme suit :
H0 (Ω) :=
a
(p,0)
(Ω)
f
,
pour tout p ∈ N.
(b) Si q = n, alors on sait que toute (p, n)-forme différentiable est ∂-fermée et
en conséquence le groupe q-ième de cohomologie de Dolbeault s’écrit comme
suit :
Hn (Ω) := (p,n) (Ω) (p,q)
ex (Ω) ,
a
a
pour tout p ∈ N.
(c) Si q > n, alors tous les groupes de cohomologie correspondants sont triviaux.
En effet, si q > n, d’après la définition de (p, q)-forme différentiable et vu que
n est la dimension de notre domaine, alors les propriétés du produit extérieur
nous dit qu’une telle forme est nulle. En conséquence, on peut écrire :
Hq (Ω) = {0} ,
pour tout q > n et tout p ∈ N.
Ainsi, pour chaque p ∈ N fixé, il n’existe qu’un nombre fini de groupes de
cohomologie de Dolbeault, à savoir n + 1.
Notons que, par la même raison, les seules (p, q)-formes différentiables avec
p > n sont les formes nulles. Donc on en déduit que pour obtenir des groupes de
cohomologie de Dolbeault non triviaux, les nombres p, q doivent être compris
entre 0 et n.
29
L’étude de ces groupes est important pour la théorie, car les groupes de cohomologie contiennent l’information essentielle des propriétés analytiques et topologiques d’une région de l’espace. Le raffinement du lemme de Dolbeault-Grothendieck
(lemme 2.1.14), nous assure que les (p, q)-formes différentiables ∂-fermées sont
exactement les mêmes que les ∂-exactes et par conséquent on a :
2.1.17 Théorème. Si D est un polydisque de Cn , alors tous les groupes de cohomologie de Dolbeault dans D sont triviaux.
Plus précisément, si p, q sont des nombres naturels avec q ≥ 1, alors
Hq (D) = {0} .
2.2
Les théorèmes de Cousin
Ensuite, on se propose d’aborder les problèmes de Cousin comme on avait
avancé à l’introduction de ce paragraphe. On avait dit que les problèmes de Cousin tentent de généraliser les théorèmes classiques de Mittag-Leffler et Weierstrass
sur l’existence des fonctions méromorphes non constantes au cas de plusieurs variables. Cependant, pour les fonctions complexes à plusieurs variables on n’a pas
encore parlé de la notion de fonction méromorphe. On rappelle que pour une fonction complexe f d’une variable, dire que f est méromorphe sur son domaine de
définition Ω est dire que la fonction est définie et holomorphe dans Ω sauf dans un
sous-ensemble discret S de Ω formé uniquement de pôles pour f .
Pour le cas à plusieurs variables complexes, une définition de ce type n’est
plus valable parce que comme conséquence du Théorème d’extension de Hartogs
les fonctions complexes à plusieurs variables n’ont plus des singularités isolées
(puisqu’elles seront toujours effaçables). Pour le cas d’une variable complexe, on
obtient comme résultat que les fonctions méromorphes sont exactement les quotients de fonctions holomorphes (conséquence du théorème de Weierstrass). Ainsi,
pour le cas de plusieurs variables complexes on peut définir une fonction méromorphe comme une fonction f qui est localement le quotient de deux fonctions
holomorphes.
On commence par le Problème additif de Cousin. Si f et g sont deux fonctions
méromorphes (à une variable complexe) dans un ouvert Ω ⊂ C ayant les mêmes
pôles et les mêmes parties principales en chaque pôle, alors la différence f − g
est bien une fonction holomorphe dans Ω. Autrement dit, si g est une fonction
méromorphe dans Ω et f − g est une fonction holomorphe dans Ω, alors f a
les mêmes pôles et les mêmes parties principales que g et donc on aura trouvé
une fonction méromorphe f avec ses pôles et parties principales fixés à l’avance
(théorème de Mittag-Leffler).
30
On peut faire donc la même analogie pour le cas de plusieurs variables. Étant
donné un ouvert Ω de Cn , soit U := {Ui }i∈I un recouvrement ouvert de Ω. Pour
chaque ouvert Ui du recouvrement, considérons une fonction méromorphe, disons
fi . Supposons que dans Ui ∩ Uj la différence fij := fi − fj est une fonction holomorphe pour tous i, j ∈ I. Alors, le problème additif de Cousin se demande sous
quelles conditions il existe une fonction méromorphe globale f dans Ω telle que
f − fi soit une fonction holomorphe dans Ui , pour tout i ∈ I. Autrement dit, une
fonction méromorphe dont les singularités et dont comportement local autour de
ces singularités soient fixés à l’avance.
Plus précisément, on formalise ce problème de la manière suivante :
2.2.1 Définition. Soient Ω un ouvert de Cn et U := {Ui }i∈I un recouvrement
ouvert de Ω. Une donnée (additive) de Cousin pour U est une famille de fonctions
définies et holomorphes {fij }i,j∈I dans Ui ∩ Uj vérifiant les conditions suivantes :
(a) fij + fji = 0 dans Ui ∩ Uj
(b) fij + fjk + fki = 0 dans Ui ∩ Uj ∩ Uk
2.2.2 Lemme. Soient D(a, R) un polydisque centré en a ∈ Cn et de rayon R > 0
(éventuellement, le polydisque peut être tout Cn ) et U := {Ui }i∈I un recouvrement
ouvert du polydisque.
Si {fij }i,j∈I est une donnée (additive) de Cousin pour U, alors il existe de
fonctions différentiables hi dans Ui pour tout i ∈ I telles que
hi − hj = fij dans Ui ∩ Uj .
Démonstration. Tout d’abord, comme le polydisque D := D(a, R) est un espace
paracompact, alors du recouvrement U donné on peut extraire un raffinement
(ouvert) localement fini. Soit {Vλ }λ∈Λ une telle raffinement. Par ailleurs, puisque
{Vλ }λ∈Λ est un recouvrement ouvert localement fini de D, alors il existe 8 une
partition de l’unité subordonnée à {Vλ }λ∈Λ , ce qui veut dire qu’il existe une famille
de fonctions différentiables {ϕλ }λ∈Λ sur D telles que :
– le support de ϕλ est contenu dans Vλ , pour tout λ ∈ Λ
P
–
ϕλ = 1 dans D
λ∈Λ
Par définition de raffinement localement fini, pour tout λ ∈ Λ il existe iλ ∈ I tel
que Vλ ⊂ Uiλ et par conséquent on peut définir la famille de fonctions différentiables
{hλj }j∈I comme suit :
(
hλj (z) =
ϕλ (z)fiλ j (z)
, si z ∈ Vλ ∩ Uj
0
, si z ∈ Uj \(Vλ ∩ Uj ),
8. Il s’agit du théorème classique des partitions de l’unité. On peut voir une démonstration
dans [7].
31
qui sont bien des fonctions différentiables dans Uj .
Ensuite, comme la famille des fonctions {fij } est une donnée de Cousin pour
le recouvrement U par hypothèse, alors pour tous indices j, k ∈ I on a dans
Vλ ∩ Uj ∩ Uk la relation
fiλ j + fjk + fkiλ = 0
De même, dans Vλ ∩ Uk on a fiλ k = −fkiλ et dans Uj ∩ Uk on a fjk = −fkj .
Donc, dans Vλ ∩ Uj ∩ Uk la relation ci-dessus se transforme en :
fiλ j − fiλ k = fkj ,
ce qui est valable dans Vλ ∩Uj ∩Uk . En multipliant par ϕλ cette relation on obtient :
hλj − hλk = ϕλ fkj
Par définition des fonctions {hλj } et des {ϕλ } on en déduit que hλj − hλk ainsi
que ϕλ fkj sont identiquement nulles dans Uj ∩ Uk \(Vλ ∩ Uj ∩ Uk ) et donc on obtient
que cette égalité est valable dans tout Uj ∩ Uk .
P
Pour chaque j ∈ I définissons les fonctions hj :=
hλj , qui sont bien définies
λ∈Λ
et différentiables dans Uj (puisque somme est localement finie par construction des
fonctions {ϕλ }). Ainsi dans Uj ∩ Uk on peut écrire :
hj − hk =
X
ϕλ fkj = fkj ,
λ∈Λ
ce qui termine la preuve.
Le problème additif de Cousin consiste précisément en trouver des solutions holomorphes pour une donnée (additive) de Cousin dans le sens du lemme précédent.
On vient de trouver des solutions différentiables (pour un polydisque). Ensuite on
va démontrer que pour le cas d’un polydisque le problème additive de Cousin a
toujours une solution et la raison pour laquelle ceci est vrai s’appuie essentiellement sur les résultats étudiés dans le paragraphe précédent sur la cohomologie de
Dolbeault.
2.2.3 Théorème (Problème additif de Cousin). Soient D(a, R) un polydisque
centré en a ∈ Cn et de rayon R > 0 (éventuellement, le polydisque peut être tout
Cn ) et U := {Ui }i∈I un recouvrement ouvert du polydisque.
Si {fij }i,j∈I est une donnée (additive) de Cousin pour U, alors il existe de
fonctions holomorphes fi dans Ui pour tout i ∈ I telles que
fi − fj = fij dans Ui ∩ Uj .
32
Démonstration. Grâce au lemme précédent on sait que sous ces conditions il existe
de fonctions différentiables hi dans Ui pour tout i ∈ I telles que
hi − hj = fij dans Ui ∩ Uj .
Pour chaque i ∈ I considérons la (0, 1)-forme différentielle dans Ui définie par
ωi := ∂hi . Puisque dans les intersections Ui ∩ Uj les fonctions fij sont définies et
holomorphes, alors on peut écrire ∂(hi − hj ) = 0 ou de façon équivalente :
ωi = ωj dans Ui ∩ Uj
(2.2)
Comme U = {Ui }i∈I est un recouvrement du polydisque D, la condition (2.2)
que l’on vient d’obtenir nous permet de définir une (0, 1)-forme différentiable globale ω dans tout D, qui est par construction localement ∂-exacte dans chaque
ouvert Ui et par conséquent, ω est bien une (0, 1)-forme différentiable ∂-fermée
dans D. Le lemme de Dolbeault-Grothendieck raffiné (voir 2.1.14) nous assure
donc l’existence d’une fonction différentiable g dans D tel que ∂g = ω.
Pour conclure la preuve, il suffit de considérer la fonction fi := hi − g. En effet,
cette fonction est bien holomorphe dans Ui car on a :
∂fi = ∂hi − ∂g = ωi − ω = 0 dans Ui .
Et de plus c’est clair que fi − fj = fij dans Ui ∩ Uj par construction. Ainsi, le
théorème est démontré.
2.2.4 Remarque. La preuve que l’on vient de donner nous amène à dire que la
solution du problème additif de Cousin est conditionnée à l’existence de (0, 1)formes différentiables ∂-exactes ; plus précisément le problème additif de Cousin
es résoluble dans un ouvert Ω ⊂ Cn si et seulement si le groupe de cohomologie de
Dolbeault H1 (Ω) est trivial.
Il faut noter que une donnée (additive) de Cousin n’est autre chose qu’un 1cocycle de Cěch du recouvrement U et que la cohomologie classique de Cěch coïncide avec la cohomologie de Dolbeault qu’on a défini, en conséquence l’affirmation
est immédiate ; puisque le théorème de Cousin ci-dessus nous dit qu’il existe une
0-cochaîne de U à coefficients fonctions holomorphes dont l’image par l’opérateur
cobord est exactement le 1-cocycle donné, ce qui arrive précisément lorsque H1 (Ω)
soit zéro.
Voyons ensuite quel est l’énoncé du Problème multiplicatif de Cousin. Si f et g
sont deux fonctions méromorphes (à une variable complexe) dans un ouvert Ω ⊂ C
ayant les mêmes pôles, les mêmes zéros et les mêmes ordres et multiplicités, respectivement ; alors le quotient fg est bien une fonction holomorphe dans Ω. Autrement
33
dit, si g est une fonction méromorphe dans Ω et fg est une fonction holomorphe dans
Ω, alors f a les mêmes pôles, les mêmes zéros et les mêmes ordres et multiplicités,
respectivement ; que g et donc on aura trouvé une fonction méromorphe f avec ses
pôles, zéros, ordres et multiplicités fixés à l’avance (théorème de Weierstrass).
On peut faire donc la même analogie pour le cas de plusieurs variables. Étant
donné un ouvert Ω de Cn , soit U := {Ui }i∈I un recouvrement ouvert de Ω. Pour
chaque ouvert Ui du recouvrement, considérons une fonction méromorphe (non
nulle), disons fi . Supposons que dans Ui ∩ Uj le quotient fij := ffji est une fonction holomorphe pour tous i, j ∈ I. Alors, le problème multiplicatif de Cousin se
demande sous quelles conditions il existe une fonction méromorphe globale (non
nulle) f dans Ω telle que ffi soit une fonction holomorphe dans Ui , pour tout i ∈ I.
Autrement dit, une fonction méromorphe dont les singularités, les zéros et dont le
comportement local autour de ces points soient fixés à l’avance.
Plus précisément, on formalise ce problème de la manière suivante :
2.2.5 Définition. Soient Ω un ouvert de Cn et U := {Ui }i∈I un recouvrement
ouvert de Ω. Une donnée (multiplicative) de Cousin pour U est une famille de
fonctions définies et holomorphes {fij }i,j∈I dans Ui ∩ Uj (non nulles) vérifiant les
conditions suivantes :
(a) fij · fji = 1 dans Ui ∩ Uj
(b) fij · fjk · fki = 1 dans Ui ∩ Uj ∩ Uk
Comme auparavant, considérons un polydisque D ⊂ Cn et U un recouvrement
ouvert de D ; si on veut établir l’énoncé analogue pour le problème multiplicatif de
Cousin on doit trouver des fonctions holomorphes (non nulles) {fi }i∈I telles que
fi
= fij dans Ui ∩ Uj ,
fj
où {fij }i,j∈I est une donnée (multiplicative) de Cousin pour U.
Vue cette situation, c’est naturel penser à la réduire au problème additif de
Cousin en prenant les logarithmes des données de Cousin {fij }i,j∈I de sorte que
le problème multiplicatif serait résolu. Or, il apparaît quelques problèmes que l’on
décrit ensuite :
– premièrement, le logarithme complexe est une fonction multivaluée et donc
on ne peut pas toujours prendre le logarithme d’une fonction holomorphe et
travailler avec lui de façon simple. Or, il est connu que si on suppose que les
ouverts Ui ∩ Uj de définition de nos fonctions fij sont simplement connexes,
alors on sait de l’existence des déterminations uniformes du logarithme des
fij et on peut choisir donc une de ces déterminations, disons log(fij ) et
telle que log(1) = 0 de sorte que la condition (a) de la définition de donnée
(multiplicative) de Cousin est traduite par log(fij )+log(fji ) = 0 dans Ui ∩Uj ,
pour tous i, j ∈ I.
34
– notons néanmoins que pour bien appliquer le théorème du problème additif
de Cousin il faut aussi que log(fij ) + log(fjk ) + log(fki ) = 0 dans Ui ∩ Uj ∩ Uk
pour tous i, j, k ∈ I ; et cette condition n’est pas toujours satisfaite, ce qu’on
obtient toujours est une condition du type :
log(fij ) + log(fjk ) + log(fki ) = 2πimijk ,
où mijk est un entier qui dépend des indices i, j, k ∈ I choisis ; à cause de la
condition (b) de la définition ci-dessus et l’indétermination existante parmi
tous les branches du logarithme complexe.
En résumé, la famille de fonctions holomorphes {log(fij )}i,j∈I ne fournit pas
toujours une donnée (additive) de Cousin et en conséquence on ne peut pas toujours
résoudre le problème multiplicatif de Cousin au moyen de cette méthode. Selon
les explications que l’on vient de donner, le soucis consiste en pouvoir choisir les
branches des logarithmes des fij de telle sorte que tous les entiers mijk soient zéro.
La solution à ce problème repose sur une question complètement topologique
du milieu où on veut résoudre le problème proposé.
2.2.6 Remarque. En faisant référence à la remarque 2.2.4 précédente, ici le problème multiplicatif de Cousin est résoluble dans Ω ⊂ Cn si et seulement si le groupe
de cohomologie H∗1 (Ω) est trivial (parce que ici on demande que les fonctions holomorphes ne soient pas nulles). Ainsi, on peut exhiber quelle est la condition
topologique à exiger pour que le problème multiplicatif de Cousin ait de solution
dans Ω : au moyen de la fonction exponentielle, on dispose de la suite exacte
suivante :
exp
0 −→ Z −→ O(Ω) −→ O∗ (Ω) −→ 0 ,
dont la suite exacte longue de cohomologie s’écrit comme :
. . . −→ H1 (Ω) −→ H∗1 (Ω) −→ H2 (Ω, Z) −→ . . . ,
où H1 (Ω) = {0} (dès que l’ouvert Ω vérifie cette condition, par exemple, si Ω est
un polydisque en appliquant le lemme de Dolbeault) ; donc H∗1 (Ω) est trivial si et
seulement si H2 (Ω, Z) = {0}, qui représente la condition auparavant.
Cette condition est satisfaite pour les polydisques de Cn par exemple.
35
3
Le théorème de Hartogs
Friedrich Moritz Hartogs (1874-1943) fut un mathématicien allemand dont le
domaine de recherche comprenait la théorie des ensembles et la théorie des fonctions à plusieurs variables complexes. En 1906, il établit un théorème fondamental
pour cette dernière théorie qui est connu aujourd’hui comme le “Théorème d’extension de Hartogs”. Ce théorème représente la première propriété propre pour les
fonctions holomorphes à plusieurs variables en mettant en relief la différence entre
la théorie de fonctions d’une variable complexe et celle de plusieurs variables.
Quand on dit “Théorème de Hartogs” on peut parler de deux résultats différents.
D’une part, on peut entendre par théorème de Hartogs le résultat qui assure
que si f est une fonction complexe à plusieurs variables et holomorphe par rapport à chaque variable séparément, alors f est une fonction holomorphe tant que
fonction de toutes ses variables. Notons qu’aucune hypothèse sur f , à part de son
holomorphie en chaque variable, est supposée. Notamment, on ne suppose pas que
la fonction f soit continue par exemple, ce qui simplifierait le problème considérablement comme on a remarqué dans 1.1.14. Le théorème dit donc que pour
qu’une fonction complexe f soit holomorphe il faut et il suffit que la fonction soit
holomorphe par rapport à chaque variable séparément.
Ceci est déjà un résultat fort car dans le cas réel une propriété de ce genre
n’est pas satisfaite ; c’est à dire, si f est désormais une fonction réelle à plusieurs
variables et différentiable par rapport à chaque variable séparément, alors f n’est
pas forcément continue tant que fonction de toutes ses variables. Il suffit de prendre
définie sur R2 \{0} dont les dérivées partielles sont bien
la fonction f (x, y) := x2xy
+y 2
définies et continues dans R2 , mais la fonction f elle-même en tant que fonction
des variables x, y n’est pas continue en zéro (car la limite de f lorsque (x, y) tend
vers (0, 0) dépend de la direction choisie).
D’autre part, le théorème d’extension Hartogs proprement dit peut être vu
comme une description de l’ensemble des singularités d’une fonction holomorphe.
De façon simple, une singularité d’une fonction holomorphe est un point où la
fonction n’est plus holomorphe. Ainsi, le théorème assure que l’ensemble de singularités d’une fonction holomorphe ne peut pas être un compact. Plus précisément,
si f est une fonction complexe sur un ouvert Ω ⊂ Cn et holomorphe sur le complémentaire d’un compact de Ω, alors f peut être étendue de manière unique comme
fonction holomorphe à tout Ω.
Remarquons que ce résultat est vrai uniquement si n > 1, puisque pour le cas
d’une variable complexe, cette affirmation n’est plus satisfaite. En effet, considérons la fonction complexe f (z) := z1 qui est définie et holomorphe sur C\{0} et
36
néanmoins la fonction f ne peut pas être étendue holomorphiquement à tout C ;
puisque si ceci était le cas, considérons la courbe C du cercle unité. Comme la
fonction f est holomorphe sur C, alors le théorème des résidus nous donne que
l’intégrale de f le long la courbe C est zéro ; mais en paramétrant le cercle unité, le
calcul nous donnerait que cette intégrale vaut 2πi, en contredisant le théorème des
résidus ! !. Donc, f (z) = z1 ne peut pas être étendue comme fonction holomorphe à
tout C.
Cette section est consacrée à l’étude de ces résultats.
3.1
Fonctions harmoniques et sous-harmoniques
Dans cette section on va étudier quelques propriétés classiques sur les fonctions
harmoniques et sous-harmoniques afin de conclure avec un lemme dû à Hartogs sur
les suites de fonctions sous-harmoniques uniformément bornées. Ce dernier résultat
sera utilisé pour démontrer finalement le théorème de Hartogs sur l’holomorphie
séparés des fonctions complexes à plusieurs variables.
Ici on va travailler sur ouverts de C où z désignera la coordonnée complexe
naturelle et x, y les parties réelles et imaginaires, respectivement de z en fournissant
donc le système naturelle de coordonnées dans R2 ∼
= C.
3.1.1 Définition. Soit Ω un ouvert de C. Une fonction réelle u : Ω −→ R de classe
C 2 dans Ω (en tant que fonction à deux variables réelles) est dite harmonique si
son laplacien est nul, c’est à dire que :
∆u :=
∂ 2u ∂ 2u
+
= 0 dans Ω
∂x2 ∂y 2
3.1.2 Remarque. L’opérateur laplacien est défini par
∆ :=
∂2
∂2
+
∂x2 ∂y 2
en coordonnées cartésiennes. En utilisant donc les relations (1.1) du premier paragraphe, un petit calcul montre qu’en termes de la coordonnée complexe z, l’opérateur laplacien s’exprime comme :
∂
∂
∆=4
◦
∂z ∂z
On en déduit que si f est une fonction holomorphe dans Ω, alors f est harmonique dans Ω. En particulier, la partie réelle et imaginaire d’une fonction holomorphe, sont des fonctions harmoniques et elles sont dites fonctions harmoniques
conjuguées.
37
Les fonctions harmoniques sont assez liées aux fonctions holomorphes en partageant quelques propriétés essentielles. Commençons par le résultat suivant :
3.1.3 Lemme. Soit Ω un ouvert simplement connexe de C. Toute fonction harmonique sur Ω est la partie réelle d’une certaine fonction holomorphe sur Ω.
Démonstration. Soit u : Ω −→ R une fonction harmonique et considérons la 1forme différentielle dans Ω définie par
ω := −
∂u
∂u
dx +
dy ,
∂y
∂x
qui est une 1-forme de classe C 1 (car u de classe C 2 ). On va voir que ω est fermée
dans Ω. En effet :
dω = d −
∂u
∂ 2u
∂u
∂ 2u
∧ dx + d
∧ dy = − 2 dy ∧ dx + 2 dx ∧ dy = ∆udx ∧ dy = 0
∂y
∂x
∂y
∂x
Comme Ω est simplement connexe, alors on peut appliquer le classique Lemme
de Poincaré d’après lequel toute 1-forme fermée dans un ouvert simplement connexe
est exacte. Ainsi, pour nous il existe une fonction (de classe C 1 dans Ω), disons v
telle que ω = dv. En appliquant la définition de ω et en développant la différentielle
de v en coordonnées on obtient les relations suivantes :
−
∂v
∂u
∂v
∂u
=
et
=
,
∂y
∂x
∂x
∂y
qui sont les équations de Cauchy-Riemann. Par conséquent, la fonction f := u + iv
est bien une fonction holomorphe dans Ω, ce qui conclue la preuve.
3.1.4 Corollaire. Si Ω est un ouvert de C, alors toute fonction harmonique de Ω
coïncide localement avec la partie réelles d’une certaine fonction holomorphe dans
Ω.
3.1.5 Remarque. Comme conséquence, les isomorphismes holomorphes transforment
des fonctions harmoniques en fonctions harmoniques.
3.1.6 Corollaire (Principe d’unicité pour les fonctions harmoniques). Soit Ω un
domaine de C. Si u1 , u2 sont deux fonctions harmoniques dans Ω telles que u1 = u2
dans un sous-ensemble non vide de Ω, alors u1 = u2 dans Ω.
Démonstration. Notons A le sous-ensemble de Ω où les fonctions u1 et u2 coïncident. Puisque u1 , u2 sont des fonctions continues en particulier, alors c’est clair
que A est un fermé de Ω. Comme il n’est pas vide par hypothèse, il suffit de prouver
que A est un ouvert de Ω (car Ω est connexe).
38
Considérons un disque D(a, R) ⊂ Ω de centre a ∈ A◦ et de rayon R > 0. On
va voir que D(a, R) ⊂ A◦ .
Grâce au corollaire précédent, étant données les fonctions harmoniques u1 , u2
dans Ω, il existe des fonctions holomorphes f1 , f2 dans D(a, R) telles que <(f1 ) =
u1 et <(f2 ) = u2 . Posons f1 := u1 + iv1 et f2 := u2 + iv2 , où v1 , v2 sont les fonctions
harmoniques conjuguées de u1 , u2 , respectivement (qui sont des fonctions de classe
C 1 dans D(a, R)).
En outre, comme a ∈ A◦ alors il existe 0 < r < R tel que D(a, r) ⊂ A. Ainsi,
les fonctions u1 , u2 coïncident dans ce disque D(a, r) et ici on dispose aussi des
fonctions holomorphes f1 et f2 ci-dessus. Considérons leurs équations de CauchyRiemann :
∂v1 ∂u1
∂v1
∂u1
=
,
=−
∂x
∂y
∂y
∂x
∂u2
∂v2 ∂u2
∂v2
=
,
=−
∂x
∂y
∂y
∂x
Comme dans D(a, r) on a u1 = u2 , on en déduit que v1 et v2 ont les mêmes
dérivées partielles dans D(a, r) et par suite la fonction v1 − v2 est une constante
dans D(a, r), disons v1 −v2 = λ ∈ C. En conséquence, dans D(a, r) on peut écrire :
f1 = u1 + iv1 = u1 + i(v2 + λ) = u2 + i(v2 + λ) = u2 + iv2 + iλ = f2 + iλ
Autrement dit, on a obtenu que f1 −f2 est constante et égale à iλ dans D(a, r) ;
le principe d’unicité pour les fonctions holomorphes nous assure que f1 − f2 est
constante et égale à iλ dans D(a, R). Or, la condition f1 − f2 = iλ dans D(a, R)
entraîne que u1 − u2 = 0 dans D(a, R). C’est à dire, u1 et u2 coïncident dans
D(a, R) et donc D(a, R) ⊂ A, d’où le résultat.
3.1.7 Remarque. Si f est une fonction holomorphe à une variable, ses zéros forment
un ensemble discret ; de sorte que d’après le principe d’unicité on en déduit que
pour que f soit constante dans son domaine de définition il suffit que f soit
constante dans un sous-ensemble (non vide) ayant un point d’accumulation. Ceci
n’est plus vrai pour les fonctions harmoniques ; par exemple, la fonction u(z) :=
<(z) est une fonction harmonique qui s’annule uniquement dans l’axe imaginaire.
3.1.8 Corollaire (Théorème de Liouville pour les fonctions harmoniques). Toute
fonction harmonique et bornée dans C est constante.
Démonstration. Soit u une fonction harmonique et bornée dans C. Il existe donc
une constante M > 0 tel que |u(z)| < M pour tout z ∈ C. Puisque C est simplement connexe, alors u, étant harmonique, est la partie réelle d’une fonction
holomorphe dans C disons f := u + iv, où v est la fonction harmonique conjuguée
de u.
39
La composition exp ◦f est à nouveau une fonction holomorphe dans C et elle
est bornée car :
|ef (z) | = eu(z) < eM , pour tout z ∈ C
Le théorème de Liouville pour les fonctions holomorphes nous assure que exp ◦f
est constante, par suite f l’est aussi ; d’où le résultat.
On peut donner “un principe du maximum” analogue à celui des fonctions
holomorphes :
3.1.9 Définition. Soit Ω un ouvert de C et soit u une fonction réelle et continue
dans Ω. On dit que u vérifie la propriété de la moyenne dans Ω si pour tout disque
D b Ω la formule suivante est satisfaite :
1 Z 2π
u(z0 + Reiθ )dθ ,
u(z0 ) =
2π 0
où z0 désigne le centre du disque D et R > 0 son rayon.
3.1.10 Lemme. Soit Ω un ouvert de C. Toute fonction harmonique dans Ω vérifie
la propriété de la moyenne dans Ω.
Démonstration. Soit u : Ω −→ R une fonction harmonique. Soit D un disque
de centre z0 ∈ Ω et de rayon R > 0 tel que D ⊂ Ω. Étant donnée la fonction
harmonique u dans Ω, soit v sa fonction harmonique conjugué dans une autre
disque D0 de centre z0 et de rayon R0 > 0 tel que D ⊂ D0 b Ω (un telle fonction
existe d’après le corollaire 3.1.4).
La fonction u + iv est bien une fonction holomorphe dans D0 à laquelle on
peut appliquer la formule intégrale de Cauchy, ce qui nous donne (après de faire
le changement de variable z := Reiθ ) :
1 Z 2π
(u + iv)(z0 + Reiθ )dθ
(u + iv)(z0 ) =
2π 0
En particulier, on obtient :
1 Z 2π
u(z0 + Reiθ )dθ ,
u(z0 ) =
2π 0
d’où le résultat.
3.1.11 Théorème (Principe de l’extremum local pour les fonctions harmoniques).
Soit Ω un domaine de C. Si u est une fonction harmonique dans Ω qui atteint un
extremum local dans Ω, alors u est constante.
40
Démonstration. Soit z0 ∈ Ω le point où u atteint son extremum local (maximum
ou minimum). Par définition, il existe un voisinage de z0 , disons un disque D(z0 , R)
de rayon R > 0 ; tel que u atteint en z0 son extremum global dans D(a, R).
Supposons sans perte de généralité que u atteint en z0 un maximum (sinon on
change u par −u).
Grâce au lemme 3.1.10, la fonction harmonique u vérifie la propriété de la
moyen dans notre disque D(z0 , R). Ainsi, si D est un disque de centre z0 et de
rayon 0 < r < R on peut écrire la formule suivante :
1 Z 2π
u(z0 + reiθ )dθ
u(z0 ) =
2π 0
Or, z0 est le point où u(z0 ) est maximale et comme le membre de droite est la
moyen des valeurs de u dans ∂D (dans le sens du théorème de la valeur moyenne),
alors on en déduit que u doit être constante dans ∂D et égale à u(z0 ). Par suite, u
est constante et égale à u(z0 ) dans tout disque centré en z0 et contenu entièrement
dans D(z0 , R).
Posons X := {z ∈ D(z0 , R) tels que u(z) = u(z0 )}. On vient de démontrer que
X est un ouvert de Ω et il est fermé parce que u est continue. Puisque X est non
vide et D(z0 , R) est connexe par hypothèse, alors on en déduit que X = D(z0 , R).
Ainsi, la fonction u est constante dans D(z0 , R) et égale à u(z0 ).
Finalement, comme Ω est connexe, le Principe d’identité pour les fonctions
harmoniques (voir 3.1.6) nous permet de conclure que u est encore constante dans
Ω, ce qu’il fallait démontrer.
3.1.12 Proposition. Soit Ω un domaine borné de C. Si u est une fonction continue dans Ω et harmonique dans Ω, alors
max(u(z)) = max(u(z))
z∈∂Ω
z∈Ω
Autrement dit, le maximum de u est atteint toujours dans la frontière de Ω.
Démonstration. Soit u une fonction comme dans l’énoncé et posons m := max(u(z)),
z∈∂Ω
M := max(u(z)). Il faut voir que m = M . Par l’absurde supposons que ce n’est
z∈Ω
pas le cas et, sans perte de généralité, supposons que m < M .
Au moyen d’une translation, on peut supposer que le maximum de u dans Ω
est atteint en zéro, c’est à dire, M = u(0). Notons d la distance la plus grande
entre deux points de Ω et définissons la fonctions suivante :
v(x, y) := u(x, y) +
M −m 2
(x + y 2 ) ,
2d2
qui n’est pas une fonction harmonique mais qui coïncide avec u en l’origine et donc
v(0, 0) = M .
41
Par le choix de d, dans la frontière de Ω on a :
v(x, y) ≤ m +
M −m
M −m 2 M +m
< M = v(0, 0)
max (x2 + y 2 ) ≤ m +
d =
2
2d (x,y)∈∂Ω
2d2
2
On en déduit donc que v(x, y) doit atteindre son maximum à l’intérieur de Ω,
disons dans le point (a, b) ∈ Ω. Calculons le laplacien de v(x, y) en ce point en
tenant compte que u est harmonique dans Ω par hypothèse :
(∆v)(a, b) =
M −m
M −m
4=2
>0
2
2d
d2
Par ailleurs, on sait qu’en le maximum d’une fonction continue, ses dérivées
secondes sont négatives et par suite son laplacien en ce point doit être négatif. Le
calcul que l’on vient de faire contredit donc ce résultat. En conséquence il faut que
m = M comme on souhaitait.
3.1.13 Remarques.
1. De façon analogue, on a le résultat précédent pour le
minimum d’une fonction harmonique comme dans l’énoncé.
2. Cette proposition a été démontrée directement, mais elle peut être vue comme
une conséquence du principe de l’extremum local.
Ensuite, on va introduire la notion de “fonction sous-harmonique”. Les fonctions harmoniques sont en particulier des fonctions continues, mais pour le cas des
fonctions sous-harmoniques on demande une condition de régularité plus faible
(une “continuité supérieure”). On a besoin de quelques notions préliminaires :
3.1.14 Définition. Soient Ω un ouvert de C et f : Ω −→ R une fonction. On
appelle limite supérieure de f en un point z0 ∈ Ω le nombre (s’il existe) suivant :
lim f (z) := inf {sup(f (z))} ,
z→z0
U ∈F z∈U
où F désigne la famille des voisinages ouverts de z0 dans Ω.
3.1.15 Définition. Soient Ω un ouvert de C et f : Ω −→ R∪{−∞} une fonction.
On dit que f est semi-continue supérieurement dans Ω si
lim f (z) ≤ f (z0 ) , pour tout z0 ∈ Ω
z→z0
3.1.16 Remarques.
1. Si l désigne la limite supérieure de f en z0 , alors pour tout
> 0 on a inf {sup(f (z))} < l + (car il s’agit de l’infime d’un ensemble de
U ∈F z∈U
nombres réels), par suite il existe un voisinage U ∈ F tel que sup(f (z)) <
z∈U
l + , c’est à dire, f (z) < l + pour tout z ∈ U .
42
Supposons que f est une fonction semi-continue supérieurement dans Ω,
étant donné un point z0 ∈ Ω et α > f (z0 ), alors il existe un voisinage U de
z0 dans Ω tel que f (z) < α, pour tout z ∈ U .
Ainsi, étant donnée une fonction f : Ω −→ R ∪ {−∞}, les conditions suivantes sont équivalentes :
(a) f est semi-continue supérieurement dans Ω.
(b) pour chaque point z0 ∈ Ω et chaque > 0 il existe un voisinage ouvert
U de z0 dans Ω tel que f (z) ≤ f (z0 ) + .
(c) l’ensemble f −1 [−∞, α) est ouvert dans Ω, pour tout α ∈ R.
2. Toute fonction continue est en particulier semi-continue supérieurement.
3. En utilisant la notion de limite inférieure, on peut donner de façon analogue
la notion de fonction semi-continue inférieurement. Ainsi, par les définitions
on obtient que si f est une fonction semi-continue supérieurement, alors −f
est semi-continue inférieurement et si f ne s’annule pas, alors f1 est semicontinu inférieurement.
Quelques propriétés des fonctions semi-continues supérieurement à tenir compte
sont les suivantes :
3.1.17 Proposition. Soit Ω un ouvert de C
1. Si f, g sont des fonctions semi-continues supérieurement dans Ω, alors pour
tous λ1 , λ2 ≥ 0 la fonction λ1 f + λ2 g est semi-continue supérieurement dans
Ω.
2. Si f, g sont des fonctions semi-continues supérieurement dans Ω, alors max{f, g}
est une fonction semi-continue supérieurement dans Ω.
3. Si K est un sous-ensemble compact de Ω, alors toute fonction semi-continue
supérieurement dans Ω est supérieurement bornée dans K. De plus, toute
fonction semi-continue dans Ω atteint son maximum dans K.
Démonstration.
1. Il découle directement de la définition.
2. En effet, notons h cette fonctions.Si α ∈ R, l’ensemble h−1 [−∞, α) = {z ∈
Ω tels que h(z) < α} s’exprime comme réunion des ensembles f −1 [−∞, α)
et g −1 [−∞, α) ; qui sont des ouverts (car f, g sont semi-continues supérieurement), donc il est un ouvert et par suite h est semi-continue supérieurement.
3. En effet, si f est une fonction semi-continue supérieurement dans Ω, alors
étant donné > 0 pour tout z0 ∈ K il existe un voisinage ouvert Uz0 de z0
dans Ω tel que f (z) ≤ f (z0 )+ pour tout z ∈ Uz0 . Comme K est compact, on
peut choisir un nombre fini de points z1 , . . . , zn ∈ K et de voisinages ouverts
Uz1 , . . . , Uzn , respectivement tels que K ⊂ Uz1 ∪ . . . ∪ Uzn . On en déduit que
f (z) ≤ min{f (z1 ) + , . . . , f (zn ) + } pour tout z ∈ K ; d’où le résultat.
43
Finalement, posons α := sup(f (z)). Si f n’atteint pas la valeur α dans K,
z∈K
1
alors f −α n’est pas nulle dans K et donc f −α
est une fonction semi-continue
1
inférieurement dans K et par le raisonnement analogue au précédent, f −α
est inférieurement bornée dans K, disons par m > 0. On obtiendrait que
f ≤ α + m1 , ce qui est absurde parce que f atteint des valeurs arbitrairement
petites proches à α (car f est semi-continue supérieurement). Donc il faut
que f (z) = α, pour un certain z ∈ K.
3.1.18 Définition. Soient Ω un ouvert de C et u : Ω −→ R ∪ {−∞} une fonction
semi-continue supérieurement. On dit que u est une fonction sous-harmonique
dans Ω si pour tout disque D b Ω on a :
u(z0 ) ≤
1 Z 2π
u(z0 + Reiθ )dθ ,
2π 0
où z0 désigne le centre du disque D et R > 0 son rayon.
3.1.19 Remarque. Remarquons qu’une fonction sous-harmonique est en particulier
une fonction semi-continue supérieurement et une telle fonction n’est pas forcément
continue. Ainsi, il faut donner un sens à l’intégrale d’une telle fonction pour que
la définition ci-dessus soit valable.
L’intégrale de la définition précédente est vue comme une intégrale de Lebesgue
et donc elle est bien définie pour les fonctions semi-continues supérieurement. En
effet, si u est une telle fonction, notons par u+ et u− les parties positive et négative
de la fonction, respectivement ; c’est à dire, u+ := max{u, 0} et u− := max{−u, 0}.
Ainsi, l’intégrale de u peut s’exprimer comme :
Z
Ω
u=
Z
+
u −
Ω
Z
u−
Ω
Puisque u+ est à nouveau une fonction semi-continue supérieurement, alors
elle est supérieurement bornée dans tous compact K de Ω (d’après la remarque
précédente).
On a donc deux possibilités :
R
– soit Ω u− est finie et dans ce cas l’intégrale totale est bien finie (sur les
compacts
de Ω).
R
−
– soit Ω u = ∞ et dans ce cas l’intégrale totale vaut −∞.
Ainsi, comme dans la définition précédente on considère l’intégrale sur un compact de Ω et, de plus, on admet la fonction identiquement égale à −∞ comme
fonction sous-harmonique, le raisonnement que l’on vient de faire nous dit que la
définition ci-dessus est valable.
Les propriétés les plus simples qui découlent facilement de la définitions sont
les suivantes :
44
3.1.20 Proposition. Soit Ω un ouvert de C.
1. Si u1 et u2 sont des fonctions sous-harmoniques dans Ω, alors pour tous
λ1 , λ2 ≥ 0 la fonction λ1 u1 + λ2 u2 est sous-harmonique dans Ω.
2. Si u1 et u2 sont des fonctions sous-harmoniques dans Ω, alors max{u1 , u2 }
est une fonction sous-harmonique dans Ω.
3. Si u est une fonction sous-harmonique dans Ω, alors pour tout z0 ∈ Ω on a :
u(z0 ) = lim u(z)
z→z0
4. Si u est une fonction sous-harmonique dans un voisinage de chaque point de
Ω, alors u est sous-harmonique dans Ω.
5. Si u est harmonique dans Ω, alors u et −u sont sous-harmonique dans Ω.
6. Si f est holomorphe dans Ω (non nulle), alors log |f | est une fonction sousharmonique dans Ω.
Démonstration.
1. Il découle directement de la définition.
2. On sait déjà que max{u1 , u2 } est une fonction semi-continue supérieurement.
Comme u1 , u2 sont des fonctions sous-harmoniques, alors pour tout z0 ∈ Ω
il existe R1 , R2 > 0 tels que la définition 3.1.18 est satisfaite pour u1 pour
tout r1 ≤ R1 et pour tout r2 ≤ R2 . En conséquence, pour chaque point z0 la
fonction max{u1 , u2 } vérifie la définition.
3. Comme u est une fonction semi-continue supérieurement en particulier, alors
lim u(z) ≤ u(z0 ). Notons l cette limite et supon a toujours par définition z→z
0
posons que l < u(z0 ). Alors il existe l < l0 < u(z0 ) tel que u(z0 + reiθ ) < l0
pour un r convenable. Cependant, comme u est sous-harmonique, l’inégalité
de la définition est en contradiction avec l’inégalité que l’on vient d’obtenir.
Ainsi, il faut que l = u(z0 ).
4. Il découle de la définition elle-même.
5. Si u est une fonction harmonique, alors le lemme 3.1.10 nous dit que u vérifie
la formule de la moyenne, c’est à dire, pour tout disque D b Ω on a
u(z0 ) =
1 Z 2π
u(z0 + Reiθ )dθ ,
2π 0
où z0 ∈ Ω est le centre du disque et R > 0 son rayon. Il s’agit donc, du
cas de l’égalité dans la définition de fonction sous-harmonique. Donc u est
en particulier une fonction sous-harmonique. La même conclusion est vraie
pour −u.
45
6. Si z0 ∈ Ω est un zéro de f , alors log |f (z0 )| vaut −∞ et donc elle est bien
une fonction sous-harmonique.
Dehors les zéros de f , la fonction log |f | est une fonction continue, donc
semi-continue supérieurement. Il manque à vérifier la condition de fonction
sous-harmonique. Soit z0 ∈ Ω un point tel que f (z0 ) 6= 0. Comme f est
holomorphe, on peut considérer un disque D(z0 , R) où la fonction n’a pas
de zéros. Dans cette disque il existe une détermination holomorphe du logarithme de f , disons g. Ainsi, notre fonction log |f | est la partie réelle de la
fonction holomorphe g dans D(z0 , R) ; elle est donc harmonique et par suite
sous-harmonique dans D(z0 , R).
Il existe aussi un “principe du maximum” pour les fonctions sous-harmoniques :
3.1.21 Théorème (Principe du maximum pour les fonctions sous-harmoniques).
Soit Ω un domaine de C. Si u est une fonction sous-harmonique dans Ω qui atteint
un maximum global dans Ω, alors u est constante.
Démonstration. Soit z0 ∈ Ω le point où u atteint son maximum global, disons
u(z0 ) := M . Définissons les ensembles suivants :
A := {z ∈ Ω tels que u(z) < M } et B := {z ∈ Ω tels que u(z) = M }
Tout d’abord, c’est claire que A, B fournissent une partition de Ω. Comme u
est semi-continue supérieurement, alors par définition on en déduit que A est un
ouvert de Ω.
En outre, B est aussi un ouvert de Ω. En effet, soit w ∈ B et soit D un disque
de centre w et de rayon r > 0 tel que D ⊂ Ω. Comme u est sous-harmonique dans
Ω, alors on a :
1 Z 2π
u(w + reiθ )dθ ,
u(w) ≤
2π 0
de sorte que pour un r convenable (“assez petit”) le disque D doit être contenu
dans B parce que sinon D ∩ A 6= ∅ et donc il existerait un point de la forme
w + reiθ0 ∈ A avec θ0 ∈ (0, 2π) tel que u(w + reiθ0 ) < M , ce qui contredit le choix
de w d’après l’inégalité ci-dessus. Donc B est un ouvert de Ω.
Ainsi, A, B sont deux ouverts de Ω tels que Ω = A t B et par hypothèse B
n’est pas vide. Ω étant connexe, on en déduit que A = Ω, d’où le résultat.
3.1.22 Corollaire. Soit Ω un domaine borné de C. Si u est une fonction semicontinue supérieurement dans Ω et sous-harmonique dans Ω, alors
max(u(z)) = max(u(z))
z∈∂Ω
z∈Ω
46
Démonstration. En appliquant le théorème précédent, il suffit de vérifier qu’une
fonction semi-continue supérieurement atteint son maximum dans un compact (en
particulier dans notre Ω), ce qui est vrai grâce à la proposition 3.1.17
3.1.23 Remarque. Remarquons que pour les fonctions harmoniques le principe est
valable soit pour un maximum soit pour un minimum de la fonction et, de plus,
lorsque cet extremum est local. Cependant, pour les fonctions sous-harmoniques
le principe est valable uniquement lorsque la fonction atteint un maximum global
dans le domaine de définition. Par exemple, on peut considérer la fonction sousharmonique non constante u(z) := max{<(z), 0}, qui atteint un maximum local
et un minimum global dans C.
Ensuite on donne le résultat dont on a besoin pour poursuivre le paragraphe
suivant :
3.1.24 Lemme (de Hartogs). Soient Ω un ouvert de C et {un }n∈N une suite de
fonctions sous-harmoniques dans Ω telle que :
1. les fonctions un sont uniformément bornées dans tout compact de Ω, c’est à
dire, si K est un compact de Ω, alors il existe M > 0 tel que un (z) ≤ M
pour tout z ∈ K et tout n ∈ N
lim un (z) ≤ C, pour tout z ∈ Ω,
2. il existe une constante C > 0 telle que n→∞
alors pour tout > 0 et tout compact K de Ω il existe n0 ∈ N tel que :
un (z) ≤ C + ,
pour tout z ∈ K et tout n ≥ n0 .
Démonstration. Tout d’abord, si K est un compact de Ω, alors par hypothèse les
fonctions un sont uniformément bornées dans K. Quitte à remplacer Ω par un
ouvert relativement compact dans Ω contenant K, on peut supposer donc que
les un sont uniformément bornées dans Ω. Et sans perte de généralité, on peut
supposer que M = 0.
En fixant un point z0 ∈ K, soit R > 0 tel que D(z0 , R) b Ω. Comme chaque
fonction un est sous-harmonique dans Ω, on applique la définition pour le disque
considéré ici :
1 Z 2π
un (z0 ) ≤
un (z0 + Reiθ )dθ
2π 0
On choisie R > 0 tel que la distance de K à tout point de Ω\K soit plus grand
que 3R ; on multiplie par R l’inégalité et après on intègre par rapport à R. On
obtient ainsi l’inégalité suivante :
R2
1 Z
un (z0 ) ≤
un (z)dz
2
2π D(z0 ,R)
47
(3.1)
Ensuite, remarquons que un ≤ M pour tout n ∈ N par hypothèse où la fonction
constante M est bien intégrable sur le disque D(z0 , R). Ainsi, on peut appliquer
le Lemme de Fatou 9 grâce au quel on peut écrire (en utilisant la condition (2) de
l’hypothèse) :
lim
Z
n→∞ D(z0 ,R)
un (z)dz ≤
Z
Z
lim un (z)dz ≤
D(z0 ,R) n→∞
Cdz ≤ CπR2
D(z0 ,R)
Par définition de limite (supérieure), étant donné > 0, il existe n0 ∈ N tel
que si n ≥ n0 , alors :
Z
D(z0 ,R)
un (z)dz ≤ πR
2
C+
2
Maintenant, si 0 < δ < R et considérant le disque D(z0 , δ), on a |z0 − w| =
|z0 − z + z − w| < R + δ, pour tout w ∈ D(z0 , δ) et tout z ∈ D(z0 , R). Par le choix
de R le disque D(w, R + δ) est dans K (car |z0 − w| + δ + R < 3R) et on applique
l’inégalité (3.1) obtenu ci-dessus pour ce disque :
π(R + δ)2 un (w) ≤
Z
D(w,R+δ)
un (z)dz ≤
Z
D(z0 ,R)
un (z)dz ,
où la dernière inégalité est due à que chaque un est négative par l’hypothèse du
début (et que D(z0 , R) ⊂ D(w, R + δ)).
Ainsi, dans le disque D(z0 , δ) et pour tout n ≥ n0 et tout > 0 on a obtenu :
2
π(R + δ) un (w) ≤ πR
2
C+
2
,
ce qui nous donne l’inégalité souhaitait pour un δ convenable. On vient de prouver
le lemme pour un disque centré en z0 ∈ K et rayon δ ; en recouvrent par un nombre
fini de ces disques le compact K, on conclue la preuve.
3.2
Théorème de Hartogs (sur l’holomorphie séparée)
Pour démontrer le théorème de Hartogs sur l’holomorphie d’une fonction complexe à plusieurs variables, on a besoin de quelques résultats préliminaires.
Commençons par rappeler le classique Lemme de Schwarz et montrons un
corollaire qui en découle :
3.2.1 Lemme (de Schwarz). Soit f : D −→ D une fonction holomorphe telle que
f (0) = 0.
9. il s’agit du connu Lemme de Fatou dont on peut voir une démonstration directe dans [1]
ou comme conséquence du Théorème de la convergence monotone dans [5].
48
Il se vérifie |f (z)| ≤ |z|, pour tout z ∈ D et |f 0 (0)| ≤ 1.
S’il existe de plus un point z0 ∈ D (différent de zéro) tel que |f (z0 )| = |z0 | ou
0
|f (0)| = 1, alors f est une rotation, c’est à dire, pour tout z ∈ D on a
f (z) = eiθ z ,
pour un certain θ ∈ R.
3.2.2 Corollaire. Soit D(0, R) un disque de rayon R > 0. Si f : D(a, R) −→ C
est une fonction holomorphe bornée par M > 0, alors pour tous z1 , z2 ∈ D(a, R)
on a
z1 − z2 .
|f (z1 ) − f (z2 )| ≤ 2M R 2
R − z 2 z1 Démonstration. Par simplicité, notons D ce disque. Dans l’intention d’appliquer
le lemme de Schwarz, on va transformer la fonction f convenablement. En fixant
un point z2 ∈ D, considérons l’automorphisme du disque unité suivant :
τ : D −→ D
z 7−→ τ (z) :=
z
z− R2
z
1− R2 z
dont l’inverse est donné par
τ
−1
w + zR2
Rw + z2
.
=
(w) =
z2
R + z2w
1+ Rw
En multipliant ensuite par R, on obtient donc une transformation du disque
unité D en le disque D de rayon R, disons
ϕ : D −→ D
w 7−→ ϕ(w) := Rτ −1 (w)
Notons que cette transformation envoie le zéro au point z2 ∈ D fixé, ainsi la
transformation
ψ(w) :=
f (ϕ(w)) − f (z2 )
, pour tout w ∈ D
2M
est bien une application holomorphe de D en D (puisque la fonction f est holomorphe et bornée par M > 0 par hypothèse) et par construction c’est clair que
ψ(0) = 0. Le lemme de Schwarz nous assure donc que |ψ(w)| ≤ |w|, pour tout
w ∈ D. En posant w := ϕ−1 (z1 ) avec z1 ∈ D, alors on obtient la formule de
l’énoncé :
−1
|f (z1 ) − f (z2 )| ≤ 2M |ϕ (z1 )| =
z1 2M τ
R
=
− z2 ) ,
R − z 2 z1 R(z1
2M 2
ce qui est vrai quelque soient z1 , z2 ∈ D comme on souhaitait.
49
3.2.3 Lemme. Soit D(a, R) un polydisque centré en a ∈ Cn et de rayon R > 0.
Si f est une fonction holomorphe dans D(a, R) par rapport à chaque variable
séparément et f est bornée dans D(a, R), alors f est une fonction holomorphe
dans D(a, R).
Démonstration. Tout d’abord, au moyen d’une translation on peut supposer que le
polydisque D(a, R) est centré à l’origine de Cn , notons D ce polydisque et soient
D1 , . . . , Dn les polydisques de centre 0 et de rayons R1 , . . . , Rn respectivement
tels que D = D1 × . . . × Dn et R = (R1 , . . . , Rn ). Vue la remarque 1.1.14 faite
dans le premier paragraphe, pour montrer que la fonction f est holomorphe dans
D (supposée holomorphe par rapport à chaque variable séparément) il suffit de
montrer que f est continue dans D.
Si z = (z1 , . . . , zn ), ξ = (ξ1 , . . . , ξn ) ∈ D, alors on va exprimer la différence
f (z) − f (ξ) comme suit :
f (z) − f (ξ) =
n
X
f (ξ1 , . . . , ξi−1 , zi , . . . , zn ) − f (ξ1 , . . . , ξi , zi+1 , . . . , zn ) ,
i=1
où il faut comprendre que les variables ξ0 et zn+1 n’apparaissent pas.
Comme la fonction f est bornée dans D par hypothèse, il existe M > 0 tel
que |f (z)| ≤ M pour tout z ∈ D. Ensuite, pour chaque i = 1, . . . , n considérons
la fonction f comme fonction de la seule variable zi (restent les autres comme
paramètres), alors f peut être vue comme fonction dans le disque Di et dans ce
sens notons-la fi . De plus cette fonction est holomorphe parce que f est holomorphe
par rapport à chaque variable séparément et grâce à que f est bornée dans tout
D, alors fi est bornée dans Di . Ainsi, fi est bien une fonction holomorphe sous les
hypothèse du corollaire précédent et en conséquence on peut écrire :
|fi (zi ) − fi (ξi )| ≤
2M Ri zi − ξi , pour tous zi , ξi ∈ Di
Ri2 − ξ i zi Ceci est vrai pour tout i ∈ I et étant donnée l’expression de f (z) − f (ξ) cidessus, on écrit :
n
X
zi − ξi ,
|f (z) − f (ξ)| ≤ 2M Ri 2
R
−
ξ
z
i
i i
i=1
d’où la continuité de la fonction f .
3.2.4 Lemme. Soient D = D1 × . . . × Dn un polydisque de Cn de rayon R > 0 et
f ≡ f (z1 , . . . , zn−1 , zn ) une fonction holomorphe dans D en tant que fonction de
variables z ≡ (z1 , . . . , zn−1 ) et aussi holomorphe par rapport à zn séparément.
Alors il existe un polydisque D0 = D10 × . . . × Dn0 de rayon R0 > 0 tel que
Dn0 = Dn et Di0 ⊂ Di pour tout i = 1, . . . , n − 1 ; où la fonction f est bornée.
En particulier, f est holomorphe dans D0 .
50
Démonstration. Pour tout entier positif M considérons l’ensemble suivant :
FM := {z ∈
n−1
Y
Di tels que |f (z, zn )| ≤ M si zn ∈ Dn }
i=1
Comme par hypothèse f est holomorphe en tant que fonction des premières
n − 1 variables et donc continue, alors chaque FM que l’on vient de définir est
bien un fermé de Cn . De même, la fonction f est par hypothèse holomorphe par
rapport à la variable zn séparément, donc la fonction f ≡ f (z 0 ) tant que fonction
de zn est holomorphe dans Dn , pour chaque z 0 ∈
n−1
Q
Di fixé ; par conséquent elle
i=1
est localement bornée dans Dn . Donc la définition de l’ensemble FM nous permet
d’écrire :
∞
[
FM =
n−1
Y
Di
i=1
M =1
En résumé, on a obtenu que le produit de polydisques
n−1
Q
Di s’exprime comme
i=1
une réunion dénombrable de fermés. En vertu du théorème classique de Baire 10 ,
on sait de l’existence de quelque M > 0 tel que le correspondant FM n’ait pas
d’intérieure vide et en conséquence il existe un polydisque D00 contenu dedans. En
posant D0 := D00 × Dn on obtient le résultat souhaitait.
Nous sommes déjà en conditions pour prouver le théorème de Hartogs sur
l’holomorphie séparée :
3.2.5 Théorème. Soit Ω un ouvert de Cn . Si f est une fonction holomorphe par
rapport à chaque variable séparément, alors f est holomorphe dans Ω.
Démonstration. Tout d’abord, comme la propriété d’holomorphie d’une fonction
est locale, il suffit de prouver le théorème pour les polydisques de Ω. Ainsi, soit
a ∈ Ω et D(a, R) un polydisque de Ω tel que D(a, 2R) ⊂ Ω, où f est holomorphe
par rapport à chaque variable séparément. Il faut voir que f est holomorphe dans
D(a, 2R) et pour cela on va voir que f est analytique dans D(a, 2R). On raisonne
par induction sur la dimension n.
Si n = 1, alors le résultat est trivial. Supposons que le le théorème est vrai
dans Cn−1 , il faut le prouver dans Cn .
Soit b ∈ D(a, 2R) tel que |a − b| < R et considérons le polydisque D(b, R)
(qui contient notre point a). Au moyen d’une translation, on peut supposer que le
polydisque D(b, R) ci-dessus est centré à l’origine et pour simplicité on considère
10. Il s’agit du connu Théorème de la Catégorie de Baire dont on peut voir une démonstration
dans [2] et qui affirme que “aucun espace métrique complet n’est réunion dénombrable de fermés
d’intérieur vide”. Dans [6] on peut voir une version plus adaptée.
51
que le multi-rayon R est de la forme R = (R, . n. ., R). Comme f est holomorphe
par rapport à chaque variable séparément, alors par l’hypothèse d’induction f est
une fonction holomorphe dans D en tant que fonction des variables (z1 , . . . , zn−1 ).
Comme elle est holomorphe par rapport à zn séparément, le lemme précédent nous
assure l’existence d’un polydisque D0 de rayon (R0 , R) > 0 de la forme
D0 =
n−1
Y
Di0 × Dn ,
i=1
tel que Di0 ⊂ Di pour tout i = 1, . . . , n − 1 dès que le polydisque D est de la forme
D1 × . . . × Dn−1 × Dn ; et où la fonction f est holomorphe.
Dans la partie
n−1
Q
i=1
Di0 notons z 0 = (z1 , . . . , zn−1 ) la coordonnée naturelle. En
considérant f = f (z 0 , zn ) comme fonction holomorphe de n−1 variables par rapport
à z 0 , on dispose de son développement de Taylor au voisinage de zéro dans D selon
le corollaire 1.1.11 du premier paragraphe :
f (z 0 , zn ) =
X
aα (zn )z 0α ,
α∈N
où on a utilisé la notation de multi–indices (voir 1.1.7) et les coefficients sont
exactement :
1 ∂ |α| f
(0, zn )
aα (zn ) =
α! ∂z 0α
Les inégalités de Cauchy (voir 1.1.10) appliquées à la fonction f (z 0 , zn ) comme
fonction holomorphe de z 0 nous donne que si M > 0 est une borne de |f | dans D0 ,
alors
M
|aα (zn )| ≤ 0|α|
R
Considérons ainsi la fonction définie par
zn 7→
1
log |aα (zn )| , pour tout zn ∈ Dn
|α|
Notons-la uα et observons les propriétés suivantes :
– de la formule de Cauchy pour les dérivées (voir le corollaire 1.1.11) on déduit
que les coefficients aα (zn ) sont des fonctions analytiques en zn . Elles sont
donc des fonction holomorphes en zn . La propriété (6) de la proposition
3.1.20, nous assure donc que la fonction uα que l’on vient de définir est bien
une fonction sous-harmonique dans Dn pour tout α.
– grâce à l’inégalité donné par les inégalités de Cauchy, on en déduit que
toutes les fonctions uα sont uniformément bornées dans Dn (car les fonc1
tions |aα (zn )| |α| le sont)
52
– en outre, f (z 0 , zn ) est holomorphe comme fonction de z 0 , alors la série écrite
ci-dessus converge uniformément dans les compacts de D0 . En particulier,
|α|→∞
en fixant zn ∈ Dn , pour un certain r < R on a |aα (zn )|r|α| −→ 0. Par
1
définition de limite supérieure on obtient donc que lim |aα (zn )| |α| ≤ 1r .
|α|→∞
En conséquence, on a
lim uα ≤ log
|α|→∞
1
r
,
pour tout zn ∈ Dn .
Avec ces observations, nous sommes en conditions d’appliquer le Lemme de
Hartogs (3.1.24), qui affirme que pour tout > 0 et tout compact K de Dn il
existe un |α0 | ∈ N tel que
1
1
log |aα (zn )| ≤ log
+ ,
|α|
r
uα (zn ) =
ce qui est vrai pour tout |α| > |α0 | et pour tout zn ∈ K.
Ce qui revient à dire que pour tout > 0, tout s < r il existe un |α0 | ∈ N tel
que
1
1
log |aα (zn )| ≤ log
+ ,
uα (zn ) =
|α|
s
ce qui est vrai pour tout |α| > |α0 | et pour tout zn avec |zn < s|. On récrit cette
inégalité comme
1
|aα (zn )| ≤ |α| 0 ,
s
ce qui est vrai pour tout |α| > |α0 |, tout zn avec |zn | < s et tout 0 > 0.
Autrement dit, on a montré que les coefficients de la série ci-dessus sont uniformément bornées pour tout zn avec |zn | < s, ce qui montre la convergence absolue
et uniforme de la série. Comme ses termes sont des fonctions holomorphes (comme
on a déjà dit), alors elle est une fonction holomorphe dans D (grâce au Théorème
de Weierstrass généralisé - voir 1.1.19), ce qui termine la preuve.
Ce théorème nous permet donc de donner une caractérisation des fonctions
holomorphes à plusieurs variables en se réduisant à une variable (qui est en fait la
façon naturelle de procéder lorsque l’on veut généraliser la théorie, mais comme
on vient de voir cette méthode est plus laborieuse).
Ainsi, on peut donner une nouvelle définition de fonction holomorphe en agrandissant avec une condition de plus le théorème classique 1.1.13 :
3.2.6 Définition. Soit Ω un ouvert de Cn . Une fonction complexe f : Ω −→ C
est dite holomorphe dans Ω si f est holomorphe par rapport à chaque variable
séparément.
53
3.3
Théorème (d’extension) de Hartogs
Comme on a déjà dit, le théorème d’extension de Hartogs représente une des
différences les plus importantes entre la théorie de fonctions d’une variable complexe et celle de plusieurs variables.
La démonstration du théorème s’appuie sur les résultats étudiés dans la section
2.1 sur la solution du système d’équations non homogènes de Cauchy-Riemann
comme on va voir :
3.3.1 Théorème (d’extension de Hartogs). Soient Ω un ouvert de Cn avec n > 1
et K un compact de Ω tel que Ω\K soit connexe. Toute fonction holomorphe sur
Ω\K se prolonge holomorphiquement et de manière unique à tout Ω.
Démonstration. Étant donnés Ω et K comme dans l’énoncé, soit f une fonction
holomorphe dans Ω\K. Puisque K est un compact de Ω on sait de l’existence 11
d’une fonction complexe h et différentiable dans Ω telle que :
– le support de h est contenu dans Ω
– h|K ≡ 1
Ainsi, on définit la fonction g := (1 − h)f qui, à priori, est uniquement définit
sur Ω\K, mais on peut la prolonger par zéro sur K selon la construction de h.
Donc cette fonction g est bien définie sur tout Ω.
Ensuite, on considère la (0, 1)-forme différentiable ω obtenue après application
de ∂ à g, c’est à dire
ω := ∂g = −∂(hf ) = −f ∂h ,
qui est définie sur Ω\K (où on a utilisé que f est holomorphe dans Ω\K) et étendue
par zéro dans K et dehors de Ω.
La forme ω est par construction à support compact dans Cn et évidemment
∂-fermée. Puisque n > 1 (ce qui est nécessaire d’après la remarque 2.1.9), alors
le lemme de Dolbeault-Grothendieck (2.1.10) nous assure qu’il existe une fonction
différentiable ϕ telle que ∂ϕ = ω et à support compact dans Cn .
Si on note par S le support de ω, alors on en déduit que la fonction ϕ est
holomorphe dans Cn \S. Notons C la composante connexe non-bornée de Cn \S.
On a dit que ϕ est une fonction différentiable à support compact dans Cn (ce qui
est donc bornée en particulier), en conséquence ϕ est nulle au voisinage de l’infini.
Il en découle que ϕ est nulle dans C en particulier.
Pour conclure, la fonction holomorphe dans tout Ω qui prolonge à f que l’on
cherche est :
fe := g − ϕ .
11. Il s’agit du théorème classique des partitions de l’unité. On peut voir une démonstration
dans [7].
54
En effet, fe est définie dans Ω et par construction on a ∂ fe = ω − ∂ϕ = 0 ; donc
fe est bien holomorphe sur Ω. De plus, elle prolonge f parce que dans C on a ϕ ≡ 0
et dans Ω\K on a h ≡ 0, donc fe = g − ϕ = (1 − h)f − ϕ = f dans C ∩ (Ω\K).
On a démontré ainsi que fe et f coïncident dans un ouvert (non-vide) de Ω\K.
Comme Ω\K est connexe par hypothèse, alors le principe d’unicité (1.1.16) assure
que fe = f dans tout Ω\K, ce qui termine la preuve du théorème.
Ainsi, on obtient effectivement que l’ensemble des singularités d’une fonction
holomorphe (c’est à dire, là où la fonction n’est plus holomorphe) ne peut pas être
un ensemble compact, selon on avait annoncé. En particulier, il ne peut pas être
un ensemble borné et on peut dire que l’ensemble des singularités d’une fonction
holomorphe doit “aller jusqu’à l’infini”.
Plus précisément, on en déduit le résultat suivant :
3.3.2 Corollaire. Les singularités isolées de toute fonction holomorphe à n variables (avec n > 1) sont effaçables.
Comme on a illustré dans l’introduction de ce paragraphe, le théorème d’extension de Hartogs n’est plus vrai en dimension n = 1. Mais, notons de plus que
le corollaire que l’on en déduit met en relief une grande différence entre les deux
théories, à savoir les fonctions holomorphes à plusieurs variables n’ont pas des
singularités isolées (plutôt, elles ne sont pas des vraies “singularités”) tandis que
pour une fonction holomorphe à une variables, toutes ses singularités ne sont pas
toujours effaçables. Donc, dans la théorie des fonctions holomorphes à plusieurs variables, la tâche de classer les singularités d’une telle fonction est plus compliquée.
4
Variétés de Stein
Dans ce dernier paragraphe on présente de façon résumé deux notions importantes : les domaines d’holomorphie et les variétés de Stein. On se limite à donner
les définitions et les énoncés plus remarquables en faisant référence à la bibliographie pour leurs preuves afin de donner une image globale de ce qui peut poursuivre
pour un étude plus approfondie de la théorie.
Le théorème d’extension de Hartogs nous donne un exemple d’ouverts de Cn
où toute fonction holomorphe peut être étendue comme fonction holomorphe sur
un ouvert strictement plus grand. Dans ce sens, on dit que dans Cn il existe d’ouverts qui ne représentent pas le milieu “naturel” pour la définition des fonctions
holomorphes en entendant par “naturel” un ouvert où la fonction est holomorphe
55
et c’est l’ouvert le plus grand possible où la fonction en question peut être holomorphe. Un tel ouvert sera appelé “domaine d’holomorphie”.
Ce phénomène est aussi en contraste avec la théorie d’une variable complexe.
Rappelons la définition de domaine d’holomorphie pour une variable :
4.1 Définition. Soit Ω un domaine de C. Si f est une fonction holomorphe dans
Ω, on dit que Ω est un domaine d’holomorphie pour f si pour tout point z ∈ ∂Ω
et tout voisinage U de z, la restriction de f à Ω ∩ U n’admet pas de prolongement
holomorphe à U .
Le résultat que l’on obtient pour une variable complexe est le suivant :
4.2 Théorème. Tout domaine Ω de C est domaine d’holomorphie pour une certaine fonction f ∈ O(Ω).
Ainsi, le théorème d’extension de Hartogs nous montre que ceci n’est pas toujours vrai dans Cn (avec n > 1). Donc le problème que l’on se pose maintenant consiste à caractériser les domaines d’holomorphie dans Cn (n>1). De façon
simple, un ouvert Ω de Cn est un domaine d’holomorphie s’il existe une fonction
holomorphe dans Ω qui ne se prolonge pas à un ouvert strictement plus grand.
Formellement, la définition est la suivante :
4.3 Définition. Soit Ω un ouvert de Cn . On dit que Ω est un domaine d’holomorphie s’il n’existe pas d’ouverts Ω1 , Ω2 dans Cn tels que :
1. Ω1 ⊂ Ω2 ∩ Ω (Ω1 supposé non vide),
2. Ω2 est connexe et Ω2 * Ω,
3. pour tout fonction holomorphe f dans Ω il existe une fonction holomorphe g
dans Ω2 telle que f = g dans Ω1 .
4.4 Définition. Soit Ω un ouvert de Cn . Si K est un compact de Ω, on appelle
enveloppe d’holomorphie de K (dans Ω) l’ensemble suivant :
c := {z ∈ Ω tels que |f (z)| ≤ max|f (ξ)|, pour toute f ∈ O(Ω)}
K
Ω
ξ∈K
4.5 Remarques.
1. Par définition, c’est claire que l’enveloppe d’holomorphie de
K est l’intersection des ensembles de la forme {|f | ≤ M } pour une certaine
constante M > 0 où f varie parmi les fonction holomorphes de Ω. Ces
ensembles sont donc fermés contenant K. Alors on en déduit que l’enveloppe
d’holomorphie d’un compact K est toujours un fermé de Ω contenant K.
2. L’enveloppe d’holomorphie d’un compact K n’est pas toujours un compact de
Ω comme montre l’exemple suivant : posons Ω := {z ∈ C2 tels que 0 < |z| <
1} et K := {z ∈ C2 tels que |z| = 21 }. Alors, l’enveloppe d’holomorphie de K
c = {z ∈ C2 tels que 0 < |z| ≤ 1 }
est (d’après le principe du maximum) K
Ω
2
56
4.6 Définition. Un ouvert Ω de Cn est dit holomorphiquement convexe si l’enveloppe d’holomorphie de tout compact de Ω est compact dans Ω.
Dans [3] on peut trouver une caractérisation des domaines d’holomorphie de
C en termes de l’enveloppe d’holomorphie en obtenant :
n
4.7 Théorème. Soit Ω un ouvert de Cn . La condition nécessaire et suffisante pour
que Ω soit un domaine d’holomorphie est que Ω soit un ouvert holomorphiquement
convexe.
Par ailleurs, une fois que les domaines d’holomorphie ont étés caractérisés, on
se pose le problème de trouver le domaine le plus grand possible où une fonction
donnée s’étend. C’est à dire, si Ω est un domaine de Cn et f est une fonction
e le plus grand oú
holomorphe dans Ω, alors on s’intéresse à trouver le domaine Ω
la fonction f s’étend comme fonction holomorphe.
Considérons l’exemple suivant : dans l’ouvert
√ Ω := {z ∈ C tels que <(z) > 0}
on dispose de la fonction holomorphe f (z) := z. Cependant, cette fonction ne
peut pas être étendue comme fonction holomorphe à aucun domaine plus grand
√
de C. En revanche, le milieu naturel de définition de la fonction multivaluée z
est une surface de Riemann donnée par le revêtement à deux feuillets de C\{0}.
On observe donc que même pour le cas d’une variable complexe, le problème
posé ci-dessus requiert par fois d’élargir les objets dont on travaille et de pas se
restreindre à Cn . Pour une variable, on introduit les surfaces de Riemann ; pour
plusieurs variables on introduit les variétés de Stein, qui sont un type spécial de
variétés complexes 12 afin de généraliser la notion de domaine d’holomorphie. Plus
précisément :
4.8 Définition. Une variété de Stein (de dimension n) est une variété complexe
(de dimension n) vérifiant les propriétés suivantes :
1. X est holomorphiquement convexe, c’est à dire, l’enveloppe d’holomorphie
de tout compact de X est un compact de X,
2. O(X) sépare les points de X, c’est à dire, si p, q ∈ X sont des points différents, alors il existe une fonction f ∈ O(X) telle que f (p) 6= f (q),
3. pour chaque point p ∈ X il existe de fonctions f1 , . . . , fn ∈ O(X) en fournissant un système de coordonnées locales autour de p.
4.9 Exemples.
1. Cn est une variété de Stein, pour tout n ≥ 1.
2. D’après le théorème 4.7 de la caractérisation des domaines d’holomorphie de
Cn , on en déduit que tout domaine d’holomorphie de Cn est une variété de
Stein.
12. introduites par le mathématicien allemand Karl Stein en la moitié du siècle XX
57
3. Le Théorème de Behnke-Stein qui donne la généralisation du Théorème de
Runge pour les surfaces de Riemann non-compactes, nous donne que toute
surface de Riemann non-compacte est une variété de Stein.
Pour formaliser la notion de “le domaine le plus grand possible” où une fonction
holomorphe donnée peut être étendue, on donne la définition suivante :
f est dit
4.10 Définition. Soit X une variété complexe. Une variété complexe X
une extension holomorphe de X si :
f
1. X est un ouvert de X,
f
2. la structure complexe de X est induite par celle de X,
f telle que f = fe .
3. pour tout fonction f ∈ X il existe une fonction fe ∈ O(X)
|X
Ainsi, en relation avec le problème que l’on vient de poser, les variétés de
Stein sont le domaine maximal où on peut étendre toute fonction holomorphe
dans une variété complexe “plus petite” donné, c’est à dire, les variétés de Stein
n’admet pas d’extensions holomorphes comme montre le théorème suivant (dont
une démonstration peut être consultée dans [3]) :
f une extension holomorphe
4.11 Théorème. Si X est une variété de Stein et X
f
de X, alors X = X
Ces variétés sont importantes pour la géométrie complexe car on peut faire
sur elles une théorie de fonctions analogue à celle qui se fait sur Cn et dans ce
sens, les variétés de Stein représentent pour la géométrie complexe l’analogue à ce
qui représentent les variétés affines pour la géométrie algébrique. Les variétés de
Stein peuvent être caractérisées en termes de cohomologie au moyen des théorèmes
A et B de Cartan (de la moitié du siècle XX), ce qui permet après en déduire
(entre autres propriétés) la solution des problèmes de Cousin (pour la résolution
du problème multiplicatif de Cousin, il faudra imposer la condition topologique
H2 (X, Z) = {0} comme on a discuté dans la observation 2.2.6) pour ce genre
de variétés. Compte tenu que les problèmes de Cousin sont la généralisation des
problèmes de Mittag-Leffer et Weierstrass, alors on peut dire que les variétés de
Stein ont “suffisantes fonctions holomorphes”.
Les sujets que l’on vient de présenter de façon résumée ont étés motivés par le
Théorème d’extension de Hartogs qui laisse place à plusieurs questions sur comment
généraliser (et si une telle généralisation est possible) des problèmes connus dans
une dimension à dimension supérieure. Comme on observe, il s’agit d’une théorie
vaste pour laquelle il faudra utiliser des outils mathématiques plus avancés. On
laisse ce paragraphe comme plan d’une possible continuation et conclut à ce point.
58
Bibliographie
[1] H. L. Royden, “Real Analysis”. Macmillan Company. Stanford University,
1968.
[2] Haïm Brezis, “Analyse fonctionnelle : théorie et applications”. Éditions Massons, 1983. Version espagnole de 1984 par Alianza Editorial.
[3] Lars Hörmander, “An introduction to complex analysis in several variables”.
D. Van Nostrand Company, 1966.
[4] Otto Forster, “Lectures on Riemann Surfaces”. Graduate Texts in Mathematics, 81. Springer-Verlag New York, 1981.
[5] Paul. R. Halmos, “Measure Theory”. Graduate Texts in Mathematics, 9.
Springer-Verlag New Yokr, 1974.
[6] Raghavan Narasimhan, “Several complex variables”. Chicago Lectures in Mathematics. The University of Chicago, 1971.
[7] Robert C. Gunning, Hugo Rossi, “Analytic Functions of Several Complex
Variables”. Prentice-Hall. American Mathematical Society, 1965. Reprint of
2009.
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