La discrimination vécue par les personnes ayant reçu un diagnostic

L’Encéphale
(2012)
38,
224—231
D
i
spo
nible
en
ligne
sur
www.sciencedirect.com
j
o
ur
nal
homepage:
www.em-consulte.com/produit/ENCEP
SANTÉ
PUBLIQUE
La
discrimination
vécue
par
les
personnes
ayant
rec¸u
un
diagnostic
de
troubles
schizophréniques.
Premiers
résultats
franc¸ais
de
l’étude
INDIGO
Discrimination
perceived
by
people
with
a
diagnosis
of
schizophrenic
disorders.
INternational
study
of
DIscrimination
and
stiGma
Outcomes
(INDIGO):
French
results
N.
Daumeriea,
S.
Vasseur
Baclea,,
J.-Y.
Giordanab,
C.
Bourdais
Mannonec,
A.
Cariaa,
J.-L.
Roelandta
aCentre
collaborateur
de
l’Organisation
mondiale
de
la
santé
pour
la
recherche
et
la
formation
en
santé
mentale,
Lille,
France
(CCOMS)
EPSM
Lille
Metropole,
45,
avenue
du
Maréchal-Lyautey,
59370
Mons-en-Baroeul,
France
bPôle
de
psychiatrie
générale
8-10,
centre
hospitalier
Sainte-Marie,
87,
avenue
Joseph-Raybaud,
06009
Nice,
France
cDIIM,
centre
hospitalier
universitaire
de
Nice,
Cimiez,
4,
avenue
Reine-Victoria,
06000
Nice,
France
Rec¸u
le
2
juin
2010
;
accepté
le
29
mars
2011
Disponible
sur
Internet
le
31
août
2011
MOTS
CLÉS
Troubles
schizophréniques
;
Stigmatisation
;
Discrimination
;
Autostigmatisation
;
Exclusion
Résumé
L’objectif
de
l’étude
INDIGO
est
de
décrire
et
analyser
les
modèles
de
discrimination
touchant
des
personnes
ayant
fait
l’objet
d’un
diagnostic
de
troubles
schizophréniques,
ainsi
que
la
relation
entre
discrimination
anticipée
et
vécue.
Il
s’agit
d’une
étude
transversale
menée
sous
la
forme
d’entretiens
réalisés
par
des
professionnels
de
la
santé
mentale.
Sept
cent
trente-
deux
personnes
ayant
un
diagnostic
clinique
de
«
troubles
schizophréniques
»,
dans
28
pays,
ont
participé
à
l’étude
en
remplissant
l’échelle
d’évaluation
de
la
discrimination
et
de
la
stigma-
tisation
(Discrimination
and
Stigma
Scale
[DISC]).
L’article
présente
les
principaux
résultats
internationaux
et
franc¸ais,
une
discussion
méthodologique
et
une
ouverture
sur
les
effets
posi-
tifs
collatéraux
de
cette
étude
novatrice.
On
peut
citer
notamment
:
la
reconnaissance
des
questions
de
stigmatisation
et
de
discrimination
et
de
leur
vécu
et
perception
par
les
usagers,
des
questionnements
soulevés
par
l’annonce
du
diagnostic,
des
réflexions
sur
la
«désignation
»
et
«
l’autodésignation
»,
le
développement
d’un
réseau
international
de
recherches
et
d’actions
INternational
study
of
DIscrimination
and
stiGma
Outcomes.
Auteur
correspondant.
Adresse
e-mail
:
(S.
Vasseur
Bacle).
0013-7006/$
see
front
matter
©
L’Encéphale,
Paris,
2011.
doi:10.1016/j.encep.2011.06.007
Troubles
schizophréniques:
stigmatisation
et
discrimination
vécues
et
perçues
225
dans
ce
domaine.
Seulement
10
%
des
personnes
interviewées
ont
vécu
leur
discrimination
de
manière
positive.
À
travers
tous
les
pays,
les
éléments
les
plus
récurrents
pour
lesquels
la
discrimination
a
été
vécue
de
manière
négative
étaient
:
pour
se
faire
ou
pour
garder
des
amis
;
auprès
de
la
famille
;
pour
garder
un
emploi
;
pour
trouver
un
emploi
;
dans
le
cadre
de
relations
intimes
ou
sexuelles.
Deux
tiers
des
personnes
interviewées,
dont
la
majorité
ont
déclaré
ne
pas
avoir
vécu
de
discrimination
concrète,
ont
fait
état
de
discrimination
anticipée.
©
L’Encéphale,
Paris,
2011.
KEYWORDS
Schizophrenic
disorders;
Stigma;
Discrimination;
Self
stigma;
Exclusion
Summary
Introduction.
The
INDIGO
study
(INternational
study
of
DIscrimination
and
stiGma
Outcomes)
aims
at
assessing
the
impact
of
schizophrenic
disorders
diagnosis
on
privacy,
social
and
profes-
sional
life,
in
terms
of
discrimination.
In
the
general
population,
and
even
among
health
and
social
professionals,
erroneous
negative
stereotypes
(double
personality,
dangerosity)
lead
to
high
social
distance.
And
this
has
an
impact
on
various
parts
of
daily
life:
employment,
housing,
compliance,
self-esteem.
.
.About
a
tenth
of
the
adult
population
suffers
from
mental
disorders
at
any
one
time.
These
disorders
now
account
for
about
12%
of
the
global
impact
of
disability,
and
this
will
rise
to
15%
by
the
year
2020.
People
living
with
schizophrenia,
for
example,
expe-
rience
reduced
social
participation,
whilst
public
images
of
mental
illness
and
social
reactions
add
a
dimension
of
suffering,
which
has
been
described
as
a
‘‘second
illness’’.
Stigmatizing
attitudes
and
discriminatory
behavior
among
the
general
population
against
people
with
severe
mental
illness
are
common
in
all
countries.
Globally,
little
is
known
of
effective
interventions
against
stigma.
It
is
clear
that
the
negative
effects
of
stigma
can
act
as
formidable
barriers
to
active
recovery.
Methodology.
The
INDIGO
study
intends
to
establish
detailed
international
data
on
how
stigma
and
discrimination
affect
the
lives
of
people
with
a
diagnosis
of
schizophrenia.
The
first
aim
of
the
INDIGO
study
is
to
conduct
qualitative
and
quantitative
interviews
with
25
people
with
a
diagnosis
of
schizophrenia
in
each
participating
site,
to
elicit
information
on
how
the
condition
affects
their
everyday
lives,
with
a
focus
upon
sites
in
Europe.
The
second
is
to
gather
data
for
all
participating
countries
on
the
laws,
policies
and
regulations
which
set
a
clear
distinc-
tion
between
people
with
a
diagnosis
of
mental
illness
and
others,
to
establish
an
international
profile
of
such
discrimination.
A
new
scale
(Discrimination
and
Stigma
Scale
[DISC]),
used
in
a
face-to-face
setting
was
developed.
Interviewers
asked
service
users
to
comment
on
how
far
their
mental
disorder
has
affected
key
areas
of
their
lives,
including
work,
marriage
and
part-
nerships,
housing,
leisure,
and
religious
activities.
For
country-level
information,
staff
at
each
national
site
gathered
the
best
available
data
on
whether
special
legal,
policy
or
administrative
arrangements
are
made
for
people
with
a
diagnosis
of
mental
illness.
These
items
included,
for
example,
information
on
access
to
insurance,
financial
services,
driving
licenses,
voting,
jury
service,
or
travel
visas.
The
INDIGO
study
is
conducted
within
the
framework
of
the
WPA
global
program
to
fight
stigma
and
discrimination
because
of
schizophrenia.
French
interviews
occurred
in
two
sites
(Lille
and
Nice)
on
a
sample
of
25
patients.
Results.
First,
expressed
disadvantages
are
high
for
several
items
(all
relations,
work
and
training,
housing).
In
addition,
we
wish
to
highlight
three
specific
points:
almost
half
of
the
par-
ticipants
(46%)
suffer
from
not
being
respected
because
of
contacts
with
services,
88%
of
them
felt
rejected
by
people
who
know
their
diagnosis,
and
76%
hide/conceal
their
diagnosis.
Positive
experienced
discrimination
was
rare.
Two
thirds
of
participants
anticipated
discrimination
for
job
seeking
and
close
personal
relationships,
sometimes
with
no
experienced
discrimination.
Conclusions.
This
study,
one
of
the
rare
in
France
adopting
the
point
of
view
of
a
stigmatized
group,
revealed
the
numerous
impacts
of
a
diagnosis
of
schizophrenic
disorders
on
everyday
life.
Comparisons
between
French
and
international
results
confirmed
that
the
situation
is
not
different
in
France,
and
even
highlighted
the
extent
of
the
stigmatization
in
the
country.
©
L’Encéphale,
Paris,
2011.
Introduction
On
peut
considérer
que,
pour
la
population
générale,
une
grande
partie
de
l’information
sur
la
psychiatrie,
les
«
maladies
mentales
»
et
en
particulier
sur
les
troubles
schizophréniques
provient
des
médias
et
des
interactions
quotidiennes.
Or,
plusieurs
études
ont
montré
la
distorsion
de
la
présentation
de
«
la
schizophrénie
».
Angermeyer
et
al.
[1,2]
soulignent
la
forte
tendance
des
médias
à
présenter
les
personnes
atteintes
de
troubles
schizophréniques
comme
dangereuses
et
imprévisibles.
Ils
observent
également
une
corrélation
positive
entre
la
consommation
de
médias
(télé-
vision)
et
l’augmentation
de
la
distance
sociale
envers
les
malades.
Notre
but
n’est
pas
d’illustrer
ici
le
lien
entre
médias
et
stigmatisation,
mais
de
prendre
comme
point
de
départ
ce
constat
:
les
troubles
schizophréniques
sont
226
N.
Daumerie
et
al.
Stigmatisation
[4]
:
«
Toute
parole
ou
action
visant
à
transformer
le
diagnostic
du
trouble
psychique
en
une
marque
négative
pour
la
personne
».
Discrimination
:
«
Fait
de
traiter
différemment,
moins
bien
ou
mieux,
une
personne
par
rapport
à
une
autre
dans
une
situation
comparable.
Restriction
ou
élargis-
sement
des
droits
d’une
personne
par
rapport
à
une
autre
».
Mémorandum
des
Nations
Unies
(United
Nations
Publi-
cation,
1949)
:
«
Est
discriminatoire
tout
comportement
fondé
sur
la
base
de
catégories
naturelles
ou
sociales,
catégories
qui
sont
sans
rapport
ni
avec
les
capacités
ou
mérites,
ni
avec
la
conduite
de
la
personne
».
mal
connus
de
la
population.
En
effet,
on
y
associe
aisé-
ment
des
stéréotypes
négatifs,
ce
qui
entraîne
une
distance
sociale
importante
vis-à-vis
des
personnes
atteintes
[19,22].
On
trouve
des
études
sur
la
stigmatisation
des
personnes
présentant
des
troubles
schizophréniques
dans
de
nombreux
pays,
sur
chaque
continent.
Bien
qu’il
semble
exister
des
similitudes
entre
pays
occidentaux,
les
«
images
»
de
«
la
schizophrénie
»
peuvent
varier
selon
les
cultures
[3].
Par
ailleurs,
il
n’existe
pas
à
notre
connaissance
d’études
en
France
sur
la
discrimination
vécue
par
les
personnes
ayant
un
diagnostic
de
troubles
schizophréniques.
En
effet,
les
recherches
sur
la
stigmatisation
ne
définissent
souvent
que
le
lien
entre
un
stigmate
donné
et
une
attitude
déclarée,
par
exemple
la
distance
sociale
envers
les
personnes
ayant
des
troubles
schizophréniques.
Certains
facteurs
socioculturels
ou
extérieurs
(événements
liés
et
médiatisés)
sont
parfois
pris
en
compte
pour
nuancer
le
propos.
En
résumé,
ces
tra-
vaux
montrent
que
l’étiquette
«
schizophrène
»
est
une
des
plus
stigmatisante
en
comparaison
d’autres
pathologies
phy-
siques,
ou
même
mentales.
Cadre
théorique
La
notion
de
«
stigmate
»
a
évolué
au
cours
de
l’histoire.
En
Grèce
antique,
la
marque
au
fer
rouge
ayant
une
signi-
fication
consensuellement
admise
de
rejet
et
d’évitement,
ce
peut
être
aujourd’hui
une
caractéristique
physique.
Mais
dans
le
contexte
des
troubles
psychologiques
ou
psychia-
triques,
il
s’agit
le
plus
souvent
d’une
«
étiquette
»,
puisque
la
visibilité
des
troubles
est
très
variable,
entraînant
un
processus
de
catégorisation.
Cette
catégorisation
se
tra-
duit
par
une
séparation
entre
«
nous
»
et
«
eux
»
[18]
et
une
perte
de
statut
[5]
ayant
pour
conséquence
un
phé-
nomène
de
discrimination.
Plusieurs
auteurs
ont
développé
des
modèles
du
phénomène
de
stigmatisation
qui
peuvent
être
une
base
pour
des
recherches
ultérieures.
Weiner
et
al.
[25]
et
Rudolph
et
al.
[18]
proposent
un
modèle
est
inté-
grée
une
variable
médiatrice
entre
cognitions
et
conations,
à
savoir
les
émotions
engendrées
par
les
différents
sté-
réotypes
(sympathie,
reproche,
pitié/compassion,
colère,
peur).
Ainsi,
dans
ce
modèle,
le
concept
d’attribution
de
responsabilité
est
rendu
central.
Soit
:
«
schizophrénie
»
stéréotypes/attributions
émo-
tions
distance
sociale.
La
discrimination
qui
découle
de
la
stigmatisation
des
personnes
présentant
des
troubles
schizophréniques
a
des
répercussions
importantes
sur
leur
vie
quotidienne
:
emploi
[11,21],
logement
[8],
compliance
au
traitement
[6],
recherche
d’aide
adaptée
[7],
relations
interpersonnelles
[24],
problèmes
d’adaptation
sociale
[15],
perte
de
l’estime
de
soi
[18],
exacerbation
des
symptômes
[12].
De
manière
générale,
on
observe
une
diminution
importante
de
la
qua-
lité
de
vie
[13].
On
observe
également
une
stigmatisation
des
familles
[9,14,16,17]
et
des
soignants
[20].
Cette
dis-
crimination
peut
également
venir
des
institutions,
ce
que
Kelly
[10]
nomme
la
violence
structurelle.
De
plus,
les
repré-
sentations
stigmatisantes
peuvent
être
intégrées
par
une
personne
appartenant
à
un
groupe
stigmatisé
[18].
C’est
dans
ce
contexte
que
s’inscrit
l’étude
INDIGO.
Présentation
de
l’étude
Cette
étude
coordonnée
par
le
King’s
College
de
Londres
(RU)
s’intéresse
aux
personnes
qui
ont
un
diagnostic
de
«troubles
schizophréniques
».
Un
vaste
échantillon
d’usagers
a
participé
à
cette
étude
:
29
sites
dans
28
pays1,
soit
un
total
de
732
individus.
Les
résultats
internationaux
ont
été
publiés
dans
Lancet
[23].
Objectifs
Cette
étude
internationale,
réalisée
courant
2006,
cherche
à
évaluer
l’impact
d’un
diagnostic
de
trouble
schizophrénique
sur
la
vie
personnelle,
sociale
et
professionnelle
en
termes
de
discrimination.
Dans
un
premier
temps,
trois
objec-
tifs
pratiques
ont
été
définis
:
développement
et
validation
d’une
échelle
opérationnelle
d’évaluation
de
la
stigmatisa-
tion
et
de
la
discrimination,
recueil
international
de
données
sur
les
expériences
vécues
de
discrimination
et
définition
d’un
profil
international
des
discriminations
positives
et
négatives.
Dans
un
second
temps,
la
finalité
de
ce
travail
sera
de
recueillir,
pour
chaque
pays
participant,
des
don-
nées
concernant
les
lois,
politiques
et
réglementations
qui
posent
une
distinction
nette
entre
les
individus
selon
qu’ils
aient
rec¸u
ou
non
un
diagnostic
de
maladie
mentale.
La
DISC
10
(Discrimination
and
Stigma
Scale
10e
version
-
24/05/2005)
Cette
échelle,
conc¸ue
et
validée
par
l’institut
de
psychia-
trie
du
King’s
College
(Londres,
RU),
a
été
traduite
et
adaptée
dans
tous
les
pays
participants
à
l’étude.
La
tra-
duction
en
franc¸ais
de
la
DISC
10
et
son
ajustement
au
contexte
franc¸ais
a
posé
quelques
difficultés
et
fait
émer-
ger
d’intéressantes
réflexions.
Hormis
les
adaptations
pour
correspondre
aux
réalités
juridiques
et
sociales
franc¸aises
(ex
:
allocation
adulte
handicapé),
l’équipe
Indigo
France
a
choisi
de
parler
de
«
diagnostic
de
troubles
psychiques
»
et
1Autriche,
Belgique,
Brésil,
Bulgarie,
Canada,
Chypre,
Angle-
terre,
Finlande,
France,
Allemagne,
Grèce,
Hongrie,
Inde,
Italie,
Lituanie,
Malaisie,
Pays-Bas,
Norvège,
Pologne,
Portugal,
Roumanie,
Slovaquie,
Slovénie,
Espagne,
Suisse,
Tadjikistan,
Turquie,
États-
Unis.
Troubles
schizophréniques:
stigmatisation
et
discrimination
vécues
et
perçues
227
Tableau
1
Caractéristiques
générales
de
la
population.
France
International
(n
=
25)
(n
=
732)
Hommes/femmes
(%)
72/28
38/62
Âge
moyen
36
39
Durée
moyenne
des
études
(ans)
11,4
12,6
Rémunération
(travail,
formation)
Non
à
96
% Non
à
70
%
Niveau
de
revenu
moyen
(en
euros)
750 NR
AAH
ou
pension
d’invalidité
84
%
NR
AAH
:
allocation
adulte
handicapé
;
NR
:
non
renseigné.
non
de
«
diagnostic
de
schizophrénie
».
Cette
décision
était
capitale
au
bon
déroulement
des
entretiens.
En
effet,
en
France,
l’annonce
du
diagnostic
à
l’usager
n’est
pas
systé-
matique
et
l’accord
de
l’usager
avec
ce
même
diagnostic
n’est
pas
automatique.
Après
double
traduction
et
rétro-
traduction
de
l’échelle
DISC
10
par
des
chercheurs
membres
du
centre
collaborateur
de
l’Organisation
mondiale
de
la
santé
pour
la
recherche
et
la
formation
en
santé
mentale
(CCOMS,
Lille,
France),
les
questionnaires
ont
été
propo-
sés
aux
usagers
de
deux
services
de
santé
mentale
:
le
service
psychiatrique
du
centre
hospitalier
Sainte-Marie
de
Nice
et
le
service
de
santé
mentale
de
la
banlieue
Est
de
Lille
(établissement
public
de
santé
mentale
Lille
Metro-
pole).
Les
25
entretiens
ont
été
réalisés
par
une
équipe
de
huit
enquêteurs
répartis
dans
les
deux
sites,
formés
à
la
passation
de
la
DISC
10
par
les
coordinateurs.
Un
sup-
port
vidéo
et
des
jeux
de
rôles
ont
permis
une
formation
approfondie,
nécessaire
à
la
bonne
maîtrise
de
l’outil
afin
d’éviter
de
nombreux
obstacles
(compréhension
des
ques-
tions,
recadrage
sur
l’objet
même
du
questionnaire
:
le
diagnostic
et
non
les
troubles
psychiques
et
leurs
consé-
quences,
gestion
des
réponses
pièges
:
non
applicable/pas
de
différence).
Le
participant
est
informé
des
objectifs
:
«
cette
étude
a
pour
but
d’évaluer
à
quel
point
la
stig-
matisation
et
la
discrimination
affectent
des
personnes
présentant
des
problèmes
de
santé
mentale
diagnostiqués.
Nous
voulons
mieux
comprendre
les
conséquences
du
diag-
nostic
sur
votre
vie
quotidienne.
En
d’autres
termes,
ce
qui
nous
intéresse
c’est
l’expérience
que
vous
pouvez
avoir
de
comportements
injustes,
désapprobateurs
ou
rejetants
à
votre
égard,
du
fait
du
diagnostic
de
vos
problèmes
de
santé
mentale.
Plus
précisément,
nous
souhaitons
mieux
comprendre
si
la
stigmatisation
ou
la
discrimination
a
trans-
formé
votre
vie
de
tous
les
jours,
par
exemple
concernant
votre
vie
familiale,
professionnelle
ou
dans
vos
activités
de
loisirs
».
Son
consentement
écrit
est
recueilli
avant
passa-
tion.
L’échelle
DISC
10
a
été
conc¸ue
pour
obtenir
une
image
aussi
précise
que
possible
des
différentes
discriminations
potentiellement
subies/rencontrées/anticipées
par
la
per-
sonne.
Elle
cible
précisément
l’effet
d’un
diagnostic
de
trouble
psychique
;
dans
cette
étude
l’échantillon
est
com-
posé
de
personnes
ayant
fait
l’objet
d’un
diagnostic,
par
un
médecin
psychiatre,
de
«
trouble
schizophrénique
».
À
Tableau
2
Parcours
dans
les
services
de
santé
mentale.
France
International
(n
=
25)
(n
=
732)
Nombre
d’années
depuis
le
1er
contact
12,5
14
Déjà
hospitalisé
(%)
98
NR
HDT
ou
HO
(%)
72
55
Prise
en
charge
ambulatoire
(%)
80
53
Actuellement
hospitalisé
(%)
0
22
Appartement
associatif
(%) 16
NR
HDJ
(%) 4 NR
HO
:
hospitalisation
d’office;
HDT
:
hospitalisation
à
la
demande
d’un
tiers
;
HDJ
:
hôpital
de
jour
;
NR
:
non
renseigné.
travers
36
items,
plusieurs
domaines
sont
abordés2,
sous
la
forme
:
«Pour
vous
faire
des
amis
ou
les
garder,
avez-vous
été
traité(e)
différemment
des
autres
à
cause
du
diagnos-
tic
de
vos
problèmes
de
santé
mentale
?
».
Si
la
question
est
applicable,
les
réponses
de
l’enquêté
se
font
en
deux
temps.
On
demande
d’abord
au
participant
une
illustration
de
sa
réponse
par
un
exemple
concret.
Cela
permet,
d’une
part,
de
vérifier
la
compréhension
de
la
question
et
l’adéquation
de
la
réponse,
et,
d’autre
part,
de
fournir
le
matériel
pour
une
analyse
qualitative
ultérieure.
Sur
32
items,
le
partici-
pant
estime
si
la
discrimination
est
positive
ou
négative
à
l’aide
d’une
échelle
de
Likert
en
sept
points.
Les
quatre
items
restant
évaluent
la
discrimination
anticipée
et
son
intensité
(pas
du
tout,
un
peu,
beaucoup).
Tous
les
entre-
tiens
ont
été
enregistrés
via
dictaphone
pour
permettre
leur
retranscription
intégrale,
l’analyse
qualitative
ainsi
que
la
vérification
des
cotations
à
posteriori.
Les
enregistrements
répondent
à
l’exigence
d’anonymat.
Chaque
questionnaire
a
été
relu
par
les
coordinateurs.
Le
CCOMS
(Lille,
France)
a
assuré
la
saisie
et
l’exploitation
des
données
recueillies.
Principaux
résultats
du
site
franc¸ais
et
résultats
internationaux
Caractéristiques
générales
de
la
population
L’échantillon
franc¸ais
est
composé
principalement
d’hommes,
contrairement
à
l’échantillon
internatio-
nal,
alors
que
l’âge
moyen
et
la
durée
moyenne
des
études
sont
similaires.
Un
fait
marquant,
la
quasi-totalité
des
usagers
franc¸ais
(96
%)
ne
perc¸oivent
pas
de
rémunération
liée
à
un
emploi,
contre
70
%
au
niveau
international
(Tableau
1).
Parcours
dans
les
services
de
santé
mentale
La
durée
moyenne
depuis
le
premier
contact
avec
les
ser-
vices
de
santé
mentale
est
similaire
en
France
et
au
niveau
international,
avec
un
taux
d’hospitalisation
de
98
%
en
France,
et
un
taux
d’hospitalisation
d’office/hospitalisation
2Relations
personnelles,
logement,
formation,
vie
familiale,
vie
professionnelle,
citoyenneté,
santé...
228
N.
Daumerie
et
al.
12%
21%
16%
27%
13%
39%
17%
24%
50%
7%
25%
32%
23%
39%
20%
50%
52%
38%
100%90%80%70%60%50%40%30%20%10%0%
Refus des avantages sociaux
Sentiment d'irrespect, d'humiliation, d'injustice
Congés et vacances
Arrêt d'une autre activité
Relation intime ou recherche d'un(e) partenaire
Amis hors services de santé mentale
Travail, études, formation
Nécessité de cacher le diagnostic
Evité, rejeté
Un peu
Beaucoup
Figure
1
Types
de
discrimination
vécue
et
anticipée
du
fait
d’un
diagnostic
de
schizophrénie
(site
France).
à
la
demande
d’un
tiers
(HO/HDT)
supérieur
en
France.
Cependant,
le
taux
de
suivi
en
ambulatoire
reste
très
supé-
rieur
au
niveau
franc¸ais
(Tableau
2).
Accords
et
désaccords
avec
le(s)
diagnostic(s)
Le
diagnostic
est
déclaré
connu
par
92
%
des
usagers
franc¸ais
et
par
83
%
des
participants
au
niveau
inter-
national.
Parmi
ces
diagnostics
déclarés,
on
retrouve
le
terme
«
schizophrénie
»
dans
48
%
des
cas,
les
termes
uti-
lisés
étant
sinon
très
divers,
avec
quasiment
un
usager
pour
un
diagnostic
:
psychose
(chronique,
infantile...),
TOC,
troubles
schizo-affectifs,
bouffée
délirante,
dépression
aty-
pique
avec
éléments
psychotiques,
paraphrénie.
.
.L’accord
avec
le
diagnostic
donné
par
le
médecin
est
inférieur
en
France
(65
%
vs
72
%).
Le
pourcentage
de
désaccord
y
est
supérieur
(26
%
vs
18
%),
et
celui
de
la
réponse
«ne
sait
pas
»
est
similaire
(9
%
vs
10
%).
Discrimination
perc¸ue,
discrimination
vécue
La
stigmatisation
et
la
discrimination
perc¸ues
sont
plus
fortes
pour
certains
items
de
la
DISC
10,
ce
qui
suggère
que
certains
domaines
ou
certaines
situations
soient
plus
forte-
ment
touchés.
Nous
pouvons
décrire
un
gradient
allant
de
«
désavantage
»
vers
«
aucune
différence
»
:
Loisirs
>
scolarité
>
logement
>
santé
>
droits
civiques.
(Désavantage)
»»»»»»»»»»»»»»»»»»
(Aucune
diffé-
rence).
Les
avantages
perc¸us
concernent
majoritairement
les
items
concernant
l’accès
à
la
Sécurité
sociale
et
aux
rem-
boursements
des
frais
médicaux.
La
Fig.
1
décrit
l’étendue
des
domaines
affectés
par
la
discrimination
vécue
par
les
patients,
vérifiée
par
les
exemples
précis
demandés
aux
participants.
Bien
que
les
résultats
soient
significatifs
pour
de
nom-
breux
items,
il
nous
semble
important
de
souligner
trois
résultats.
Tout
d’abord,
quasiment
la
moitié
(46
%,
dont
25
%
«beaucoup
»)
des
interviewés
ressentent
«un
senti-
ment
de
non-respect,
d’humiliation
et/ou
d’injustice
à
cause
de
(leurs)
contacts
avec
des
équipes
de
santé
men-
tale
».
Deux
problématiques
sont
ici
soulevées
:
d’une
part,
les
usagers
peuvent
être
stigmatisés
par
la
population
Tableau
3
Principales
discriminations
exprimées
vécues
et
anticipées.
France
(n
=
25)
International
(n
=
732)
Discrimination
vécue
D
(%)
D
(%)
Se
faire
des
amis
et
les
garder
80
47
Relations
avec
les
voisins
64
29
Relations
intimes
63
27
Relations
avec
la
famille
72
43
Trouver
un
travail
67
29
Garder
un
travail
61
29
Discrimination
anticipée
Un
peu
Beaucoup
Un
peu
Beaucoup
Sentiment
d’être
rejeté/évité
(%)
50
38
36
20
Besoin
de
cacher
le
diagnostic
(%)
24
52
32
40
Relation
intime
ou
recherche
d’un(e)
partenaire
(%) 13
39
23
32
D
(%)
:
taux
global
de
désavantage
(désavantage
important
+
modéré
+
léger).
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