Université Denis Diderot Paris 7 Mécanique Quantique 36U3MQ35 Chapitre 2 1 1.1 Principes de la mécanique quantique Equation de Schrödinger Utilisant l’idée de de Broglie, Schrödinger développe une équation d’onde. Cette équation d’onde est à la base de la théorie moderne. L’équation est justifiée à postériori, ses prédictions étant en accord avec l’expérience. Une manière de la motiver est la suivante : notons l’onde associée à une particule libre de masse m par ψ(~r, t). Indépendamment de l’interprétation physique de cette onde mais en accord avec l’hypothèse de de Broglie supposons que l’onde décrivant la particule libre avec énergie E et impulsion p~ soit de la forme ~ ψ(~r, t) = Ae−i(ωt−k.~r) , ω= E ~ p~ , k= . h̄ h̄ (1.1) Nous avons écrit l’onde en notation complexe. En électromagnétisme cette notation est commode car les dérivées se réduisent à des multiplications. En effet on a ∂ψ = −iωψ, ∂t ~ = i~kψ. ∇ψ (1.2) L’utilisation des relations de de Broglie permet d’écrire ih̄ ∂ ψ = Eψ, ∂t ~ = p~ψ. −ih̄∇ψ (1.3) ~ ∇ψ ~ = ∆ψ = −k 2 ψ où ∆ψ est le Laplacien de ψ De même on a ∇. 2 ∂ ∂2 ∂2 ∆ψ = + + ψ. ∂x2 ∂y 2 ∂z 2 Or pour une particule libre l’énergie est donnée par 1 p2 . E = mv 2 = 2 2m (1.4) On déduit que ψ vérifie ∂ −h̄2 ψ= ∆ψ. (1.5) ∂t 2m C’est l’équation de Schrödinger pour une particule libre. Inversement, les solutions ondes planes de cette équation sont de la forme (1.1) avec l’énergie et l’impulsion liées par (1.4). ih̄ Si la particule n’est pas libre et possède une énergie potentielle V (~r) alors la relation (1.4) est modifiée en p2 E= + V (~r). (1.6) 2m ~ ). L’équation (1.6) suggère que l’equation d’onde (La force appliquée à cette particule est −∇V (1.5) est généralisée à ∂ −h̄2 ih̄ ψ = ∆ψ + V (~r)ψ. (1.7) ∂t 2m C’est l’équation de Schrödinger qui est à la base de la mécanique quantique. Remarquons d’abord que cette équation est du premier ordre en t. Si l’on connait la fonction d’onde ψ(~r, t0 ) à un temps donné t0 , alors l’équation de Schrödinger permet de la trouver ∂ à tout autre temps. En effet, pour δt petit, on a ψ(~r, t0 + δt) = ψ(~r, t0 ) + δt ∂t ψ(~r, t0 ) = 2 i −h̄ ψ(~r, t0 ) − h̄ ( 2m ∆ψ + V (~r))ψ. La fonction d’onde à l’instant t0 + δt est donc déterminée d’une manière unique. En prenant t0 + δt comme instant initial la même procédure permet de la determiner en t0 + 2δt et ainsi de suite. On arrive aux deux premiers principes de la mécanique quantique : Premier principe : Une particule à un temps donné est décrite par une fonction d’onde ψ(~r, t). Toutes les informations physiques à un temps donné sont contenues dans cette fonction d’onde. En physique classique, ce sont les coordonnées de la particule dans l’espace des phases (sa position ~x(t) et sa quantité de mouvement p~(t)) qui caractérisent la particule à un instant donnée. On a donc ~x(t), (~ p(t) ↔ ψ(~r, t), (1.8) où la flèche désigne le passage de la mécanique classique à la mécanique quantique. Deuxième principe : La fonction d’onde évolue dans le temps par l’équation de Schrödinger. L’equation de Schrödinger est donc l’analogue classique du principe fondamental de la dy~ . namique d~pdt(t) = −∇V 1.2 Interprétation de la fonction d’onde L’équation de Schrödinger est une équation complexe, le premier membre contient un i. La fonction d’onde est donc complexe. Quel est le sens physique de ψ ? En 1926, peu après la proposition de Schrödinger, Born propose que |ψ(~r, t)|2 représente la densité de probabilité de présence de la particule en ~r à l’instant t. Autrement dit, |ψ(~r, t)|2 d3 r est la probabilité qu’une mesure de la position de la particule à l’instant t donne un résultat dans le volume d3 r autour de ~r. Troisième principe : |ψ(~r, t)|2 est la densité de probabilité de présence de la particule en ~r à l’instant t. La mécanique quantique fournit donc des probabilités, la mesure de la position de la particule ne conduit pas à un résultat certain comme en physique classique. Cette interprétation est en accord avec l’expérience de la double fente décrite dans le chapitre précédent où les électrons arrivent d’une manière aléatoire à un point donné. Pour que cette interprétation soit cohérente il faut vérifier que la somme des probabilités est bien égale à un quelque soit le temps. A partir de l’équation et de son complexe conjugué on trouve ∂ h̄2 ∗ ih̄ (ψψ ∗ ) = − (ψ ∆ψ − ψ∆ψ ∗ ). (1.9) ∂t 2m 2 ∗ ∇ψ − ψ∇ψ ∗ ). On en déduit ~ Or (ψ ∗ ∆ψ − ψ∆ψ ∗ ) = ∇.(ψ ∂ρ ~ ~ + ∇.j = 0, ∂t (1.10) h̄ où ρ = ψψ ∗ est la densité de probabilité et ~j = 2mi (ψ ∗ ∇ψ − ψ∇ψ ∗ ) est la densité de courant de probabilité. L’équation (1.10) est une équation de continuité, elle est semblable à l’équation satisfaite par la densité élécrique et la densité de courant exprimant la conservation de la charge. Si l’on prend l’intégrale sur un volume V bordé par une surface S de l’équation (1.10) on obtient Z Z Z d 3 3 ~ ~ ~jd r = − ~j.dS, ρd r = − ∇. (1.11) dt V V S où dans la dernière égalié nous avons utilisé la formule de Gauss. La variation par unité de temps de la probabilité de présence de la particule est donc égale au flux du courant de probabilité à travers la surface. En particulier si V Rest tout l’espace et la fonction d’onde s’annule à l’infini 1 d (plus vite que 1/r 2 ) alors on a bien dt ρd3 r = 0, si la somme des probabiltés à l’instant initial vaut un alors elle restera égale à un pour tout temps. Pour avoir une intuition sur le sens physique de ~j, supposons que l’on dispose de N copies du même système physique décrit par le fonction d’onde ψ, N étant très grand et les copies n’interagissant pas entre elles. Alors N ρ(~r, t) est la densité moyenne de particules à l’instant t en ~r et ~j est la densité de courant de particules, ~ est le nombre moyen de particules qui traversent dS par unité de temps. c’est-à dire que ~j.dS Supposons que la mesure de la position de la particule décrite par ψ(~r, t) donne un résulat dans le volume v, c’est à dire que l’on trouve la particule localisée dans le volume v. Si l’on effectue une mesure immédiatement après on devrait trouver également la particule dans le volume v. Nous arrivons au principe 4 de la mécanique quantique (postulat de la mesure ou du collapse de la fonction d’onde. Quatrième principe : Si la mesure à l’instant t de la position de la particule donne un résultat dans un volume v alors la fonction d’onde juste après la mesure est ψt+ (~r) = Aψt (~r) si ~r ∈ v ψt+ (~r) = 0, ~r 6∈ v, R où A est une constante telle que |ψt+ (~r)|2 d3 r = 1. (1.12) Il existe donc deux types d’évolution en mécanique quantique : l’évolution de la fonction d’onde par l’équation de Schrödinger et l’évolution juste après la mesure par le collapse de la fonction d’onde. 1.3 Energie et états stationnaires Suivant l’hypothèse de de Broglie, l’énergie et la fréquence angulaire de la particule sont liées par ω = E/h̄. Cherchons alors les solutions de l’équation de Schrödinger de la forme Et ψ(~r, t) = e−i h̄ φ(~r), (1.13) c’est à dire avec une fréquence angulaire donnée par la relation de de Broglie. Cette fonction d’onde, si elle existe, décrirait une particule avec une énergie E. L’équation de Schrödinger s’écrit alors −h̄2 Eφ(~r) = ∆φ + V (~r)φ. (1.14) 2m 3 C’est une équation pour φ(~r) qui ne dépend pas du temps. Cette équation porte le nom d’équation de Schrödinger indépendante du temps. Une fonction d’onde de la forme (1.13) a un module indépendant du temps et donné par celui de φ. Une particule avec une energie donnée est donc carcatérisée par une densité de probabilité indépendante du temps. La condition de normalisation de ψ s’écrit comme Z |φ(~r)|2 d3 r = 1. (1.15) Une solution de l’équation (1.14) bornée dans tout l’espace s’appelle un état stationnaire. Une solution qui de plus vérifie la condition de normalisation (1.20) s’appelle un état lié. Avec une énergie arbitraire la solution de l’équation (1.14) n’est pas en général bornée. Les énergies pour lesquelles la solution de (1.14) sont bornées sont dites énergies propres (ou valeurs propres du Hamiltonien), elles forment le spectre du système. Il est possible de montrer aussi que les solutions d’états liés sont carcatérisées par des valeurs discrètes de l’énergie, c’est à dire pouvant être indexées par un entier Ei , i = 1, 2, . . . . Outre les relations de de Broglie, les fonctions d’onde de la forme (1.13) ont une autre motivation mathématique. En effet cherchons les solutions de l’équation de Schrödinger séparables c’est à dire qui s’écrivent sous la forme d’un produit d’une fonction du temps et d’une fonction de la position ψ(~r, t) = f (t)φ(~r). (1.16) L’équation de Schrödinger, après division par f φ, donne 2 f 0 (t) 1 −h̄ ih̄ = ∆φ + V (~r)φ . f (t) φ(~r) 2m (1.17) Le premier membre est une fonction du temps et le second une fonction de ~r. La seule manière pour que l’égalité ait lieu est que les deux membres soient constants, 2 1 −h̄ f 0 (t) =E= ∆φ + V (~r)φ . (1.18) ih̄ f (t) φ(~r) 2m Et −i h̄ La solution de l’équation f 0 = − iE , la deuxième équation donne l’équation h̄ f est f (t) = f (0)e de Schrödinger indépendante du temps. La forme (1.13) est donc bel et bien la plus générale de la forme (1.16). En fait, il est possible de montrer que toutes les solutions de l’équation de Schrödinger sont des sommes de solutions du type (1.16) X −iEi t ψ(~r, t) = ci e h̄ φi (~r), (1.19) i dans la somme nous n’avons écrit, pour simplifier, que la contribution des états liés. Nous arrivons aux deux principes de la mćanique quantique relatifs à l’énergie Cinquième principe : Les valeurs possibles de l’énergie du système sont les énergies propres (ou valeur propres du Hamiltonien). Sixième principe : Si la fonction d’onde s’écrit comme (1.19) alors la mesure de l’énergie de la particule à l’instant t donne la valeur Ei avec la probabilité |ci |2 . Remarques : 4 - Nous avons supposé que les φi sont normalisées Z |φi (~r)|2 d3 r = 1. (1.20) - Les probabilités |ci |2 ne dépendent pas du temps. C’est l’analogue quantique de la conservation de l’énergie en mécanique classique. - La première application de l’équation de Schrödinger a été l’explication du spectre de l’atome −e2 d’Hydrogène. Schrödinger a montré que les énergies des états liés correspondant à V = 4π 0r sont données par En = − Ry , n = 1, 2, . . . . C’était le premier succés de la mécanique quantique. n2 L’extension à des atomes avec plus d’électrons est possible et donne des résulats en accord avec l’expérience. - Pour que le sixième principe soit cohérent il faut vérifier que la somme des probabilités des différentes valeurs de l’énergie vaut bien l’unité. Considérons deux états stationnaires φi et φj avec des énergies propres différentes Ei φi (~r) = Ej φ∗j (~r) = −h̄2 ∆φi + V (~r)φi 2m −h̄2 ∆φ∗j + V (~r)φ∗j . 2m (1.21) La deuxième équation est le complexe conjugué de l’ équation de Schrödinger indépendante du temps. Multiplions la première par φ∗j et la seconde par φi et formons la différence. On obtient (Ei − Ej )φi φ∗j = −h̄2 ∗ φj ∆φi − φi ∆φ∗j . 2m (1.22) ∗ ∇φ − φ ∇φ∗ ). L’intégrale de l’équation (1.22) en utilisant la ~ Or φ∗j ∆φi − φi ∆φ∗j = ∇.(φ i i j j formule de Gauss conduit à Z (Ei − Ej )φi φ∗j d3 r = 0. (1.23) Si les énergies Ei et Ej sont différentes on a donc Z φi φ∗j d3 r = 0. Revenons maintenant au développement (1.19) et calculons tion de (1.24) que Z X |ψ|2 d3 r = |ci |2 . (1.24) R |ψ|2 d3 r. On trouve, après utilisa(1.25) i La normalisation de la fonction d’onde donne bien une somme de probabilité de l’énergie égale à un. 5