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Mieux comprendre par la simulation numérique
à pénétrer dans le cœur du plasma en
un temps beaucoup plus bref que le
temps de diffusion. Les simulations
numériques, fondées sur la descrip-
tion magnétohydrodynamique du
plasma (encadré 2), sont en accord
avec ce phénomène car elles révèlent
la présence de bouffées de pression
se propageant de manière balistique
dans la direction radiale. Il est
important de noter que, dans ces
simulations, l’hypothèse d’une sépa-
ration d’échelle entre les fluctua-
tions et le profil a été abandonnée et
la rétroaction des fluctuations sur le
profil est prise en compte d’une
manière cohérente. Ainsi, l’évolu-
tion temporelle du profil radial de
pression est décrite par une équation
de transport,
∂
∂tp(r,t)=−∂
∂rturb(r,t)
+∂
∂rχcoll(r)∂
∂rp(r,t)+S(r). (1)
Dans le côté droit de l’équation (1)
figurent le flux turbulent de pression
turb (gouverné par les fluctuations
turbulentes), le flux collisionnel
(caractérisé par un coefficient de dif-
fusion χcoll décrivant le transport
diffusif associé aux collisions entre
particules chargées) et une source S
(modélisant le flux de chaleur ou
de particules venant du cœur du
plasma). C’est par le terme
turb =˜p˜vrque l’équation de
transport est couplée aux systèmes
3D d’équations aux dérivées par-
tielles qui régissent la dynamique
des fluctuations turbulentes de pres-
sion ˜pet de vitesse ˜v.
On observe des bouffées de faible
pression se propageant de l’extérieur
vers le centre du plasma ainsi que des
bouffées de forte pression allant dans
le sens inverse (figure 5). Ces bouf-
fées augmentent le transport de
matière et de chaleur et apparaissent
de manière intermittente. Elles sont
particulièrement néfastes pour le
confinement du plasma car elles
court-circuitent la région de faible
pression située au bord du tokamak et
la zone de haute pression localisée
dans le «cœur du plasma » (figure 6).
La propagation de bouffées est liée
à l’apparition de cellules de convec-
tion radialement allongées, localisées
dans la direction poloïdale (figure 6).
Ces tourbillons sont analogue à l’effet
thermo-convectif discuté plus haut.
Au bord des cellules allongées, la
vitesse radiale est élevée dans une
région radialement étendue. Ainsi,
elles représentent un «canal » pour la
propagation des bouffées. Du fait de
la grande conductivité électrique le
long des lignes de champ magné-
tique, les cellules suivent ces lignes
de champ dans la direction toroïdale.
En supprimant artificiellement
dans le code numérique le terme qui
couple les fluctuations de vitesse à
l’écoulement moyen, on peut mettre
en évidence l’influence des flux
zonaux sur la dynamique des bouf-
fées. En comparant des simulations
sans et avec flux zonaux, on constate
une différence dans la fréquence
d’apparition et l’amplitude des bouf-
fées intermittentes : la fréquence est
plus importante mais les amplitudes
sont plus faibles en présence des flux
zonaux. Des analyses détaillées révè-
lent le mécanisme suivant pour
l’auto-régulation du transport par les
flux zonaux : la croissance d’une
bouffée est limitée par un flux zonal
engendré au même endroit avec un
certain décalage temporel. Ainsi, la
structure de vitesse associée à la
bouffée est déchirée par le cisaille-
ment associé au flux zonal et n’atteint
pas l’amplitude maximale qu’elle
aurait en l’absence de flux zonaux.
BARRIÈRES DE TRANSPORT
Il existe des régimes de fonction-
nement du tokamak caractérisés par
l’apparition d’une zone au voisinage
de laquelle la turbulence est réduite
par un fort cisaillement de l’écoule-
ment d’équilibre (en d’autres termes :
un flux zonal stationnaire). Dans cette
région, le transport est réduit au trans-
port diffusif dû aux collisions. En fait,
en moyennant l’équation (1) sur le
temps et en intégrant sur la direction
radiale, l’équilibre des flux moyens
s’écrit
¯
turb(r)−χcoll(r)∂
∂r¯p(r)=
r
rmin
S(r)dr(2)
Figure 5 - Flux radial turbulent de pression
(unités normalisées) en fonction du petit rayon
et du temps. Les maxima en forme de droites
inclinées correspondent aux bouffées de faible
ou forte pression se propageant dans la direc-
tion radiale.
Figure 6 - Pression (unités normalisées) à un
temps donné dans un plan poloïdal (même repré-
sentation que dans la figure 1). a) L’anneau repré-
sente le bord du plasma, le cœur n’est pas simulé.
Au milieu à droite de cet anneau, on observe une
bouffée froide qui entre du bord jusqu’au cœur.
b) Un agrandissement de cette bouffée.
(a)
(b)