GÉOPOLITIQUE EN BREF
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été, pour l’essentiel, engloutis par la corruption. L’eau est aujourd’hui rationnée à l’échelle du pays, et le gouvernement
ordonnait récemment aux fonctionnaires de ne plus travailler que deux jours par semaine pour économiser l’électricité.
La situation est tout aussi sombre sur la scène politique. Des pressions de plus en plus fortes s’exercent sur le président
Nicolas Maduro, celui que Hugo Chavez (1999-2013) avait lui-même désigné pour lui succéder. Des sondages récents
situent sa côte de popularité à 15 % seulement, et plus de 70 % des Vénézuéliens souhaiteraient son départ2. Cela
n’empêche toutefois pas le président de s’accrocher au pouvoir.
Les électeurs ont bien donné le contrôle de l’Assemblée nationale à l’opposition récemment, une première en 16 ans,
mais le président utilise son contrôle de l’appareil judiciaire et d’autres institutions nationales pour limiter le pouvoir de
cette dernière. Il a aussi décrété récemment l’état d’urgence pour une durée de 60 jours – qui pourrait s’étendre jusqu’en
2017 –, invoquant des menaces extérieures.
L’opposition a récemment déposé 1,85 million de signatures en faveur d’un référendum pour destituer le président. Si leur
validité est reconnue, 4 millions de signatures devront ensuite être recueillies pour qu’un vote de révocation soit tenu. Le
Conseil électoral national, réputé proche du pouvoir, fera cependant tout pour bloquer ou ralentir le processus. Le temps
presse, car la Constitution prévoit qu’en cas de destitution du président au cours des deux dernières années de son
mandat, le vice-président le remplace; il n’y a pas de nouvelle élection. Pour qu’une élection ait lieu, il faudrait qu’un
référendum révocatoire gagnant ait lieu avant le 10 janvier 2017.
Même dans l’éventualité d’un transfert pacifique du pouvoir à l’opposition, la situation resterait très précaire. Le nouveau
gouvernement serait confronté à la tâche politiquement difficile de redresser les finances du pays en augmentant les prix
de l’électricité, de l’eau et de l’essence. Appliquer de telles mesures constituerait déjà un défi économique et politique
titanesque dans un contexte relativement stable. Essayer de le faire dans un pays dont l’économie est en lambeaux et où
les tensions politiques sont à leur comble causerait vraisemblablement encore plus d’instabilité à court terme. Par
exemple, alors que l’abolition des subventions à la consommation d’eau et d’énergie est la chose à faire pour le long
terme, à court terme, elle aggraverait encore l’inflation.
Malgré la grande richesse pétrolière du Venezuela et le long boom pétrolier mondial qui a précédé l’effondrement récent
des cours, les réserves de change du pays ont chuté en mai à 12,1 milliards de dollars US, leur plus bas niveau depuis
13 ans. Il semble cependant que l’État ait des actifs étrangers additionnels d’une valeur de 10 à 20 milliards de dollars US
qu’il pourrait vendre pour payer des factures. Le Venezuela devra honorer des paiements obligataires d’environ
7 milliards de dollars US cette année (surtout au quatrième trimestre)3. L’État veut à tout prix éviter un défaut parce que
cela pourrait entraîner la saisie d’actifs établis à l’étranger tels que Citgo Petroleum Corporation, qui possède trois
raffineries et des milliers de stations-service aux États-Unis. Citgo est une filiale de PDVSA, la société pétrolière d’État.
Quant à la Chine, qui a déjà prêté 65 milliards de dollars US au Venezuela pour des livraisons de pétrole à venir, elle
serait réticente à lui consentir de nouveaux prêts.
Les difficultés du secteur pétrolier vénézuélien
Le secteur pétrolier éprouve aussi de graves difficultés. Le Venezuela produit environ 2,38 millions de barils de pétrole
par jour (Mb/j) aujourd’hui par rapport à 2,69 Mb/j en décembre dernier et à un sommet de 3,3 Mb/j atteint il y a 14 ans
(voir le graphique qui suit).
Le déclin de la production est dû à deux facteurs essentiellement. D’abord, la nationalisation du secteur pétrolier au cours
de la dernière décennie a fait fuir la plupart des investisseurs étrangers. Ensuite, PDVSA, la société pétrolière d’État, doit
depuis longtemps diriger une forte proportion de ses revenus vers des initiatives du gouvernement. Tout cela a privé ses
gisements d’investissements dont ils avaient cruellement besoin.
Plus récemment, tout espoir de voir le rythme de production augmenter pour maximiser les revenus s’est évanoui avec la
pénurie d’électricité et la décision de plusieurs sociétés internationales de services pétroliers de réduire leurs activités au
Venezuela pour non-paiement de services fournis.
2 « These 5 Facts Explain Why Venezuela Could Be on the Brink of Collapse », Time Magazine, 19 mai 2016
3 « How Venezuela fell into crisis », The New York Times, 27 mai 2016