Homicide et psychose : particularités criminologiques des

L’Encéphale (2008) 34, 322—329
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
MÉMOIRE ORIGINAL
Homicide et psychose : particularités
criminologiques des schizophrènes, des
paranoïaques et des mélancoliques
À propos de 27 expertises
Homicide and psychosis: Criminological
particularities of schizophrenics, paranoiacs and
melancholic
A review of 27 expertises
S. Richard-Devantoya,, A.-S. Chocardb, A.-I. Bouyer-Richardc,
J.-P. Duflotd, J.-P. Lhuilliere, B. Gohiera, J.-B. Garréa
aDépartement de psychiatrie et psychologie médicale, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex 9, France
bUnité de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex 9, France
cCentre Hospitalier Sainte Anne, 1, rue Cabanis, 75014 Paris, France
d100, rue Tricottière, 53100 Mayenne, France
eCHS CESAME, 27, route de Bouchemaine, 49130 Sainte-Gemmes-sur-Loire, France
Rec¸u le 12 janvier 2007 ; accepté le 4 juin 2007
Disponible sur Internet le 19 novembre 2007
MOTS CLÉS
Homicide ;
Schizophrénie ;
Trouble délirant
paranoïaque ;
Trouble de l’humeur ;
Lien à l’agresseur
Résumé Le schizophrène Mathieu X. 21 ans, convaincu de se défendre contre des êtres impurs,
décapita dans la nuit du 11 au 12 décembre 2002, une infirmière et une aide-soignante de
l’hôpital psychiatrique de Pau. Ce meurtre très médiatisé interroge indéniablement la dange-
rosité et la violence du malade mental, dont l’acmé se résout parfois dans le passage à l’acte
homicide. Contrairement à l’image populaire caricaturale, fortement ancrée dans la conscience
collective du malade mental impulsif tuant un inconnu dans la rue, les données épidémiolo-
giques actuelles rassurent : 15% des auteurs d’homicides présenteraient une maladie mentale
grave (schizophrénie, paranoïa, mélancolie). Nous présentons une série de cas d’homicides
de psychotiques. Cette série rétrospective illustre comparativement différents types d’actes
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (S. Richard-Devantoy).
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2008.
doi:10.1016/j.encep.2007.06.006
Homicide et psychose : particularités criminologiques des schizophrènes, des paranoïaques et des mélancoliques 323
homicides pathologiques (schizophrénie, trouble délirant paranoïaque et trouble de l’humeur :
mélancolie, hypomanie) et constitue une base de réflexion sur le passage à l’acte homicide. Au
sein d’une série de 268 dossiers d’expertises d’homicides, 27 homicidaires sont psychotiques.
Dix d’entre eux sont schizophrènes de sexe masculin, jeunes et consommant peu d’alcool ; leur
victime est connue (ascendant, ami). Neuf meurtriers sont paranoïaques, majoritairement de
sexe masculin, plus âgés et tuent leur conjoint ou leur voisin. La prise d’alcool est souvent
associée. Le caractère volontiers émotionnel de l’acte est classique chez les homicidaires schi-
zophrènes et paranoïaques. À l’inverse, les meurtriers mélancoliques sont majoritairement des
femmes d’un âge moyen de 30 ans consommant peu d’alcool. L’homicide est davantage pré-
médité, la victime est connue : enfant, conjoint. La tentative de suicide suit très fréquemment
l’homicide du mélancolique.
© L’Encéphale, Paris, 2008.
KEYWORDS
Homicide;
Schizophrenia;
Paranoiac delirious
disorder;
Affective disorder;
Link with the
perpetrator
Summary
Introduction. — During the night of the 11 to 12 of December 2002, Mathieu X. 21 years old,
convinced he was defending himself from evil human beings decapitated a nurse and an auxi-
liary nurse of the psychiatrist hospital. This crime, which received saturated media coverage,
obviously raises questions about the dangerous and violent nature of the mentally ill, which can
sometimes culminate in homicide. Firmly rooted in the collective consciousness is the popular
idea that someone who kills an unknown person in the street is mentally ill. Conversely, the
epidemiological data are reassuring; only 15% of such crimes are committed by the seriously
mentally ill (schizophrenia, paranoia, melancholia).
Aim. — Typing and comparison of homicides committed by schizophrenic, paranoiac and melan-
cholic persons.
Method. — Several murders committed by psychotic persons are presented in this article. This
retrospective study shows several types of pathological murder (schizophrenia, paranoiac deli-
rious disorder, affective disorder: melancholia and hypomania). Twenty-seven cases have been
selected and analysed from 268 cases prepared over 30 years by two psychiatrists, whose
diagnoses were schizophrenia, paranoia, melancholia or hypomania.
Results. — From these 268 cases of homicide examined, 27 murderers were psychotic.
Ten of these were young, single, jobless, male schizophrenics: they drank little alcohol.
Most of them had a criminal history. They were paranoid schizophrenics whose hallucinatory
mechanisms fed mostly persecuted, sexual and metaphysical themes. Forty percent of them
were disorganised, and half of them showed negative features. They knew their victim (family,
friends).
Nine others were paranoiac, for the most part male, older, married, family men, without
psychiatric or criminal record. Intuitions with delirious fed persecuted (77%), jealous (40%) or
prejudicial themes. They murdered their wife or husband or neighbour. Alcohol consumption
was often involved. Schizophrenic and paranoiac murderers often have an emotional temper.
Conversely, melancholic murderers are mostly female aged around 30, married, family
women, drinking little alcohol. Two-thirds of them have psychiatric records of depression,
bipolar disorders and attempted suicide. Altruism is the most frequent delirious theme. Their
murders are more often premeditated. They know the victim: child or partner. Suicide often
follows the murder.
© L’Encéphale, Paris, 2008.
Introduction
«Le criminel, au moment où il accomplit son crime, est
toujours un malade ». F.M. Dostoïevski, 1866, Crime et
Châtiment, III, 5
La médiatisation de quelques meurtres commis par des
malades mentaux fait la publicité de la folie du crime, cor-
roborant la thèse de F.M. Dostoïevski.
La représentation collective du malade mental abonde
dans le sens de sa dangerosité et plus particulièrement
de celle du schizophrène, figure paradigmatique contem-
poraine et actuelle de la folie. En effet, 48 % des franc¸ais
pensent que les schizophrènes sont dangereux pour les
autres [37]. Dans l’enquête «santé mentale en population
générale : images et réalité », à la question de la maladie
mentale selon les divers actes et comportements, le meurtre
et le viol sont associés, pour une majorité de personnes, au
fou et au malade mental [21].
Acte antisocial par excellence, l’homicide éveille une
multitude d’interrogations et de peurs. Les données épi-
démiologiques actuelles sur l’homicide justifient-elles la
crainte suscitée par le malade mental ? La synthèse des
résultats d’une étude réalisée à partir de 27 expertises tente
324 S. Richard-Devantoy et al.
d’éclairer les aspects de l’énigmatique figure de l’homicide
psychotique. Quelles sont les spécificités criminologiques de
chaque groupe nosographique que constituent les schizo-
phrènes, les paranoïaques et les mélancoliques ?
Nous tentons de répondre à ces questions en restituant
successivement les données épidémiologiques actuelles
sur l’homicide, en exposant les résultats d’une étude
rétrospective de 27 meurtriers psychotiques sélectionnés
parmi 268 dossiers d’expertises d’homicides et en déga-
geant les particularités criminologiques du schizophrène,
du paranoïaque et du mélancolique, préliminaire indis-
pensable à une réflexion préventive de l’acte homicide du
psychotique.
Données épidémiologiques actuelles sur
l’homicide
En France, on dénombre 510 homicides volontaires en
moyenne par an [33]. Les troubles mentaux graves sont res-
ponsables de 0,16 cas d’homicide pour 100 000 habitants
et par an, soit un taux de 0,00016 % [13]. Cependant, les
études récentes montrent que le risque de commettre un
meurtre chez les personnes souffrant de troubles mentaux
graves serait plus élevé que dans la population générale
[15,16,20,40,42,43,45].
Les données épidémiologiques actuelles suggèrent
l’existence d’un lien, et non d’une causalité, entre la mala-
die mentale et l’homicide. La relation entre homicide et
pathologie psychiatrique varie en fonction de la définition
de cette dernière.
Les auteurs schizophrènes
La prévalence de la schizophrénie est diversement appré-
ciée selon les pays et selon les études. Toutefois, les études
en population d’homicides s’accordent à évaluer la préva-
lence des homicidaires schizophrènes entre 5 et 10 % (6,4 %
Gottlieb et al. [20] 1987 ; 6,2 % Eronen et al. [15] 1996 ; 6,5 %
Eronen [16] 1996 ; 6,5 % Wallace [45] 1998 ; 8,9 % Fazel et
al. [17] 2004 ; 5,34 % Schanda et al. [39] 2004 ; 5,5 % Koh
et al. [24] 2005 ; 5 % Shaw et al. [40] 2006), corroborant
l’estimation de Bénézech et al. [7] et les données d’une
revue de cinq études récentes [41].
L’existence d’une schizophrénie multiplierait, par rap-
port à une population indemne de pathologie mentale, le
risque de violence homicide par six [39], huit [45], voire par
dix [14,16] chez l’homme et par six [16], neuf [45], voire
par 17 [39] chez la femme.
Ce sont les schizophrènes paranoïdes abusant de sub-
stances qui présentent un risque particulier de violence [16].
Les paranoïaques
Il existe peu de données épidémiologiques concernant
l’homicide du délirant paranoïaque et cela d’autant plus que
les études internationales regroupent ou confondent sous
le terme de «psychotique »les délirants schizophrènes et
paranoïaques.
Les quelques données disponibles retrouvent, selon les
séries, une fréquence de 0,9 à 5,4 % [24,30] de paranoïaques
auteurs de meurtre. Le diagnostic de paranoïa multiplierait
par six le risque d’homicide chez l’homme [39].
Les auteurs présentant un trouble de l’humeur
M. Bénézech et M.-L. Bourgeois [8] affirment la très forte
corrélation entre homicide et dépression et infirment le
lien entre homicide et manie. Ils soulignent également la
fréquente sous-évaluation du potentiel criminogène de la
dépression. Le diagnostic rétrospectif de dépression prého-
micide reste cependant difficile à affirmer [26].
Dans la littérature contemporaine, plusieurs études
évoquent une proportion relativement importante de patho-
logies dépressives préexistantes dans des séries d’auteurs
d’homicides ou d’actes de violences graves [19,38]. Dans
une revue de la littérature, P. Le Bihan [26] retrouve un
ratio de 16,8 à 28,6 % de déprimés au moment des faits
parmi les auteurs d’homicides. Il ajoute par ailleurs, que
les critères diagnostiques de la dépression ne sont pas tous
précisés dans chacune des études considérées. Dans la popu-
lation de malades mentaux auteurs d’homicides, étudiée par
Schanda et al. [39], le diagnostic d’épisode dépressif majeur
ou d’épisode maniaque est porté chez 15,1 % des hommes
et 29,2 % des femmes. L’auteur ne met pas en évidence
de risque significatif de passage à l’acte homicide pour un
sujet atteint d’un trouble de l’humeur. Dans cette étude, les
homicides-suicides sont exclus. En 2006, J. Shaw et al. [40]
nuancent ces chiffres et dénombrent 118 troubles affectifs
(essentiellement dépressifs) sur 1594 auteurs d’homicides,
soit un taux de 7 %. Les études actuelles concluent à une
proportion moyenne de7à8%[24,40] de sujets meurtriers
présentant un trouble de l’humeur.
Synthèse des données
La proportion de passages à l’acte homicidaire est ainsi
majorée significativement dans la population de sujets
atteints de pathologies psychiatriques graves (schizophré-
nie, paranoïa, trouble de l’humeur) et variable selon le
genre. Le risque est multiplié par deux chez les hommes et
par six chez les femmes par rapport à la population générale
[39].
Même si le risque de violence associé à des troubles
mentaux graves est plus élevé que celui retrouvé dans
la population générale, le nombre absolu d’agressions
commises par les malades mentaux reste faible. Quatre-
vingt à 85 % des meurtriers ne sont pas des malades mentaux
[13]. L’homicide n’est pas le fait exclusif du malade mental,
mais plutôt l’exception.
Matériel et méthodes
La collaboration de deux psychiatres experts nous a per-
mis de consulter et d’analyser 268 expertises d’homicides
(homicide volontaire, meurtre, infanticide, parricide, assas-
sinat). Ces homicides ont été accomplis entre 1975 et
2005. Le matériel d’étude comprend uniquement les pièces
du dossier d’expertise. Les diagnostics posés par les psy-
chiatres experts ont été classifiés en tenant compte des
critères posés par la CIM-10 [35] et le DSM-IV [1]. Nous
Homicide et psychose : particularités criminologiques des schizophrènes, des paranoïaques et des mélancoliques 325
avons retenu 27 sujets auteurs d’homicide pour lesquels
les données de l’expertise ou les conclusions expertales
orientaient vers les diagnostics de schizophrénie (dix cas)
[F20 (CIM-10) ; 295.10 ; 295.20 ; 295.30 ; 295.60 ; 295.90
(DSM-IV)], de psychose paranoïaque (neuf cas), qualifiée de
«trouble délirant »dans les classifications internationales
[F22 (CIM-10) ; 297.1 (DSM-IV)] ou de trouble de l’humeur
«mélancolique »(sept cas) [F32.x (CIM-10) ; 296.xx (DSM-
IV)] ou «hypomaniaque »(un cas) [F31.0 (CIM-10) ; 296.40
(DSM-IV)]. Nous avons exclu de notre étude les expertises
pour lesquelles la discussion ou les conclusions orientaient
vers les diagnostics d’état limite, de débilité mentale ou de
trouble de la personnalité. Le diagnostic oscille parfois entre
l’expertise et la contre-expertise, voire la surexpertise.
Cette série, trop brève pour en tirer des conclusions sta-
tistiquement significatives, corrobore les notions classiques
de la littérature sur l’homicide psychotique.
Nous privilégions l’emploi des termes «paranoïaque »,
«paranoïa »ou «psychose paranoïaque »pour décrire ce
que le DSM-IV ou la CIM-10, nomment, «trouble délirant »,
et cela dans un souci de clarté. En effet, des éléments
délirants peuvent être retrouvés indifféremment chez les
schizophrènes, les paranoïaques, mais aussi parfois chez les
mélancoliques ou les maniaques. Nous tentons de distinguer
le groupe des schizophrènes de celui des paranoïaques, à la
différence des études anglo-saxonnes qui regroupent le plus
souvent ces entités sous le terme générique de «psychose ».
Nous utilisons également les abréviations suivantes : «S»
pour les schizophrènes, «P»pour les troubles délirants para-
noïaques et «H»pour les troubles de l’humeur.
Nous examinons successivement quatre composantes : la
scène du crime, l’auteur, le mobile et la victime du crime.
Nous étudions, comparativement, ces quatre variables au
sein des groupes de schizophrènes, de paranoïaques et de
sujets présentant un trouble de l’humeur.
Résultats et discussion
La scène du crime
M. Bénézech et al. [4,5,7] enseignent que les crimes patho-
logiques obéissent aux règles de la tragédie classique : unité
de lieu, de temps et d’action. Tous les meurtres de notre
série ont été perpétrés dans un même lieu (à l’exception
d’un homicide de bordée), dans une période temporelle
brève et dans un même mouvement opératoire.
Dans notre étude, toutes pathologies confondues, le
crime est le plus souvent commis le soir ou la nuit, donnée
corroborée par les travaux de L. Mucchielli [28]. À l’inverse,
le crime du sujet paranoïaque n’a pas de spécificité tempo-
relle.
Le crime est perpétré dans 63 % des cas au domicile de
la victime (S : 5/10 ; P : 4/9 ; H : 8/8), plus rarement chez
l’agresseur (7,4 % des cas ; S : 1/10 ; P : 1/9 ; H : 0/8) ou
dans 29,6 % des cas à l’extérieur (S : 4/10 ; P : 4/9 ; H : 0/8).
Dans notre série, le crime du mélancolique a toujours lieu
au domicile. Le schizophrène et le paranoïaque commettent
également majoritairement leur crime au domicile de la vic-
time mais aussi dans un autre lieu, donnée classique de la
littérature [18,44].
L’auteur est le seul exécutant (S : 10/10 ; P : 9/9 ;
H : 8/8). L’agression est en règle brutale, soudaine,
n’excédant pas quelques minutes. Une dispute préalable
(notamment conjugale) est retrouvée dans certaines exper-
tises. Un acharnement et une violence excessive ne sont pas
fréquents. Toutefois, dans 50 % des crimes de notre série le
nombre de coups est supérieur à deux, ce qui est un indi-
cateur du caractère volontiers émotionnel de l’acte. Les
lésions par armes blanches sont souvent multiples, allant
jusqu’à 22 coups de couteau chez un schizophrène.
Chez les mélancoliques, l’utilisation de plusieurs moyens
pour commettre le crime est classique, comme si un seul
moyen n’était pas suffisant pour donner la mort. L’intention
n’est pas seulement de tuer, mais de s’acharner à annihi-
ler, à anéantir la victime. Ce débordement de violence est
également constaté au décours du possible passage à l’acte
auto-agressif consécutif à l’homicide : l’agressivité suit un
mouvement centripète et plusieurs moyens sont utilisés dans
un but suicidaire.
L’attitude de l’auteur après l’acte donne des indices sur
le caractère éventuellement pathologique de celui-ci. Les
conduites de réparation (appel des secours) sont relative-
ment fréquentes (S : 4/10 ; P : 4/9 ; H : 1/8). Le cadavre
est souvent laissé sur place, en évidence, non dissimulé ;
dans un cas l’auteur maquille la scène du crime et dans
un autre cas, il déplace la victime. La plupart des homi-
cidaires restent sur le lieu du crime délibérément ou dans
les suites de leur tentative de suicide. D’autres, une fois le
crime commis, fuient. Dans notre série, neuf (30 %) homici-
daires tentent de se suicider après l’acte (S : 1/10 ; P : 2/9 ;
H : 6/8), fait extrêmement fréquent quand le meurtrier est
déprimé au moment des faits. L’homicide-suicide est classi-
quement, mais pas exclusivement, le fait du mélancolique.
Les auteurs contemporains mettent, en effet, en évidence
l’hétérogénéité des pathologies éventuelles retrouvées chez
l’auteur d’un tel acte [11].
Les mélancoliques de notre série ont placé sur le lieu
du crime un testament (un cas), une lettre (deux cas),
ou un autre écrit (un cas), laissant supposer le caractère
éventuellement prémédité de leur acte. Ces notes peuvent
aussi correspondre à un message posthume dans la perspec-
tive d’un scénario d’homicide-suicide abouti. À l’exception
d’un meurtrier schizophrène qui a déposé sur les lieux
du crime des textes ésotériques, les homicidaires schizo-
phrènes ou paranoïaques de notre série ne laissent aucun
document.
L’auteur du crime (Tableau 1)
Les schizophrènes
Nous avons retrouvé dix sujets schizophrènes sur 268 dos-
siers d’expertises d’homicides, soit un taux de 3,73 % de
schizophrènes auteurs de meurtres (Tableau 1).
Il s’agit d’hommes (100 %) jeunes, d’une moyenne d’âge
de 31 ans, célibataires, sans enfant dans 90 % des cas,
au faible niveau d’éducation, majoritairement sans emploi
(60 %), et dont l’enfance a été émaillée de carences
socio-affectives (décès d’un parent, placement en foyer,
séparation parentale). Les antécédents judiciaires sont fré-
quents (50 %), et ils sont généralement connus des services
de psychiatrie. Seulement 30 % des schizophrènes auteurs
326 S. Richard-Devantoy et al.
Tableau 1 Particularités criminologiques selon la pathologie.
Série de 27 homicidaires psychotiques
27 auteurs
Pathologie psychiatrique 10 schizophrènes 9 paranoïaques 8 troubles de l’humeur
Sexe 10 hommes 8 hommes 5 femmes
1 femme 3 hommes
Âge (âge moyen — écart-type) Jeunes (31 ans — 19 à 44
ans)
Âge mûr (50,1 ans — 33 à 72
ans)
Jeunes (36 ans — 26 à 72
ans)
Situation familiale 9 célibataires, sans enfant 1
marié, père de famille
Mariés, pères de famille Marié(e)s, mères de famille
Profession (%) Sans emploi
majoritairement (60)
En activité En activité
ATCD judiciaires (%) Vols, cambriolages,
agression sexuelle (50)
Non Non
ATCD psychiatriques (%) Schizophrénies (30), BDA
(30), autres (10)
Non Épisode dépressif majeur
(62,5)
Inconnus des services de
psychiatrie (30)
Tentative de suicide (37,5)
Psychose
maniacodépressive (25)
Abus ou dépendance à l’alcool (%) (40) (55) (12,5)
29 victimes
Parents 3 ascendants (2 mères, 1
père)
2 (1 père, 1 mère) 0
Conjoints 0 4 conjoint(e)s (3 conjointes,
1 conjoint)
1 conjointe
Enfants 1 0 7 enfants (4 garc¸ons, 3
filles)
Connaissances (amis, voisins) 6 amis (1 voisine, 3 amis, 2
connaissances)
5 voisins (2 voisins, 2 amis,
1 amant)
1 ex-belle-mère (sujet
hypomaniaque)
Inconnu 1 0 0
29 homicides
Lieu du crime (%) Domicile (60) Domicile (56) Domicile (100)
Extérieur (40) Extérieur (44)
Heure du crime (%) Soir et nuit (60) Matin, journée, soir et nuit Soir et nuit (62,5)
Arme du crime (%) Arme à feu (30),
strangulation (30 ), arme
blanche (20), coups (20)
Arme à feu (56), coups (33),
arme blanche (11)
Arme à feu (50),
strangulation (25), coups
(12,5), noyade (12,5),
empoisonnement (12,5)
Alcool au moment des faits (%) (30) (33) (25)
Caractère émotionnel de l’acte Majoritairement Majoritairement Fréquent
Tentative de suicide (%) Rare (10) Rare (22) Fréquente (75)
d’homicides de notre série sont inconnus des services de
psychiatrie, donnée classique de la littérature [44]. Les
formes cliniques se répartissent en sous types paranoïde
(60 %), indifférencié (10 %) et résiduel (30 %). Les théma-
tiques persécutives (60 % des cas), sexuelle ou métaphysique
alimentent les propos délirants du sujet, dont les méca-
nismes sont hallucinatoires (60 %) et/ou constitués d’un
automatisme mental (50 %). Quarante pourcent des homi-
cidaires schizophrènes sont discordants et 50 % d’entre
eux présentent une dimension négative de la maladie.
Les comorbidités associées sont par ordre de fréquence :
consommation et dépendance alcoolique (40 %), personna-
lité psychopathique (10 %) et débilité mentale (10 %).
Les paranoïaques
Nous avons retrouvé neuf sujets paranoïaques auteurs de
meurtres sur les 268 dossiers d’expertises, soit 3,35 % des
auteurs de meurtres.
Ce sont des hommes (88 %), d’âge mur, autour de la
cinquantaine, mariés (66 %), pères de famille (77 %), majo-
ritairement sans emploi (54 %), ou dans 34 % des cas en
activité au moment des faits. Leur enfance a été mar-
quée par des pertes (décès d’un ou des deux parents). Ils
n’ont pas d’antécédents judiciaires ni psychiatriques. Nous
avons relevé, selon la nosographie franc¸aise, des délires
de revendication (3/9), de jalousie (3/9) et trois délires
d’interprétation de Sérieux et Capgras (3/9). Des intuitions,
1 / 8 100%

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