Gènéthique - n°27– mars 2002
rétrécissement aurait empêché le cœur
de propulser normalement le sang dans
le corps, avec, pour conséquence, une
pression excessive dans le ventricule
gauche source de développement
anormal du cœur. Pour cet enfant, le
geste anténatal a permis que le cœur se
développe normalement avant la
naissance. Le succès de cette
intervention cardiaque fœtale est
d’autant plus éloquent que le geste
fœtal n’a pas eu besoin d’être complété
par un geste néonatal, ce qui, pour ce
type de chirurgie, est une première (les
autres cas rapportés, plus d’une
douzaine à ce jour, ayant nécessité un
geste après la naissance).
Du diagnostic à l’intervention
Depuis l’avènement du diagnostic
anténatal, les moyens de détection des
anomalies congénitales ont grandement
évolué et ont permis une meilleure
compréhension et connaissance des
mécanismes évolutifs pathologiques
avant la naissance. De nombreuses
anomalies peuvent être dépistées de
manière fiable (malformations
cardiaques, rénales, pulmonaires,
pariétales …). On a pu ainsi savoir que
pour telle anomalie, les lésions étaient
déjà installées et définitives au moment
de leur détection anténatale, même
précoce (absence d’un rein par
exemple…), alors que dans d’autres cas
l’évolution anténatale spontanée se
faisait vers l’aggravation des lésions,
soit de l’organe en question, soit par
retentissement sur d’autres organes ou
fonctions en développement. Le premier
dilemme était de savoir si l’on pouvait se
contenter de regarder les choses
s’aggraver sans rien faire ou si,
considérant le fœtus comme un patient
non encore né, on pouvait, on devait,
intervenir d’une manière ou d’une autre
avant la naissance pour tenter d’éviter
cette évolution néfaste. Alors le praticien
a été confronté à de nombreuses
questions : les critères anténataux de
gravité sont-ils fiables ? La lésion
attendue est-elle suffisamment grave
pour faire prendre un risque ? Le
bénéfice attendu du traitement anténatal
est-il supérieur au risque encouru par ce
geste ? pour l’enfant ? pour la mère ?
Le challenge réside dans la fiabilité
diagnostique et l’appréciation du
pronostic : peut-on être assuré que, au
moment du dépistage anténatal,
l’organe affecté est potentiellement
fonctionnel, mais que la persistance par
exemple d’un obstacle ou d’une
compression entraînera inéluctablement
si rien n’est fait précocement, des
séquelles graves irrémédiables ? Reste
alors à considérer les moyens
techniques à mettre en jeu pour opérer
le fœtus, mesurer les risques pour le
fœtus et la mère, et expliquer tout cela
clairement au couple pour obtenir leur
consentement, même leur désir, de
participer à ce projet thérapeutique
destiné à améliorer le pronostic futur de
ce petit patient non encore né qui est
leur enfant.
Divers types d’intervention
Divers modes d’intervention fœtale
ont vu le jour. Sans vouloir être
exhaustif, cela peut aller de provoquer
une naissance bien avant le terme, de
ponctionner pour évacuer un excès de
liquide amniotique afin de permettre à
l’enfant de naître plus près du terme,
voire simplement de transférer la femme
enceinte dans un centre spécialisé pour
la naissance afin de permettre un
traitement approprié du nouveau-né
dès les premières minutes, à des
gestes plus actifs ou agressifs comme
la pose d’un drain, jusqu’à un geste
chirurgical.
En cas de geste chirurgical le fœtus est
partiellement extrait de l’utérus, opéré,
puis réintégré dans l’utérus maternel
pour poursuivre son développement le
plus longtemps possible jusqu’à la
naissance, débarrassé de ce qui risquait
de compromettre ses chances de
survie. Ce dernier mode plus agressif
de traitement fœtal, qui a été réalisé à
plusieurs reprises par l’équipe de San-
Francisco de Mickaël Harrison et dans 5
cas à l’hôpital Saint Vincent de Paul à
Paris par les Pr Bargy et Sapin,
comporte un risque important d’échec,
en partie lié à la difficulté d’obtenir une
tocolyse (absence de contraction
utérine) de bonne qualité en post-
opératoire, responsable de mort fœtale
et d’accouchement très précoce, sans
sous-estimer le risque maternel. Pour
ces raisons, ce type de chirurgie
anténatale a subi un frein logique dans
ses indications et sa réalisation. Les
perspectives actuelles se tournent vers
une adaptation de la coeliochirurgie
grâce à la miniaturisation des
instruments et les progrès des fibres
optiques.
Un nouvel ADN ?
La revue Nature Biotechnology de
février 2002 rapporte qu’une équipe
japonaise vient de créer un
« complément » au code génétique
universellement utilisé dans le noyau
des organismes vivants. Qu’en est-il ?
Les cellules humaines ont un génome
constitué d’ADN. Ce génome permet la
synthèse de protéines qui sont
indispensables au fonctionnement et à
l’architecture de la cellule. L’ADN est
lui-même constitué d’une succession
de bases au nombre de quatre, A, T, G
et C (pour adénine, thymine, guanine et
cytosine). Ces bases sont rangées
dans un ordre très précis définissant le
code génétique. Pour construire une
protéine, un morceau d’ADN, appelé
gène, fabrique dans un premier temps
une molécule d’un corps intermédiaire,
l’ARN (acide ribonucléique). Cet ARN
transmet le message du noyau vers le
cytoplasme de la cellule où la synthèse
protéique sera réalisée ; cet ARN est
appelé ARN messager ou ARNm. Il est
ensuite lu au niveau du cytoplasme
pour déterminer chaque acide aminé
constitutif des protéines en fonction du
code lu sur l’ARNm. Chaque acide
aminé est codé par un groupe de
3 bases de l’ADN appelé « codon » ;
par exemple l’acide aminé appelé
sérine est codé par le groupe de
3 bases AGC.
Les chercheurs ont créé deux
nouvelles bases, baptisées S et Y et
ont réussi à les intégrer dans un
morceau d’ADN. Le gène ainsi modifié
code bien pour un ARNm nouveau,
absent dans la nature. Cet ARNm
nouveau permet d’intégrer dans les
protéines un acide aminé nouveau,
absent dans la nature. Toutes ces
étapes ont été réalisées in vitro. Le but
est d’arriver à incorporer ces nouvelles
bases dans un génome naturel pour
obtenir des protéines nouvelles.
Cette technique a été présentée avec
un battage médiatique important, un
des inventeurs allant jusqu’à affirmer :
« Nous comptons relancer les
processus de l’évolution dans des
directions qui n’ont pas été
spontanément explorées par la
nature ». En fait, le risque de création