Publication de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants Pour obtenir des exemplaires supplémentaires, veuillez communiquer avec nous à : 2490, promenade Don Reid Ottawa (Ontario) K1H 1E1 Tél. : 613-232-1505 ou 1-866-283-1505 (sans frais) Fax : 613-232-1886 www.ctf-fce.ca © Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, 2009 Tous droits réservés. Toute reproduction en tout ou en partie sans le consentement au préalable par écrit de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants est interdite. ISBN 0-88989-390-X L’appropriation culturelle des jeunes à l’école secondaire francophone en milieu minoritaire Synthèse de l’enquête Message de la FCE La Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (FCE) est une organisation nationale qui regroupe environ 200 000 membres de la profession de partout au Canada. De ce nombre, plus de 10 000 œuvrent dans les écoles de langue française en milieu minoritaire. La présente série de documents fait partie des initiatives de la FCE qui visent à appuyer le personnel enseignant de ces écoles en étudiant des caractéristiques de cet environnement particulier. La série L’appropriation culturelle des jeunes à l’école secondaire francophone en milieu minoritaire examine cet âge particulier de la vie où des décisions et des choix importants déterminent souvent les conditions de vie à l’âge adulte. Bien entendu, ce qui nous intéresse particulièrement dans le contexte de l’éducation, c’est de mieux comprendre les liens que tissent les jeunes avec la francophonie pendant leur parcours scolaire. La place qu’occupe l’appropriation culturelle est au cœur de cette dynamique. L’enjeu est bien plus important qu’on ne pourrait le croire de prime abord. Car, en effet, si l’éducation de langue française se distingue par le mandat particulier de « passeur culturel », il est fort à propos de se demander comment les jeunes, à l’adolescence, perçoivent cette culture qu’on veut leur faire apprécier. Est-elle attrayante? S’intègre-t-elle à leur identité? Comment se compare-t-elle, à leurs yeux, à la culture de la majorité, omniprésente et même envahissante? Le Rapport d’analyse des entrevues de groupe est le premier document de la série et fait le bilan des rencontres qui ont été réalisées auprès d’adolescentes et d’adolescents de l’Ontario et de la Nouvelle-Écosse. Ces entrevues avaient pour but de préciser l’orientation des questions d’un sondage pancanadien qui a été effectué à l’hiver 2009. L’analyse de ce questionnaire est l’objet du deuxième document intitulé Résultats de l’enquête pancanadienne qui expose les données recueillies auprès de 1334 jeunes répondants et répondantes de tous les coins du pays. Finalement, le troisième document, Synthèse de l’enquête, fait le résumé des deux volets du projet (les entrevues et le questionnaire) et propose des pistes d’exploration et de solution pour améliorer l’école secondaire de langue française et faire en sorte qu’elle s’inscrive dans la vision que nous entretenons pour l’éducation des jeunes francophones d’aujourd’hui et de demain. De plus, les chercheurs associés à l’enquête ont bien voulu se prêter au jeu d’interpréter certains des constats pour lancer des pistes de solution aux problématiques qui se présentent. En poursuivant ces projets de recherche et par les actions qu’elle pose, la FCE est soucieuse de contribuer de façon tangible à offrir aux élèves de l’école de langue française la meilleure éducation qui soit. Coordination et rédaction : Ronald Boudreau (FCE) Chercheurs associés : Christine Dallaire et Kenneth Deveau Collaboration spéciale : Maurice Chiasson Graphisme : Nathalie Hardy (FCE) Révision linguistique : Paulette Rozon (FCE) La FCE tient à remercier les conseils scolaires de langue française pour leur précieuse collaboration à la réalisation de cette enquête. Nous reconnaissons l’appui financier du gouvernement du Canada par l’entremise du ministère du Patrimoine canadien. Table des matières Mise en contexte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 But de l’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 Profil des jeunes répondants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Démarche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 1. Vécu langagier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 1.1. Vécu enculturant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Famille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 École . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Réseau social à l’extérieur de l’école . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 1.2. Vécu autonomisant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 1.3. Vécu conscientisant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 1.4. L’école francophone : lieu de construction identitaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 2. La culture francophone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 2.1. Activités culturelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Activités artistiques et médiatiques culturelles curriculaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Activités artistiques et médiatiques culturelles parascolaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Activités artistiques et médiatiques culturelles extrascolaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 2.2. Développement psychoculturel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 Perception de la fréquence et de la popularité des ressources artistiques et culturelles . . . . . . . . . 18 Animation culturelle à l’école . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 Désirs, souhaits et buts artistiques et culturels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 3. Identité ethnolinguistique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 3.1. Autodéfinitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 3.2. Engagement identitaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 24 Pratiques culturelles et identité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4. Engagement futur envers la francophonie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Quelques constats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 Mise en contexte La Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (FCE) tente par divers moyens de contribuer à l’amélioration des conditions d’enseignement de ses membres qui œuvrent dans les écoles de langue française en milieu minoritaire. Au fil des ans, divers secteurs d’intervention continuent d’être explorés dans le but de déterminer comment l’action pédagogique peut être rendue plus efficace et quels sont les réels enjeux qui se présentent non seulement pour le personnel enseignant, mais aussi pour la communauté éducative francophone en général. Dans le domaine de la petite enfance, la FCE a publié de nombreuses références et des outils pratiques visant à mieux préparer l’enfant à son entrée à l’école. Plus récemment, un examen des programmes d’études à l’usage du personnel enseignant a permis de repérer des lacunes importantes au niveau des messages qui sont transmis aux élèves. Cette étude, ainsi que d’autres travaux sur le sujet, ont amené la FCE à s’intéresser à la période critique de l’adolescence, phase de la vie au cours de laquelle des décisions et des choix importants détermineront la place qu’occupera le français toute la vie durant. Selon l’Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle de Statistique Canada (2006), les communautés francophones en milieu minoritaire du Canada comptaient 225 800 enfants d’âge scolaire dont au moins un parent est de langue française. De ce nombre, 82 230 étaient au secondaire et 35 840, soit 44 %, étaient dans des écoles de langue française. Ce pourcentage d’élèves est significativement moins élevé que celui de l’école primaire qui se chiffre à 53 %. Dans le contexte de la présente étude, la simple décroissance du nombre d’inscriptions au secondaire par rapport aux premières années de scolarité a suffi à enclencher un questionnement. Deux hypothèses peuvent expliquer cette différence : soit elle reflète les efforts intensifiés et les stratégies de recrutement améliorées des récentes années pour les écoles primaires, soit elle reflète une tendance selon laquelle de nombreux élèves adolescents passeraient de l’école française à l’école anglaise par préférence. En effet, il semble que la transition du primaire au secondaire constitue une étape charnière dans la rétention des élèves à l’école de langue française et on peut se demander si elle a des effets à long terme sur le sens d’appartenance des élèves à la communauté francophone. Il est apparu alors très pertinent de mieux comprendre le rapport qu’ont les élèves de cet âge avec l’école de langue française et la communauté francophone. C’est l’objet de la recherche qui a été effectuée et les trois documents de la série L’appropriation culturelle des jeunes à l’école secondaire francophone en milieu minoritaire en analysent les résultats. Le présent document fait le bilan des deux phases de la recherche, soit celle des entrevues de groupe et celle des résultats de l’enquête pancanadienne. La Synthèse de l’enquête fait ressortir les points saillants des constats qu’il est possible de formuler en analysant les données de façon scientifique. Les auteurs se sont donc permis de faire des inférences et de réfléchir plus librement à la problématique de l’appropriation culturelle des jeunes à l’école secondaire francophone en milieu minoritaire : les réflexions sont en retrait dans le texte. Ils se permettent d’aller audelà des simples constats pour proposer des pistes d’exploration ultérieures et des stratégies d’intervention qui méritent d’être mises à l’épreuve afin de mieux répondre aux besoins des élèves. Ainsi, cette synthèse déborde des limites scientifiques et émet des suggestions s’appuyant sur des inférences et des hypothèses qui n’ont pas encore été vérifiées. Elle pousse la réflexion plus loin que les deux autres documents qui la précèdent dans cette série et ne constitue pas, en soi, un rapport de recherche. Elle s’adresse plutôt à un auditoire qui cherche à mieux comprendre la recherche scientifique, mais qui apprécie que les faits soient présentés dans des contextes réels plus proches du vécu des écoles de langue française. En faisant la lecture de cette synthèse, retenez qu’il est toujours possible de retourner aux sources originales telles que présentées dans les deux autres documents afin d’avoir une description plus complète des résultats. Notez que certains extraits qui appuient le texte présentent un aperçu des résultats et apportent des informations plus précises aux propos généraux qui sont présentés. But de l’étude Cette étude examine l’adolescence, période critique de remise en question identitaire, selon les dimensions de l’appropriation culturelle et de la construction identitaire en contexte minoritaire francophone. Les résultats offrent un portrait de la situation actuelle et permettent d’identifier des pistes d’amélioration et des conditions de réussite pour les écoles secondaires en milieu minoritaire comme lieu de construction du savoir et de construction de l’identité francophone. Profil des jeunes répondants Aux fins de la présente étude, les élèves de la 10e année des écoles de langue française en situation minoritaire au Canada constituent la population cible. Ce groupe en particulier a été choisi en fonction du niveau de maturité des élèves et se situe dans toutes les administrations dans le dernier cycle d’études, celui qui précède le début de la vie adulte. Reflétant le portrait des écoles de langue française, un échantillon d’élèves a été constitué pour représenter quatre régions géographiques : l’Ontario et le NouveauBrunswick constituent deux de ces régions où les nombres sont les plus importants. Les provinces de l’Ouest et les territoires ont constitué une autre région identifiée et les autres provinces de l’Atlantique ont été regroupées sous l’appellation Atlantique-Est pour les besoins de l’étude. La majorité des 1334 répondants sont des élèves de l’Ontario (60,8 %) et du NouveauBrunswick (26,0 %). Ceux de l’Ouest-Nord et de l’Atlantique-Est ne constituent respectivement que 9,6 % et 3,5 % de la population. Cette répartition de l’échantillon peut se comparer assez fidèlement à la réalité démographique actuelle des élèves des écoles de langue française en milieu minoritaire puisque la répartition réelle de ces groupements d’élèves est de l’ordre respectivement de 62,9 %, 21,9 %, 11,5 % et 3,5 %. Les élèves de l’échantillon proviennent de contextes communautaires très différents : contexte rural ou urbain, forte ou faible concentration francophone, et composition multiculturelle ou homogène. Leurs écoles sont grandes ou petites, selon les besoins et les particularités de la région d’où ils proviennent. Bien qu’il soit représentatif de l’ensemble, cet échantillon est cependant constitué d’écoles qui ont accepté a priori de répondre au sondage. Ainsi, la situation d’une seule école peut influencer plus ou moins fortement les résultats d’une région, particulièrement dans l’Ouest-Nord et dans l’Atlantique-Est. Par exemple, si une école est particulièrement active au niveau de la production théâtrale, les élèves de cette école, selon leur poids dans l’échantillon, peuvent donner l’impression que c’est l’ensemble de la région qui se prête à cette activité alors qu’elle est en fait très localisée. Plus de 80 % des élèves répondants ont le français comme langue maternelle (65,0 % l’ont comme langue maternelle unique et 15,3 % indiquent avoir le français en combinaison avec l’anglais comme langue maternelle). Plus de six jeunes sur dix ont deux parents francophones (60,7 %). Le taux d’exogamie francophone-anglophone au sein de l’échantillon est de 28,1 %. Les pourcentages de familles endogames anglophones et endogames allophones sont respectivement de 4,3 % et de 5,3 %. C’est au Nouveau-Brunswick que le pourcentage de familles endogames francophones est le plus élevé (74,7 %). Pour sa part, le pourcentage de familles endogames allophones est le plus élevé (18,0 %) dans l’Ouest-Nord. Dans l’échantillon, c’est au Nouveau-Brunswick que l’on trouve la plus forte proportion de jeunes ayant le français comme langue maternelle, soit 90 %. Ils représentent 77 % en Ontario, 72 % dans l’Atlantique-Est et environ 68 % dans la région de l’Ouest-Nord. Démarche Les chercheurs ont élaboré le questionnaire à l’aide d’un processus itératif d’entrevues auprès de groupes de consultation composés d’adolescents et d’adolescentes de la Nouvelle-Écosse et de l’Ontario. Cela a permis de mieux cibler les variables d’intérêts, de préciser les échelles de mesure et de développer des questions ouvertes. Les conclusions de ce volet de l’enquête sont présentées dans le fascicule intitulé Rapport d’analyse des entrevues de groupe. Bien que ces entrevues aient été effectuées auprès de jeunes de communautés bien précises, dans un contexte où il était évident que ces jeunes vivaient déjà une forme d’engagement à la francophonie en étant membres d’une association provinciale jeunesse, il est intéressant de constater que les éléments de réponses diffèrent très peu de ceux qui ont été recueillis auprès de l’échantillon de l’enquête, ce dernier étant beaucoup plus aléatoire dans sa composition. Cependant, la fréquence des pratiques, l’intensité de l’engagement et le degré de conscientisation distinguent les ados qui ont répondu au questionnaire de ceux qui ont participé aux entrevues. Dans une certaine mesure, ces derniers représentent des modèles d’engagement identitaire dont on doit s’inspirer pour élaborer des pratiques gagnantes. Le deuxième fascicule, Résultats de l’enquête pancanadienne, propose des analyses quantitatives et qualitatives qui ont été effectuées à partir des données recueillies par le questionnaire. Dans la présentation des résultats, les élèves sont répartis en six groupes selon le pourcentage de francophones dans la localité : 0-9 %, 10-29 %, 30-49 %, 50-69 %, 70-89 % et 90-100 %. 1. Vécu langagier 1.1. Vécu enculturant Le vécu langagier enculturant correspond à la fréquence et à la diversité des contacts culturels en français et en anglais. Le vécu enculturant actuel, c’est-à-dire ce qu’ils vivent présentement, a été mesuré dans l’enquête selon trois milieux de vie : dans la famille, à l’école et dans le réseau social à l’extérieur de l’école. Famille À la lecture des informations recueillies par le questionnaire, les contacts familiaux des jeunes se passent plus souvent en français qu’en anglais. Les résultats démontrent cependant un effet de génération selon lequel les communications avec les grandsparents ont tendance à être plus franco-dominantes que celles qui ont lieu avec les parents, qui sont à leur tour plus franco-dominantes que celles qui prennent place avec les frères et les sœurs. La tendance à parler le français dans la famille est plus forte au Nouveau-Brunswick que dans les autres régions, tendance qui s’explique par la concentration des francophones qui y est plus élevée. Six jeunes sur dix estiment avoir plus tendance à parler en français avec leurs grands-parents (62,5 % du côté maternel et 58,2 % du côté paternel), cinq sur dix considèrent employer plus souvent le français avec leurs parents (52,0 % et 50,4 % pour la mère et le père respectivement) et quatre personnes sur dix avec leurs sœurs et frères (39,2 %). Environ un tiers des jeunes de l’Ontario (33,7 %) et plus d’un tiers des jeunes de l’Ouest-Nord (38,0 %) rapportent parler aussi souvent en anglais qu’en français avec leurs sœurs et frères. Cet effet de génération soulève un débat inquiétant car il est permis de penser que s’il se poursuit, il y a de fortes chances que les ados seront moins portés à parler en français à leurs propres enfants si aucune intervention ne les amène à réfléchir aux conséquences. Il devient alors essentiel de songer à une programmation scolaire qui tient compte des défis d’évoluer dans un contexte linguistique minoritaire et des risques que ces comportements peuvent représenter pour le maintien de l’identité francophone chez l’individu de même que la vitalité collective du français. Les programmes d’études devront être conscientisants et amener les jeunes à réaliser que leurs comportements et leurs décisions comme individus sont souvent liés à des forces sociales externes dont ils peuvent être plus ou moins conscients. Les programmes pourront ainsi amener les jeunes à considérer les conséquences à long terme de leurs comportements et décisions sur leur francité ainsi que sur la vitalité de leur communauté. Bien qu’ils puissent se préoccuper de cet aspect collectif, les jeunes — il ne faut pas l’oublier — seront plus enclins à s’engager dans une telle démarche s’ils sont également conscients des bénéfices personnels qu’ils peuvent en tirer. École L’utilisation du français à l’école est seulement un peu plus commune que l’utilisation de l’anglais chez les jeunes. Alors qu’en moyenne les jeunes des diverses régions parlent beaucoup plus souvent en français avec leurs enseignants et enseignantes, ils parlent aussi souvent en anglais qu’en français avec les autres élèves à l’extérieur de la classe et dans les activités parascolaires. Près de la moitié des jeunes rapportent en effet que leurs communications avec les autres élèves en salle de classe sont bilingues. Les contacts avec les adultes dans les activités parascolaires sont néanmoins francodominants chez la majorité des jeunes, bien qu’ils ne le soient pas exclusivement comme on pourrait s’y attendre. Cette question de comportement bilingue entre les élèves refait souvent surface. Il est préoccupant de constater que les élèves se parlent aussi souvent en anglais entre eux, et les jeunes de certaines écoles soutiendraient que c’est plutôt la norme que l’exception. On doit également tenir compte que pour plusieurs élèves, l’école est le seul milieu où ils sont appelés à parler en français. La situation devient vite un non-sens et il est clair que ce débat doit prendre place. Insécurité linguistique? Défiance de l’autorité? Symptôme d’assimilation? Lacunes dans le système de discipline axé sur le contrôle externe du comportement? Ce phénomène et les solutions qui devront être mises en pratique constituent l’objet d’une étude en soi. Réseau social à l’extérieur de l’école Les jeunes ont tendance globalement à parler légèrement plus en anglais qu’en français dans leurs activités à l’extérieur de l’école et de la famille. Seuls les jeunes du NouveauBrunswick ont tendance à parler davantage en français dans les contextes proposés par le questionnaire. Dans l’ensemble, les jeunes ont tendance à parler plus souvent en anglais qu’en français avec les commis et les serveurs dans les commerces et les restaurants. Parmi les jeunes de l’Ouest-Nord, c’est près des trois quarts qui indiquent que ces contacts sont anglo-dominants. Ce volet de l’enquête apporte peu de surprises : il décrit la réalité anglo-dominante de plusieurs régions du pays. Ce faisant, il renforce cependant le rôle compensatoire de l’école de langue française et démontre l’importance d’un curriculum pédagocommunautaire qui intègre et promeut les activités, les services et les institutions qui offrent un milieu de vie en français dans la communauté. Les résultats des entrevues de groupe permettent cependant d’ajouter des nuances à ces constats. En effet, ils révèlent que l’école francophone rassemble trois groupes de jeunes qui se distinguent selon leur usage du français à l’école, dans la famille et dans la communauté. Un premier groupe de jeunes de familles et de régions majoritairement francophones s’exprime toujours en français dans chacun de ces milieux. Un deuxième groupe ne profite pas d’un milieu francophone et vit dans une région bilingue ou majoritairement anglophone. Ces jeunes conversent en français à l’école et à la maison, que ce soit au sein d’une famille francophone ou exogame. Le dernier groupe de jeunes, issu de familles exogames ou anglophones et de milieux bilingues ou majoritairement anglophones, rapporte que c’est seulement à l’école que l’usage du français est fréquent. Pour ce troisième groupe, ce n’est pas nécessairement l’école dans son ensemble qui est un milieu de vie française, mais surtout la salle de classe et les interactions avec le personnel enseignant. Quoique l’analyse qui suit présente les résultats des questionnaires et des entrevues pour les jeunes répondants dans leur ensemble et ne permette pas de distinguer les réponses des ados selon leur appartenance à l’un de ces trois groupes, il est utile de garder en tête que les réponses des ados peuvent être interprétées différemment selon leur usage du français à l’école, dans la famille et dans la communauté. 1.2 Vécu autonomisant La majorité des jeunes considèrent que les enseignants et enseignantes leur fournissent des rétroactions positives quand ils réussissent et des mots d’encouragement quand ils éprouvent des difficultés. Ils sont aussi assez fortement d’accord que ces derniers leur accordent des choix et respectent leurs opinions. De plus, ils estiment être valorisés et appréciés en tant que personnes par leurs enseignants et enseignantes. Or, l’enquête révèle que le soutien que les enseignantes et enseignants accordent aux sentiments de compétence, d’autonomie et d’appartenance des élèves peut se qualifier de modérément fort. Par ailleurs, les recherches montrent que ces trois sentiments en situation d’apprentissage du français sont étroitement liés à la construction identitaire francophone et à l’intériorisation de la motivation pour apprendre le français. Ce vécu est particulièrement intéressant, car, contrairement au vécu enculturant, il ne semble pas être assujetti à l’influence de la concentration géographique des francophones et, en principe, est à la portée de tout élève en milieu minoritaire peu importe son contexte démographique communautaire. 10 Il semble dès lors important de sensibiliser les enseignants et enseignantes à la relation entre les sentiments de compétence, d’autonomie et d’appartenance, d’une part, et la construction identitaire et la motivation pour apprendre et utiliser le français, d’autre part. Il faut alors encourager l’élaboration d’approches et de stratégies pédagogiques propres à optimiser le soutien aux sentiments de compétence, d’autonomie et d’appartenance des élèves en situation d’apprentissage du français. Nous proposons aussi que l’approche de l’autodétermination offre des pistes intéressantes pour répondre à la problématique de l’utilisation de l’anglais présentée dans la section précédente. 1.3 Vécu conscientisant Dans le cadre de cette enquête, une attention particulière a été portée au degré auquel les parents et le personnel enseignant constituent des modèles de conscientisation et d’engagement linguistique et culturel. Plus précisément, on a demandé aux jeunes d’indiquer dans quelle mesure ces deux groupes manifestaient des comportements de valorisation de la langue et de la culture françaises, d’affirmation identitaire francophone, et de revendication des droits linguistiques francophones. Les jeunes répondants observent que leurs parents ne manifestent que « de temps en temps » des comportements faisant preuve d’une conscience et d’un engagement ethnolangagiers. Ces comportements sont légèrement plus fréquents chez les parents de l’Ouest-Nord et un peu moins fréquents chez les parents de l’Ontario. Le comportement le plus fréquemment manifesté est celui de la valorisation de la langue française. Près de la moitié des jeunes rapportent que leurs parents valorisent régulièrement la langue française. En revanche, seulement le quart rapporte que les parents valorisent la dimension culturelle de la langue. En Ontario, ce n’est qu’un ado sur cinq qui rapporte que ses parents valorisent régulièrement la culture française. Par ailleurs, les parents de l’Atlantique-Est sont perçus par leurs ados comme ceux qui sont les moins disposés à demander des services en français. Au fil des ans, les jeunes disent avoir plus souvent vu leurs enseignants et enseignantes démontrer une conscience et un engagement ethnolangagiers qu’ils ne l’ont constaté chez leurs parents. Notons que, tout comme les parents, les enseignants ont davantage tendance à valoriser la langue et la culture qu’à d’affirmer leur identité ou à revendiquer des droits linguistiques. Le score global des jeunes de l’Atlantique-Est est légèrement plus élevé que celui des jeunes des autres régions du pays en ce qui a trait à leur perception selon laquelle leurs enseignants font valoir le français et affichent leur fierté francophone. 11 On constate que peu importe la concentration géographique francophone, les enseignantes et enseignants ont davantage tendance à agir comme modèles de conscientisation et d’engagement ethnolangagiers que les parents. On note cependant une tendance selon laquelle la manifestation de tels comportements diminuerait très légèrement chez les enseignants en même temps qu’elle augmenterait légèrement chez les parents au fur et à mesure que la concentration géographique des francophones augmente. Il est possible que les enseignants en contexte à faible vitalité soient davantage appelés à s’engager au sein de la communauté que ceux en région à forte vitalité, ce qui expliquerait la différence de perception chez les jeunes. 1.4 L’école francophone : lieu de construction identitaire Pour exprimer comment l’école de langue française joue un rôle enculturant et conscientisant, les jeunes répondants étaient invités à décrire ce que l’école représente à leurs yeux. Leurs réponses spontanées renvoient à la description d’un espace où ils apprennent et grandissent en français et donc qui nourrit leur fierté francophone. Les jeunes ont par ailleurs été encouragés à préciser les avantages et les désavantages de l’école francophone. Un élève sur cinq a déclaré que le bénéfice de l’école francophone est qu’ils y communiquent en français et peuvent ainsi améliorer et maintenir leur capacité linguistique. En revanche, autant d’élèves signalent que le désavantage de l’école francophone est qu’ils ne peuvent pas communiquer en anglais : de ce groupe, certains ne sont pas à l’aise de parler français et préfèrent nettement l’anglais, alors que d’autres aimeraient avoir l’occasion de pratiquer l’anglais car c’est justement cette langue qu’ils ne maîtrisent pas suffisamment bien. Quand on a demandé aux élèves les avantages de l’école de langue française, aucun élève n’a répondu qu’il n’y en avait pas. Par ailleurs, il est intéressant de noter que près d’un élève sur cinq a signalé que l’école francophone ne présente aucun désavantage. Les jeunes ne décrivent jamais l’école comme un milieu culturel et ne la voient que dans une perspective linguistique. Des initiatives et des expérimentations doivent être faites afin d’agir sur ce constat. Si l’école n’est pas perçue par les élèves comme un endroit où la culture est au cœur de l’action, c’est peut-être qu’elle ne s’est pas encore engagée dans cette voie. 12 2. La culture francophone L’élément de réponse le plus fréquent qu’ont écrit les jeunes pour décrire la culture francophone se réfère à la centralité de la langue française pour la communication et dans la vie quotidienne. C’est comme si la culture ne se définit que par la langue et qu’ils n’avaient d’autre moyen de la décrire. Lorsqu’on leur a demandé leur appréciation de la culture francophone, la fierté francophone a été un élément fréquemment évoqué de même que des notions de legs, de coutumes et de valeurs. On peut conclure que les ados accordent une valeur certaine à la culture française qu’ils lient intimement et presque exclusivement à la langue. 2.1. Activités culturelles Pour les besoins de l’enquête, les activités culturelles des jeunes sont de deux ordres. Elles peuvent être des activités passives de consommation de produits culturels en personne ou par l’intermédiaire des médias de l’information et de la communication. Elles peuvent aussi engager activement l’individu dans des productions culturelles, par exemple lors de foires artistiques ou de spectacles, en lui permettant d’animer une émission de radio communautaire ou de participer à une troupe de danse ou de théâtre. Activités artistiques et médiatiques curriculaires Les jeunes considèrent qu’ils ne sont que « de temps en temps » en contact avec des produits artistiques et médiatiques francophones. Il y a très peu de variation selon la région. Ce sont les films en français et Internet en français avec lesquels les jeunes sont le plus souvent en contact. La moitié des jeunes écoute rarement la radio francophone et encore moins d’ados déclarent écouter des enregistrements de musique francophone dans leurs cours à l’école. Au total, 35,4 % des jeunes affirment écouter régulièrement de la musique anglaise en classe, alors que seulement 15,7 % affirment écouter régulièrement de la musique française dans ce contexte. Les jeunes rapportent écouter beaucoup plus souvent de la musique anglaise que de la musique française dans le cadre de leurs cours. Il est à noter que l’interprétation de cette question par les jeunes pourrait comprendre l’écoute de musique sur un baladeur, même dans le cadre d’un cours. 13 Au total, 35,4 % des jeunes affirment écouter régulièrement de la musique anglaise en classe, alors que seulement 15,7 % affirment écouter régulièrement de la musique française dans ce contexte. Il est possible aussi que les stratégies du cours d’anglais soient davantage axées vers ce type d’activités et il faudrait explorer davantage pour mieux comprendre ce phénomène. Quoi qu’il en soit, il est clair que c’est un état de fait sur lequel il faut travailler et qui doit changer à l’école de langue française. La fréquence des contacts avec les produits culturels francophones et anglophones semble très peu influencée par la concentration des francophones dans la région habitée, à moins que cette concentration ne soit très élevée. Par ailleurs, la participation active et la production de projets artistiques et médiatiques francophones sont très rares. En fait, dans la majorité des cas, les jeunes rapportent qu’ils ne participent presque jamais de façon active à ce type d’activités. Alors que les jeunes disent être très rarement en contact avec des artistes visuels, il s’agit de l’activité culturelle qu’ils pratiquent le plus fréquemment. Si ce constat peut sembler ambigu, il s’explique pourtant facilement. Dans la programmation scolaire, la présence du cours d’arts plastiques amène les jeunes à se percevoir « faire des arts », mais ils nous disent du même coup que cette activité n’est pas liée aux artistes francophones. Il y a donc lieu d’explorer comment on peut favoriser ce lien entre la production à l’école et ce qui se vit dans la communauté francophone. De toute évidence, il existe des occasions à l’école qu’il faut savoir saisir et dans lesquelles il est possible de transmettre aux élèves des éléments culturels qui leur permettront de se bâtir un véritable bagage francophone. Les jeunes répondants de l’Atlantique-Est font plus souvent du théâtre en français dans leurs cours que ceux des autres régions. Ceux et celles de l’Ouest-Nord ont un peu plus tendance à faire de la radio et à produire des sites Internet en français que ceux 14 des autres provinces. Les activités culturelles dans les cours, peu importe le contexte linguistique, sont très peu fréquentes, peu importe la concentration des francophones dans la région. Notons cependant qu’une des écoles de la région Atlantique-Est est particulièrement active en production théâtrale, ce qui influence favorablement le taux de réponse. Il se peut que le constat qui s’impose pour l’Ouest-Nord est attribuable aux mêmes circonstances. Activités artistiques et médiatiques parascolaires Les jeunes devaient exprimer leurs perceptions par rapport à leurs activités parascolaires, c’est-à-dire les activités organisées par l’école mais à l’extérieur des cours. En général, les jeunes sont rarement en contact avec des produits culturels francophones dans leurs activités parascolaires. Environ un jeune sur cinq seulement affirme avoir régulièrement des contacts avec ces produits culturels lors de ses activités parascolaires. Il est fort à parier que les jeunes ont répondu ainsi à cette question parce que l’activité parascolaire est souvent associée aux sports. Alors que les sports ne figuraient pas à la liste des activités proposées dans le questionnaire, c’est la réponse spontanée qu’offraient les élèves lors des entrevues de groupe où la question était ouverte. Cet aspect mérite d’être exploré davantage car il pose davantage de questions qu’il n’offre de réponses. Par ailleurs, les jeunes du Nouveau-Brunswick sont les seuls qui, en moyenne, ont plus fréquemment des contacts culturels francophones qu’anglophones lors des activités parascolaires. Les jeunes de toutes les régions ont beaucoup plus tendance à écouter de la musique anglophone lors de leurs activités parascolaires que de la musique francophone. Alors que seulement 13,2 % écoutent de la musique francophone régulièrement lors de ces activités, 44,5 % écoutent de la musique anglophone régulièrement dans leurs activités parascolaires. 15 Cette question de l’activité parascolaire dérange. Les écoles établissent ces activités car elles sont appréciées des jeunes. Souvent dominé par les sports, le programme des activités parascolaires permet aux élèves un contact avec l’extérieur par la participation à diverses compétitions. Il risque donc d’être largement calqué sur le modèle des écoles anglaises, puisque c’est ainsi qu’il se définit. Par ailleurs, on sait que les activités parascolaires posent souvent de sérieux défis aux administrations scolaires francophones, en raison principalement du transport sur un territoire souvent vaste. Un examen attentif de toutes les dimensions de l’activité parascolaire à l’école de langue française s’impose. Il faudra tenter du même coup de la redéfinir pour que la production culturelle s’y retrouve au centre. Activités artistiques et médiatiques extrascolaires En ce qui a trait aux activités artistiques et médiatiques extrascolaires des jeunes, l’enquête souhaitait également se pencher sur les contacts et les activités au sein de la communauté ou de la famille et qui ne sont pas directement en lien avec l’école. On note que les contacts culturels à l’extérieur du contexte scolaire se font encore plus rares qu’en milieu scolaire ou parascolaire. Seulement quatre des dix contacts culturels évoqués dans le questionnaire se produisent au moins de temps en temps en français chez la moitié des jeunes, toutes régions confondues : soit regarder la télévision, consulter Internet, assister à des spectacles et faire de la lecture. Les contacts culturels francophones extrascolaires tendent toutefois à être légèrement plus fréquents chez les jeunes du Nouveau-Brunswick et de l’Ouest-Nord que chez les jeunes de l’Atlantique-Est et de l’Ontario. Au total, 62,9 % des jeunes du Nouveau-Brunswick regardent la télévision, 64,7 % consultent Internet et 63,9 % font des lectures à l’extérieur de l’école au moins de temps en temps, en français. En Ontario, 59,7 %, 63,5 % et 57,6 % (dans le même ordre) des jeunes pratiquent ces activités en français de temps en temps. 16 Les résultats démontrent par ailleurs que les contacts avec les produits artistiques et médiatiques anglophones sont beaucoup plus fréquents qu’avec les produits culturels francophones. Les différences interrégionales sont minimes et la tendance favorisant les produits anglophones aux dépens des produits francophones demeure la même : musique, Internet, cinéma, télévision et radio sont des activités qui se déroulent surtout en anglais. Alors que de grands efforts sont déployés pour encourager les familles à vivre davantage en français afin d’appuyer l’école, la question de l’environnement médiatique en français pourrait bien être la prochaine bataille que les francophones devront livrer pour pouvoir se donner un quotidien qui accorde une place importante au français. En effet, le manque d’accès à des ressources médiatiques pertinentes pour les jeunes explique largement les réponses des élèves qui ne choisissent pas nécessairement l’anglais de façon délibérée. Encore une fois, les entrevues de groupe jettent ici une autre lumière sur ce constat. La question acadienne fait en sorte que les jeunes ne s’identifient pas à ce qui leur est retransmis par les émissions de télévision ou de radio produites par le Québec, alors que les élèves franco-ontariens y retrouvent beaucoup plus de référents propres à leur environnement. D’autre part, les jeunes ne s’engagent presque jamais dans des activités culturelles en français à l’extérieur du contexte scolaire. Bien qu’ils ressortent comme les activités artistiques et médiatiques en français les plus fréquentes, les arts visuels, les arts de la scène et l’impro ne sont pratiqués que par un jeune sur dix. Nous constatons toutefois que les jeunes de l’Ouest-Nord semblent participer davantage à des activités culturelles francophones à l’extérieur de l’école que les jeunes des autres régions. La danse est l’activité à laquelle le plus grand nombre de jeunes de l’Atlantique-Est et du NouveauBrunswick participe régulièrement. Chez les jeunes de l’Ontario et de l’Ouest-Nord, les activités les plus communément pratiquées en français sont reliées aux arts visuels et à la production de musique. La participation active à des activités anglophones est un peu plus commune chez les sujets de l’étude. Les jeunes des régions très majoritairement francophones sont les seuls à participer davantage aux activités francophones. Il semble que la participation aux activités anglophones tend à diminuer et, en même temps, que la participation aux activités francophones tend à augmenter au fur et à mesure que la concentration des francophones dans la région est plus importante. Le nord du Nouveau- 17 Brunswick risque fort d’être la seule exception où cette concentration de francophones permet une consommation équivalente des médias francophones et anglophones. S’il existe un tel vide culturel, l’occasion est idéale pour axer l’intervention sur la production de la culture, permettant ainsi à l’élève de la définir selon ses propres critères. Il faut peut-être reconnaître que la culture ne se transmet pas – ou ne se transmet plus – comme avant, mais qu’elle se construit. Au risque de présenter une culture passéiste susceptible de décourager les jeunes, pourquoi ne pas leur donner la chance de la définir en fonction des nouvelles réalités? On n’a qu’à penser à la diversité culturelle de plus en plus présente dans les écoles pour reconnaître que les élèves risquent de se forger une conception de la culture francophone beaucoup plus englobante et beaucoup plus large que celle que nous pourrions leur proposer en nous basant strictement sur des schèmes traditionnels. 2.3. Développement psychoculturel Une section de l’enquête portait sur les opinions, les croyances, les attitudes, les souhaits et les désirs, ainsi que l’identité linguistique et culturelle des jeunes. Perception de la fréquence et de la popularité des ressources artistiques et médiatiques En général, les jeunes estiment que les activités artistiques et médiatiques francophones dans leur région sont peu populaires. Les jeunes de l’Acadie ont tendance à penser que ces activités sont un peu plus fréquentes et populaires dans leur région qu’ailleurs au pays. Des activités citées, ce sont les concerts et les spectacles qui sont les plus fréquents et populaires. En analysant les résultats, on se rend compte que les activités artistiques et médiatiques anglophones sont perçues comme étant considérablement plus fréquentes et populaires que les activités francophones. Les jeunes des quatre régions estiment à peu près également la fréquence et la popularité des activités anglophones dans leur région. Alors que la perception qu’ont les jeunes de la fréquence et de la popularité des activités artistiques et médiatiques francophones tend à augmenter en fonction de la concentration des francophones, celle des activités anglophones tend à diminuer. Il demeure néanmoins évident que les activités anglophones sont plus fréquentes et populaires que les activités francophones dans la majorité des communautés. 18 Étant donné l’interrelation entre la fréquence et la popularité, il faudrait se demander si la fréquence est la cause de la popularité ou si c’est plutôt l’inverse. Rappelons que l’école de langue française était peu populaire dans certains milieux avant qu’elle ne soit établie officiellement, alors qu’elle est devenue aujourd’hui le pivot des communautés. Animation culturelle à l’école Deux questions mesuraient les perceptions des jeunes à l’égard de l’impact des activités culturelles et du travail de l’animateur culturel dans leur école. La seconde question a été répondue uniquement par les personnes qui ont confirmé qu’il y avait un animateur culturel dans leur école. Il est à noter que plus de la moitié des jeunes ne savent pas si leur école offre des services en animation culturelle. On peut considérer qu’il est normal que les élèves de certaines écoles n’en soient pas nécessairement conscients, compte tenu de la grandeur de l’école et du statut qu’on attribue à ce poste dans leur milieu. En général, les jeunes pensent que l’impact positif des activités culturelles sur leur expérience scolaire est modéré. Alors que les scores moyens varient peu selon la région, il y a plus de jeunes de l’Ontario et de l’Atlantique-Est qui déclarent que ces activités ont au moins un impact positif modéré sur leur expérience scolaire. Chez les jeunes des écoles bénéficiant d’un animateur culturel, un faible nombre considère que le travail d’un animateur culturel a un impact positif important sur leur expérience scolaire. Le reste des jeunes sont divisés à peu près également entre l’opinion que l’animation n’a pas d’impact et celle selon laquelle l’impact est modérément positif. Ce sont les jeunes de l’Ontario qui affirment en plus grand nombre que l’impact a été important. L’Ontario est la seule province en ce moment qui s’est dotée d’une politique d’aménagement linguistique et de moyens pour s’assurer de son application partout dans les écoles de langue française. Il y a donc lieu de présumer qu’une stratégie bien définie en animation culturelle aura un impact plus important sur le vécu des jeunes que des initiatives non structurées. En ce sens, il serait approprié de bâtir sur l’expérience ontarienne pour outiller les personnes responsables de l’animation culturelle d’un mandat clair accompagné de stratégies éprouvées. Le temps est peutêtre venu de former de véritables spécialistes de l’animation culturelle et d’accorder un statut particulier à ce poste afin de répondre adéquatement aux besoins des écoles. 19 Désirs, souhaits et buts artistiques et culturels Globalement, le désir de consommer des produits artistiques et culturels francophones est modérément faible chez l’ensemble des jeunes répondants. Il est légèrement plus élevé au Nouveau-Brunswick et dans l’Ouest-Nord qu’en Atlantique-Est et en Ontario. Assister à des spectacles constitue l’activité pour laquelle le plus grand pourcentage de jeunes a indiqué une forte volonté de participation dans toutes les régions, sauf au Nouveau-Brunswick. Alors qu’un nombre comparable de jeunes de cette province désirent fortement assister à des spectacles francophones, encore plus expriment une forte volonté de voir des films en français. Il ressort par ailleurs qu’un pourcentage relativement faible des jeunes de l’Atlantique-Est exprime un intérêt marqué pour les films et les émissions de télévision en français. À la lumière des entrevues, nous pouvons supposer que ce manque d’intérêt est relié à l’écart entre les référents acadiens des jeunes de cette région et le contenu des émissions et des films en français qu’ils connaissent. Les adolescentes et adolescents ont expliqué qu’ils ne se reconnaissent pas dans les produits culturels provenant du Québec. Quoiqu’il soit modérément faible, le désir de faire des activités artistiques et culturelles en anglais est légèrement plus élevé que le désir de faire ces activités en français. Ce sont les jeunes de l’Ouest-Nord et de l’Atlantique-Est qui expriment la plus grande volonté de faire des activités artistiques et culturelles anglophones. Faire des films et des vidéos et faire des spectacles en anglais sont les types d’activités auxquels le plus grand nombre de jeunes veulent participer. En fait, presque trois jeunes sur dix ont indiqué une forte volonté de faire ces deux activités. La production de films et de vidéos est particulièrement populaire chez les jeunes de l’Atlantique-Est. Pour ce qui est de faire des spectacles, ce sont les jeunes de l’Ouest-Nord qui affirment en plus grand nombre une forte volonté de s’adonner à cette activité. Chez les jeunes de l’Ouest-Nord, c’est la forte volonté d’écrire en anglais qui ressort davantage. Le désir de participer à des activités artistiques et culturelles francophones et anglophones varie très peu en fonction de la concentration géographique des francophones. Le désir relatif aux activités francophones demeure modérément faible dans chacun des contextes de vitalité démographique. Pour ce qui est du désir de s’engager dans des activités artistiques et culturelles anglophones, il est légèrement supérieur à celui ayant trait aux activités francophones dans tous les contextes – à l’exception des localités où la concentration francophone est supérieure. 20 3. Identité ethnolinguistique L’identité ethnolinguistique peut être définie par deux composantes interreliées : l’autodéfinition se manifeste dans le fait de reconnaître et d’affirmer son appartenance au groupe. Cette première composante constitue la base de l’identité. L’engagement affectif englobe le sens et la valeur affective que la personne attribue à cette appartenance. 3.1. Autodéfinitions Le questionnaire mesurait la force de trois autodéfinitions différentes : francophone, anglophone et bilingue. Il demandait à l’élève d’indiquer le degré auquel chacune de ces autodéfinitions correspond à son identité sur cinq plans différents : sa culture propre (sa façon de penser, sa façon d’agir, ses intérêts, ses croyances, ses valeurs), sa langue ou ses langues, ses ancêtres, ses activités culturelles et artistiques, et son avenir. L’autodéfinition francophone des jeunes est de façon générale modérément forte. Elle est toutefois légèrement plus forte chez les jeunes de l’Acadie (Atlantique-Est et NouveauBrunswick). Dans l’ensemble de l’échantillon, le plan sur lequel la plus forte proportion de jeunes a tendance à entretenir une forte autodéfinition francophone est celui des ancêtres. En Atlantique-Est, c’est d’ailleurs trois jeunes sur quatre qui se définissent par rapport à leurs ancêtres. En revanche, c’est sur le plan de leurs activités artistiques et culturelles que les jeunes ont le moins tendance à se considérer francophones, avec moins de la moitié de l’échantillon qui se dit fortement francophone sur ce plan. C’est chez les jeunes de l’Ontario qu’on retrouve le moins de répondants qui se disent fortement francophones selon leurs activités culturelles et artistiques. Puisque les ados nous ont confirmé qu’ils font très peu de ce type d’activité, il n’est pas surprenant qu’ils ne le perçoivent pas comme étant à la base de leur identité francophone. Toutefois, bien qu’ils en fassent peu, ils nous ont également révélé qu’ils accordent un sens identitaire important à ces activités culturelles et artistiques, lorsqu’ils les pratiquent en français. Les jeunes ont aussi tendance à entretenir une autodéfinition anglophone qui est modérément forte. Celle-ci n’est que légèrement plus faible que leur autodéfinition francophone. Tout comme dans le cas de l’autodéfinition francophone, l’autodéfinition anglophone est légèrement plus forte chez les jeunes de l’Atlantique-Est. 21 25,3 % des répondants de l’Atlantique-Est ont l’anglais comme langue maternelle, 34,7 % sont issus de familles exogames et 5,6 % ont deux parents anglophones. Exactement 50 % des jeunes de cette région se considèrent fortement anglophones quand ils pensent à leurs ancêtres et 62,1 %, quand ils pensent à leur langue maternelle ou aux langues qu’ils parlent. Ce sont les jeunes du Nouveau-Brunswick qui ont le moins tendance à se définir comme anglophones, province où 74,9 % des jeunes sont issus de familles endogames francophones. Les autodéfinitions francophone et anglophone sont de forces égales sur deux plans, soit celui des activités culturelles et artistiques ainsi que celui de l’avenir. En fait, la moitié des jeunes se disent fortement anglophones quand ils répondent par rapport à leur avenir. En ce qui concerne l’autodéfinition bilingue, c’est l’autodéfinition à laquelle les jeunes ont le plus tendance à s’attacher. Celle-ci est particulièrement forte chez les jeunes de l’Atlantique-Est et de l’Ontario. Plus de six ados sur dix entretiennent une forte autodéfinition bilingue selon la langue ou les langues qu’ils parlent. C’est toutefois sur le plan de l’avenir que le plus de jeunes se définissent fortement en tant que personnes bilingues. Notons cependant que les jeunes se définissent comme bilingues selon leur façon de penser et d’agir ainsi que selon leurs croyances, leurs intérêts et leurs valeurs, ce qui laisse présager que l’identité bilingue pour la majorité des jeunes est plus qu’une identité linguistique. L’autodéfinition francophone semble prendre de la force en fonction de la concentration des francophones dans la région, alors que l’autodéfinition anglophone semble s’affaiblir, quoique ni l’un ni l’autre des effets ne semble très marqué. Dans les régions à plus faible concentration francophone, les autodéfinitions francophone et anglophone sont de forces égales. Quand on a demandé aux élèves de décrire dans leurs mots quand ils se sentent le plus francophones, l’école est la réponse la plus fréquente qu’ils ont donnée. 22 595 des élèves sur un total de 1333 répondants, soit 31,23 %, ont indiqué que l’école est un lieu où ils se sentent « le plus francophone ». De ces 595 réponses, 208 mentionnent le fait qu’ils se sentent entourés de francophones à l’école alors que 129 indiquent qu’ils se sentent francophones à l’école parce que le français y est obligatoire. L’école, comme lieu de fierté francophone, demeure encore la réponse la plus fréquente des jeunes répondants. D’autres moments où les jeunes conversent en français représentent la deuxième catégorie de réponse fréquemment donnée. Les journées de célébration de la francophonie sont aussi évoquées souvent et il est important de noter que plusieurs de ces événements ont lieu sous l’égide de l’école et viennent donc confirmer le rôle de l’école pour aviver la fierté francophone des jeunes. Par contraste, la quatrième catégorie de réponse la plus fréquente pour décrire les moments de fierté francophone renvoie aux environnements où ceux qui les entourent ne comprennent pas le français. Les jeunes ressentiraient alors un sentiment positif du fait qu’ils parlent français. Il est crucial d’accorder beaucoup d’importance aux occasions où les jeunes voient la langue comme une valeur ajoutée. C’est un élément intéressant, surtout lorsqu’il se produit dans le cadre de situations d’apprentissage authentique. Bien que les liens avec la communauté anglophone des milieux minoritaires restent à être définis quand il s’agit d’éducation, il faut peut-être revoir les relations et redéfinir la place de l’institution francophone dans un contexte d’ouverture à la majorité, surtout si ce sont les élèves qui en bénéficient. 3.2. Engagement identitaire Une section du questionnaire évaluait la force de l’engagement identitaire des jeunes répondants à l’égard de la francophonie. Elle permettait essentiellement de cerner comment les jeunes se sentent par rapport à la francophonie. Les trois facettes de cet engagement sont l’autocatégorisation, l’estime de soi collective et l’engagement affectif. Plus que le fait de reconnaître qu’on est membre d’un groupe, l’autocatégorisation correspond à la perception d’être comme les autres membres du groupe : l’identité du groupe devient une facette importante de son identité personnelle. L’estime de soi collective résume le degré auquel le groupe et l’appartenance à ce dernier constituent une source de fierté ou de honte pour la personne. Finalement, l’engagement affectif reflète le degré auquel la personne a le sentiment de s’être investie dans un groupe et est disposée à se laisser mobiliser par son projet collectif. 23 À la lumière des données recueillies et de façon globale, l’engagement identitaire francophone des jeunes est modérément fort. L’estime de soi collective est légèrement plus forte que l’autocatégorisation qui est à son tour légèrement plus forte que l’engagement affectif. Les jeunes de l’Ouest-Nord obtiennent un score moyen légèrement plus fort que les jeunes des autres régions sur les trois composantes de l’engagement identitaire. C’est l’énoncé « je m’affiche comme francophone » qui semble toucher le plus de jeunes, ceux-ci estimant que l’énoncé correspond fortement à leur identité. Cependant, les résultats indiquent que les jeunes semblent moins « prêts à travailler pour le développement de la francophonie » car c’est cet énoncé qui les représente le moins bien. Il semble y avoir peu de relation entre l’engagement identitaire et la concentration des francophones dans une région. L’importance d’un curriculum pédago-communautaire émerge à nouveau dans ce contexte particulier. Dire que la francité de l’élève serait renforcée par sa contribution au développement communautaire est un paradoxe car, devant les difficultés que l’ado rencontre à s’affirmer comme francophone, il lui serait encore plus difficile de se percevoir comme un contributeur au développement communautaire. Pratiques culturelles et identité Les résultats des questions ouvertes de l’enquête confirment la valeur identitaire que les jeunes retirent de la pratique d’activités culturelles en français. En effet, les jeunes répondants ont indiqué que la participation aux activités francophones nourrit leur francité, que ce soit par le fait de se « sentir francophone » ou par l’occasion d’utiliser et d’améliorer leur français. Les sports figurent parmi les activités francophones les plus fréquentes. La dimension utilitaire des produits culturels francophones, que ce soit pour le maintien des capacités linguistiques individuelles ou collectives, émerge dans les réponses des élèves à la question ouverte du questionnaire de l’enquête qui les invitait à expliquer pourquoi les produits culturels de langue française sont bons ou mauvais. Les réponses privilégiées des élèves portaient sur l’apprentissage du français et sur leur contribution à la préservation de la langue. 24 Outre les activités artistiques et médiatiques, les jeunes nous confirment que le sport occupe une place importante et qu’ils considèrent l’activité sportive comme une action culturelle. Compte tenu qu’ils associent cette dernière avant tout à la langue, il devient normal que tout ce qui est organisé par l’école en dehors de l’enseignement y soit associé. Il s’agit là d’une piste à explorer qu’on ne peut négliger. Cela nous oblige à repenser les activités sportives parascolaires et scolaires comme des activités qui font partie intégrante de la reproduction culturelle de la communauté et qui s’inscrivent dans la définition de la culture que les jeunes sont à élaborer. Le message qu’ils nous transmettent, c’est que faire du sport en français dans son cours d’éducation physique, lors d’activités parascolaires ou lors d’une participation à un tournoi contribue autant à la construction identitaire que de faire du théâtre, par exemple. 4. Engagement futur envers la francophonie La dernière partie du questionnaire demandait aux jeunes de se projeter dans l’avenir, quand ils seront adultes, et d’imaginer à quel degré ils pensent être actifs au sein de la francophonie. Concrètement, le questionnaire leur demandait d’expliquer jusqu’à quel point ils ont l’intention d’avoir une profession et de faire des activités en lien avec une forme quelconque d’engagement francophone. Le degré d’intention de demeurer des membres actifs de la francophonie est modéré, avec très peu de variation selon la région. À peu près un ado sur cinq affirme avoir de fortes intentions d’être actif au sein d’une association francophone, d’assister aux activités de la communauté francophone et de faire des activités artistiques en français. Pour ce qui est de l’intention d’inscrire leurs enfants à l’école de langue française, la proportion augmente à trois jeunes sur cinq. Il est à noter que la proportion des jeunes de l’Atlantique-Est ayant ces mêmes intentions est systématiquement plus faible que chez les jeunes des autres régions. Entre autres, le pourcentage de jeunes de cette région ayant de fortes intentions de faire des activités artistiques en français équivaut à moins de la moitié de celui des autres régions. Il est particulièrement inquiétant de constater que seulement la moitié des jeunes de l’Atlantique-Est et des jeunes de l’Ouest-Nord ont de fortes intentions d’inscrire leurs enfants à l’école francophone. D’ailleurs, on ne peut pas qualifier de très élevés les pourcentages de jeunes au Nouveau-Brunswick et en Ontario qui manifestent une forte intention d’inscrire leurs enfants à l’école francophone. 25 Il y a lieu de songer sérieusement à cette question, compte tenu que les jeunes qui sont présentement au secondaire dans les écoles constituent les parents de la prochaine décennie. L’énergie qui est présentement investie dans le recrutement de nouveaux élèves devrait s’amorcer alors que ces futurs parents sont eux-mêmes bénéficiaires de l’éducation en français. Il peut être rassurant de constater qu’ils ne voient aucun désavantage à s’engager, et il faut tenir compte qu’il s’agit peutêtre d’une phase égocentrique de la vie où les jeunes ne sont pas prêts à parler d’engagement au développement communautaire proprement dit. Concernant l’intention des jeunes de poursuivre une carrière en lien avec la francophonie, précisément de travailler en français peu importe le domaine, la réponse positive des jeunes peut être qualifiée de modérément forte. Plus d’un ado sur cinq affirme même avoir de fortes intentions d’enseigner dans une école francophone ou de travailler dans un organisme francophone. C’est à nouveau dans le domaine des arts que l’intention est la moins encourageante. Alors que la force de l’intention de faire carrière en français est semblable chez les jeunes de l’Ouest-Nord, de l’Ontario et du NouveauBrunswick, celle des jeunes de l’Atlantique-Est tend à être un peu plus faible. On constate que l’intention de vivre et de travailler en français tend à augmenter légèrement en fonction de la concentration des francophones dans la région. On peut se demander si les jeunes des diverses régions du pays évoluent avec la même assurance qu’il est possible de faire carrière en français, ou même que le bilinguisme est un atout. Les programmes d’études devraient aborder des possibilités de carrière qu’il est particulièrement avantageux d’entreprendre lorsqu’on dispose de plus d’une langue. Des cours d’initiation à la traduction, par exemple, permettraient de souligner les possibilités qui s’offrent aux élèves du système scolaire, valorisant du même coup la maîtrise des langues officielles du pays. Les résultats du questionnaire de l’enquête révèlent que plus du tiers des jeunes répondants souhaitent poursuivre leur engagement envers la francophonie. C’est cependant un jeune sur dix qui déclare ne pas vouloir participer à la francophonie au-delà de sa fréquentation de l’école francophone. Les élèves qui veulent continuer de participer à la francophonie expliquent surtout ce choix par un désir de maintenir leur langue maternelle. D’autres réponses des jeunes font référence aux avantages professionnels et scolaires, alors que d’autres soulignent la fierté francophone et la volonté de contribuer à la culture ou à la francophonie. 26 Quelques constats Cette enquête pancanadienne auprès de l’adolescence cerne quelques réalités qu’il faudra s’efforcer de mieux comprendre pour mieux répondre aux besoins des jeunes qui fréquentent les écoles secondaires de langue française en milieu minoritaire. Plusieurs constats nous amènent également à poser un regard sur la vie d’adulte que ces jeunes se préparent à mener et à nous interroger sur l’action qui peut s’amorcer à l’école pour assurer un avenir en français à nos collectivités. Relativement aux contacts associés à la culture, le milieu familial présente une régression de l’usage du français entre les générations. Cet effet de génération selon lequel les communications avec les grands-parents ont tendance à être plus francodominantes que celles qui ont lieu avec les parents, qui sont à leur tour plus francodominantes que celles qui prennent place avec les frères et les sœurs est fort inquiétant. À l’école, c’est près de la moitié des jeunes qui rapportent que leurs communications avec les autres élèves en salle de classe sont bilingues. Ce comportement bilingue mérite d’être examiné plus attentivement et des recherches plus poussées doivent tenter d’en cerner les causes profondes. Compte tenu que l’école est le seul milieu de vie francophone pour plusieurs élèves, l’absence de communication spontanée en français contribue à l’affaiblissement des capacités linguistiques en français des élèves. L’étude du contexte scolaire révèle aussi que les élèves vivent des situations autonomisantes soutenues par le personnel enseignant. Les sentiments de compétence, d’autonomie et d’appartenance sont au cœur de la construction identitaire et de l’intériorisation de la motivation à apprendre le français. Il faut donc encourager l’élaboration d’approches et de stratégies pédagogiques propres à optimiser ces sentiments auprès des élèves en vue de favoriser leur autodétermination sur les plans langagier et culturel. Au fil des ans, les jeunes disent avoir plus souvent vu le personnel enseignant démontrer conscience et engagement ethnolangagiers qu’ils ne l’ont constaté chez leurs parents, et ce peu importe la concentration géographique de francophones dans le milieu. Il est rassurant et encourageant de constater que les élèves sont conscients de l’engagement des membres du personnel enseignant, compte tenu de leur rôle de modèles auprès des jeunes. Mais il est décevant d’observer que, selon les jeunes, les parents manifestent peu d’engagement envers la francophonie. L’école ne peut, à elle seule, se charger d’encadrer et de promouvoir la reproduction identitaire francophone. 27 En général, les jeunes décrivent toujours l’école dans une perspective linguistique. Elle n’est pas perçue par les élèves comme un foyer de culture. Il faut se demander si c’est parce que l’école n’est pas engagée dans cette voie ou si, tout simplement, c’est encore le manque d’une définition claire de ce que sont les éléments culturels qui fait défaut auprès des jeunes. Relativement aux pratiques culturelles sous les angles de la consommation et de la production, il est clair que les occasions de participer de façon active sont rares. L’une et l’autre sont particulièrement absentes des activités parascolaires, comme si la culture n’y avait pas sa place. Il y a lieu de penser qu’une analyse plus poussée de cet aspect de la vie scolaire pourrait amener des changements importants dans la façon que l’activité parascolaire est traitée à l’école de langue française. D’autre part, quand on examine les pratiques culturelles qui ont lieu en dehors du contrôle de l’école, on se rend compte que les contacts sont principalement en anglais à moins que la région ne soit très fortement majoritaire. Bien sûr, c’est l’impact des médias qui est le plus grand et il devient de plus en plus évident que, sans la contribution d’un environnement médiatique riche en français, ce quotidien en français sur lequel on compte pour appuyer l’action de l’école sera toujours déficient. La question de l’animation culturelle peut en laisser plus d’un perplexe. La réaction des élèves de l’extérieur de l’Ontario laisse présumer que c’est un concept peu connu dont l’impact réel est difficile à cerner. Dans cette province cependant, où l’animation culturelle est bien ancrée dans la vie scolaire, les jeunes en ressentent des effets positifs. Ce constat permet de songer qu’il faut examiner attentivement ce dossier afin de mieux définir le rôle et le mandat des personnes responsables de ce secteur. On peut également s’inquiéter du faible désir de se définir comme francophone par les activités culturelles et artistiques chez les jeunes de toutes les régions du pays. Cependant, quand on considère qu’ils ont confirmé avoir très peu de contacts avec ces activités, on comprend mieux qu’ils ne les perçoivent pas comme étant à la base de leur identité. Puisqu’ils leur accordent aussi un sens identitaire important quand ils vivent de telles expériences en français, il y a tout lieu de songer à offrir davantage de ces occasions aux élèves. 28 L’enquête demandait également aux ados de s’attribuer une identité francophone, anglophone ou bilingue. C’est l’autodéfinition bilingue qui semble rallier le plus grand nombre de jeunes et celle-ci prend de l’importance lorsqu’ils se projettent dans l’avenir. Les conclusions relatives à l’engagement futur des jeunes envers la francophonie sont conséquentes avec l’ensemble des constats de l’étude. La position des jeunes est mitigée et c’est certes la question d’inscrire ou non leurs enfants à l’école de langue française qui inquiète davantage. Si le portrait qui se dégage peut sembler sombre, les entrevues de groupe, au contraire, ont mis en évidence le degré de conscientisation et d’engagement élevé de jeunes participant aux mouvements jeunesse. L’analyse combinée des deux volets de l’enquête permet de cibler de nombreuses occasions à saisir pour faire en sorte que l’école secondaire de langue française en milieu minoritaire soit un lieu d’apprentissage qui contribuera davantage à bâtir un bagage culturel en français et à construire une identité francophone plus engagée. Cette synthèse de l’enquête se termine donc par un survol des pistes d’amélioration qui ont été soulevées lors de l’analyse et de la rédaction : Définir une programmation scolaire qui tient compte des défis d’évoluer dans un contexte linguistique minoritaire et des risques que les comportements peuvent représenter pour le maintien de la vitalité du français. Analyser le phénomène du comportement bilingue entre les élèves en salle de classe qui doit être l’objet d’une étude en soi pour en comprendre et en analyser les causes. Élaborer des approches et des stratégies pédagogiques propres à optimiser le soutien aux sentiments de compétence, d’autonomie et d’appartenance des élèves en situation d’apprentissage du français et sensibiliser les enseignants et enseignantes à la relation qui existe entre ces sentiments, la construction identitaire et l’autodétermination. Entreprendre des initiatives et des expérimentations afin d’agir sur le constat que les jeunes ne décrivent jamais l’école comme un milieu culturel et ne la voient que dans une perspective linguistique. Devant le constat que les élèves écoutent au moins deux fois plus de musique anglaise que française dans le cadre de leurs cours, déterminer si les stratégies du cours d’anglais sont davantage axées vers ce type d’activités et opérer les changements nécessaires dans le cadre de l’enseignement en français. 29 Explorer comment on peut favoriser le lien entre la production artistique et culturelle à l’école et ce qui se vit dans la communauté francophone. Explorer davantage la place de l’activité sportive dans la construction identitaire. Examiner attentivement toutes les dimensions de l’activité parascolaire à l’école de langue française et tenter de la redéfinir pour que la production culturelle s’y retrouve au centre. Étudier l’impact et les déficiences de l’environnement médiatique pour appuyer le quotidien en français sur lequel on compte pour soutenir l’action de l’école. Proposer des pistes pour axer les interventions scolaires et parascolaires sur la production artistique et culturelle dans la perspective d’amener les élèves à définir ce concept selon des valeurs contemporaines. Étudier davantage l’interrelation entre la fréquence et la popularité des activités artistiques et culturelles. Élaborer un plan de formation de spécialistes de l’animation culturelle et proposer une stratégie d’encadrement pancanadienne dans ce domaine. Expérimenter un curriculum pédago-communautaire pour favoriser la conscientisation et l’engagement des jeunes. Dans le cadre de la programmation scolaire, aborder les possibilités de carrière qu’il est particulièrement avantageux d’entreprendre lorsqu’on dispose de plus d’une langue. 30 Publication de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants Pour obtenir des exemplaires supplémentaires, veuillez communiquer avec nous à : 2490, promenade Don Reid Ottawa (Ontario) K1H 1E1 Tél. : 613-232-1505 ou 1-866-283-1505 (sans frais) Fax : 613-232-1886 www.ctf-fce.ca © Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, 2009 Tous droits réservés. Toute reproduction en tout ou en partie sans le consentement au préalable par écrit de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants est interdite. ISBN 0-88989-390-X L’appropriation culturelle des jeunes à l’école secondaire francophone en milieu minoritaire Synthèse de l’enquête