Chapitre 9 : la disparition des reliefs L’étude comparée de plusieurs chaînes de montagnes montre que les caractéristiques de ces dernières évoluent au cours du temps. On trouve ainsi, sur tous les continents, des vestiges d’anciennes chaines de montagne datant de plusieurs centaines de millions d’années. L’étude comparée de ces chaînes permet de comprendre les processus responsables de la disparition des reliefs et les modalités de recyclage de la lithosphère continentale. Problèmes : • Comment l’altération et l’érosion participent-elles à l’effacement des reliefs ? • Que deviennent les produits issus de l’érosion du relief ? • Comment les phénomènes tectoniques contribuent-ils à l’effacement des reliefs ? • Comment est recyclée la lithosphère continentale ? 1. Comparaison chaines de montagnes anciennes et récentes. En France, il y a des chaînes de montagnes anciennes, comme le Massif central, et des chaines de montagnes plus récentes, comme les Alpes et les Pyrénées. L’étude comparée de plusieurs chaînes de montagnes (ou orogenèse) montre que les caractéristiques de ces dernières évolue au cours des temps géologiques. Le massif Alpin et les Pyrénées sont des exemples d’orogenèse récente : leur formation a débuté il y a quelques dizaines de millions d’années (entre -30 et -80 Ma). Le massif central et le massif armoricain appartiennent à la chaîne hercynienne, qui est une orogenèse ancienne : leur formation a débuté il y a plusieurs centaines de millions d’années (entre -360 et -250 Ma pour le Massif central et le Massif armoricain) Une chaine de montagne récente est caractérisée par des hauts reliefs et par une racine crustale profonde. A l’affleurement, les montagnes récentes présentent une quantité modérée de roches formées en profondeur (granit et roches métamorphiques (gneiss, micaschiste)) et on y observe la présence de roches sédimentaires formées en milieu marin, c’est l’inverse dans le cas des chaines de montagnes anciennes. 1 Tableau de comparaison des massifs montagneux récents et anciens complété en cours TP 16 : Erosion d’un massif montagneux 2. Altération et érosion contribuent à l’effacement des reliefs. A. Des processus mécaniques et chimiques Dans le cade de la dégradation des roches, on parle souvent d’érosion et/ou d’altération. Afin de préciser ce vocabulaire : • Erosion : ensemble des phénomènes mécaniques qui altèrent, enlèvent les débris et particules issus de l’altération et modifient le relief. • Altération : modification chimique d’une roche sous l’action d’un agent naturel de surface comme l’eau. Tout relief à la surface de la Terre est soumis aux phénomènes d’érosion et d’altération qui tendent à le démanteler. Les glaciers, les eaux de ruissellement sont des acteurs efficaces de la disparition des reliefs. En effet, les glaciers réduisent les roches en débris, l’eau de pluie en s’infiltrant dans les fissures (diaclases) des massifs granitiques favorise la séparation de blocs entier de roches, l’alternance des phases de gel et de dégel éclate la roche. Ces phénomènes d’érosion, dont l’agent principal est l’eau, favorisent ainsi l’altération des minéraux par l’hydrolyse. L’altération chimique est importante, elle s’attaque à la structure des minéraux sous l’action, à encore, de l’eau. De manière générale, une réaction d’hydrolyse des minéraux peut se résumer de la manière suivante : Minéral d’origine + Eau Nouveau minéral + Solution de lessivage. Dans un granite, l’eau s’attaque, par hydrolyse, particulièrement aux micas et aux feldspaths qui sont alors transformés en nouveaux minéraux : argiles (riche en Aluminium, Fe3+ et silice (car ils ne sont pas ou peu solubles) ) et en solution de lessivage : particules solubles (ions calcium, magnésium, sodium, potassium, Fe2+) Rq. Lors de ces réactions, il y a donc substitution partielle de certains cations (K+, Ca2+, Na+, Fe2+, Mg+) contenus dans les minéraux par des ions H+. La roche se retrouve ainsi fragilisée, elle devient moins cohérente et friable, elle change de couleur (couleur rouille car altération en oxyde de fer), elle forme alors un sable grossier ou arène granitique. Si l’érosion mobilise ce sable, il reste sur place des blocs arrondis ou chaos granitique. (cf. Photo ci-contre) 2 Dans un massif calcaire, l’eau chargée en dioxyde de carbone transforme les carbonates insolubles en hydrogénocarbonates solubles CaCO3 + CO2 + H2O Ca2+ + 2 HCO3- Sur la roche calcaires apparaissent d’abord des fissures qui s’agrandissent et qui finissent par donner des lapiez (ou lapiaz) puis carrément des gouffres caractéristiques de paysages karstiques. B. Le transport et la sédimentation des particules. Les eaux en mouvement, les torrents, les rivières transportent les produits de l’érosion et de l’altération, soit sous forme de particules solides, soit sous forme d’ions en solution. Les particules solides peuvent être transportées, sédimentées (déposées) ou remises en suspension en fonction de leur taille et de la vitesse du courant. Il en résulte un tri granulométrique avec une sédimentation plus ou moins loin du lieu de l’érosion. Les particules sont transportées par les réseaux hydrographiques dans des bassins sédimentaires continentaux ou océaniques associés à la chaîne de montagnes. Les sédiments s’y déposent et forment, après consolidation, des roches sédimentaires détritiques (ex. grès) Les ions dissous y précipitent et forment d’autres types de roches sédimentaires : les calcaires par la réaction inverse de l’altération : Ca2+ + 2 HCO3- CaCO3 + CO2 + H2O Les êtres vivants peuvent utiliser les substances dissoutes (HCO3- ou silice) pour fabriquer leur coquille ou leur squelette. Ainsi, les récifs coralliens constituent des zones importantes de sédimentation calcaire. 3 RQ. Pour info…. Lors des grandes phases d’orogenèse de l’histoire de la Terre, celles-ci s’accompagnent d’une altération importante, que l’on peut résumer par des réactions chimiques suivantes : CaAl2Si2O8 Feldspath calcique + 2 CO2 CaSiO3 Pyroxène calcique + + 3H2O Ca2+ + Si2O5Al2(OH) 4 + 2 HCO3-H2O + 2 CO2 Ca2+ + 2HCO3-- + SiO2 L’ion HCO3-, en arrivant dans la mer, est alors consommé pour la précipitation des carbonates : Ca2+ + 2 HCO3CaCO3 + CO2 + H2O Remarquez que d’un point de vue du CO2, les réactions d’altération consomment 2 moles de CO2 quand les réactions de précipitation en carbonate n’en fabrique qu’une. Ce déséquilibre est à l’origine d’une baisse globale du CO2 atmosphérique et d’une modification du climat global (baisse des températures) lors des grandes phases d’orogenèse. 3. Des processus tectoniques participent à la disparition des reliefs. Ces processus d’érosion et d’altération à l’origine de la disparition des reliefs débutent dès la formation de la chaîne de montagnes, la vitesse d’érosion est de l’ordre de quelques dixièmes de mm/an. Or l’érosion des reliefs n’est pas le seul phénomène à l’origine de la disparition des reliefs car, si c’était le cas, il faudrait non pas quelques dizaines de Ma pour que la croûte retrouve une épaisseur normale, mais plusieurs centaines de Ma. De plus, les volumes de sédiments déposés dans les bassins liés à la destruction des reliefs sont généralement insuffisants pour retrouver le volume initial de la chaîne de montagnes. Il y a donc d’autres mécanismes qui participent à la disparition des reliefs. La carte ci-dessus montre qu’il existe dans l’axe de la chaîne (zone interne) des déformations de type extensive caractérisées par des séismes peu profonds et des failles normales. 4 La photo ci-dessous prise dans le secteur de la Tête d’Oréac montre l’établissement de ce système de failles normales (caractéristique d’un étirement) qui vient recouper le chevauchement basal et qui lui est donc postérieur. Les données GPS confirment ces déplacements opposés caractérisant des mouvements d’extension mais indiquent aussi un effondrement. Les mouvements d’extension entraînent l’effondrement de la chaîne dans sa partie axiale et donc conduisent à la disparition des reliefs. Dans le schéma ci-dessous FL correspond aux forces aux limites des plaques, et Fv aux forces de volume vertical. 5 Dans un premier temps, le mouvement de convergence des plaques engendre des forces compressives horizontales sur les roches : FL qui tendent à créer un relief et une racine crustale. Dans le même temps, les roches sont soumises à des forces verticales liées au poids des reliefs et à la poussée d’Archimède s’exerçant sur la racine. Les forces de volume : Fv sont d’autant plus intenses que la croûte est épaisse. Dans un second temps, l’intensité des Fv finit par égaler les FL, il apparait alors les premiers signes d’une extension au cœur de la chaîne. Cette étape peut durer, si les forces compressives se poursuivent, c’est ainsi que l’Himalaya poursuit encore aujourd’hui sa croissance. Si ce n’est pas le cas (la collision cesse), les Fv deviennent supérieures aux FL, la chaîne s’effondre, la croûte s’amincit et la racine crustale remonte (rebond isostasique) remontant les roches formées en profondeur. 4. Le recyclage de la lithosphère continentale. L’âge des roches les plus anciennes de la lithosphère océanique n’excède pas 200 Ma, tandis que la lithosphère continentale comprend les roches les plus anciennes de la Terre, âgées de plus de 4Ga. Par les processus d’érosion/altération puis par sédimentation, on retrouve alors une partie des produits de la croûte continentale (sédiments, roches sédimentaires) sur un fond océanique, par le passage en subduction, seule une très faible proportion de lithosphère continentale est recyclée en profondeur dans le manteau sous-jacent, où elle disparaît. Cette caractéristique du recyclage de la lithosphère continentale explique pourquoi elle a conservé les roches les plus anciennes de la Terre. Ce n’est pas le cas de la lithosphère océanique, dont la quasi-totalité disparaît dans le manteau sous-jacent au niveau des zones de subduction. Le recyclage de la lithosphère continentale a lieu pour l’essentiel au sein même de cette lithosphère où, lors des cycles orogéniques successifs, les roches sont transformées par des processus sédimentaires, tectoniques, métamorphiques et magmatiques. 6