2014 DÉPRESSION ET MÉDECINE GÉNÉRALE: TROP OU TROP PEU? Dr Daniel SOUERY PsyPluriel Laboratoire de psychologie médicale, ULB DEUIL ET DÉPRESSION “Responses to a significant loss (e.g., bereavement…) may include the feelings of intense sadness, rumination about the loss, insomnia, poor appetite, and weight loss noted in the Criterion A [for MDE], which may resemble a depressive episode. Although such symptoms may be understandable or considered appropriate to the loss, the presence of a MDE in addition to the normal response to a significant loss should also be carefully considered. This decision inevitably requires the exercise of clinical judgment based on the individual’s history and cultural norms for the expression of distress in the context of loss.” (p. 125-126) See footnote p. 126; same footnote p. 161 « Le DSM entraine une explosion de la fréquence des troubles mentaux » « La science découvre des maladies, le DSM invente des maladies » EVERY YEAR OVER 38.2% OF THE TOTAL EU POPULATION SUFFER FROM AT LEAST ONE OF THE 27 MENTAL DISORDERS COVERED. THIS CORRESPONDS TO AN ESTIMATED 164.7 MILLION PERSONS” WITTCHEN ET AL. THE SIZE AND BURDEN OF MENTAL DISORDERS AND OTHER DISORDERS OF THE BRAIN IN EUROPE 2010. EUROPEAN NEUROPSYCHOPHARMACOLOGY (2011) 21, 655–679 LE POIDS DE LA DÉPRESSION • En Europe, on estime que 5 à 7 personnes sur 100 souffrent de dépression majeure qui représente une forme sévère d’états dépressifs nécessitant une intervention thérapeutique • Près de 18,4 millions d’européens âgés de 18 à 65 ans ont souffert d’une dépression sévère, sur un total d’environ 301,7 millions de personnes. LE POIDS DE LA DÉPRESSION • La dépression est une cause importante d’incapacité et d’invalidité • La dépression est à l’origine d’un taux d’absentéisme au travail bien plus élevé que l’ensemble des maladies somatiques les plus fréquentes • Affecte de manière considérable la vie sociale et familiale LE SUICIDE EN BELGIQUE: « DES STATISTIQUES INQUIÉTANTES » • Institut National de Statistiques (INS) • Causes de décès/an par suicide en Belgique: • 2155 suicides réussis (6-7/jour) • 1550 H, 605 F • 1 enfant de la classe 5-9 ans • 12 enfants de la classe 10-14 ans • 181 âgés de 15 à 24 ans (contre 350 pour les accidents de la route dans la même classe d’âge) • > 75 ans: 253 FACTEURS DE RISQUE DE SUICIDE • Suicide en Belgique 6 à 8 décès PAR JOUR • Trouble psychiatrique dans > 90 % des cas: • Dépression • Troubles bipolaires (maniaco-dépression) • Schizophrénie • Toxicomanie « FARDEAU » DES MALADIES DISEASE BURDEN: DISABILITY-ADJUSTED LIFE YEARS (DALYS) Estimation en 1990 Rg Cause Projection 2020 % total Rg Cause % total 1 Infections respiratoires 8.2 1 Maladies cardiovasculaires 5.9 2 Gastroentérites 7.2 2 Dépression majeure 5.7* 3 Affections périnatales 6.7 3 Accidents de la route 5.1 4 Dépression majeure 3.7 4 Maladies cérébrovasculaires 4.4 5 Maladies cardiovasculaires 3.4 5 BPCO 4.2 6 Maladies cérébrovasculaires 2.8 6 Infections respiratoires 3.1 7 Tuberculose 2.8 7 Tuberculose 3.0 8 Rougeole 2.7 8 Guerres 3.0 9 Accidents de la route 2.5 9 Gastroentérites 2.7 10 Anomalies congénitales 2.4 10HIV 2.7 *Dépression majeure No 1 chez la femme dans les pays industrialisé LES DIFFÉRENTES FAMILLES DE MÉDICAMENTS UTILISÉS EN PSYCHIATRIE Antidépresseurs Neuroleptiques ou antipsychotiques Stabilisateurs de l’humeur Benzodiazépines: • Calmants • Anxiolytiques • Somnifères • « Psychostimulants » • Rilatine • • • • Antidépresseurs : frôle-t-on l'overdose ? Un Belge sur dix est aujourd'hui sous antidépresseurs. Les chiffres sont là, on en prescrit deux fois plus qu'il y a dix ans. Notre équipe a voulu savoir pourquoi cette frénésie à prendre des psychotropes, ces médicaments du cerveau. Nous sommes allés consulter des généralistes... Et n'avons pas eu trop de mal à nous faire prescrire les petites pilules magiques. Nous avons rencontré des patients que l'on doit sevrer de ces drogues légales mais aussi des toxicomanes qui prennent ces tranquillisants parce que dans la rue, ils sont moins chers que l'héroïne ou la cocaïne et permettent d'oublier leur manque, voire de commettre des actes violents. Nous avons aussi rencontré ceux qui combattent la banalisation de ces pilules. Des pilules qui peuvent conduire à des comportements violents ou suicidaires. Nous avons enfin interrogé des chercheurs en psychiatrie. Ceux-ci dénoncent aujourd'hui ce qu'ils appellent le marketing de l'industrie du médicament et la façon dont on a aujourd'hui transformé les émotions les plus banales comme la timidité en maladies mentales...qu'il fallait soigner avec ces psychotropes. Bref, l'épidémie s'expliquerait. ENQUÊTE DE L’INSTITUT DE LA SANTÉ PUBLIQUE (2008) • Belgique: 15 % des personnes de >15 ans ont consommé des psychotropes au cours des deux semaines écoulées • 9 % prenaient un somnifère • 7 % un anxiolytique • 6 % un antidépresseur • L’usage augmente en fonction de l’âge: • 3 % chez les plus jeunes • jusqu’à 36 % chez les plus âgés Publication du conseil supérieur de la santé N° 8571: « Impact des médicaments psychotropes sur la santé » AUGMENTATION « INQUIÉTANTE » DE L’USAGE DES PSYCHOTROPES • La prévalence des troubles psychiatriques a-t-elle augmenté dans la même proportion? • Comparaison de la prévalence des troubles psychiatriques en 1990-1992 par rapport à la période 2001-2003 * • Aucune augmentation objective du nombre de syndromes psychiatriques • Augmentation des demandes d’aide * Kessler 2005 FACTEURS QUI INFLUENCENT LE COMPORTEMENT PRESCRIPTEUR • Médecins éprouvent des difficultés et se sentent démunis face aux demandes d’aide • Tensions croissantes qui caractérisent notre société moderne • Pression de résultats au travail; chômage et pauvreté croissante • Le manque de compétences pour proposer une approche non médicamenteuse • Les alternatives non médicamenteuses ne sont pas aussi rapidement efficaces TRAITEMENT DE LA DÉPRESSION Belgique Europe Patients dépressifs 100% 100% Consultation médicale 62% 57% Traitement prescrit 39% 31% Traitement antidépresseur 33% 25% Données belges (8076 sujets) et européennes (78463 sujets) de l ’étude DEPRESSII « INDICATIONS » DES ANTIDÉPRESSEURS ET AUGMENTATION DES PRESCRIPTIONS • • • • Troubles dépressifs Troubles bipolaires Troubles anxieux (trouble panique, phobie sociale, TOC, PTSD) Troubles alimentaires (boulimie) • • • • Douleurs rebelles, douleurs chroniques, fibromyalgies Enurésie nocturne (incontinence) Troubles sexuels (retard d’éjaculation) Narcolepsie EFFICACITÉ DES ANTIDÉPRESSEURS • Efficaces dans les états dépressifs majeurs, dépression sévère • Peu efficaces dans les états dépressifs modérés • Pas ou peu de différence par rapport au placebo COMMENT COMPRENDRE, DIAGNOSTIQUER ET TRAITER LA DÉPRESSION Souffrance psychique Dépression majeure Émotion Tristesse Déprime Maladie Antidépresseurs Psychothérapie EMOTIONS, DÉPRIME, DÉPRESSION… ET LES ANTIDÉPRESSEURS… Vulnérabilité-terrain génétique Plasticité cérébrale Facteurs de stress Evènements de vie Traumatismes Souffrances vécues Contentieux existentiels Substrat physiologique, neurones, système limbique, … Antidépresseurs Souffrance psychique: Tristesse Angoisse … « Fragilité émotionnelle » Manifestations, symptômes dépressifs Dépression ANTIDEPRESSEURS: NEUROGENESE ET NEUROPROTECTION Cellule souche indifférenciée BDNF Favorisé et augmenté par: Exercice Apprentissage Antidépresseurs Stimulations intellectuelles ……. Diminué par: Neurone « spécialisé » Fonction spécifique Stress aigu et chronique Corticostéroïdes Dépression Age Alcool ……. Neurogenese: Processus de longue Durée Explique l’effet tardif des antidépresseurs Plasticité cérébrale Expression génétique Psychothérapies Le cerveau est malléable; De nouvelles expériences viennent constamment Imprimer leurs marques EN GUISE DE CONCLUSION • • • • • • • • La dépression est un phénomène complexe, difficile à cerner Frontière entre « normal » et « pathologique » ? Approche symptomatique Interaction entre des facteurs psycho-sociaux, personnels et un « terrain » biologique Place des antidépresseurs dans le traitement de la dépression Multiples indications des antidépresseurs Comprendre les multiples facteurs qui influencent la prescription des antidépresseurs !!! Les approches non-médicamenteuses: une question de moyens, de connaissances et de travail en réseau