aux théologies du développement, qu'il doit s'agir non de développement, mais de libération.
Le transfert permettrait un travail de libération préalable au développement qui viendrait de
lui-même à partir d'une résistance, lorsque la place serait libérée. La question à traiter est celle
des procédures à mettre en place pour que le développement puisse se manifester librement.
Pardoxalement la procédure ne doit pas venir après coup pour étayer un développement
imposée de l'extérieur, elle doit autoriser un développement qui, comme la guérison, vient de
surcroit. Et cette condition préalable consiste à mettre en place un environnement dont
l'individu ne se sente pas dépendant.
Si le psychotique ne supporte pas le leurre de la situation psychanalytique duelle orthodoxe et
s'il demande une situation authentique aménagée, c'est qu'une condition préalable lui a
manqué qui consistait en un environnement dont il avait besoin et qui ne devait être ni perçu,
ni enregistré comme situation de dépendance. Ceux dont on a à s'occuper sont justement ceux
pour qui le milieu dans l'enfance, n'a pas su jouer ce rôle et n'a pas suscité l'adaptation active.
Tel est le paradoxe de la psychiatrie qui doit donner l'impression, à ceux dont elle s'occupe,
qu'ils n'ont pas besoin d'elle. Paradoxe, car cette attitude complète celle, apparemment
opposée, induite par la loi du 30 juin 1838 sur l'internement, loi qui impose à un individu qui
ne demande apparemment rien, accueil et soins : c'est à dire sureté, bien sûr, mais également
possibilité de développement de la liberté - autonomie.
Transfert et leadership démocratique
Là où l'organisation de la prise en charge ainsi que le statut des personnes et des
établissements permettent l'identification primaire (en la maintenant ou en favorisant à partir
d'elle l'organisation méta-psychotique selon les formes habituelles des descriptions
nosographiques classiques) il convient donc de permettre l'apparition du transfert
institutionnel. Transfert particulier chez les psychotiques rassemblés ou pris en charge de
façon plus individualisée par une équipe, et qui est contemporain d'un contre-transfert
institutionnel bien typé dont l'analyse doit permettre l'aménagement de situations de
dépendance compatibles avec ce qui s'institue habituellement dans la société civile. Pour ce
faire l'organisation hièrarchique médicale et paramédical, elle même inscrite dans la structure
identificatoire primaire, doit susciter les situations favorables à un fonctionnement
démocratique, reconnu dès lors comme oedipien par de là l'organisation pré-oedipienne voire
narcissique de la masse des individus aliénés dans les appareils d'Etat, les chefs et les
établissements. Si, comme l'explique Mélanie Klein, le conflit oedipien est un stade précoce,
on conçoit que dans cette identification au chef dont le narcissisme est absolu, dans cette foule
à deux qui caractérise aussi bien la psychose que la masse, est présente l'occasion de
l'accession à l'ordre symbolique et au social à connotation oedipienne, par delà la relation
fusionnelle de l'ordre narcissique. Ce qui doit être maintenu de la structure autoritaire ou
despotique c'est bien évidemment la directivité au niveau des procédures formelles, le contenu
restant libre dans ce qui le prédétermine, l'individu étant caractérisé à la fois par le
développement et par l'histoire. Le cadre basal institutionnalisé est là et c'est à partir de lui
que le développement individuel s'effectue dans le contrat oedipien.
Daniel Lagache, dans son rapport de 1951 au congrès des psychanalystes de langue romane,
intitulé "Problèmes du Transfert", décrit la situation psychanalytique orthodoxe selon les
termes de la dynamique des groupes Kurt Lewin. Il la situe comme conduite démocratique,
distincte des conduites autoritaires et anarchiques. Pour Kurt Lewin sont autoritaires les
structures directives au niveau des procédures et au niveau des contenus ; anarchiques les
structures non directives tant au niveau des procédures que des contenus ; sont démocratiques