FIche 9. Hôpitaux et laïcité

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Infirmiers et laïcité
«La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de
tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. » Article
1er de la Constitution de 1958
I- Fondements du principe de laïcité à l’hôpital
Loi dite de Séparation des Eglises et de l’Etat (9 décembre 1905) - Extraits
TITRE PREMIER. Principes.
ARTICLE 1. - La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les
seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public.
ART. 2.- La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er
janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'État, des départements et
des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes. Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets
les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les
établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons.
Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l'article 3.
Principe constitutionnel, l’affirmation du respect de laïcité est reprise dans le code de santé publique (CSP) à
l’article L6112-2
CODE DE LA SANTE PUBLIQUE (Nouvelle partie Législative)
(Loi nº 2002-73 du 17 janvier 2002 art. 11 II Journal Officiel du 18 janvier 2002)
(Ordonnance nº 2005-406 du 2 mai 2005 art. 14 II Journal Officiel du 3 mai 2005)
« […] Ces établissements garantissent l'égal accès de tous aux soins qu'ils dispensent. Ils sont ouverts à toutes les
personnes dont l'état requiert leurs services. Ils doivent être en mesure de les accueillir de jour et de nuit,
éventuellement en urgence, ou d'assurer leur admission dans un autre établissement mentionné au premier alinéa.
[…] Ils ne peuvent établir aucune discrimination entre les malades en ce qui concerne les soins. Ils ne peuvent
organiser des régimes d'hébergement différents selon la volonté exprimée par les malades que dans les limites et
selon les modalités prévues par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. »
La dernière version de la charte du patient hospitalisé rappelle le droit à la liberté du culte (Article 8) : « La
personne hospitalisée est traitée avec égards. Ses croyances sont respectées. Son intimité est préservée ainsi que
sa tranquillité. » (Version avril 2006).
Cependant, comment concilier à la fois le respect de la liberté du culte et une bonne gestion, administration des
soins dans le respect des droits de chacun ?
Il n’est pas rare que le personnel soit confronté à des situations de refus d’être examiné par un médecin de sexe
masculin, refus d’appeler le personnel du service avec la sonnette électrique le samedi pour des raisons
religieuses ; refus de se vêtir des vêtements de l’établissement non pour des raisons esthétiques mais pour des
raisons religieuses au motif que la tenue ne couvre pas suffisamment l’ensemble du corps de la personne !
Les cas sont nombreux et il n’est pas toujours évident pour les professionnels de santé de se positionner et cela
d’autant plus qu’en retour ils se voient opposer la charte « Mes croyances doivent être respectées, c’est écrit dans
la charte » !
Le 2 avril 2005, le ministère de la santé a rédigé une circulaire relative à la laïcité dans les établissements de
santé et en a rappelé les grands principes d’application.
II- Laïcité et respect des convictions religieuses
Il est rappelé le principe du respect des convictions religieuses des patients notamment dans les cas suivants :
Le patient doit être informé du droit de participer à l’exercice de son culte. Dans le livret d’accueil, une liste avec
les coordonnées des représentants des différents cultes doit être intégrée.
Lors de leur admission, il doit être demandé aux patients, s’il a un régime alimentaire particulier notamment eu
égard à sa religion.
Les familles du patient en fin de vie ou défunts se voient garantir le respect des rites religieux et cérémonies de
leur choix.
Le principe est bien le respect des convictions religieuses du patient. Comme tout principe, il connaît, cependant,
des exceptions et des limites à son application.
III- Principe du libre choix du praticien et conviction religieuse
Le patient a le libre choix de son établissement de santé et de son praticien. Après une information sur son état
de santé il accepte les soins ou les refuse. Aucun acte médical ne peut être pratiqué sans le consentement libre et
éclairé de la personne (sauf situation de l’urgence).
Lorsque le patient s’oppose à des soins, il peut être décidé de sa sortie selon la procédure prévue à cet effet par
l’article R 1112-43 du CSP :
« Lorsqu'un malade n'accepte pas le traitement, l'intervention ou les soins qui lui sont proposés, sa sortie, sauf
urgence médicalement constatée nécessitant d'autres soins, est prononcée par le directeur après signature par
l'hospitalisé d'un document constatant son refus d'accepter les soins proposés. Si le malade refuse de signer ce
document, un procès-verbal de ce refus est dressé. »
Un patient ne peut pas imposer de voir un médecin autre que celui prévu dans le cadre du tour de garde des
médecins ou de l’organisation des consultations. S’il s’oppose aux soins, il est tout à fait possible de mettre fin à
sa prise en charge selon la procédure citée ci-dessus.
D’ailleurs, la circulaire du 2 février 2005 rappelle sur ce point important :
« En matière d’organisation des soins, il convient de rappeler que le malade est soigné par une équipe soignante
et non par un praticien unique, ce qui a notamment des conséquences en termes de secret médical qui ont été
admises par la jurisprudence et qui sont désormais reprises à l’article L. 1110-4, alinéa in fine du code […]
En outre, le libre choix exercé par le malade, ne doit pas perturber la dispensation des soins, compromettre les
exigences sanitaires, voire créer des désordres persistants. Dans ce dernier cas, le directeur prend, avec l’accord
du médecin chef de service, toutes les mesures appropriées pouvant aller éventuellement jusqu’au prononcé de la
sortie de l’intéressé pour motifs disciplinaires (art. R. 1112-49 du code de la santé publique) »
En conséquence, les principes de liberté d’exercice du culte et de libre choix de son praticien ne permettent pas
au patient de refuser une personne de l’équipe de soins pour des raisons tenant à la religion. Le patient doit
accepter l’organisation du service, des soins et des consultations. A défaut, il peut être mis fin à sa prise en
charge.
IV- Le respect des convictions religieuses dans le respect de l’organisation des soins
Le respect des croyances ne doit pas nuire à la tranquillité des autres patients, à l’hygiène du patient et surtout à
l’organisation des soins.
La circulaire précise sur ce point : « Il convient de veiller à ce que l’expression des convictions religieuses ne
porte pas atteinte :
A la qualité des soins et aux règles d’hygiène (le malade doit accepter la tenue vestimentaire imposée compte
tenu des soins qui lui sont donnés) ;
A la tranquillité des autres personnes hospitalisées de leurs proches ;
Au fonctionnement régulier du service. »
La charte du patient hospitalisé est peut être rédigée de façon trop restrictive en posant sans nuance « Les
convictions de chacun doivent être respectées ». Avec la nouvelle charte de la laïcité dans les établissements de
santé (version avril 2007), les patients et les familles devront être informés de ce droit mais aussi de ses limites.
Cependant, la multiplication des chartes ne va t-elle pas aboutir à la situation inverse de celle recherchée :
l’absence de lecture du document ! Ne serait-il pas temps de réfléchir à un document unique sur lequel figure à la
fois les droits MAIS aussi les devoirs des patients (comme le respect du personnel). Ainsi, chacun aurait
conscience que sa liberté s’arrête là où elle nuie à autrui !
En conclusion
Le patient a le droit d’exercer ses pratiques religieuses mais cette liberté comme toute liberté ne doit pas nuire à
autrui et, en l’occurrence, au bon fonctionnement du service de soins.
Plus récemment, une nouvelle circulaire du ministère de la santé a rappelé ces principes dans une charte de la
laïcité dans les établissements de santé (juillet 2007) :
« Les usagers des services publics ont le droit d’exprimer leurs convictions religieuses dans les limites du respect
de la neutralité du service public, de son bon fonctionnement et des impératifs d’ordre public, de sécurité, de
santé et d’hygiène.
Les usagers des services publics ne peuvent récuser un agent public ou d’autres usagers, ni exiger une adaptation
du fonctionnement du service public ou d’un équipement public. Cependant, le service s’efforce de prendre en
considération les convictions de ses usagers dans le respect des règles auquel il est soumis et de son bon
fonctionnement. »
Bibliographie
Circulaire n°2005-57 du 2 février 2005 relative à la laïcité dans les établissements de santé
Charte du patient hospitalisé (version avril 2006)
Circulaire DHOS/E1/DGS/SD1B/SD1C/SD4A no 2006-90 du 2 mars 2006 relative aux droits des personnes hospitalisées et
comportant une charte de la personne hospitalisée
Charte de la laïcité dans les services publics ; juillet 2007.
Nathalie LELIEVRE Juriste spécialisée en droit de la santé
Membre de la commission "Ethique et Douleur" Espace Ethique Méditerranéen
Membre du Comité de rédaction d’infirmiers.com: 26-09-2007
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