L’ÉCOLE DANS SON DROIT Présentation par André Legrand, Débat animé par Sandra Szurek et Danièle Lochak Contrairement à ce qu’on dit souvent, le droit a été présent dès l’origine dans l'Éducation nationale : il suffit, pour s’en convaincre de se rappeler les grandes lois qui ont jalonné la construction du service public de l’enseignement, de Guizot à Jules Ferry, mais aussi de consulter la rubrique « Enseignement » des vieux répertoires de droit. Et les querelles politiques autour de l’École ont toujours eu une forte dimension juridique : qu’il s’agisse de la laïcité, de la liberté de l’enseignement ou du modèle français d’égalité. Pourquoi, dans ces conditions, l'opinion est-elle persuadée que la « juridicisation » de l’éducation est un phénomène nouveau ? La réponse tient à ce que le droit s’est installé, depuis quelques années, là où il n’avait pas de place auparavant : il est descendu de l’Institution « Éducation nationale » à l’établissement scolaire et à la classe, dont les usagers n’hésitent plus à « faire valoir leurs droits ». La laïcité ou l’égalité, par exemple, ne sont plus ces grands principes généraux et abstraits applicables à l’institution scolaire autour desquels un consensus s’était progressivement forgé : leur interprétation cristallise les oppositions et leur application engendre des conflits dont la solution requiert l’intervention du juge ou du législateur. La proclamation des droits des élèves, la formalisation des procédures disciplinaires, les risques de mise en cause pénale sont vécus comme sapant l’autorité hiérarchique. En faisant irruption au niveau de l’établissement et de la classe, le droit a donc changé de sens et de fonction : il est devenu un enjeu des relations de pouvoir, chaque acteur s’efforçant de le mobiliser au service de ses intérêts. Le droit n’est plus un instrument de gestion des conflits, il contribue souvent à les exacerber ; et beaucoup l’accusent d’introduire le trouble dans l’École plutôt que d’y assurer la paix.