Laïcité et établissements de santé

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Laïcité et établissements de santé
«La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure
l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion.
Elle respecte toutes les croyances. » Article 1er de la Constitution de 1958
1. Fondements du principe de laïcité à l’hôpital
Principe constitutionnel, l’affirmation du respect de laïcité est reprise dans le code de santé
publique (CSP) à l’article L6112-2
CODE DE LA SANTE PUBLIQUE (Nouvelle partie Législative)
(Loi nº 2002-73 du 17 janvier 2002 art. 11 II Journal Officiel du 18 janvier 2002)
(Ordonnance nº 2005-406 du 2 mai 2005 art. 14 II Journal Officiel du 3 mai 2005)
« […] Ces établissements garantissent l'égal accès de tous aux soins qu'ils dispensent. Ils sont
ouverts à toutes les personnes dont l'état requiert leurs services. Ils doivent être en mesure de
les accueillir de jour et de nuit, éventuellement en urgence, ou d'assurer leur admission dans
un autre établissement mentionné au premier alinéa.
[…] Ils ne peuvent établir aucune discrimination entre les malades en ce qui concerne les
soins. Ils ne peuvent organiser des régimes d'hébergement différents selon la volonté
exprimée par les malades que dans les limites et selon les modalités prévues par les textes
législatifs et réglementaires en vigueur. »
La dernière version de la charte du patient hospitalisé rappelle le droit à la liberté du culte
(Article 8) : « La personne hospitalisée est traitée avec égards. Ses croyances sont respectées.
Son intimité est préservée ainsi que sa tranquillité. » (Version avril 2006).
Cependant, comment concilier à la fois le respect de la liberté du culte et une bonne gestion,
administration des soins dans le respect des droits de chacun ?
Il n’est pas rare que le personnel soit confronté à des situations de refus d’être examiné par un
médecin de sexe masculin, refus d’appeler le personnel du service avec la sonnette électrique
le samedi pour des raisons religieuses ; refus de se vêtir des vêtements de l’établissement non
pour des raisons esthétiques mais pour des raisons religieuses au motif que la tenue ne couvre
pas suffisamment l’ensemble du corps de la personne !
Les cas sont nombreux et il n’est pas toujours évident pour les professionnels de santé de se
positionner et cela d’autant plus qu’en retour ils se voient opposer la charte « Mes croyances
doivent être respectées, c’est écrit dans la charte » !
Le 2 avril 2005, le ministère de la santé a rédigé une circulaire relative à la laïcité dans les
établissements de santé et en a rappelé les grands principes d’application.
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Laïcité et respect des convictions religieuses
Il est rappelé le principe du respect des convictions religieuses des patients notamment dans
les cas suivants :
- Le patient doit être informé du droit de participer à l’exercice de son culte. Dans le livret
d’accueil, une liste avec les coordonnées des représentants des différents cultes doit être
intégrée.
- Lors de leur admission, il doit être demandé aux patients, s’il a un régime alimentaire
particulier notamment eu égard à sa religion.
- Les familles du patient en fin de vie ou défunts se voient garantir le respect des rites
religieux et cérémonies de leur choix.
Le principe est bien le respect des convictions religieuses du patient. Comme tout principe, il
connaît, cependant, des exceptions et des limites à son application.
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Principe du libre de choix du praticien et conviction religieuse
Le patient a le libre choix de son établissement de santé et de son praticien. Après une
information sur son état de santé il accepte les soins ou les refuse. Aucun acte médical ne peut
être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne (sauf situation de l’urgence).
Lorsque le patient s’oppose à des soins, il peut être décidé de sa sortie selon la procédure
prévue à cet effet par l’article R 1112-43 du CSP :
« Lorsqu'un malade n'accepte pas le traitement, l'intervention ou les soins qui lui sont
proposés, sa sortie, sauf urgence médicalement constatée nécessitant d'autres soins, est
prononcée par le directeur après signature par l'hospitalisé d'un document constatant son
refus d'accepter les soins proposés. Si le malade refuse de signer ce document, un procèsverbal de ce refus est dressé. »
Un patient ne peut pas imposer de voir un médecin autre que celui prévu dans le cadre du tour
de garde des médecins ou de l’organisation des consultations. S’il s’oppose aux soins, il est
tout à fait possible de mettre fin à sa prise en charge selon la procédure citée ci-dessus.
D’ailleurs, la circulaire du 2 février 2005 rappelle sur ce point important :
« En matière d’organisation des soins, il convient de rappeler que le malade est soigné par
une équipe soignante et non par un praticien unique, ce qui a notamment des conséquences
en termes de secret médical qui ont été admises par la jurisprudence et qui sont désormais
reprises à l’article L. 1110-4, alinéa in fine du code […]
En outre, le libre choix exercé par le malade, ne doit pas perturber la dispensation des
soins, compromettre les exigences sanitaires, voire créer des désordres persistants. Dans ce
dernier cas, le directeur prend, avec l’accord du médecin chef de service, toutes les mesures
appropriées pouvant aller éventuellement jusqu’au prononcé de la sortie de l’intéressé pour
motifs disciplinaires (art. R. 1112-49 du code de la santé publique) »
En conséquence, les principes de liberté d’exercice du culte et de libre choix de son praticien
ne permettent pas au patient de refuser une personne de l’équipe de soins pour des raisons
tenant à la religion. Le patient doit accepter l’organisation du service, des soins et des
consultations. A défaut, il peut être mis fin à sa prise en charge.
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Le respect des convictions religieuses dans le respect de l’organisation des soins
Le respect des croyances ne doit pas nuire à la tranquillité des autres patients, à
l’hygiène du patient et surtout à l’organisation des soins.
La circulaire précise sur ce point : « Il convient de veiller à ce que l’expression des
convictions religieuses ne porte pas atteinte :
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-
A la qualité des soins et aux règles d’hygiène (le malade doit accepter la tenue
vestimentaire imposée compte tenu des soins qui lui sont donnés) ;
A la tranquillité des autres personnes hospitalisées de leurs proches ;
Au fonctionnement régulier du service. »
La charte du patient hospitalisé est peut être rédigée de façon trop restrictive en posant sans
nuance « Les convictions de chacun doivent être respectées ». Avec la nouvelle charte de la
laïcité dans les établissements de santé (version avril 2007), les patients et les familles devront
être informés de ce droit mais aussi de ses limites.
Cependant, la multiplication des chartes ne va t-elle pas aboutir à la situation inverse de celle
recherchée : l’absence de lecture du document ! Ne serait-il pas temps de réfléchir à un
document unique sur lequel figure à la fois les droits MAIS aussi les devoirs des patients
(comme le respect du personnel). Ainsi, chacun aurait conscience que sa liberté s’arrête là où
elle nuie à autrui !
En conclusion, le patient a le droit d’exercer ses pratiques religieuses mais cette liberté
comme toute liberté ne doit pas nuire à autrui et, en l’occurrence, au bon fonctionnement du
service de soins.
Plus récemment, une nouvelle circulaire du ministère de la santé a rappelé ces principes dans
une charte de la laïcité dans les établissements de santé (juillet 2007) :
« Les usagers des services publics ont le droit d’exprimer leurs convictions religieuses dans
les limites du respect de la neutralité du service public, de son bon fonctionnement et des
impératifs d’ordre public, de sécurité, de santé et d’hygiène.
Les usagers des services publics ne peuvent récuser un agent public ou d’autres usagers, ni
exiger une adaptation du fonctionnement du service public ou d’un équipement public.
Cependant, le service s’efforce de prendre en considération les convictions de ses usagers
dans le respect des règles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement. »
Bibliographie :
Circulaire n°2005-57 du 2 février 2005 relative à la laïcité dans les
établissements de santé ;
http://www.sante.gouv.fr/adm/dagpb/bo/2005/05-02/a0020035.htm
Charte du patient hospitalisé (version avril 2006)
http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/charte_patient/accueil.htm
Circulaire DHOS/E1/DGS/SD1B/SD1C/SD4A no 2006-90 du 2 mars 2006
relative aux droits des personnes hospitalisées et comportant une charte de la personne
hospitalisée
http://www.sante.gouv.fr/adm/dagpb/bo/2006/06-04/a0040012.htm
Charte de la laïcité dans les services publics ; juillet 2007.
http://www.fonction-publique.gouv.fr/IMG/Circulaire_PM_5209_20070413.pdf
Nathalie LELIEVRE
Juriste spécialisée en droit de la santé
AEU droit médical, DESS droit de la santé
Chargée de Conférence
Membre du comité Ethique et douleur méditerranéen
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Membre du comité de rédaction infirmiers.com
[email protected]
Mis en ligne 26/09/2007
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