II SIX DÉCENNIES DE COOPÉRATION COMMERCIALE
MULTILATÉRALE : QU’AVONS-NOUS APPRIS ?
B ÉCONOMIE ET ÉCONOMIE POLITIQUE DE LA COOPÉRATION
COMMERCIALE INTERNATIONALE
RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2007
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en lui disputant des colonies. La rivalité croissante entre les principales nations commerçantes n’a été
que partiellement endiguée, par exemple lors de la Conférence de Berlin sur les colonies. La France
nourrissait une forte animosité envers l’Allemagne en raison de la perte de l’Alsace et de la Lorraine
après la guerre de 1870-1871. Au cours des deux décennies qui ont précédé la Première Guerre mondiale,
il y a eu un certain nombre de guerres tarifaires, généralement provoquées par l’établissement d’un
nouveau tarif douanier plus protectionniste, ou par la renégociation de traités bilatéraux.17 Bien souvent,
à l’expiration d’un traité, les pays relevaient temporairement leurs tarifs pour avoir plus d’influence dans
les négociations.
Il convient aussi de signaler d’autres changements importants dans le domaine de la politique commerciale.
De nouveaux instruments ont été mis en place sous la forme de mesures antidumping et de primes à
l’exportation (subventions). Après une série de conférences internationales, le premier accord international
sur des produits de base – la Convention de Bruxelles sur le sucre – a été signé en 1902. Cette convention
visait à réglementer la production et le commerce mondiaux de ce produit.
L’abandon croissant du principe NPF s’est aussi manifesté à travers la conclusion d’accords commerciaux
préférentiels, notamment entre certains membres du Commonwealth britannique.18 Malgré la prolifération
des mesures protectionnistes avant la Première Guerre mondiale en Europe continentale, aux États-Unis19,
en Argentine et dans d’autres pays, le commerce mondial a continué à croître rapidement.20 L’effet
négatif de ces mesures a été contrebalancé, entre autres, par l’adoption générale de l’étalon-or en
fin de période, par les progrès technologiques rapides, qui réduisaient les coûts de transport, et par
l’augmentation sensible des flux migratoires et de l’investissement étranger. Enfin, l’augmentation des
prix des produits faisant l’objet d’échanges internationaux à partir de 1896 a atténué l’incidence ad
valorem des droits spécifiques.
b) La crise de la politique commerciale dans l’entre-deux-guerres (1918-1939)
Pendant la Première Guerre mondiale, les relations commerciales internationales fondées sur les
transactions commerciales privées ont été remplacées par des contrôles gouvernementaux à grande
échelle, la production étant consacrée au soutien des efforts de guerre nationaux. Les blocus maritimes
et les sous-marins entravaient les échanges internationaux. Les droits de douane élevés, les restrictions
quantitatives et les prohibitions tant à l’exportation qu’à l’importation, conjugués au contrôle des
changes, dominaient de plus en plus la scène politique. À la Conférence économique des alliés tenue
en 1916, le Royaume-Uni, la France et l’Italie ont déclaré qu’après la guerre, ils n’accorderaient plus le
traitement NPF à l’ennemi allemand, mais s’accorderaient mutuellement des préférences commerciales.
De son côté, le Président des États-Unis, Woodraw Wilson a indiqué dans son Programme en 14 points
pour l’après-guerre qu’il fallait éliminer (dans la mesure du possible) tous les obstacles économiques et
qu’il fallait établir des conditions commerciales égales entre tous les pays (qui consentaient à la paix).21
17 La France a eu de graves conflits tarifaires avec l’Italie (1887-1910) et la Suisse (1893-1895). L’Allemagne en a eu
avec la Russie (1893), l’Espagne (1894-1896) et le Canada (1894-1910) et l’Autriche avec plusieurs États des Balkans
(comme la Roumanie).
18 Les préférences impériales ont été introduites par le Canada en 1897, par la Nouvelle-Zélande et l’Afrique du Sud en
1903 et par l’Australie en 1907 (Nolde, 1932 : 103).
19 Le tarif McKinley de 1890 a été partiellement annulé par la Loi douanière Wilson-Gorman de 1894. Mais la Loi Dingley
de 1897 «s’est distinguée par l’imposition du taux de droits moyen le plus élevé jamais inscrit jusqu’alors dans une
loi douanière des États-Unis » (Dobson, 1976). Le tarif Payne Aldrich de 1909 n’a guère modifié la situation, tandis
que la Loi douanière Underwood de 1913 a réduit sensiblement les taux de droits (qui restaient cependant élevés par
rapport aux taux européens).
20 D’après Lewis (1981), la croissance nominale (et réelle) du commerce mondial des marchandises n’a été que légèrement
plus forte pendant la période 1860-1880 que pendant la période suivante 1880-1913.
21 Pour une description plus détaillée de l’évolution de la politique commerciale dans l’entre-deux-guerres, voir Comité
du commerce et de l’industrie (1925), Frieden (2006), Kindleberger (1989), Irwin (1993), O’Rourke (2007), Société des
Nations (1942) et (1945), Liepmann (1938) et Rappard (1938).