judaïsme
Le film était à l’ache de notre ciné-café
du dimanche 23 janvier, la projection était suivie
d’un débat avec René Pfertzel.
Le premier long métrage de Haïm Tabakman,
Tu n’aimeras point, remarqué en mai au Festival de
Cannes. Avec Zohar Strauss, Ran Danker, Tinkerbell,
Tzahi Grad. (1 h 30.)
Aaron, un boucher ultraorthodoxe de Jérusalem,
marié et père de famille, s’éprend avec une passion
irrépressible de Ezri, un jeune étudiant d’une école
talmudique.
Familier des grincements politiques et des couples
improbables (militaires homosexuels, idylle israélo-
palestinienne...), jamais le cinéma israélien n’était
allé aussi loin dans ce que l’on pourrait tenir pour une scabreuse provocation.
Il faut donc avoir vu le film pour prendre la mesure d’une oeuvre sensible et
subtile, qui ne simplifie rien, et qui parvient à nous attacher, comme si de rien
n’était, à son récit et à ses personnages. Il y a là, au vu de la délicatesse et du
péril du sujet, la matière d’un exploit.
« Tu n’aimeras point »
La pluralité du peuple juif est une
donnée ancienne qui s’est encore
accrue après l’entrée des Juifs dans
la modernité lorsqu’ils quittèrent les murs
étroits des ghettos. La grande question,
le grand défi était bien la manière dont
on allait réagir à ce phénomène nouveau
dans l’histoire juive. De là provient la
grande diversité au sein du monde
juif, depuis les ultra-orthodoxes qui
rejettent le monde moderne de façon
très nette et radicale jusqu’à celles
et ceux qui ont décidé de couper les
ponts et de s’assimiler à la population
environnante. Entre ces deux pôles, les
Orthodoxes, fort disparates dans leurs
dénominations, les non-traditionnalistes,
Massorti (Conservative américains) ou
Libéraux (Reform, Liberals ou Libéraux),
et en dehors des mouvements religieux,
les diérents courants du sionisme ou
encore ceux qui adhèrent à des partis
politiques promettant l’égalité.
Traiter de la façon dont les Juifs
considèrent l’homosexualité revient donc
d’abord à prendre acte de la diversité de
ce groupe humain.
Le monde des ultra-orthodoxes est celui
du petit village polonais ou est-européen,
celui des cours rabbiniques, des histoires
merveilleuses contées par les Hassidim,
un monde qui est enclavé et séparé
de ses voisins. Le monde extérieur est
dangereux et source de tentations sans
fin. Il faut impérativement s’en protéger.
Dans ce contexte, l’homosexualité
fait l’objet au mieux d’un déni, au pire
d’un rejet absolu comme étant une
abomination. Le film que Haim Tabakman
a tourné en 2009, Tu n’aimeras point, fait
le récit d’amours homosexuelles dans le
quartier ultra-orthodoxe de Mea Shearim.
Il dépeint de manière assez réaliste la
complexité de ce sentiment dans un
milieu qui le nie. Il a provoqué l’ire de ses
habitants qui ont manifesté contre lui.
Une fraction importante des Juifs
religieux, du moins en Israël et en
Europe, s’inscrit dans ce que l’on appelle
communément l’Orthodoxie, ou le
L’homosexualité
dans les diérents courants du judaïsme
La prohibition énoncée dans le Lévitique : « Tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche
avec une femme » est simple et claire et a conduit à une interdiction sans équivoque de l’homosexualité
dans les religions monothéistes. Pour autant, la question n’est pas résolue, et il ne sut pas de dire :
« c’est interdit » pour que les homosexuel/les puissent se conformer aux ordonnances de la Torah.
Le fait homosexuel est une réalité incontournable de l’expérience humaine. C’est la raison pour laquelle
l’acceptation ou le rejet de l’homosexualité fait débat dans les diérentes tendances du judaïsme.
René Pfertzel - Union Juive
Libérale de Lyon. Etudiant rabbin
Leo Baeck College, Londres
judaïsme traditionnaliste. Ces Juifs ne
rejettent pas le monde dans lequel
ils vivent. Ils cherchent à adapter les
exigences de la loi juive à la vie moderne,
mais sans céder sur la Tradition qu’ils
considèrent comme révélée en l’état
sur le Mont Sinaï à Moïse. Rien ne peut
donc en être retranché ni ajouté. Cette
position amène parfois des situations
conflictuelles entre ces deux pôles
de leur existence. Le courant le plus
représenté, Modern Orthodox a été
pensé au XIXe siècle par un rabbin qui
souhaitait faire le lien entre la Torah et
le monde moderne, Samson Raphaël
Hirsch. Le judaïsme consistorial français
aujourd’hui est largement influencé par
cette voie. Bien évidemment, il n’a rien de
monolithique et les motifs de désaccord
sont assez fréquents, notamment en ce
qui concerne les débats de société, dont
l’homosexualité. Depuis les années 1970,
aux Etats-Unis, certains rabbins (dont
Rabbi I. Jakobovitz) ont commencé à
adopter une position plus empathique
à l’égard des homosexuels considérés
jusqu’alors comme ayant fait un choix
qu’il ne tenait qu’à eux d’abandonner.
Cette période correspond à une
réévaluation de l’homosexualité dans
la sociologie, la psychologie et même
les sciences bibliques, et il n’est pas
surprenant que les rabbins s’interrogent
à leur tour. Le rabbin Norman Lamm1
déclare en 2002 que loin d’être des
rebelles, les homosexuels sont malades
et à ce titre méritent de la compassion
et du soutien. Cette opinion peut
paraître choquante, mais elle est en
réalité une étape importante dans
le monde orthodoxe car elle refuse
l’exclusion. Cette vue n’est certes pas
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