Les progrès récents dans la gestion du trouble de l`hyperphagie

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Les progrès récents dans la gestion du trouble
de l’hyperphagie boulimique
Comprendre le trouble de l’hyperphagie boulimique : De la physiopathologie au diagnostic
Symptômes et critères diagnostiques
L’Association américaine de psychiatrie (American Psychiatric Association, ou APA) a reconnu le trouble de l’hyperphagie
boulimique (HB) comme un trouble de l’alimentation distinct dans le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth
Edition (DSM-5) [1] (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, cinquième édition). Avant cette édition, l’HB faisait
partie de la catégorie des « troubles de l’alimentation non spécifiés (EDNOS) » selon la nosologie du Diagnostic and Statistical
Manual of Mental Disorders, Fourth Edition (DSM-IV)[2] (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, quatrième
édition).
Les crises de boulimie récurrentes sont la caractéristique clinique type de l’HB. Reconnue pour la première fois en 1959 par
Stunkard[3] dans un sous-ensemble de personnes obèses, la crise de boulimie est définie comme « manger, dans un intervalle de
temps défini (p. ex., sur une période de 2 heures), une quantité de nourriture qui est certainement plus importante que ce que la
plupart des gens mangent dans une période de temps similaire dans des circonstances similaires ».[1] Ce qui distingue les crises de
boulimie de la suralimentation régulière, c’est le sentiment de manque de contrôle au cours de l’épisode, qui peut se manifester
comme un sentiment qu’on ne peut pas arrêter de manger une fois qu’on a commencé ou qu’on ne peut pas contrôler la quantité
que l’on mange. L’HB est distincte de la boulimie mentale dans la mesure où les personnes diagnostiquées comme souffrant d’HB
n’ont pas de comportements compensatoires inappropriés récurrents tels que les vomissements provoqués, l’abus de laxatifs ou
l’exercice excessif.
Selon les critères DSM-5 d’HB, les crises de boulimie doivent avoir lieu, en moyenne, une fois par semaine sur une période de
3 mois. Il s’agit d’un écart important par rapport aux critères DSM-IV, lesquels nécessitaient une moyenne de 2 épisodes de crises
de boulimie par semaine sur une période de 6 mois, et qui fait concorder les critères de fréquence et de durée de l’HB avec ceux
de la boulimie.
En plus de la caractéristique comportementale centrale des crises de boulimie, et afin de répondre aux critères de diagnostic
de l’HB, les crises de boulimie doivent conduire à une détresse intense et présenter au moins 3 des caractéristiques suivantes :
manger rapidement, manger jusqu’à ressentir de l’inconfort d’avoir trop mangé, des crises de boulimie sans avoir faim, manger
seul en raison de sa gêne et un sentiment de dégoût, de dépression ou de culpabilité après avoir mangé. Il est à noter que ces
caractéristiques supplémentaires ne sont pas obligatoires pour un diagnostic de boulimie mentale.
Contrairement à l’anorexie mentale et la boulimie mentale, il n’y a pas de critères diagnostiques pour l’HB liés à l’image corporelle
ou à l’influence du poids et de la forme sur l’auto-évaluation. Bien que de nombreuses personnes atteintes d’HB souffrent d’une
mauvaise image corporelle, ce critère n’est pas requis pour un diagnostic. En outre, il n’existe pas de critère d’indice de masse
corporelle (IMC) pour l’HB. Il est important de noter que l’HB peut se produire chez toutes les personnes, peu importe leur IMC,
mais elle est souvent associée à un excès de poids ou à l’obésité.
Prévalence
Aux États-Unis, la prévalence de l’HB a été estimée à 3,5 % chez les femmes et à 2,0 % chez les hommes. [4] Des enquêtes
communautaires dans 12 pays estiment la prévalence à vie pour les deux sexes à 1,9 %. [5]
Dans une étude basée sur une population de jumelles, 37 % des femmes obèses (IMC de 30 kg/m2 ou plus) ont déclaré avoir eu
des crises de boulimie, [6] ce qui représente 2,7 % de la population féminine étudiée. La répartition par sexe pour l’HB est plus égale
que pour l’anorexie mentale ou la boulimie mentale, pour lesquelles il y a une prépondérance chez les femmes. [4] Il y a peu de
différences en termes de prévalence parmi les groupes raciaux ou ethniques. [7,8]
Facteurs de risque
Les facteurs associés au développement de l’HB dans des études rétrospectives comprennent les expériences négatives de
l’enfance; la dépression parentale; la vulnérabilité personnelle à la dépression; l’exposition à des commentaires négatifs sur le
poids, la forme et l’alimentation; l’obésité infantile; les mauvais traitements, y compris les taquineries et l’intimidation; et le stress
perçu.[9-11] Bien que le seuil d’HB soit rarement atteint chez les enfants, ces derniers font état d’épisodes de perte de contrôle de
l’alimentation (une incapacité à arrêter de manger ou à contrôler la quantité ou le type de nourriture consommée), ce qui peut
être un précurseur de l’HB adulte.[12]
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Comorbidités
L’HB est associée à des morbidités médicales importantes, notamment l’obésité, le diabète de type 2 et l’hypertension. L’HB
peut conférer un risque pour les composants du syndrome métabolique (défini comme plusieurs facteurs associés aux maladies
cardiovasculaires, y compris l’obésité abdominale, la dyslipidémie, l’hypertension et le métabolisme anormal du glucose), audelà du risque attribuable à l’obésité seule.[13] Les crises de boulimie sont également associées au reflux gastro-œsophagien
pathologique, au syndrome du côlon irritable[14,15] et aux troubles menstruels.[16] L’association entre les crises de boulimie et
certains problèmes de santé semble être indépendante de l’obésité.[6] Il est essentiel de se rappeler que toutes les personnes
souffrant d’HB ne sont pas en surpoids ou obèses. Il n’existe pas encore de données suffisantes pour déterminer si l’incidence de
l’HB sur la santé chez les personnes de poids normal est le même que chez les personnes en surpoids ou obèses.
L’HB coexiste aussi avec d’autres troubles psychiatriques, le plus souvent les troubles de l’humeur, l’anxiété et la toxicomanie. [17] Le risque
de suicide est élevé chez les personnes souffrant d’HB. [18] Les personnes souffrant d’HB ressentent une altération significative du
fonctionnement psychosocial. Les données de l’étude nationale réitérée sur la comorbidité indiquent que l’HB est une maladie
chronique associée à un handicap significatif.[4] L’HB à début précoce prédit des chances réduites de se marier chez les femmes
et des chances réduites de trouver un emploi chez les hommes. L’HB a été associée à une augmentation significative du nombre
de jours où la personne éprouve de la difficulté à assumer un rôle, bien que cela s’explique en grande partie par la présence de
comorbidités.[19] Le fonctionnement conjugal chez les femmes souffrant d’HB est comparable ou pire au fonctionnement conjugal
des femmes avec d’autres troubles psychiatriques importants.[20] Nous ne savons rien au sujet du fonctionnement relationnel chez
les hommes souffrant d’HB.
Les personnes obèses souffrant d’HB signalent un fonctionnement psychologique sensiblement plus pauvre que les personnes
obèses sans HB, [21] et les personnes de poids normal et en surpoids souffrant d’HB signalent des caractéristiques psychologiques
équivalentes à celles des troubles de l’alimentation et de la dépression. [22]
Causes
Les causes de tous les troubles de l’alimentation sont multifactorielles et comprennent à la fois les facteurs génétiques [23] et
environnementaux. [24] Parce que l’HB a été définie plus récemment que l’anorexie ou la boulimie, il existe moins de recherche
sur la génétique de l’HB. La recherche sur la famille, les jumeaux et la génétique moléculaire suggère que les facteurs familiaux
et génétiques influencent le risque d’HB. Un petit nombre d’études de la famille ont été menées et, avec une seule exception,
révèlent que l’HB est familiale. [25-27]
Cette observation a été renforcée par les résultats des études sur les jumeaux, qui estiment l’héritabilité de 39 % à 45 %. [28,29]
Les études sur la neurobiologie de l’HB mettent l’accent sur le fait que l’HB est souvent associée à des comportements dérégulés
supplémentaires, y compris les addictions comportementales et liées à des substances. Surtout lorsqu’elle s’ajoute au surpoids
ou à l’obésité, l’HB peut être provoquée et maintenue par certaines des mêmes anomalies physiopathologiques que l’on retrouve
dans la toxicomanie, y compris la valeur de renforcement de l’alimentation (c.-à-d. les voies biochimiques de récompense du
cerveau dopaminergiques et opioïdergiques). [30] Les voies biochimiques de récompense naturelles du cerveau sont activées à la
fois par les aliments au goût agréable et l’abus des drogues. [31]
Jennings et ses collègues [32] ont utilisé des techniques optogénétiques pour stimuler les neurones de l’acide γ-aminobutyrique
(GABA) dans le noyau du lit de la strie terminale (BNST, pour l’anglais « bed nucleus of the stria terminalis »). Le BNST est un
affleurement de l’amygdale, une partie du cerveau associée aux émotions qui relie également l’amygdale et l’hypothalamus
latéral, qui entraîne les fonctions primaires comme manger, le comportement sexuel et l’agression. La stimulation de celui-ci a
entraîné une frénésie alimentaire et l’arrêt de la stimulation a entraîné une indifférence pour les aliments très agréables au goût.
Les auteurs suggèrent que le dysfonctionnement dans cette région pourrait interférer avec les déclencheurs de la faim ou de la
satiété, et contribuer à des troubles de l’alimentation humains tels que l’HB. Une élucidation plus poussée de la neurobiologie
des crises de boulimie peut aider à identifier et à affiner des interventions pharmacologiques et non pharmacologiques visant à
perturber l’alimentation non contrôlée.
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Approches diagnostiques
Entretiens cliniques
Pour les enquêteurs sans formation, les 2 principaux instruments sont le Diagnostic Interview Schedule [33] (grille d’entretien pour
le diagnostic) et le Composite International Diagnostic Interview [34] (entretien composite international pour le diagnostic).
L’HB peut aussi être évaluée grâce au « Structured Clinical Interview for DSM-IV » [35] (entretien clinique structuré pour le
DSM-IV) par des personnes ayant reçu une formation à ce sujet. Le « Eating Disorder Examination » [36] (examen du trouble de
l’alimentation) est un instrument bien établi et largement utilisé pour recueillir des informations détaillées sur la pathologie de
l’alimentation; toutefois, une formation est requise. L’échelle d’obsession-compulsion de Yale-Brown pour les crises de boulimie
(Y-BOCS-BE) est un entretien efficace effectué par les cliniciens qui permet d’établir les scores pour l’obsession, la compulsion et
totaux pour les crises de boulimie. [37]
Auto-évaluations
Deux brefs questionnaires d’auto-évaluation permettent de capturer le phénomène des crises de boulimie : Le « Binge Eating
Scale » [38] (échelle des crises de boulimie) et le « Questionnaire for Eating and Weight Patterns-Revised » [39] (questionnaire révisé
sur les habitudes alimentaires et le poids).
Le SCOFF est un bref examen préalable développé d’abord au Royaume-Uni. La version américaine du SCOFF comprend
5 questions qui permettent de déterminer si une évaluation plus approfondie est nécessaire. [40]
Voici les questions du SCOFF :
• Vous rendez-vous malade (vomissements induits) parce que vous ressentez de l’inconfort d’avoir trop mangé?
• Vous inquiétez-vous d’avoir perdu le contrôle de la quantité que vous mangez?
• Avez-vous récemment perdu plus de 14 kilos sur une période de 3 mois?
• Vous croyez-vous gros/grosse quand d’autres disent que vous êtes trop mince?
• Diriez-vous que la nourriture domine votre vie?
L’utilisation généralisée de cet instrument de dépistage serait très utile dans la pratique générale. Alors qu’on demande de plus en
plus aux médecins de travailler avec les patients pour réduire l’IMC, [41] la détection de troubles de l’alimentation est essentielle et
les médecins ont peu de chances d’aider les patients à gérer leur poids si les troubles de l’alimentation sous-jacents ne sont pas
détectés et demeurent non traités.
Conclusion : C’est une maladie, et non un choix
Les troubles de l’alimentation continuent à faire l’objet de beaucoup de honte et de stigmatisation. De nombreuses personnes
souffrent d’HB pendant des décennies sans divulguer leurs symptômes à leurs professionnels de santé et plusieurs ne sont pas
conscientes que leur alimentation non contrôlée est un syndrome reconnu et traitable. Deux défis importants sont de sensibiliser
sur la nature et la traitabilité de la maladie, et de réduire la stigmatisation et la honte qui y sont rattachées. Les personnes qui
sont en surpoids ou obèses sont stigmatisées partout dans le monde, même au sein de la profession médicale, et les personnes
en surpoids ou obèses présentant un diagnostic d’HB sont doublement stigmatisées. Comprendre que les causes de l’HB sont
multiples et qu’elles comprennent à la fois des facteurs génétiques et environnementaux peut aider à reconnaître que l’HB est une
maladie, et non un choix.
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Communication patient-clinicien dans l’HB
Charles P. Vega, MD : Bonjour. Je suis le Dr Charles Vega, professeur clinicien de médecine familiale à l’Université de Californie à
l’Irvine School of Medicine. Je suis également le directeur général du Programme Irvine de l’UC pour l’éducation médicale de la
communauté latino-américaine à Irvine, en Californie. Aujourd’hui, nous allons discuter de l’HB.
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Je suis accompagné du Dr Susan McElroy, directrice de recherche au Centre Linder de HOPE à Mason, en Ohio, et professeur de
psychiatrie et de neuroscience comportementale au College of Medicine de l’Université de Cincinnati, à Cincinnati, dans l’Ohio.
Soyez la bienvenue, Dr McElroy.
Susan L. McElroy, MD : Bienvenue, je vous remercie.
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Dr Vega : L’objectif de ce programme est de discuter des stratégies de communication entre les cliniciens et les patients afin
d’optimiser la gestion de l’HB. Nous comprenons que la meilleure façon de traiter l’HB est d’utiliser une équipe multidisciplinaire.
Dr McElroy, pouvez-vous décrire les types de cliniciens qui devraient suivre les patients atteints d’HB?
Dr McElroy : Un large éventail de cliniciens peut traiter les patients souffrant d’HB. Le plus important est sans doute le médecin
généraliste parce que les gens souffrant d’HB ont souvent un certain nombre de problèmes médicaux qui doivent être gérés. Le
médecin généraliste peut également fournir un soutien psychologique. D’autres professionnels de santé sont souvent nécessaires,
tels que les psychologues et les travailleurs sociaux, pour fournir une psychothérapie plus spécialisée afin d’aider les gens à
reprendre le contrôle de leur alimentation. Il peut être nécessaire de faire appel à des psychiatres.
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Les autres membres de l’équipe peuvent inclure les diététiciens, les infirmières et le personnel administratif. Comme nous le
verrons plus tard, le personnel administratif peut être extrêmement utile à ces patients.
Ensuite, en raison des problèmes médicaux spécifiques à ces patients, on peut faire appel à un gastro-entérologue. En outre, on
peut faire appel à des chirurgiens bariatriques parce que beaucoup de personnes souffrant d’HB ont des difficultés avec l’obésité
et poursuivront un traitement de perte de poids par la chirurgie.
Dr Vega : Absolument, cela peut représenter une vaste équipe, mais c’est ce qui est nécessaire pour vraiment apporter les
meilleurs soins possible à ces patients et obtenir les meilleurs résultats pour les patients sur le plan de l’efficacité. Je pense
aussi qu’il est utile de souligner que la sécurité des patients est primordiale dans le traitement des patients souffrant d’HB et
cela signifie avoir une bonne communication entre les membres de l’équipe. Si l’un des professionnels de santé donne des
médicaments et qu’un autre effectue une thérapie verbale et découvre un problème important dans la vie du patient concernant
son contexte psychosocial, cette information doit être communiquée afin de maintenir la sécurité du patient avant tout.
Je souhaite parler de l’importance d’une communication efficace avec les patients. Amorcer la conversation avec les patients au
sujet des troubles de l’alimentation et la découverte initiale de l’HB peuvent être très difficiles. Dr McElroy, comment abordez-vous
le patient que vous croyez souffrir d’HB?
Dr McElroy : Il est important de comprendre qu’il faut un peu de temps, mais ce temps est bien investi. Les médecins généralistes
et un large éventail de cliniciens peuvent procéder à cette évaluation. J’effectue une brève évaluation des troubles de
l’alimentation dans laquelle je commence avec une question ouverte comme « Avez-vous des préoccupations au sujet de votre
comportement alimentaire? »
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Je continue ensuite avec une question sur les antécédents d’anorexie mentale. Cela donne au patient le message qu’un trouble de
l’alimentation est un trouble. Ce n’est pas un défaut de caractère. Ce n’est pas un échec personnel.
Ensuite, je vais passer aux questions sur les crises de boulimie et ma question préférée est probablement la suivante : « Avez-vous
déjà senti que vous aviez perdu le contrôle de la quantité de nourriture que vous consommiez? »
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Je poursuis avec quelques autres questions, mais, selon mon expérience, cette question est celle qui retient le plus l’attention des
patients atteints d’HB parce que la perte de contrôle est ce qui est le plus alarmant. Voici d’autres questions à prendre en compte :
« Avez-vous déjà eu des crises de boulimie au cours desquelles vous avez mangé une quantité exceptionnellement importante de
nourriture et ne pouviez pas contrôler la quantité que vous avez mangée ou ne pouviez pas arrêter de manger? » et « Avez-vous
déjà mangé en secret parce que vous aviez honte de la quantité de nourriture que vous mangiez? »
Si vous déterminez alors que le patient a des crises de boulimie, il est très important de poser une question sur le comportement
de purge. Par exemple, vous pouvez demander : « Avez-vous fait quelque chose pour lutter contre la suralimentation, comme
sauter des repas, vous faire vomir, utiliser trop de laxatifs ou faire de l’exercice à l’excès? »
Dr Vega : Ce sont d’excellentes questions et des points importants pour chacun d’entre nous. Bien sûr, j’aime la question
concernant les comportements alimentaires hors de contrôle, parce que je crois que c’est une question ouverte et centrée sur le
patient. À qui nous recommandez-vous de poser des questions sur l’HB? Devrions-nous effectuer le dépistage auprès de tous les
patients pour une éventuelle HB, ou est-ce que ce devrait être un sous-ensemble de patients?
Dr McElroy : C’est une excellente question. Les psychiatres doivent effectuer le dépistage auprès de tous les patients; certes, les
spécialistes des troubles de l’alimentation doivent le faire.
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Cependant, compte tenu de la quantité limitée de temps dont peuvent disposer d’autres cliniciens, je pense qu’il y a des signaux
d’alarme clairs qui déterminent quand nous devons certainement poser des questions sur les crises de boulimie – et sans
équivoque, chaque fois que quelqu’un se présente avec un problème de poids. Si un patient est en surpoids ou obèse, et qu’il
est préoccupé par son poids et qu’il a suivi de nombreux programmes de perte de poids sans succès, nous devons certainement
penser à lui poser des questions sur les crises de boulimie.
Les personnes souffrant de complications médicales de l’obésité telles que le diabète, la dyslipidémie et même un syndrome
métabolique, sont un autre groupe important de patients chez qui la présence de crises de boulimie doit être évaluée, en
particulier lorsque ce problème médical précis a été difficile à contrôler. Parfois, les crises de boulimie contribuent au dérèglement
et au trouble médical. Ensuite, certains indices psychologiques nous portent à effectuer un dépistage de l’HB. Nous devons poser
des questions à propos des crises de boulimie à toute personne qui se présente avec des problèmes de poids. Par exemple, si
un patient est en surpoids, mais qu’il est convaincu qu’il est obèse, vous devez lui poser des questions à propos des crises de
boulimie.
Ensuite, il y a des patients qui éprouvent des problèmes psychologiques comme l’anxiété et la dépression. Il est important
de poser des questions sur les crises de boulimie dans cette situation aussi, surtout si la personne a des complications
psychologiques et est obèse. Lorsque ces deux préoccupations sont réunies, c’est-à-dire la dépression et l’obésité, alors il y a une
très forte probabilité de découvrir que le patient a des crises de boulimie, si vous lui posez des questions à ce sujet.
Dr Vega : Ce sont toutes d’excellentes remarques. Pour répondre aux préoccupations de plusieurs médecins généralistes, le
dépistage universel de l’HB en médecine générale n’est pas indiqué à ce moment-ci. Cependant, le dépistage des patients
présentant des conditions à haut risque, qui sont si communes dans la pratique de médecine générale, est d’une importance
cruciale. En outre, nous posons déjà des questions sur le régime alimentaire et l’appétit des patients qui sont obèses, qui souffrent
de diabète et de dépression. Il est très facile d’insérer une question simple comme : « Avez-vous perdu le contrôle de votre
alimentation à un moment donné? » Cette question ouverte peut permettre d’établir un diagnostic d’HB.
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Une fois qu’un médecin généraliste identifie l’HB, il est important de commencer immédiatement le paradigme de traitement et
de souligner quelques points pour le patient qui, selon moi, peuvent le mettre sur la bonne voie pour commencer le traitement.
Tout d’abord, ce trouble est très répandu. Aux États-Unis, jusqu’à 3 % des femmes et jusqu’à 2 % des hommes souffrent d’HB, ce
qui représente des millions de personnes. [42] Cet état est sous-diagnostiqué dans notre environnement actuel. Deuxièmement,
je suis un adepte de la pensée positive quand vient le temps de motiver les patients à changer. Il est important de les aider à
identifier leurs propres raisons de vouloir changer. Souligner aux patients qu’ils peuvent s’améliorer est un moyen important
d’y parvenir. La majorité des patients atteints de ce trouble qui reçoivent le bon traitement parviennent à guérir. [43] Ils peuvent
s’améliorer et il est important de le souligner dès le début. Commencez par établir des objectifs pour le traitement, mettez
en place votre équipe multidisciplinaire et mettez-les sur le chemin du bien-être. Plusieurs de ces patients se sentent perdus.
Ils peuvent se sentir comme pris dans une lutte. Leur donner le bon renforcement positif dès le début est très important en
médecine générale.
Parlons de stratégies pour le traitement et le suivi. L’un des défis auxquels les médecins généralistes peuvent faire face, même si
votre patient s’améliore effectivement, c’est d’encourager l’observance thérapeutique. Ces patients peuvent être déprimés et ils
peuvent avoir de la difficulté à commencer le traitement eux-mêmes. Quelles sont quelques-unes des stratégies que vous pouvez
utiliser pour promouvoir l’observance thérapeutique?
Dr McElroy : Je souligne aux patients qu’il s’agit d’un état dont ils peuvent guérir, mais il est important qu’ils apprennent à ce sujet
et qu’ils prennent bien soin d’eux-mêmes. Il existe un certain nombre de stratégies d’auto-thérapie disponibles qui sont efficaces
chez certains patients. Il existe également un organisme de soutien appelé « Binge Eating Disorder Association » (association
américaine sur l’HB), que je recommande aux patients pour leur permettre d’obtenir plus d’informations.
Il est important de se rappeler que des personnes différentes répondront à différents traitements. Avec un peu de soutien,
certaines personnes répondent à des stratégies d’auto-thérapie très simples. D’autres personnes ont besoin d’une psychothérapie,
ou d’une psychothérapie plus spécialisée et d’autres peuvent avoir besoin de médicaments. La chose importante est d’informer le
patient qu’il y a plusieurs possibilités de traitement et qu’il faut parfois simplement un peu de temps pour trouver la stratégie de
traitement qui lui convient le mieux.
Dr Vega : C’est tout à fait vrai. Les médecins généralistes ont comme rôle de coordonner l’équipe multidisciplinaire et de gérer
les facteurs de comorbidité de ces patients, que ce soit l’obésité, le diabète, l’hyperlipidémie, ou même la dépression et l’anxiété.
Nous faisons tous partie de la même équipe qui tâche de prendre soin de ces patients.
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Je trouve aussi que les médecins généralistes, en particulier, ont une orientation vers le modèle psychosocial des soins de santé et
peuvent être en mesure d’identifier les déclencheurs de stress dans la vie du patient, comme la perte d’un emploi ou la forclusion.
J’ai remarqué qu’identifier ces déclencheurs de stress et essayer d’aider vos patients de manière proactive pendant ces périodes
difficiles peuvent empêcher la régression ou la rechute de leur HB, en particulier pour les patients qui ont fait de bons progrès.
C’est là que mon devoir de médecin généraliste peut être d’envoyer le patient voir un spécialiste de la santé mentale ou de le
renvoyer voir un diététicien, et de demander à mon personnel d’appeler le patient et de voir comment il surmonte ces périodes
difficiles.
Dr McElroy, avez-vous d’autres commentaires sur les stratégies de prise en charge ou de suivi?
Dr McElroy : Les patients atteints d’HB doivent adopter un style de vie plus régulier. Ils doivent suivre un horaire de repas régulier.
Ils doivent adopter une bonne hygiène du sommeil. Il est optimal qu’ils fassent un peu d’exercice. Il a été montré que toutes ces
stratégies permettent de traiter les crises de boulimie. La chose importante est qu’ils ne perdent pas espoir.
Dr Vega : Oui et ils doivent maintenir cette attitude positive. Je ne pourrais pas être plus d’accord. Changeons un peu de sujet.
Parlez-moi de votre paradigme pour l’orientation des patients souffrant d’HB.
Dr McElroy : En tant que psychiatre, si un patient souffrant d’HB vient me voir, je tiens avant tout à savoir s’il voit un médecin
généraliste pour m’assurer que quelqu’un s’occupe de sa santé physique. Selon mon expérience, beaucoup de ces gens
n’en ont pas, de sorte que c’est une première étape importante du plan de traitement. Je vais aussi orienter les gens vers les
diététiciens quand ils disent des choses comme : « Je ne sais pas comment bien manger. » Nous ajoutons alors un diététicien
ou un nutritionniste à l’équipe. Pour les personnes souffrant d’HB, leurs problèmes d’alimentation peuvent être plus graves et
chaotiques.
En outre, ils ont des problèmes relationnels ou d’estime de soi. Je peux demander au patient de voir un psychologue ou même
un travailleur social qui a une certaine expertise dans le traitement des personnes souffrant de troubles de l’alimentation.
L’important, c’est qu’il y ait une équipe en place pour répondre à ces besoins.
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Dr Vega : Une approche en équipe est une composante clé du traitement. De mon point de vue en tant que médecin généraliste,
je crois vraiment qu’il faille utiliser une approche en équipe au début, en particulier pendant la phase aiguë du traitement de
l’HB. L’évidence suggère que c’est le meilleur traitement pour ces patients, alors j’essaie de faire participer les spécialistes au tout
début, plutôt que d’attendre. D’autre part, les médecins généralistes peuvent gérer ces patients dans la phase de maintenance,
en particulier s’ils restent à l’écoute des indices de leurs patients, continuent à poser des questions à ce sujet et veillent à ce qu’ils
gardent le contrôle de leur alimentation.
Nous avons mentionné le personnel à quelques reprises déjà et je tiens à souligner à quel point celui-ci est important dans la
gestion des patients souffrant d’HB.
J’essaie de responsabiliser notre personnel parce que, quand il est question de communication entre les bureaux des médecins,
ce sont souvent eux qui font les appels téléphoniques et l’envoi de télécopies ou de courriels. C’est leur domaine. De plus, j’aime
que notre personnel fasse partie de l’équipe de thérapeutes. Les membres du personnel connaissent ces patients, ils viennent
à les connaître au fil du temps et ils connaissent leur état médical, comme l’HB. Ils peuvent faire le suivi auprès d’eux en termes
de visites à la clinique, mais aussi par des appels téléphoniques simplement pour les soutenir et s’assurer du bien-être de ces
patients. Cela peut être critique pour identifier les points de difficultés, lesquels peuvent être une vraie menace pour les patients.
Nous utilisons des intervenants-pivots dans notre clinique. C’est un excellent moyen par lequel quelqu’un avec un peu de
formation peut faire une réelle différence dans la vie des patients souffrant d’HB. Beaucoup de ces patients peuvent avoir de la
difficulté à commencer les soins appropriés par eux-mêmes. L’intervenant-pivot peut les aider à prendre leurs rendez-vous et à
aider à communiquer entre les bureaux médicaux et il peut vraiment emboîter toutes les facettes pour nous dans ce qui peut être
un environnement très chaotique et écrasant pour ces patients. Nous avons eu beaucoup de succès avec des étudiants bénévoles
qui poursuivent des carrières dans la santé. Ils acquièrent une expérience de travail directe avec les patients et ils aident vraiment
les patients.
Je voudrais passer à certains des messages clés que je considère avoir une valeur relative dans notre conversation. Merci encore,
Dr McElroy, pour les excellents points que vous avez présentés. Pour les médecins généralistes, il est important de se rappeler que
l’HB est très commune, alors tâchez de l’identifier. Vous posez déjà des questions sur l’alimentation et l’appétit chez les patients
à risque. Il suffit d’aller un peu plus loin et de poser la question sur l’alimentation incontrôlée, et vous aurez très souvent une
révélation lors de cette visite du patient.
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Lorsque vous identifiez l’HB, commencez le processus d’orientation assez tôt afin de la traiter le plus efficacement possible;
ensuite, n’oubliez pas de vous en occuper. Vous êtes responsable de la gestion des comorbidités du patient et je sais combien il
peut être difficile de prendre en charge le diabète, l’hyperlipidémie et l’obésité du patient, sans parler de la douleur au genou et
du mal de tête. L’HB sera toujours un problème, alors n’oubliez pas de continuer à la traiter. Assurez-vous de poser des questions
au patient sur ses habitudes alimentaires de façon régulière. Lorsque vous identifiez l’HB et traitez ce patient de façon efficace,
les résultats peuvent être exceptionnels et vous pouvez vraiment faire une différence importante dans la vie des patients en
prévenant la morbidité grave et en les aidant simplement à vivre mieux, à vivre plus heureux et à être plus en contrôle de leur
propre vie.
À titre de médecin généraliste, je trouve que le traitement de l’HB est une expérience très intéressante. Quels sont vos messages
clés, Dr McElroy?
Dr McElroy : L’HB est commune.
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En soi, les crises de boulimie sont un symptôme cible médical très important et si vous prenez le temps de poser 1 seule
question, vous pouvez souvent découvrir que le patient a des crises de boulimie en lui demandant s’il a déjà eu l’impression
que son alimentation était hors de contrôle. L’HB est très traitable; il existe plusieurs traitements possibles. Beaucoup de gens
en guérissent, mais pour certaines personnes, la guérison peut nécessiter un peu plus de travail. C’est une maladie importante,
courante, facile à identifier et facile à gérer.
Dr Vega : Dr McElroy, merci encore de vous être jointe à moi pour cette discussion intéressante et merci à vous, le public, d’avoir
participé à cette activité. Veuillez cliquer sur le lien Obtenir un crédit FMC/FC pour accéder au post-test et à l’évaluation FMC/FC.
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Cette transcription a été éditée à des fins de style et de clarté.
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Les progrès récents dans le traitement de l’HB
Introduction
L’HB, le trouble de l’alimentation le plus commun, est un problème de santé publique important qui est souvent chronique et
associé à des comorbidités psychiatriques et médicales importantes, notamment l’obésité et l’obésité de classe II.[4,44,45] Les études
portant sur la psychobiologie des comportements d’HB suggèrent que les crises de boulimie peuvent être liées à un dérèglement
des mécanismes homéostatiques de l’alimentation et à des modifications du système de récompense du cerveau, des processus
supérieurs d’autorégulation corticaux et des systèmes de neurotransmetteurs tels que les voies dopaminergiques.[46-48]
Comme pour d’autres troubles psychiatriques, la recherche sur le traitement a mis l’accent sur l’élaboration de stratégies
psychothérapeutiques et pharmaco-thérapeutiques pour traiter le comportement de base de l’HB.
Psychothérapie
La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) est le traitement psychothérapeutique le mieux étudié et le mieux établi pour l’HB. [43,49]
L’objectif de la TCC dans l’HB est de briser les cycles d’HB/régime par la promotion d’habitudes alimentaires plus saines et plus
équilibrées (voir le tableau). Des études indiquent que la TCC dans les paramètres individuels et de groupe est supérieure à
l’absence de traitement, à une thérapie de soutien et à la perte de poids comportementale, lorsque mesurée par rapport aux taux
d’abstinence de crises de boulimie. [49]
Tableau. Traitements psychologiques pour l’HB
Traitement Approche théorique
Thérapie cognitivo-comportementale Briser les cycles d’HB/régime par la promotion d’habitudes alimentaires plus saines et plus équilibrées
Psychothérapie interpersonnelle Basée sur l’idée que les crises de boulimie sont un mécanisme d’adaptation malsain pour les relations interpersonnelles
insatisfaisantes
Perte de poids comportementale La perte de poids par l’activité physique accrue et la réduction de
l’apport calorique
Thérapie comportementale dialectique Met l’accent sur la pleine conscience, la tolérance à la détresse et une
saine régulation des émotions
La psychothérapie interpersonnelle (PIP) a été développée comme un traitement pour l’HB en se basant sur la notion que les
crises de boulimie sont un mécanisme d’adaptation malsain pour les relations interpersonnelles insatisfaisantes. Dans un essai
clinique randomisé (ECR), après 20 séances, l’efficacité de la PIP était comparable à celle de la TCC sur les taux d’abstinence de
crises de boulimie lors de suivis à 1 an et à 5 ans.[50] La PIP peut présenter certains avantages par rapport à la TCC, notamment une
plus grande acceptabilité, des attentes de succès plus élevées et une plus grande efficacité dans les populations de minorités
ethniques et chez les patients souffrant de crises de boulimie plus graves et ayant une plus faible estime de soi.[48]
Le traitement par la perte de poids comportementale, une approche commune pour le traitement de l’obésité, met l’accent sur la
perte de poids grâce à l’activité physique et la réduction de l’apport calorique. Une méta-analyse récente des études de la perte
de poids comportementale chez les patients souffrant d’HB a déterminé que le bénéfice était irrégulier [51] et que la perte de poids
comportementale était inférieure à la TCC et à la PIP dans les ECR. [48]
Les progrès récents dans la gestion du trouble
de l’hyperphagie boulimique
La thérapie comportementale dialectique (TCD) adaptée au traitement de l’HB met l’accent sur la pleine conscience, la tolérance
à la détresse et la saine régulation des émotions pour éviter le rôle des crises de boulimie comme moyen d’adaptation malsain
hypothétique pour faire face à l’affect négatif.[48] Deux études de TCD pour l’HB ont montré des taux d’abstinence initiaux
prometteurs par rapport aux groupes de contrôle, mais la pérennité de ces taux n’a pas encore été prouvée.[48]
Pharmacothérapie
À l’heure actuelle, il n’y a pas de médicaments autorisés par la Food and Drug Administration (FDA) américaine pour le traitement
de l’HB; donc, tous les médicaments mentionnés représentent une utilisation non indiquée sur l’étiquette de ces agents. Toutes
les études décrites ont été identifiées par une recherche effectuée sur PubMed de tous les articles publiés en anglais jusqu’en
novembre 2013. Seuls les ECR portant sur les cas aigus (généralement sur 8 semaines) et de maintenance contrôlés par placebo
comptant 20 sujets ou plus (ou 8 sujets ou plus dans les méthodologies en cross-over) ont été retenus. Les critères primaires
d’évaluation de ces ECR sont généralement le changement dans la fréquence des épisodes de crise de boulimie (fréquence des
crises de boulimie) ou des jours avec crise de boulimie (nombre de jours pendant lesquels au moins 1 crise de boulimie se produit
ou fréquence de jours avec crises de boulimie), le taux de rémission ou de réponse dans le comportement de crise de boulimie
et, dans certaines études, la perte de poids. Les critères secondaires comprenaient des changements dans les indicateurs globaux
de la pathologie du trouble de l’alimentation, les symptômes de l’humeur, l’amélioration clinique générale, les mesures de
laboratoire et l’observance du traitement. Comme pour de nombreux ECR qui tentaient d’étudier des sujets ne présentant que le
diagnostic principal, les sujets atteints de troubles psychiatriques ou de comorbidités graves ou instables étaient généralement
exclus.
Antidépresseurs
À ce jour, l’efficacité des antidépresseurs dans le traitement aigu de l’HB a été examinée dans 9 ECR.[52] Dans une méta-analyse de
7 de ces ECR,[53] le traitement avec antidépresseurs (6 avec des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine [ISRS] et 1 avec
un antidépresseur tricyclique) a été associé à des taux de rémission d’HB (40,5 %) plus élevés par rapport au groupe placebo
(22,2 %; RR : 0,77 [intervalle de confiance à 95 % de 0,65 à 0,92; P = 0,003]). Sans surprise, l’amélioration des symptômes dépressifs
était significativement plus élevée dans le groupe avec antidépresseur. Il n’y avait pas de différences significatives entre le groupe
avec antidépresseur et le groupe placebo concernant la fréquence moyenne des épisodes de crise de boulimie, l’IMC ou l’arrêt du
traitement pour une raison quelconque.
Dans un récent ECR sur 8 semaines chez les femmes en surpoids souffrant d’HB, aucune différence significative n’a été observée
entre le traitement avec le bupropion et le placebo concernant la fréquence des crises de boulimie; toutefois, les sujets du groupe
avec bupropion ont perdu plus de poids que ceux du groupe placebo (1,8 % comparativement à 0,6 %). [54]
Un ECR a comparé l’efficacité de la duloxétine à un placebo chez des sujets souffrant d’HB et de dépression concomitante et a
constaté que le groupe sous duloxétine a obtenu une amélioration plus importante de l’HB, du poids corporel et des indicateurs
globaux d’amélioration dans les cas d’HB avec dépression.[55]
Antiépileptiques
Deux ECR importants avec le topiramate contrôlés par placebo ont montré que le traitement de l’HB par le topiramate était
supérieur au placebo pour réduire la fréquence des crises de boulimie, les caractéristiques obsessionnelles-compulsives de l’HB, la
gravité générale de la maladie, le poids et l’IMC. [56,57] Les taux d’abandon dans le groupe sous topiramate étaient de 47 % dans le
cas du premier essai et de 30 % dans le second.
Dans un ECR sur 12 semaines, le zonisamide s’est avéré supérieur au placebo pour réduire la fréquence des crises de boulimie,
le poids corporel, l’IMC, les indicateurs de gravité générale, la désinhibition de manger et les caractéristiques obsessionnellescompulsives de l’HB.[58] Toutefois, les taux d’abandon étaient élevés tant pour le groupe sous zonisamide (60 %) que pour le
groupe sous placebo (40 %).
Stimulants
Dans un ECR sur 10 semaines, l’atomoxétine, un inhibiteur sélectif de la recapture noradrénergique, était supérieure au placebo
pour réduire les crises de boulimie, la gravité générale des crises de boulimie, les caractéristiques obsessionnelles de l’HB, la faim
et le poids corporel chez les sujets souffrant d’HB. Les taux d’abandon étaient de 30 % dans le groupe sous atomoxétine et de
45 % dans le groupe placebo. [59]
Les progrès récents dans la gestion du trouble
de l’hyperphagie boulimique
Le dimésylate de lisdexamfétamine, qui est approuvé pour le traitement du trouble d’hyperactivité avec déficit d’attention, est à
l’étude comme traitement possible pour l’HB.[60] Les essais de phase 3 évaluant l’innocuité et l’efficacité de la lisdexamfétamine ont
été achevés et les résultats sont attendus prochainement.
Agents anti-obésité
Dans un ECR sur 24 semaines, l’orlistat était supérieur au placebo (les deux étaient pris en combinaison avec un régime
modérément hypocalorique) pour ce qui concerne le pourcentage moyen de perte de poids et de réduction du tour de taille et
de hanches, du pourcentage de graisse corporelle et de cholestérol total, de la pression artérielle diastolique et du taux d’insuline,
mais pas de la variation moyenne du nombre d’épisodes de crise de boulimie.[61] Les taux d’abandon étaient plus élevés dans le
groupe placebo (29 %) que dans le groupe sous orlistat (11 %).
Autres agents
Les ECR portant sur la naltrexone [62] et l’ALKS-33[63], des antagonistes des opioïdes, n’ont pas montré de supériorité de l’un ou
l’autre par rapport au placebo pour traiter les patients atteints d’HB. Dans un ECR sur 10 semaines chez 40 patients souffrant d’HB,
l’acamprosate n’était pas supérieur au placebo bien qu’il soit possible que le nombre de sujets de cet essai n’ait pas été suffisant. [64]
Dans un petit essai croisé (N = 12) sur 48 jours, le baclofène, un agoniste des récepteurs de GABAB, était supérieur au placebo pour
réduire la fréquence de l’HB. [65]
Enfin, le chrome (1 000 et 600 μg/j) a été comparé à un placebo dans un ECR à 3 bras sur 6 mois comptant 24 sujets en surpoids
souffrant d’HB. [66]
Les deux groupes traités au chrome ont présenté des réductions significatives de la glycémie à jeun par rapport au groupe
placebo, mais il n’y avait aucune différence significative dans les indicateurs de résultats sur les crises de boulimie dans ce tout
petit essai pilote.
Psychothérapie et pharmacothérapie combinées
Les ECR faisant usage de polythérapie dans le traitement de l’HB ont donné des résultats mitigés. Une étude a fourni des conseils
diététiques et un soutien psychologique aux deux groupes, mais un groupe a reçu un placebo et l’autre a reçu de l’imipramine
dans une étude sur 8 semaines. [67] Le groupe recevant l’imipramine a montré une amélioration beaucoup plus importante de l’HB
et de la perte de poids et ces résultats s’étaient maintenus lors du suivi à 8 mois malgré l’arrêt de l’imipramine.
Une deuxième étude à 4 bras a comparé un groupe TCC-placebo, un groupe TCC-fluoxétine, un groupe fluoxétine en
monothérapie et un groupe placebo sur 16 semaines. [68] Le groupe TCC-placebo et le groupe TCC-fluoxétine ont montré une
plus grande amélioration par rapport au groupe sous fluoxétine et au groupe placebo à réduire l’HB. Il semble n’y avoir aucun
avantage supplémentaire dans le groupe TCC-fluoxétine par rapport au groupe TCC-placebo, et aucun groupe de traitement n’a
affiché une perte de poids significative. Ces résultats s’étaient maintenus lors de suivis à 6 mois et à 12 mois après le traitement. [69]
Une autre étude a randomisé les patients qui recevaient une prise en charge comportementale du poids en groupe avec TCC ou
sans TCC, et avec fluoxétine ou placebo. [70] La TCC, mais sans fluoxétine, a été efficace à réduire l’HB. Aucun groupe de traitement
n’affichait de perte de poids significative.
Un ECR a comparé le topiramate à un placebo chez les patients qui ont aussi reçu une TCC et ont trouvé une amélioration
significative dans le groupe topiramate-TCC par rapport au groupe placebo-TCC concernant le taux et la moyenne de la perte de
poids, et la rémission de l’HB. [71]
Deux études ont étudié l’orlistat en combinaison avec des traitements psychologiques. Dans la première étude, les patients
recevant une TCC d’entraide guidée ont été randomisés à l’orlistat ou au placebo pendant 12 semaines et évalués de nouveau lors
d’un suivi à 3 mois. [72] Les taux de rémission étaient plus élevés pour le groupe sous l’orlistat à la fin de l’étude, mais pas lors du
suivi à 3 mois. Par contre, les taux de réduction d’au moins 5 % du poids corporel étaient supérieurs pour le groupe sous l’orlistat à
la fin de l’étude et lors du suivi à 3 mois. Le deuxième ECR comparait l’orlistat au placebo chez les patients obèses avec ou sans HB
recevant un traitement de perte de poids comportementale. [73] Le groupe orlistat-perte de poids comportementale a affiché une
plus grande perte de poids que le groupe placebo-perte de poids comportementale chez les patients sans HB, mais pas chez les
patients souffrant d’HB.
Les progrès récents dans la gestion du trouble
de l’hyperphagie boulimique
Chirurgie pour traiter l’obésité
L’HB a été étudiée comme facteur prédictif des résultats (perte de poids) en chirurgie bariatrique de l’obésité dans un certain nombre
d’études, avec des résultats mitigés. Deux études ont montré que l’HB préopératoire n’a pas permis de prédire les résultats[74,75] et
3 autres ont indiqué que la présence de l’HB préopératoire et postopératoire n’a pas d’incidence sur les résultats.[76-78]
Dans deux études qui ont évalué les symptômes de l’HB postopératoire, la chirurgie a été signalée comme ayant une incidence
positive sur le comportement d’HB. [77,78] En revanche, l’HB postopératoire a été signalée comme un facteur prédictif négatif de
perte de poids après la chirurgie bariatrique dans au moins quatre autres études. [79-82]
Résumé
La plupart des recherches sur l’HB ont été menées au cours de la dernière décennie et il reste beaucoup à apprendre
sur l’utilisation optimale des associations d’approches psychologiques et pharmacologiques. En général, les approches
psychothérapeutiques ciblant l’HB semblent avoir du succès dans la réduction des crises de boulimie chez de nombreux patients,
mais elles ont une incidence limitée sur la perte de poids. De plus, comme pour de nombreuses formes de psychothérapies
opérationnalisées pour les maladies psychiatriques spécifiques, ces approches nécessitent une formation intensive qui requiert du
temps et du financement. Relativement peu d’agents pharmacologiques se sont avérés efficaces pour l’HB dans 2 ECR ou plus. Ces
agents comprennent les ISRS, les tricycliques, le topiramate, la lisdexamfétamine et l’orlistat.
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