Cuche D., La notion de culture dans les sciences sociales, La decouverte, Grands repères, 1996
Vaquez-Broc Manon
Intro :
L’ouvrage La notion de culture dans les sciences sociales a été écrit par Denys Cuche et édité pour la
première fois en 1996. Denis Cuche est professeur de sociologie et d’anthropologie à la Sorbonne ainsi
que chercheur au CEPED. Dans ce livre, l'auteur va tenter de présenter la notion de culture telle
qu'elle est définie et utilisée dans les sciences sociales en privilégiant la sociologie et l'anthropologie.
L’auteur est d'avis que l'analyse de la culture de l'homme est nécessaire afin de bien pouvoir saisir
l'humanité dans sa diversité et que l'analyse biologique ne suffit pas. Si aujourd'hui la notion de culture
est assez largement admise, il n'en fut pas toujours ainsi : la notion de culture a suscité de nombreux
débats et de nombreuses questions. Rien n'est naturel chez l'homme : il est influencé par la culture de
sa société.
L'auteur a découpé le livre en 8 temps, qui vont lui permettre de retracer le chemin de l'acceptation de
la culture dans les sciences sociales ainsi que son utilité.
Chapitre 1 : Genèse sociale du mot et de l'idée de culture
L'importance des mots ; comment ils se forment mais aussi pourquoi ils se forment, c'est ce que se
demande l'auteur. Connaître la genèse du mot est essentiel si l'on veut réellement pouvoir le
comprendre dans sa totalité. Ici l'auteur va tenter de montrer l'histoire du mot « culture » et de cette
idée de culture. Il va donc suivre l'itinéraire du mot culture, en se concentrant sur la façon dont cet
itinéraire est en lien avec les sciences sociale
! Evolution du mot dans la langue française du Moyen âge au XIXe siècle.
Issu du latin « cultura », le mot français « culture » faisait tout d'abord référence (XIIIe) à une
parcelle de terre cultivée. Au XVIe, ce mot finit par designer une action : le fait de cultiver la terre. Ce
n'est qu'au milieu du XVIe siècle qu'apparait le sens figuré c'est à dire le fait de travailler et de
développer une faculté. Au XVIIIe ce sens figuré commence à s'imposer : il désigne alors une chose
cultivé : culture + complément d'objet. Cela montre que cette notion de culture a du mal à s'imposer en
tant que culture a part entière. L'évolution sémantique du mot est décisive dans la langue française du
siècle des lumières, même s'il n'est pas très utilipar les philosophes. Finalement la culture finie par
s'employer seule et désigne alors la formation, l'éducation. Les lumières considèrent la culture comme
un signe distinctif entre les hommes. Cependant le fait que culture soit employée au singulier montre
bien l'humanisme des philosophes. La culture est ensuite associée au progrès, lui même né de
l'instruction, ce qui ramène la notion de culture a la civilisation. Alors que la culture évoque davantage
l'idée de l'indique, la civilisation se rapporte plus au collectif. La civilisation est un processus
d'amélioration des institutions et de la connaissance : elle doit s'étendre à tous les peuples. Ainsi la
culture et la civilisation place l'homme au centre de l'univers : il apparaît alors une « science de
l'homme »(Diderot) et en 1787 : création de l'ethnologie définie comme la discipline qui étudie
l'histoire des peuples vers la civilisation.
! Le débat franco allemand sur la culture
Au XVIIIe apparaît le mot Kultur en Allemagne, emprunté à la langue française. Mais cette
« Kultur » va rapidement se différencier de la notion de la culture en France. En effet certains
intellectuels allemands vont opposer deux systèmes de valeurs : les valeurs dites spirituelles, c'est à
dire des valeurs authentiques et les valeurs courtoises de l'aristocratie. Ces intellectuels, que l'auteur
qualifie d’intelligentsia, reprochent au système d'allemand de trop essayer de calquer les manières
« civilisées » de la cour française. Les valeurs authentiques qui contribuent à l'enrichissement
intellectuel et spirituel seront considéré comme relevant de la culture. La noblesse de cour, civilisée
manque de culture. Apres la révolution française, le terme de civilisation ne désigne plus que, la
France pour faire ainsi de la culture la marque distinctive de la nation allemande toute entiere. Selon
N.Elias cette idée de culture devait remédier à un sentiment d'infériorité de l'Allemagne. L’Allemagne
cherche à s'affirmer en montrant sa culture. C'est une vision particulariste de la culture qui va
s'opposer à la notion française qui est universaliste.
Le mot Kultur est alors devenu pour les allemands l’expression de l’âme profonde d’un
Cuche D., La notion de culture dans les sciences sociales, La decouverte, Grands repères, 1996
peuple alors que la civilisation ne signifiait que le progrès technique. En France la notion de
culture a évolué différemment, elle est désormais signe d’un enrichissement collectif et non
plus individuel. La culture devient au XVIIIe et XIXe siècle une « culture de l’humanité » et
définit les caractères propres d’une communauté. Il y donc, malgré l’influence allemande, une
continuité de la pensée universaliste. Il va y avoir alors un conflit de mot entre l’Allemagne et
la France, chacun voulant se démarquer de l’autre. Cependant, cela va augmenter le conflit
entre les deux conceptions de la culture : universaliste et particulariste dans le but de définir
cette culture dans les sciences sociales.
Chapitre 2 : L’intervention du concept scientifique de culture
La volonté de définir cette culture mais aussi l’humanité va aboutir au XIXème siècle à l’adoption
d’une démarche positive dans la réflexion sur l’homme et la société mais aussi à la création de
disciplines telles que la sociologie ou l’ethnologie en tant que discipline scientifique. Les ethnologues
une unité de l’homme qu’il ne faut pas tenter de définir à l’aide de la biologie. Les ethnologues vont
cesser de penser à la culture dans un sens normatif, ils vont décrire la culture telle qu’elle apparait
dans les sociétés humaines. Il faut se débarrasser de tous jugements de valeurs.
! Tylor et la conception universaliste de la culture
« Culture ou civilisation, pris dans son sens ethnologique le plus étendu, est ce
tout complexe qui comprend la connaissance, les croyances, l’art (…) et les
autres capacités ou aptitude acquises par l’homme en tant que membre de la
société » P.18
Ainsi, culture est pour lui un mot neutre qui permet de penser toute l’humani : dans des
conditions identiques, l’être humain agit partout de façon semblable. Tylor avait pour but de pouvoir
expliquer la culture et son universalité en un seul raisonnement. Il cherche aussi à montrer en
analysant beaucoup de culture, que l’évolution de la culture se fait sous la contrainte des survivances.
Il note ainsi des points communs entre les sociétés primitives et la culture de peuples dits civilisés. Il
note qu’il n’y a entre les deux qu’une simple différence de degré d’avancement dans la voie de la
culture, non pas une différence de nature. Pour lui tous les humains sont des « être de culture ».
Edward Tylor est considéré comme le fondateur de l’anthropologie britannique
! Boas et la conception particulariste de la culture
Boas, allemand, choisit de mener des enquêtes in situ par une observation directe sur les cultures
primitives cela fait de lui l’inventeur de l’ethnographie. Il cherche notamment à montrer que les
différences entre les êtres humains devait être non pas expliquer par la différence des races mais par
la différence de culture. Il rejette ainsi la « notion de race », concept central à l’époque car il n’y a pas
pour lui de « caractères raciaux immuables ». Il adopte donc le concept de culture qui lui permettra de
rendre compte au mieux de la diversité humaine. A l’inverse de Tylor, Boas choisit d’étudier des
cultures et non pas une culture commune à tous les êtres humains. On ne peut pas pour lui découvrir
des lois universelles du fonctionnement d’une société. Il rejette toutes théories qui prétendent pouvoir
tout expliquer. L’ethnologie était pour lui une science d’observation directe, il est ainsi le créateur de
la méthode inductive de terrain mais aussi du relativisme culturel, nécessaire a l’examen méthodique
d’un système culturel. Ce relativisme culturel entrainait nécessairement une conception relativiste de
la culture. Ainsi pour Boas, chaque culture est unique, doté d’un style particulier qu'il a défini et c’est
ce style qui détermine le comportement des individus dans chaque culture.
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! L’idée de culture chez les fondateurs de l’ethnologie française.
La sociologie était tout d’abord considérée en France comme le meilleur moyen de faire des
recherches sur les sociétés humaines, reléguant ainsi l’ethnologie a une branche annexe de la
sociologie.
L’auteur note alors l’absence de concept scientifique de culture ans la recherche française à ses
débuts. En effet, les français avaient tendance à se contentés du terme culture en vigueur, auquel il
préférait civilisation, culture ne désignant qu’une personne cultivée. Les français sont trop imprégnés
dans l’universalisme pour pouvoir penser aux sociétés en tant qu’unités. Les notions de Kultur et
civilisation n’étaient en ce temps que des armes de propagandes. C’est avec l’affirmation de
l’ethnologie que le concept de culture s’affirme progressivement en France même si le terme de
civilisation sera parfois toujours employé.
Durkheim, quant à lui, développa en France une sociologie à orientation anthropologique. Il va
chercher à comprendre le social sous tous ses aspects à travers toutes les formes de sociétés. Les
phénomènes sociaux avaient pour lui nécessairement une dimension culturelle. Toutes les civilisations
particulières contribuent à la civilisation mais chacune de ces civilisations est uniques. Durkheim
soutenait ainsi la relativité culturelle. Cependant, il n’avait pas de réelle réflexion sur la notion de
culture, mais plus sur le lien social. Sa conception de la société comme totalité organique faisait des
civilisations un système complexe e solidaire.
« Ce qu’on peut observer et étudier, ce sont différentes civilisations. Et il faut
entendre par civilisation un ensemble de phénomènes sociaux qui ne sont pas
attachés à un organisme social particulier »P.29
Il a ainsi développé une théorie de la conscience collective qui est une théorie culturelle. C’est cette
conscience collective qui réalise l’unité et la cohésion d’une société. Cette théorie a eu beaucoup
d’influence sur la théorie de la culture comme super organisme d’A. Kroeber. Durkheim, s’il ne
faisait pas de réelle analyse de la culture, avait tout de même une approche unitaire des faits de culture.
Cela l’oppose à Lévy-Bruhl qui a lui, une approche différentielle. Il s’intéressera ainsi aux mentalités
(terme que l’on peut rapprocher de culture) entre les peuples. Il rejette l’idée des « primitifs » ainsi que
la théorie de l'évolutionnisme unitaire. Il rejette aussi un mode de fonctionnement unique de l’esprit
humain. Cela montre bien le débat scientifique de l’époque. D.Merllié va montrer que Lévy-Bruhl dit
que ce qui diffère réellement entre les groupes, ce sont les modes d’exercices de la pensée et non
l’esprit de l’homme en tant que tel. Pour lui, le concept de mentalité, s’il ne détermine pas les modes
de raisonnement au sein d’une même culture ; il permet cependant d’expliquer la diversité des cultures
en indiquant l’orientation générale d’une culture donnée. Cependant cette notion de mentalité n’aura
pas beaucoup de succès.
Chapitre 3 : Le triomphe du concept de culture :
C’est aux Etats-Unis que le concept scientifique de culture reçoit le meilleur accueil, ou le terme de
culture est adopté rapidement dans son sens anthropologique.
! Les raisons du succès
Aux Etats-Unis, c’est l’immigration qui fonde la nation : nation pluriethnique. En effet il se forme
alors un fédéralisme culturel, par lequel les cultures particulières peuvent s’expriment, mais adapter en
fonction de leur nouvel environnement social. La France quant à elle, ne se voyant pas comme un pays
d’immigration, et étant attachée a une représentation unitaire de la nation n’a pas la possibilité de
développer une réflexion sur la diversité culturelle dans les sciences sociales. Tout cela a favorisé aux
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Etats-Unis une interrogation sur les différences culturelles. L’anthropologie américaine sera ainsi
qualifiée de culturaliste, ce qui est réducteurs puisqu’il n’existe pas un culturalisme mais des
culturalismes qui représentent des approches théoriques différentes que l’on peut regrouper en trois
grands courants :
Ainsi, le premier courant se fait sous l’héritage de Boas, qui envisageait la culture sous l’angle
de l’histoire culturelle. Les successeurs de Boas (notamment A. Kroeber et C. Wissler), en
s’appuyant sur les notions d’aires et de traits culturels, vont chercher à définir les plus petits
composants d’une culture. ils étudient la répartition spatiale d’un ou de plusieurs traits
culturels, leur répartition dans des cultures proches et analysent le processus de leur
diffusion. S’il y a convergence de traits semblables, on parle alors d’aire culturelle et c’est
en son centre que se trouvent les caractéristiques fondamentales d’une culture.
Le second courant cherche à analyser les rapports entre culture (collective) et personnalité
(individuelle) en suivant l’analyse fonctionnaliste de la culture que fait Malinowski. Le
fonctionnalisme, centré sur le présent, permet de montrer que chaque culture constitue un
tout cohérent, que tous les éléments d’un système culturels s’harmonisent les uns aux autres
et que ainsi, tout système est équilibré et chaque culture se conserve , identique à elle-même.
Enfin le troisième courant considère la culture comme un système de communication entre les
individus. Les anthropologues vont chercher à comprendre comment les êtres humains
incorporent et vivent leur culture. Par exemple, R. Benedict va tacher de décrire les types
culturels, M. Mead la transmission culturelle et Linton et Kardiner la personnalité de base.
! Les leçons de l’anthropologie culturelle
L’auteur critique ici la présentation réductrice, de la France notamment, des thèses culturalistes.
En effet, le culturalisme serait ainsi représenté comme un système théorique unifié alors que les
propositions théorique du culturalisme ont été avancées progressivement et souvent corrigées. Ainsi
plusieurs critiques sont faites au culturalisme :
L’essentialisme, qui consiste à concevoir la culture comme une réalité en soi, ce à quoi
D.Cuche objecte que si ce peut être le cas pour Kroeber, la plupart des anthropologues ne
sont pas d’accord, notamment M. Mead qui conçoit la culture comme une abstraction.
Une conception statique, figée de la culture alors que les culturalistes ne croient pas à la
stabilité des cultures et font attention aux évolutions culturelles.
Les culturalistes ne parviennent pas à déterminer si l’approche relativiste des cultures,
c’est-à-dire l’unité des cultures, est une méthode ou une théorie.
Cependant si les culturalistes sont beaucoup critiqués, ils ont tout de même beaucoup apporté. Ils
défendent l’idée que si chaque culture est particulière elles fondent ensemble une culture de
l’humanité. De plus, ils ont déterminé ce qui relevait réellement de l’homme et ce qui relevait de la
nature. Enfin, ils ont relevés l’importance de l’éducation Ils font parties de l’école « culture et
personnalité ». Grace au culturalisme, la culture apparait désormais comme un ensemble organisé
d’éléments interdépendants.
! Levi Strauss et l’analyse structurale de la culture
« Toute culture peut être considérée comme un ensemble de système
symboliques au premier rang desquels se placent le langage, les règles
matrimoniales, les rapports économiques, l’art, la science, la religion. Tous ces
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systèmes visent à exprimer certains aspects de la réalité physique et de la réalité
sociale, et plus encore les relations que ces deux types de réalité entretiennent
entre eux et que les systèmes symboliques eux même entretiennent les uns avec
les autres » P.48
Lévi-Strauss cherche à dépasser l’approche particulariste et à s’intéresser à l’invariabilité des
cultures. C’est-à-dire qu’il va chercher à répertorier les invariants, c’est-à-dire les « matériaux
culturel » toujours identiques d’une culture à une autre. L’anthropologie structurale a pour but de
remonter aux fondements universels de la culture, au moment de la rupture avec la nature.
! Culturalisme et sociologie : « sous culture » et « socialisation »
Avec un rapprochement entre sociologie et anthropologie aux Etats Unis se produit aussi la
formation des « études de communautés ». Ainsi apparait la notion de concept de sous culture, qui
s’attache à étudier la diversité culturelle américaine plutôt que l’unité de la culture Américaine. La
socialisation désigne le processus d’intégration d’un individu à une société donnée par l’intériorisation
des modes de penser, de sentir et d’agir, c’est-à-dire des modèles culturels propres à cette société.
! L’approche interactionniste de la culture
Les interactionnistes considèrent la culture comme un système de communication interindividuel,
un ensemble de significations que les individus se communiquent à travers des interactions
individuelles.
Chapitre 4 :L’étude des relations entre les cultures et le renouvellement du concept de culture.
L’auteur s’interroge ici sur le retard des recherches sur l’entrecroisement des cultures. Et sur comment
ils y ont remédié.
! La superstition du primitif
L’orientation de l’ethnologie vers les cultures primitives serait pour R. Bastide les raisons de ce
retard. En effet, pour eux étudier les cultures primitives leur aurait permis de déterminer comment les
sociétés actuelles allaient se développer.
! L’invention du concept d’acculturation
Ce concept d’acculturation a pour but l’observation des faits de contact entre les cultures mais
sans jugement de valeurs, comme il était fait le plus souvent. Les anthropologues donnent à cette
acculturation un contenu purement descriptif qui n’implique pas une position de principe sur un
phénomène. L’anthropologie va chercher à montrer la complexité des phénomènes d’acculturation
puisqu’il faudrait connaitre de quel type d’acculturation il s’agit, comment elle s’est produite …
Ainsi le conseil de la recherche en sciences sociales crée un comité chargé de faire des recherches sur
l’acculturation. Ce comité, composé de R. Redfield, R. Linton, M. Herskovits, écrit dans son
Mémorandum pour l’étude de l’acculturation (1936) :
« L’acculturation est l’ensemble des phénomènes qui résultent d’un contact
continu et direct entre les groupes d’individus de cultures différentes et qui
entrainent des changements dans les modèles culturels initiaux de l’un ou des
deux groupes » P.59
Cette théorie de l’acculturation serait née de du certaines interrogation u culturalisme américain. Ainsi,
on peut retrouver dans cette acculturation les mêmes limites que pour le culturalisme.
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