ACCULTURATION Encyclopædia Universalis (Corpus 1, page114), Roger BASTIDE. Formé à partir du latin ad, qui exprime le rapprochement, le terme acculturation a été proposé dès 1880 par les anthropologues nord-américains. Les Anglais lui préfèrent celui de cultural change (moins chargé de valeurs ethno-centriques liées à la colonisation: Malinowski), les Espagnols celui de transculturation (F. Orbz), et les Français l'expression d 'interpénétration des civilisations. Mais le vocable nord-américain finit par s'imposer. Le mot acculturation a d'ailleurs été pris en deux sens différents. D'une part en psychologie sociale, il désigne le processus d'apprentissage par lequel l'enfant reçoit la culture de l'ethnie ou du milieu auquel il appartient (il vaudrait mieux, pour éviter toute ambiguïté avec le second sens, appeler ce phénomènes de contacts et d’interpénétration entre civilisations différentes (c’est le sens ici retenu). D'autre part, en anthropologie culturelle, il désigne les phénomènes de contacts et d'interpénétration entre civilisations différentes (c'est le sens ici retenu). Ainsi, I'acculturation est I'étude des processus qui se produisent lorsque deux cultures se trouvent en contact et agissent et réagissent l'une sur l'autre. Ce sont les historiens qui, les premiers, ont mis en lumière les phenomènes de contacts et d'interpénétrations des civilisations; mais les historiens s'attachent aux faits, dans leurs singularités propres, sans aboutir à des concepts généraux, que seule la méthode comparative peut permettre d'élaborer. Malheureusement, la sociologie, qui aurait pu fournir cette conceptualisation, parce que née de la Révolution de 1789 et de I'avènement de la société industrielle, s'orientait alors dans d'autres voies; il a fallu attendre la constitution d'une ethnologie scientifique pour qu'une théorie des contacts entre civilisations différentes puisse naître. Le contact culturel, écrit Fortes, ne doit pas être regardé comme le transfert d'un élément d'une culture à une autre, mais comme un processus continu d'interactions entre groupes de cultures différentes. ) Le terme d'acculturation a été inventé justement pour désigner cet ensemble d'interactions réciproques, dans leurs déroulements et leurs effets. Le Memorandum de Redfield, Linton et Herskovits (1938) le définit comme “l’ensemble des phénomènes qui résultent du contact direct et continu entre des groupes d'individus de cultures différentes avec des changements subséquents dans les types culturels de l'un ou des autres groupes”. Comme on le voit, c'est l'anthropologie dite culturelle - c'est-à-dire valorisant la notion de “culture” au détriment de celle de “société” - qui prend en charge dès le début l'étude des faits d'acculturation. De là un certain nombre de limites: I'absence de comparaison entre les données de l'histoire et celles de l'ethnographie - et, dans ce dernier domaine, la tendance à réduire les faits sociaux à de simples traits culturels qui peuvent être échangés, tout comme les valeurs, les techniques ou les mythes, au lieu de considérer ces faits sociaux pour ce qu'ils sont en réalité: les cadres à l'intérieur desquels les divers échanges se produisent. Il faudra dépasser par conséquent les conclusions de l'anthropologie cultu relle, même si elle a su mettre en lumière un certain nombre de concepts, d'hypothèses, de méthodes de travail, qui constituent, encore aujourd'hui, la base théorique et pratique de toute recherche en ce domaine. 1. Histoire: la perspective culturaliste. Il appara1t d'abord que les processus acculturatifs varient, mais que ces variations ne se font pas au hasard, que l'on peut dégager un certain nombre de types: - suivant que l'acculturation a lieu entre sociétés globales ou entre certains groupes seulement des populations en contact, le groupe religieux, le groupe économique, etc.; - suivant qu'elle se fait dans l'amitié ou dans l'hostilité (acculturation demandée ou acculturation imposée). - suivant que les populations en contact sont, démographiquement, à peu près égales en nombre, ou au contraire que l'une est majoritaire, I'autre minoritaire. - suivant que les cultures en contact sont relativement, homogènes ou au contraire très éloignées, par leur esprit, les unes des autres. - enfin, suivant le lieu où se produit les contacts Mais il apparalssait aussi que, malgré ces variations, un certain nombre de constance se dégageaient. Il y a d'abord une période d'opposition de la culture native à la culture conquérante - puis, le contact se prolongeant, il y a sélection par la culture native des traits offerts par la culture conquérante, certains traits sont acceptés et deviennent partie mtégrante de la nouvelle culture en formation, alors que d'autres sont refusés; bien entendu, les échanges ne sont pas forcément à voie unique, ils peuvent se faire dans les deux sens - nous avons alors formation d'une culture syncrétique, qu'on pourrait appeler aussi, culturellement parlant, métisse - les processus de changement, en se développant, peuvent conduire finalement aux phéno mènes d'assimilation (disparition d'une culture, qui accepte intégralement les valeurs de l'autre, ce qui se produit en général dans le cas des populations migrantes, à la deuxième génération) ou, au contraire, à la contre-acculturation, lorsque la culture menacée de disparaitre. De toutes ces étapes, c'est certainement la seconde, celle de la formation de cultures métisses ou de cultures en transition, qui a donné lieu au plus grand nombre de travaux et cela parce que l'anthropologie culturelle s'est développée au moment même où l'expansion de la culture occidentale faisait sentir son impact sur l'ensemble du monde, soit directement (par la colonisation, le développement des impérialismes commer ciaux ou culturels, la facilité des voyages...), soit indirectement (à travers les livres, les mass media, etc.). Naturellement, la théorie de l'acculturation a suivi les progrès, ou les changements de perspective, de l'anthropologie culturelle au cours de ces dernières années. Au début elle restait prise à la notion de “culture” comme réalité sui generis, extérieure et supérieure aux individus, considérée en quel que sorte comme un “superorganisme”, obéissant à des lois propres. Mais la culture n'est qu'une abstraction; ce ne sont donc pas des cultures qui se trouvent en contact, mais des individus en interaction, et chacun réagit différemment aux stimuli qui lui viennent des individus porteurs d'autres civilisations. Certains ont insisté sur la “personnalité de base” (Kardiner), d'autres, préoccuppés par les questions pratiques (chercher les meilleurs agents de développements économique et social ou les gens les plus capables d'intégrer une ethnie minoritaire dans la culture nationale), se sont attachés à analyser les conduites réactives des hommes et des femmes (la femmes étant parfois un facteur de changement plus que l'homme) des diverses classes d'âge, des multiples catégories sociales; ou encore, à décire la psychologie de l'homme partagé entre deux cultures qui se battent au-dedans de lui “l’homme marginal”. Le principe de coupure apporte une solution qui permet d'éviter la déculturalisation. Mais mieux encore: à côté des phénomènes pathologiques et des coexistences, Bernett et Linton ont montré que les processus acculturatifs enveloppent des actes de créativité de la part des individus ou des groupes qui acquièrent de nouveaux éléments culturels. C'est-à-dire que la culture nouvelle qui se développe ne peut pas être considérée - tout comme à l'époque où l'on avait une conception statique de la culture - comme un ensemble de traits disparates qui s'ajou tent les uns aux autres, en “mosalque” de traits anciens et de traits nouveaux em pruntés, il faut parler, au contraire, de synthèses vivantes, d'apparition de traits culturels inédits. Linton parle, empruntant son expression au botanistes De Vries, de “mutation”, c'est-à-dire apparition d'espèces entièrement nouvelles par le métissage des cultures en interpénétration. La substitution du point de vue dynamique au point de vue statique dans le développement de l'anthropologie culturelle entraîne encore une autre conséquence, celle de la distinction entre les effets primaires et les effets secondaires. Car tout se tient dans une civilisation, et la modification d'un de ses éléments entraîne, comme par une réaction en chaîne, des transformations dans d'autres éléments qui n'ont pas cependant subi direc tement l'influence du contact. Une culture touchée sur un point, donc en déséquilibre va tendre à rétablir l'équi]ibre défait en changeant d'autres secteurs pour les adapter à la modification déséquilibrante. On connaît bien la la distinction marxiste entre infra et superstructures, et les effets que ne manque pas d'avoir sur les bouleversements des superstructures toute révolution opérée dans les infrastructures et cela à l'intérieur de la culture, par sa seule dynamique interne, sans que le “contact” intervienne partout. Mais, déjà avec le marxisme, nous sommes passes de la perspective “culturaliste” à la perspective “sociologique” qui va maintenant nous arrêter. 2 Situation actuelle du problème : la perspective sociologique. Malgré tous ces progrès, le “culturalisme” nord-américain ne pouvait satisfaire les es prits européens, et l'apport de l'Europe (I'Europe de la sociologie ou de l'anthropologie sociale tournée vers l'anthropologie culturelle) à la clarification des problèmes de l'acculturation nous paraît considérable: il ne tend à rien de moins qu'à une révision de tout le système théorique élaboré en grande partie d'abord en Amérique. Certes il est indéniable que le culturel et le social peuvent se dissocier, et nous comprenons bien le point de vue américain, car ces dissociations ont été découvertes surtout dans les ethnies indiennes. Ces faits incontestables dépendent cependant, en dernière analyse, des situations dans lesquelles les contacts s'établissent, et avec l'apparition de cette nouvelle variable les situations sociales de contact, la sociologie va rompre le cercle enchanté du culturalisme. Balandier en France, Gluckman en Angleterre, en parlant de la situation coloniale, n'ont pas été sans doute les premiers à employer l'expression et à souligner le fait; on la trouve chez Herskovits et nous avons noté que le type des relations, amicales ou hostiles, était une des variables données dans le Memorandum - mais ce n'était qu'une “variable”, alors que Balandier ou Gluckman vont en faire le ressort dernier d'explica tion: “Quand, procédant de manière unilatérale, elle [I'anthropologie culturelle] décèle les processus de changement par rapport au seul fonds traditionnel [ou “primitlf”], elle ne peut guère que les énumérer et les classer; de même, lorsqu'elle se limite à l'étude du “contact” entre “institutions” de meme nature... s” (Balandier 1963). Et, abordant alors les notions de “situation” et de “phénomène social total”, ce sociologue conclut: “Dans le cas de l'Afrique noire, société noire et société blanche participent à un meme ensemble [c'est nous qui soulignons]. Le contact et ses effets ne peuvent être compris qu'à la condition d'être replacés dans des “ensembles”, c'est-à-dire dans les totalités sociales qui les encadrent, les orientent et les unifient”. En même temps que l'anthropologie culturelle établissait la série ordonnée de ces concepts, depuis le conflit jusqu'à l'assimilation, la sociologie nord-américaine établissait à son tour une série de concepts qui se trouvent être - dans le domaine de la société au lieu de l'être dans celui de la culture parallèles aux premiers: ceux de compétition d'accommodation et d'intégration sociales. La compétition entre les groupes peut être écologique, économique ou sociale et morale. L'accommodation définit le processus par lequel les individus ou les groupes s'ajustent à une situation de conflit, par exemple par l'institutionnalisation de la ségrégation raciale, ou le régime des castes, ou encore la réglementation de la division du travail social, mais l'accommodation ne peut porter que sur de ajustements externes. L'intégration consiste, par la miscégénation entre les races, par un système unique d'éducation, ou par d'autre mesures, à forger, avec des ethnies ou de groupes différents, une nation commune tous. Il apparaît clairement que la compétition joue pour les interrelations entre groupes, le même rôle que le conflit, résistance, la contre-acculturahon pour le contacts culturels; l'accommodation rejoint le syncrétisme, et l'intégration nous évoque l'assimilation culturelle. Cependant la sociologie nord-américaine tend à séparer nettement les deux ordres de phénomènes I'intégration, en effet, peut - et même doit - se réaliser en conservant la diversité des mentalités culturelles, il s'agit seulemcnt de faire en sorte qu'elles contribuent toutes à des fins communes: la prospérité et la grandeur de la nation. Une pareille dichotomie est-elle possible ? Qu'il existe une dialectique entre le culturel et le social, cela est évident, et l'on peut voir les deux series de phénomènes se séparer parfois, il n'en reste pas moins qu'il y a dialectique et que l'intégration, par exemple postule une assimilation préalable ou, si elle n'existe pas encore, conduit à une homogé néisation des mentalités forgées par les cultures différentes en contact. Mais dans cette dialectique, comme on le voit, le social joue le plus souvent le rôle de facteur causant (bien que le contraire puisse être parfois vrai, R. Bastide, 1960). C'est sur cette constatation que s'est développée la perspective sociologique des phénomenes d'acculturation, qui se refuse à séparer ce qui est uni, et envisage les contacts de civilisation comme des “phénomènes sociaux totaux”. Il n'y a jamais en effet, nous l'avons dit, des cultures en contact, mais des individus, porteurs de cultures différentes; cependant ces individus ne sont pas des êtres indépen dants, ils sont en interrelation dans des réseaux complexes de communication, de domination-subordination, ou d'échanges égalitaires, ils appartiennent à des institutions, qui ont des regles d'action, des normes, et une organisation. Ce qui fait que les interpénétrations des deux civilisations en présence suivent les réseaux de ces interrelations, ou ceux des rapports entre les institutions. 3 L'acculturation controlée et planifiée Eaton a introduit le concept d'acculturation contrôlée dans son étude sur la secte religieuse des huttérites aux États-Unis (1952) qui veut maintenir sa culture paysanne archaïque, qui est cependant obligée de tenir compte du nouveau milieu anglo-saxon où elle s'est réfugiée, mais qui ne laisse passer des influences extérieures que ce qui ne porte pas préjudice aux valeurs fondamentales du groupe. Si l'expression est récente, en réalité toute acculturation est plus ou moins dirigée orientée et manipulée par l'un des deux groupes en présence, ou par des membres des deux groupes. Si on avait pu parler jadis d'une acculturation libre, c'est que le point de vue ancien, culturaliste, négligeait ~uste ment les aspects sociologiques, et particulièrement politiques, des phénomènes, comme leurs aspects psychologiques, dans la concurrence des pouvoirs et des prestiges. Aussi bien dans le contact entre tribus voisines que dans les rapports entre l'Occident et les prétendus “primitifs”, il y a toujours eu une stratégie de l'acculturation, soit que l'on s'efforce de maintenir les anciennes cultures natives (diviser pour régner), soit qu'au contraire on essaie de les assimiler, ce qui suppose leur dé-culturalisation préalable (par l'école, I'Eglise, etc.). Ce qu'il faut dire, c'est que - en l'absence d'une science sociale valable - I'acculturation contrôlée restait empirique, que les “pro jets” acculturatifs se soldaient alors par des échecs, faute de dominer les diverses variables en jeu, négligeant ainsi les possibilités incessantes de nouvelles créations totalement imprévisibles. Mais nous sommes au siècle de la planification. L'acculturation va, de simplement contrôlée, devenir planifiée et rationnellement orientée. Cette constatation a une grande importance, d'abord pour une sociologie de la connaissance; elle révèle que les sciences sociales, dans leur évolution théorique, suivent de très près les exigences ou les intérêts des grandes nations, à l'intérieur desquelles elles se forgent. Elles restent tributaires, inconsciemment du moins, de notre ethnocentrisme. L'anthropologie culturelle, en repoussant toute hiérarchie des cultures (les cultures sont différentes, mais il n'y a pas de cultures supérieures et inférieures), manifeste la réaction des États Unis au colonialisme européen, elle tendra même, de plus en plus, a substituer à la notion de “fertilisation” par les échanges culturels les descriptions des phénomènes pathologiques qui en seraient les conséquences obligatoires. L'anthropologie sociale, à partir de Malinowski, se met au service de la colonisation, il s'agit de constituer une science des faits d'interpréta tion des civilisations, pour que la colonisation “réussisse” et que les administrateurs impériaux ne commettent plus les erreurs du passé. La sociologie française ne s'intéressera au problème qu'après la Seconde Guerre mondiale, en relation avec la politique de décolonisation, dont elle n'est que le pressentiment ou le premier reflet. L'acculturation planifiée apparaît avec la formation d'États indépendants en Asie, Océanie et Afrique, et avec la concurrence des divers impérialismes soit économiques soit idéologiques, autour de ces nouveaux Etats. Elle consiste: 1. à faire prendre en charge l'acculturation dans le seul sens de l'occidentalisation par les gouvernements des pays récemment apparus sur la carte du monde; 2. à se servir des théories scientifiques en vue d'intérêts qui restent par trop ambigus; c'est pourquoi, comme nous l'avons dit, un nouveau vocabulaire est inventé (développement se substituant à acculturation), et le consensus se réalise sur la primauté de la perspec tive sociologique (plus particulierement économico-politique). D'un autre côté, I'acculturation planifiée présente un grand intérêt du point de vue méthodologique, puisqu'elle constitue une espèce d'expérience in vivo, et que nous soumettons les hypothèses tirées des faits d'observation à la vérification expérimentale. On fait varier un phénomène, considéré comme “dominateur”, ou on le supprime, ou on le réalise (les trois méthodes classiques de variations concomitantes, d'absence et de présence, de Stuart Mill), pour observer les effets qui vont se produire, en suivant le processus de changement tout au long de son cours, et en “évaluant” les résultats terminaux. Seulement, le facteur “dominateur” hypothétique n'est pas le même dans les systèmes de planification mis au point à l'Ouest et à l'Est. L'acculturation planifiée de l'Ouest valorise le culturel et, par conséquent, les notions d'adaptation, de maturation et de fonction . La stratégie consiste à utiliser deux postulats de la théorie de l'anthropologie culturelle: 1. toute culture est composée d'un ensemble de traits culturels, ces traits sont liés ensemble par des réseaux d'action et de réaction réclproques; 2. Ie culturel domine le social, par conséquent toute modification des institutions, des structures des comportements sera vaine, si on n'a pas modifié au préalable le système des valeurs, ou, si l'on préfère, si les mentalités n'ont pas bougé elles aussi. De là toute une serie d'actions, qu'il serait trop long d'énumérer, mais qui, en gros, consistent a changer un seul trait (par exemple les habitudes alimentaires), en sachant que, par les réseaux d'interconnexion des faits culturels, une réaction en chaîne se produira, mais que les experts pourront surveiller- à agir d'abord sur les mentalités- à travers l'alphabétisation des adultes ou des enfants- ou à faire naître des besoins nouveaux, que l’ancienne culture ne connaissait pas; enfin, pour éviter les réactions xénophobes, à choisir dans chaque communauté a “acculturer” des leaders que l'on “acculturera” pour que ce soient des membres de l'in-group et non de l'out group qui se fassent les défenseurs, à l'intérieur de la forteresse culturelle à abattre, du changement et de l'occidentalisation. Nous possédons de nombreuses monographies, déjà, de ces processus actuels d'acculturation. Le problème qui se pose est de savoir si, sous leur opposition, les mêmes phénomènes ne se retrouvent pas. Les mêmes phénomènes se retrouvent dans les divers types d'acculturation planifiée, il suffit de récrire la description de ces phénomènes, qui sont donnes dans l'ethnologie russe en termes d'évolutionnisme, dans le langage courant de l'anthropologie anglo-saxonne, pour se rendre compte de l'identité des faits, sous la différence des concepts. Cette identité n'a rien pour nous surprendre. D'abord parce que s'il existe un déterminisme social, œ déterminisme est partout le même, par définition. En second lieu parce que toute acculturation planifiée part de l'idée de la supériorité de certaines valeurs occidentales - du moins dans les domaines technique et économique, souvent aussi poli tique - et qu'elle suppose, en conséquence, I'imposition de ces valeurs par le groupe au pouvoir (que ce groupe soit extérieur ou intérieur a l'ethnie considérée). L'acculturation planifiée - et par conséquent politiquement orientée par les groupes dominants - est la loi générale de notre époque. Il n'en reste pas moins que l'acculturation libre subsiste encore en quelques point du globe, où il existe des populations dite « sauvages », œ qui veut dire en dehors contacts culturels continus, et qui vont rencontrer des populations blanches envahissant leurs territoires. Tandis que, d'un côté, l'exemple emprunté aux planifications russes nous montre la valeur de la conceptualisation de l'anthrologie culturelle à travers la sociologie développement, de l'autre, I'exemple, Tukuna nous montre que cette conceptualisation, même dans le cas d'acculturation non planifiée, ne peut avoir de valeur explicative qu'à la condition d'être liée aux cadres sociaux dans lesquels se fait le contact. La tâche de l'anthropologie contemporaine, en ce domaine, est donc de distinguer les divers types de dialectiques pouvant s'instaurer entre les contacts culturels et les contacts sociaux, entre les interpénétrations des civili sations et les intégrations des ethnies en des ensembles nationaux. résumé de ROGER BASTIDE.