Cannabis : comprendre, dépister et intervenir

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Cannabis : comprendre,
dépister et intervenir
Journée Alliance, Laval
18 novembre 2016
Didier Jutras-Aswad
Psychiatre et Directeur, Unité de Psychiatrie des Toxicomanies du CHUM
Chercheur, CRCHUM
Professeur agrégé de clinique, Faculté de Médecine, Université de Montréal
Déclaration des conflits d’intérêt potentiels
Nom de la compagnie/organisation
Insys
Type d’affiliation
Soutien pour recherche, consultation
2015-2018,2016
Date
Pfizer
Subvention de recherche
2014-2016
Lundbeck-Otsuka
Présentation (sans droit de regard sur le contenu)
2015-2016
Mylan
Présentation (sans droit de regard sur le contenu)
2014
Objectifs
• Discuter de l’effet du cannabis sur les plans
pharmacologiques et clinique;
• Dépister les conditions associées à la prise de cannabis,
particulièrement sur le plan de la toxicomanie et la santé
mentale;
• Intervenir adéquatement auprès des patients qui
consomment du cannabis.
Vignette clinique
• Paul vous rencontre aujourd’hui pour le suivi
d’une hypertension artérielle somme toute bien
contrôlée
• Il vous semble inquiet
• Paul vous confie que son fils de 18 ans, que
vous suivez également, consomme du cannabis
• Il vous questionne sur cette substance: ‘’Qu’estce qu’on retrouve dans cette substance-là? Estce que mon fils est dépendant?’’
Cannabis
•
Substance illicite la plus fréquemment consommée dans la plupart
des pays
•
Statut légal du cannabis au Canada demeure inchangé
– Importation et production: passibles d’emprisonnement
– Possession simple: max. 5 ans de prison si > 30g ; max. 1,000$ d’amende ou 6
mois de prison < 30g
•
Nombre important d’infractions liées au cannabis
– 73 000 infractions liées au cannabis en 2013 (80 % pour possession)
– 2/3 des infractions liées aux drogues
– Possession de cannabis : plus de la moitié des infractions relatives aux drogues
•
Légalisation du cannabis annoncée pour 2017
ONUDC, 2016; Statistiques Canada, 2015
Prélude et mise en garde
Cannabis, cannabinoïdes et système
endocannabinoïde
Récepteurs
Endocannabinoides
Cannabinoides
synthétiques
Cannabinoides naturels
CB1
CB2
TRPV1
TRPV2
GPR55
-Arachidonoyl ethanolamide
(Anandamide ou AEA)
-Dronabinol
-Nabilone
-Sativex
-Rimonabant (SR141716)
-CP-55940
-Dimethyl-heptylpyran
-HU-210
-SR144528
-WIN 55,212-2
-JWH-133
-Levonantradol
-Cannabigerol(CBG)
-Cannabichromene(CBC)
-2-arachidonoyl glycerol (2-AG)
-2-arachidonyl glyceryl ether
-N-arachidonoyl-dopamine (NADA)
-Virodhamine (OAE)
www.nida.nih.gov
-Cannabidiol (CBD)
-Cannabinodiol (CBND)
-Tetrahydrocannabinol (THC)
-Cannabinol (CBN)
-Cannabitriol(CBT)
-Cannabielsoin(CBE)
-Isocannabinoids
-Cannabicyclol (CBL)
-Cannabicitran(CBT)
-Cannabichromanone (CBCN)
Récepteurs CB1: fonction
Les GPCRs tels que
CB1R sont couplés à
plusieurs voies de
signal de
transduction dont
l'adénylate cyclase,
les MAP kinase et les
canaux ioniques
Piomelli D. Nature Rev. 2003;4:873-884
Récepteurs CB1: distribution anatomique
Jutras-Aswad, 2009
Pharmacologie – effets aigu du cannabis
• Physiques
– Mydriase
– Conjonctives
injectées
– ↑ appétit
– Sécheresse de la
bouche
– Tachycardie
– Antiémétique
– Modulation de la
douleur
▪ Psychologiques
▪ Sensation de bien-être et
d’euphorie
▪ Perte de la conscience du
temps
▪ Altération des processus
de pensée et de l’insight
▪ Symptômes panic-like
▪ Délirium
▪ Psychose
Potentiel addictif – cannabis et autres
substances
• % d’utilisateurs qui deviennent dépendants
(National Comorbidity Survey):
–
–
–
–
–
–
–
–
–
Nicotine 32%
Héroïne 23%
Cocaïne 17%
Alcool 15%
Stimulants (autre que cocaïne) 11%
Cannabis 9%
Anxiolytique, sédatif et hypnotique 9%
Hallucinogène 5%
Inhalant 4%
Anthony & coll., 1994
Dépistage de la toxicomanie chez le patient qui
consomme du cannabis
• Questionnaire du patient
• Informations collatérales
• Examen physique
• Dépistage/échantillon
biologiques
• Outils de dépistage
standardisés (p.ex. CAGE-AID,
DEBA-Drogues)
• Critères DSM-5
Essai
Abstinence ou
consommation ‘’sociale’’
Utilisation régulière
Abus ou TU léger
• Non
pathologique
Dépendance ou TU
modéré/sévère
• À risque
• Problématiqu
e
Intoxication
Rechute
Sevrage
Abstinence
Trouble de l’usage d’une substance (DSM-5)
1. Utilisation répétée d'une substance conduisant à l'incapacité de remplir des
obligations majeures au travail, à l'école ou à la maison
2. Utilisation répétée d'une substance dans des situations où cela peut être
physiquement dangereux
3. Utilisation de la substance malgré des problèmes interpersonnels ou sociaux
persistants ou récurrents causés ou exacerbés par les effets de la substance
4. Tolérance
1. besoin de quantités notablement plus fortes de la substance pour obtenir une
intoxication ou l’effet désiré
2. effet notablement diminué en cas d’utilisation continue d’une même quantité de
substance
5. Sevrage
1. syndrome de sevrage caractéristique de la substance
2. même substance est prise pour soulager ou éviter les symptômes de sevrage
Trouble de l’usage d’une substance (DSM-5)
6) la substance est souvent prise en quantité plus importante ou pendant une période plus
prolongée que prévu
7) il y a un désir persistant ou des efforts infructueux pour diminuer ou contrôler l’utilisation de
la substance
8) beaucoup de temps est passé à des activités nécessaires pour obtenir la substance, à
utiliser le produit ou à récupérer de ses effets
9) des activités sociales, professionnelles ou de loisirs importants sont abandonnées ou
réduites à cause de l’utilisation de la substance
10) l’utilisation de la substance est poursuivie bien que la personne sache avoir un problème
physique ou psychologique persistant ou récurrent susceptible d’avoir été causé ou
exacerbé par la substance.
11) un état de manque ou un fort désir ou envie de consommer une substance spécifique
(craving)
2-3 critères: léger
4-5 critères: modéré
6 ou +: sévère
Vignette clinique
• Quelques semaines plus tard, Paul se présente à la
clinique sans rendez-vous
• Son fils aurait fait un ‘’ bad trip’’ est aurait été amené
à l’urgence la semaine précédente parce qu’il était
agité
• Paul est inquiet, aucun service ou suivi n’a été offert
à son fils sauf pour la suggestion de consulter au
CRD de sa région
• Paul se demande si la cannabis est en train ‘’de le
faire devenir schizophrène’’
Cannabis et symptômes psychotiques
•Le THC induit des symptômes psychotiques chez le sujet normal (D’Souza, 2004)
•Les individus vulnérables à la psychose présentent des symptômes psychotiques encore
plus intenses (Mason, 2009)
Cannabis et schizophrénie
•
•
•
Caspi, 2005; Zammit, 2016
Association démontrée entre
l’utilisation de cannabis et la
schizophrénie
Certaines données suggèrent
que les personnes avec
facteurs de vulnérabilité pour la
psychose seraient plus
sensibles à cet égard
Études en cours pour identifier
des marqueurs de risque
fiables
Cannabis et fonctions cognitives
•Effets à court terme sur la plupart des fonctions cognitives, le plus souvent réversibles
•Persistance des déficits plus probable si début de consommation précoce et exposition
prolongée/intense
•Syndrome ‘’amotivationnel’’
Maria Alice Fontes, 2011; Crean, 2011
Cannabis et dépression
•
•
Association entre consommation de cannabis et risque de développer une dépression
Risque serait plus élevé lorsque la consommation est élevée et chez les femmes
Moore, 2007; Lev-Ran 2014
Cannabis et trouble anxieux
•
•
•
Association entre cannabis et trouble anxieux (trouble panique)
Effet à la fois anxiolytique et anxiogénique du cannabis
Contenu du cannabis et facteurs individuels pourraient expliquer en
partie cette variation
Moore, 2007; Fusar-Poli 2009; Crippa 2009
Différents facteurs modulent l'impact du
cannabis sur la santé
Exposition au
cannabis
Dose
Durée, intensité et moment de
l’exposition
Concentration des différents
cannabinoïdes
Caractéristiques individuelles
Effets néfastes
Vignette clinique
• Paul se pésente à sa visite en vous informant
que son fils va un peu mieux, et qu’il serait
ouvert à avoir de l’aider pour arrêter de
consommer. Paul vous demande: ‘’est-ce que ça
se traite, ce problème-là?’’
Traitement du TU du cannabis:
principaux points à déterminer
• Objectifs du patient
• Environnement de traitement (clinique externe,
unité spécialisée, etc.)
• Type d’intervention pharmacologique et/ou nonpharmacologique à mettre en place
Objectif thérapeutique: consommation
contrôlée ou abstinence?
•
Données probantes disponibles pour les interventions liées à la
réduction des méfaits ET aux programmes centrés sur l’abstinence
•
Les deux approches ne sont pas nécessairement mutuellement
exclusives
•
Flexibilité et personnalisation du plan de traitement souhaitables,
selon les désirs et caractéristiques du patient
Sevrage au cannabis
Sevrage au cannabis (DSM-V)
A. Arrêt d’une consommation de cannabis importante et
prolongée
B. Au moins 3 des critères suivants apparaissent dans les
jours suivant l’arrêt
1. Irritabilité, rage ou agressivité
2. Nervosité ou anxiété
3. Trouble du sommeil
4. Perte d’appétit ou de poids
5. Agitation
6. Humeur dépressive
7. Au moins un des symptômes physiques suivants:
mal de ventre, tremblement, sudation, fièvre,
frissons, céphalée
C. Détresse significative ou perte de fonctionnement
D. Symptômes ne sont pas expliqués par un autre trouble
ou maladie
Budney, 2003
Traitement
• Agoniste des récepteurs
CB1 (contexte de recherche,
pas d’indication reconnue)
• Traitement symptomatique
Traitement pharmacologique du TU cannabis
•
Aucune pharmacothérapie
spécifique recommandée à
l'heure actuelle
•
Quelques avenues
prometteuses
– Cannabinoïdes
– Gabapentin
– N-Acétylcystéine
Marshall et al, Cochrane Review, 2014
Interventions psychosociales
•
Études hétérogènes, résultats difficiles à généraliser
•
Taux d'abstinence dans l’ensemble faibles, bien que comparables
aux traitements pour autres TU
•
Interventions psychosociales démontrées utiles afin de réduire la
fréquence d'utilisation et la gravité de la dépendance, au moins à
court terme
•
Interventions motivationnnelles et de type TCC, avec ajout
d’approche par contingence, seraient plus efficaces
•
Données en faveur d’une intervention intensive avec plus de quatre
sessions
Gates et al, Cochrane Review, 2016
Messages clés
•
Bien que le potentiel addictif du cannabis soit moins grand que pour
d’autres drogues, un pourcentage non-négligeable de personnes
développeront des problèmes associés à cette substance
•
L’exposition au cannabis est associée à certains effets néfastes sur le plan
de la santé; cette association est modulée par plusieurs facteurs comme
l’âge, le contenu du cannabis et l’intensité de la consommation
•
Bien que les données sur le traitement du trouble de l’usage du cannabis
soient relativement limitées, certaines interventions tant pharmacologiques
que non-pharmacologiques semblent potentiellement utiles
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