INSTITUT DE RECHERCHE ET D'ETUDES EN DROIT DE L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION
LES SAGAS PUBLICITAIRES :
LA SUITE AU PROCHAIN
EPISODE ?
Chronique Publicité réalisée par Emmanuelle EURIEULT
22 janvier 2006
Faculté de droit et de science
politique d’Aix-Marseille
Master Professionnel « Droit et Métiers de l’Audiovisuel »
Aix-en-Provence
2006-2007
Université Paul Cézanne
U III
S
elon le sociologue Edgar Morin, l’action publicitaire « consiste à transformer
le produit en stupéfiant mineur – ou à lui inoculer la substance drogante, de
façon que son achat-consommation procure immédiatement l’euphorie-
soulagement et, à long terme, l’asservissement. Si le message publicitaire atteint la forme et la
formulation optimales, il doit à la fois euphoriser et troubler, donner l’avant-goût du plaisir et
l’appel du plaisir » 1.
La publicité étant l’un des aspects de la communication commerciale, elle a pour
objectif premier d’informer le consommateur sur les caractéristiques diverses du produit mais
son objectif principal réside avant tout dans le fait d’inciter celui-ci à l’achat. C’est ainsi ce
second but qui amène la publicité à toucher, convaincre, séduire l’acheteur potentiel 2.
La quasi-saturation du marché oblige les publicitaires à rivaliser d’originalité afin que
ce triptyque connaisse une certaine efficacité. Ainsi, depuis plusieurs dizaines d’années, sont
nées ce que l’on appelle les sagas publicitaires. Leur concept repose sur la création de
plusieurs courts-métrages présentant des éléments communs et destinés à promouvoir un
même produit ou service. Connaissant une croissance aussi bien quantitative que qualitative,
elles contribuent à faire des marques qu’elles représentent, des produits connus aux yeux de
tous. Ces techniques se propagent sur tous les supports, et récemment, ont envahi Internet, ce
qui encourage le développement de leur notoriété hors des frontières françaises.
Une présentation exhaustive n’ayant aucun intérêt, nous nous pencherons sur les
principaux enjeux d’un tel concept pour les publicitaires : faire rimer création artistique
originale avec action marketing réussie, tout en assurant la protection des divers intérêts tirés
de la diffusion d’une même saga.
Les sagas publicitaires ont, en effet, un double visage puisqu’elles se caractérisent par
la superposition d’une création artistique et d’une technique commerciale (Section I). Les
intérêts en jeu étant d’une grande importance, elles bénéficient d’une double protection
obtenue par la combinaison d’un régime spécifique et d’un régime de droit commun (Section
II).
1 CATHELAT B. et CADET A., La publicité, de l’instrument économique à l’institution sociale, Payot, coll.
Études et documents, Paris, 1968. Citation de MORIN E. dans la préface de cet ouvrage.
2 DAYAN A., La publicité, puf, coll. Que sais-je ?, 9e éd., Paris, 2003, p. 5.
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Section I - Des sagas publicitaires à double visage : la superposition d’une
création artistique et d’une technique commerciale
Les sagas publicitaires sont généralement vues comme des techniques commerciales
destinées à promouvoir un bien ou un service auprès des téléspectateurs ou auditeurs. D’une
manière sous-jacente, elles sont, en réalité, d’abord le fait d’une activité de création. Les sagas
ne peuvent produire l’impact escompté - qui est d’attirer les acheteurs potentiels - sans une
campagne efficace ; d’où l’importance de l’aspect artistique d’une création publicitaire. Les
sagas se définissent donc par la complexité de leur nature même : elles ont pour objet de
mettre en œuvre une création artistique laquelle est spécifiquement marquée par un jeu de
cohérence entre les films d’une même saga (A) ainsi qu’une technique commerciale qui
génère d’importants flux monétaires (B).
A) Une création artistique spécifiquement marquée par la cohérence entre les
publicités d’une même saga
Les sagas publicitaires reposent toutes sur le même concept : la création de plusieurs
publicités, cohérentes entre elles, destinées à la promotion d’un même bien ou service. Cette
cohérence est assurée par l’emploi d’éléments récurrents, qui sont autant de signes distinctifs
spécifiquement attachés à la promotion publicitaire de ce bien ou de ce service. La publicité
pour l’assurance « Maaf » a, par exemple, fait le choix de combiner au moins trois éléments
récurrents : les personnages (les deux personnages principaux sont le conseiller et son client),
la musique avec paroles (« Efficace et pas chère, c’est la Maaf que j’préfère, c’est la Maaf »)
ainsi que le cadre (la banque).
L’effet de répétition et l’association de certains éléments à une marque contribuent
ainsi à ériger les sagas en publicités impactant davantage les esprits des futurs consommateurs
que les publicités classiques.
Les émotions générées conditionnent l’acte d’achat. L’humour fonctionne
généralement bien et reste, par conséquent l’émotion privilégiée par les publicitaires.
« Orangina » l’a bien compris en mettant en scène « des personnages déguisés en bouteilles,
dans des situations absurdes », lesquelles se soldaient toujours par la même réplique : « Il faut
3
bien secouer, sinon la pulpe, elle reste en bas »
3. Le modèle du feuilleton est également
apprécié par les marques : certaines ont construit leur notoriété sur des saynètes familiales
autour, par exemple, d’un petit déjeuner et d’un slogan tel que « L’ami du petit déjeuner,
l’ami Ricoré ».
De grands noms participent à leur élaboration. Rivalisant d’originalité, Alain Chabat
suivi de Jean Paul Goude ont réalisé des spots pour « Orangina ». Maurice Barthélemy a
contribué, grâce au concept des « Tou tou you tou », à faire de « 118 218 » un service utilisé
par tous les consommateurs. Quand à la publicité pour le Loto, une trentaine de personnalités
ont collaboré à la renommée de ces jeux de hasard, parmi lesquelles, il est possible de citer :
Gérard Jugnot, Jean Becker, Cédric Klapich ou encore Michel Blanc 4.
Si les sagas publicitaires sont considérées comme des créations artistiques
fonctionnant sur la base de la cohérence grâce à des éléments récurrents, elles cherchent,
avant tout, à promouvoir le produit auprès du public. Elles utilisent, pour se faire, des
techniques commerciales qui génèrent d’importants flux monétaires.
B) Une technique commerciale générant d’importants flux monétaires
D’une manière générale, les publicités soulèvent d’importants investissements quant à
leur création et à leur diffusion sur les différents supports existant. Parmi les frais qu’elles
engendrent, il est, en effet, possible de mentionner l’achat d’espaces, les rémunérations des
prestataires, les frais techniques, les études ainsi que les coûts de fonctionnement du service
de publicité de l’annonceur
5. On peut en déduire que les frais engagés par les sagas sont
certainement plus élevés que pour les autres techniques publicitaires puisque, rappelons le,
leur concept est basé sur une succession de films. À chaque film publicitaire composant un
élément de la saga, sont par conséquent rattachées de nouvelles dépenses de création et de
marketing.
3 CHAUME F., « Une saga des sagas de pub », paru le 28 septembre 2006,
www.linternaute.com/television/dossier/06/sagas-publicitaires/sagas-publicitaires.shtml, vu le 24 octobre 2006.
4 Ibid, www.linternaute.com/television/dossier/06/sagas-publicitaires/sagas-publicitaires.shtml, vu le 24 octobre
2006.
5 LENDREVIE J. et BROCHAND B., Publicitor, Dalloz, 5e éd., Paris, 2001, p. 226-227.
4
Cependant, peu importe le montant des dépenses, le principe est celui de la fixité des
coûts. Ceux-ci ne varient pas en fonction de la survenance des résultats escomptés, c’est-à-
dire que ni l’audience des publicités ni la vente des produits n’influent sur les coûts de
communication. Il est ainsi essentiel de comprendre que les dépenses liées à la publicité sont
considérées comme « un investissement à moyen et à long terme » 6. Elles ont pour objectif
principal de pousser le consommateur à l’achat.
Les propos de Martial Stambouli, ancien Directeur de la communication de « Maaf
Assurances » illustre parfaitement cette action :
« Les mois de septembre et octobre ont été exceptionnels du point de vue de la commercialisation
de ces complémentaires santé. En gros, on a une augmentation de l'ordre de 60 % par rapport aux
mois antérieurs. Je pense que l'on peut attribuer ce succès au côté comique de la situation qui a
joué sur l'impact de la publicité. Mais, ensuite, si les gens ont souscrit, c'est vraiment en raison de
la nouveauté de l'offre » 7.
Afin d’attirer toujours plus d’acheteurs potentiels, les grandes marques s’exportent sur
la Toile. En effet, en plus de détenir leur propre site et de diffuser leur publicité sur Internet,
elles rivalisent d’originalité en faisant participer l’internaute à différentes sortes de jeux
interactifs. Récemment, « Orangina » qui visait un public plutôt large a développé une
campagne web dans laquelle la marque mythique a décidé de prendre pour cible un public
jeune. École virtuelle, « Sup d’Orangina » propose, sous forme de jeux, une formation
diplômante aux apprentis secoueurs de la petite bouteille jaune 8.
Malgré l’importance des moyens mis en œuvre, les sagas publicitaires restent
confrontées au risque de l’échec commercial. À titre d’exemple, « Coca Cola » qui avait
engagé des frais substantiels pour la promotion de sa nouvelle boisson « Vanilla Coke », a dû
subir les conséquences du désintérêt des consommateurs pour son nouveau produit.
La complexité des sagas publicitaires, de par la coexistence entre un aspect artistique
et un autre plus commercial, entraîne certaines difficultés au niveau de leur protection.
6 Ibid, 2001, p. 225.
7 Stratégies du 23/11/2001, entretien de Martial Stambouli avec Sophie Proust
www.strategies.fr/archives/1214/121404601/creations_le_score_ipsos_maaf_promenade_de_sante.html, vu le 4
janvier 2007.
8 www.supdorangina.com
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