REPUBLIQUE DU SENEGAL Un Peuple – Un But – Une Foi -------------MINISTERE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES ------------CENTRE D’ETUDES DE POLITIQUES POUR LE DEVELOPPEMENT – CEPOD CRISE FINANCIERE MONDIALE GENESE, IMPACT ET PROPOSITIONS DE REFORMES Mamadou NDONG Economiste Principal 27 décembre 2009 2 Sommaire Introduction p4 Chapitre 1. Crise financière : principales caractéristiques p5 I. Origine de la crise II. Manifestations de la crise III. Des mesures immédiates au plan international IV. Différences et similitudes avec les crises antérieures Conclusion Chapitre 2. Répercussions sur l’économie sénégalaise p5 p12 p14 p16 p17 p19 I. Conséquences sur l’économie sénégalaise II. Mesures de lutte contre la crise Concluson p19 p21 p22 Chapitre 3. Crise financière et accès aux financements en Afrique p23 I. Impact sur le système bancaire africain II. Impact sur le marché des capitaux III. Compte de capital et contrôle de change Conclusion Chapitre 4. Crise financière mondiale : propositions de réforme du système monétaire international p23 p23 p24 p25 p26 I. Volet monétaire p26 1.1 Bref rappel des fonctions et de l’historique pendant l’aprèsguerre p26 Propositions de réforme p28 1.2 Allocation de DTS p30 II. Volet financement du développement p31 2.1 Le système de financement : état des lieux p31 2.2 Propositions pour le financement du développement p33 Conclusions p35 Chapitre 5. Le Sommet du G20 à Londres I. Mobilisation des ressources II. Relance économique III. Supervision et régulation du système financier p37 p37 p38 p38 3 IV. Institutions financières internationales V. Promotion du commerce et de l’investissement VI. Une reprise à la fois soutenable et large Conclusion p39 p39 p39 p40 4 Introduction La crise financière mondiale a éclaté au grand jour en septembre 2008. Elle a pris naissance aux Etats-Unis, s’est ensuite rapidement propagée aux autres régions. La crise financière a eu des effets directs et indirects sur l’économie mondiale. Si au début les effets directs ont affecté principalement le système bancaire et financier dans les pays développés, le monde est par la suite plongé dans une profonde crise qui n’épargne aucun pays. La crise financière mondiale a affecté le secteur financier africain à des degrés divers. Le système bancaire a été relativement épargné. Par contre, la crise a sévèrement touché d’autres segments du système financier tels que les Bourses de valeurs. La crise financière qui est partie des Etats-Unis s’est étendue au reste du monde à partir du second semestre de l’année 2008. Les pays développés ont engagé des actions énergiques visant à enrayer la crise. Malgré ces efforts, l’économie mondiale est entrée en récession. La crise financière mondiale fait suite aux crises financières russe, asiatique et mexicaine dans les années 1990. Elle est cependant beaucoup plus sévère que ces autres crises par le nombre de pays touchés, l’impact financier et socio-économique et la vitesse de propagation. Le moment est peut-être venu de réformer le système monétaire international afin de le rendre plus adapté au nouveau contexte et de prévenir la récurrence des crises financières. Les Chefs d’Etat et le Gouvernement du G20 ont tenu le 02 avril 2009 à Londres un Sommet sur la crise financière. L’Afrique a fait entendre sa voix à cette rencontre à travers la participation de l’Afrique du Sud qui est membre du G20, celle du NEPAD et de l’Union africaine. Ses propositions sur la crise financière ont été préparées par le Comité des Ministres des Finances et des Gouverneurs (le Comité de Dix) mis sur pied à cet effet. Les accords conclus à Londres ont trait à la mobilisation des ressources, à la régulation et à la supervision du système financier, au renforcement des institutions financières internationales, à la promotion du commerce et de l’investissement et à la sortie de crise. 5 Chapitre 1. CRISE FINANCIERE MONDIALE : PRINCIPALES CARACTERISTIQUES. L’actualité économique au cours de l’année 2009 reste marquée par la grave crise financière qui a pris naissance aux Etats-Unis et qui s’est ensuite rapidement propagée aux autres régions. La crise s’est vite mondialisée et s’est muée en une crise économique qui n’épargne aucun pays. Afin d’en dégager les principales caractéristiques, l’analyse ci-dessous porte sur l’origine de cette crise, ses manifestations et ses répercussions ainsi que les mesures prises au plan international I. ORIGINE DE LA CRISE La période 2001-2006 est souvent décrite comme correspondant à l’amorce de la crise. En effet elle a enregistré un ralentissement de la croissance économique aux Etats Unis ainsi que la stagnation des salaires et de la consommation. Face à cette situation, la FED a décidé de baisser les taux directeurs pour inciter à l’endettement des ménages et ainsi soutenir la demande. Les taux sont passés de près de 6% en 2001 à 1% en 2003-2004 comme indiqué sur le graphique ci-après. La crise financière a été déclenchée par les difficultés de remboursement des prêts immobiliers à risque aux Etats-Unis. Cette crise s’est rapidement étendue dans les autres pays développés, en particulier en Europe, et a fini par entraîner des réactions en chaîne très éprouvantes pour la stabilité du système bancaire et financier dans son ensemble. Cette crise s’est ensuite propagée dans les pays émergents et même dans certains pays à faible revenu. 6 La crise est la conséquence de prises excessives de risques par des banques, notamment dans le financement du logement aux Etats-Unis, au moment où le prix de l’immobilier connaissait une forte hausse (voir graphique ci-après). C’est la période de la bulle immobilière. On emprunte de plus en plus. La croissance de logements soutient la croissance économique. La hausse des crédits hypothécaires est allée jusqu’au point où la dette à rembourser atteint 30 fois le revenu annuel des emprunteurs. Dans des conditions normales, les bénéficiaires de ces crédits hypothécaires dits subprimes1, qui ne présentaient pas de garanties de solvabilité, n’auraient pas dû obtenir ces crédits. Les crédits hyphothécaires aux Etats Unis sont catégorisés selon le risque de défaut de l’emprunteur. Les crédits subprime sont ceux dont le niveau de solvabilité est le plus bas, les emprunteurs plus risqués. Ils ne présentent pas les garanties suffisantes: la seule garantie est le logement. Les termes “subprime” et “Alt-A” ne sont pas des dénominations officielles par des autorités réglementaires ou des agences de notation. Ces prêts sont plus risqués que les prêts classiques , les emprunteurs ayant un historique de crédit faible incluant des défauts de paiements 1 Un subprime ou crédit hypothécaire est un crédit à risque, destiné à un emprunteur qui ne présente pas les garanties suffisantes pour bénéficier du taux d'intérêt le plus avantageux. A son apparition aux Etats-Unis, il était un crédit immobilier réservé à des emprunteurs à haut risque. Ainsi, les primes de risque élevées, appliquées à la clientèle impliquent un renchérissement des traites à payer aux banques qui ont, entre temps, vendu à d’autres structures d’emprunt les créances de ces prêts via, la titrisation, pour se couvrir d’une partie du risque. Celle-ci est une opération financière, méconnue de l'emprunteur, par laquelle une banque revend ses créances sur des marchés spécialisés, souvent groupées avec d'autres valeurs 7 ou des problèmes plus graves de faillites. Ils peuvent aussi afficher des capacités de remboursement réduites, un ratio dettes / revenus plus élevé ou un historique de crédit incomplet. Caractéristiques Prime Alt-A Subprime Ratio emprunt/valeur (LTV) 65-80% 60-100% 80-120% FICO de l'emprunteur (score de crédit) 700+ 640-730 500-660 Non conforme (documentation) Non conforme (Fico, documen historique créd Conformité aux critères des agences de notation Conforme Ces pratiques ont été favorisées par la possibilité de transformer les créances immobilières en titres susceptibles d’être vendus à d’autres institutions financières. La recherche effrénée de placements à haut rendement explique le fait que ces actifs très risqués ou « actifs toxiques » se soient répandus dans le monde. La titrisation est une transformation des crédits en titres financiers selon un processus décomposé en trois opérations: 1) Une banque d’investissement rachète des crédits à ceux qui les ont émis. 2) En contrepartie des pools de crédits, elle émet des titres pour les vendre aux investisseurs. 3) Les titres sont émis en tranches hiérarchisées selon leur niveau de risque. En cas de détérioration des revenus du pool, ce sont les tranches inférieures qui subissent d’abord les pertes et protègent ainsi les tranches supérieures. Parallèlement à l’augmentation des volumes de prêts « à risques » et à leur distribution via la titrisation, l’innovation financière va permettre la création de nouvelles structures et de nouveaux produits qui vont accroitre l’effet de levier systémique et l’opacité du système financier. Il s’agit en particulier des CDOs (Collateralized Debt Obligations). Les CDOs représentent le dernier maillon dans la chaine de titrisation du risque. A la différence des structures précédemment décrites, les CDOs n’utilisent pas directement des prêts comme collatéral. L’actif de ces structures est constitué de produits financiers structurés et en particulier de certaines tranches de subprime que sont les RMBS. En procédant à une titrisation du risque de « second niveau », les CDOs vont trouver un débouché aux classes de RMBS les moins demandées par les investisseurs. Les CDOs vont ainsi fournir de la liquidité aux RMBS et, en conséquence, aux prêts subprimes. 8 L’effet de levier à deux niveaux est très important. Un dollar (1$) d’investissement dans une tranche BBB ou Equity de CDO supporte plus de 100$ de prêts subprimes. L’investisseur en CDOs n’a plus qu’une visibilité minimale du risque lié aux prêts hypothécaires sous-jacents. Sa décision d’investissement est uniquement fondée par la notation des agences. Le volume de CDOs émis a plus ou moins triplé entre 2004 et 2007 en passant de 147 milliards de dollars à 436 milliards de dollars. Dans le même temps, la proportion de subprime RMBS va systématiquement augmenter. La composition type d’un ABS CDO en 2006 se présente comme suit: • Tranches de RMBS subprimes : 77% • Autres tranches de RMBS : 12% • Tranches d’autres CDOs : 6% • Divers : 5% A partir de 2005, les CDOs vont utiliser des produits dérivés de crédit (CDS) de subprime RMBS afin de satisfaire la demande sans cesse croissante pour les tranches de CDOs (et de palier à l’insuffisance de l’offre en « véritables » subprime RMBS). Cela se traduit par l’augmentation de la prise de risque. Le schéma ci-après donne une illustration et indique qu’il peut y avoir plusieurs niveaux de levier2 (CDO2 CDO3 ou plus). 9 RMBS Investisseurs Actif Passif Hedge Funds SIV CDO2 CDO Qui sont les acheteurs de tranches de CDOs ? Il n’existe pas de statistiques officielles mais il apparaît clairement qu’au fil des années un certain nombre d’investisseurs traditionnels (Assurances, Banques, Sociétés d’investissement se sont montrés actifs sur le secteur. Un autre type d’acheteurs va apparaître sous la forme de véhicules hors-bilan bancaires (ABCPs) pour « asset-backed commercial paper » conduits ou indépendants (SIVs) pour « Structured Investment vehicles » dont l’unique activité est l’achat et le refinancement de produits structurés. L’interdépendance entre ces véhicules d’investissements structurés et les acteurs traditionnels des marchés de capitaux est réelle et significative. S’agissant des véhicules d’investissement hors-bilan, ils jouent un rôle primordial parmi les acheteurs de risque CDOs. Il existe des différences entre les différentes structures (ABCP, SIV, SIV-lite), mais toutes reposent sur la même stratégie : • Achat d’actifs à long-terme, refinancés par l’émission de dette à court-terme. • Le profit pour le véhicule repose donc sur l’arbitrage (ou transformation) entre le coût du financement et le rendement des actifs. Les véhicules opèrent avec un effet de levier important. Compte-tenu de la « qualité » des actifs détenus (notés AAA en grande partie), les agences de notation ont des exigences de capital réduites pour accorder la meilleure notation possible à la dette courtterme émise pour le refinancement. En fonction du type de véhicule, la proportion de risque CDOs ou US RMBS au sens large varie : de 25% en moyenne pour les conduits bancaires à plus de 80% pour les SIV-lite (la structure la plus « agressive » dans la famille des véhicules d’investissement). Beaucoup de ces structures ont l’obligation (des agences de notation) de valoriser leur portefeuille en valeur de marché. En fonction de la valeur liquidative des actifs, le véhicule est autorisé à augmenter son levier ou au contraire contraint de le réduire. 10 Au pic, pendant l’été 2007, l’encours de dette de type « asset-backed commercial paper » va atteindre 1,200 milliards de dollars US. La dette à court-terme émise par les véhicules structurés pour refinancer leur actif a presque doublé en quelques années. L’émission d’un tel montant de dette à court-terme par les véhicules structurés est rendue possible, et en réalité facilement absorbée, par l’important besoin d’investissement de liquidités en dollars US. Les Sociétés d’investissement (dans leur forme de Money market funds) ont vu leur encours augmenter considérablement en quelques années. Début 2007, l’encours de ces fonds va dépasser les 4,000 milliards de dollars US. Elles sont les principaux investisseurs en papiers courts émis par les véhicules structurés. Dans certain cas ils détiennent même en direct des titrisations commerciales ou résidentielles. Les fonds obligataires (Bonds funds) de leur côté ont également connu une croissance rapide. L’encours de ces fonds est proche de 2,000 milliards de dollars US à la veille de la crise. Eux aussi sont des investisseurs importants dans le secteur de la titrisation, soit en direct en achetant des tranches de RMBS ou CMBS mais également indirectement en finançant les véhicules structurés. Ces montants mettent en lumière la profonde transformation du système financier international. On estime que le système bancaire « classique » ne représente plus aujourd’hui que 20% du financement nécessaire à l’économie (contre plus de 60% après la 2eme guerre mondiale). En somme, le développement rapide de la titrisation s’est accompagné d’une dégradation de la qualité de crédit des créances et prêts titrisés sous-jacents (apparition et titrisation des prêts subprimes et Alt-A, « leveraged loans » etc…). L’innovation financière va permettre d’augmenter l’effet de levier en rajoutant au minimum une couche supplémentaire de structuration avec l’apparition et le développement rapide des CDOs. Dans certain cas, ces produits titrisés sont achetés par des structures d’investissement complexes et opaques, reposant ellemême sur un important effet de levier. Le refinancement de l’ensemble de ces 11 produits est essentiellement à « court-terme », soit par la maturité de la dette de refinancement émise (cas des ABCPs), soit par la possibilité pour les investisseurs d’exiger le retrait de leur investissements (les « money market funds » ont fait face à des demandes de retrait supérieures à 700 milliards de dollars US dans les 2 semaines suivant la faillite de Lehman Brothers). Il est également sensible à la valeur de marché des investissements effectués. Avec le développement sans précédent des crédits hypothécaires subprimes et de la titrisation, tous les ingrédients semblent être en place, prenant la forme d’une bulle dont l’éclatement va provoquer la crise financière. Les acteurs en présence sont constitués des banques qui sont à l’origine des crédits subprimes, les investisseurs parmi lesquels les sociétés d’investissement (« money market funds », hedge funds) jouent un rôle très actif, les agences de notation (compte tenu de l’opacité de la chaîne des titres, les investisseurs se fondent sur l’appréciation de ces agences) et les autorités monétaires ou les autorités chargées du contrôle prudentiel. La situation d’avant le déclenchement de la crise est caractérisée par un accroissement considérable des risques d’emballement de l’économie américaine : les dettes des ménages ont atteint 98% du PIB contre 49% en 1979, les produits titrisés connaissent un développement démesuré jusqu’au niveau de 12000 milliards de dollars, la dette extérieure des Etats-Unis se situe à 700 milliards de dollars soit 70% du PIB pendant que la dette totale atteint 350 % du PIB en 2007. Cette situation préoccupante a amené la FED à intervenir en relevant sensiblement le taux d’intérêt directeur de 1% en 2004-2005 à plus de 5% en 2007. Cela provoque un retournement sur le marché immobilier du fait du renchérissement du crédit. 12 II. MANIFESTATIONS DE LA CRISE Au départ, la crise s’est manifestée par la crise des subprimes et de la titrisation directement correlée à la crise immobilière. Il y a eu ensuite la crise bancaire, la crise boursière et la crise économique. (i) Crise immobilière, des subprimes et de la titrisation Le marché des subprimes est directement lié à l’évolution du marché de l’immobilier qui lui est sous-jacent. Le marché des produits titrisés est à son tour étroitement imbriqué aux crédits hypothécaires qui lui sont sous-jacents. La baisse inattendue des prix de l’immobilier aux Etats-Unis concomitante à une hausse des taux d’intérêt variables a accentué le risque sur les prêts hypothécaires et a conduit en conséquence à la baisse de la valeur des titres pour lesquels les biens immobiliers servaient de caution, entraînant une détérioration de la situation financière des institutions détenant ces titres dans leur portefeuille. Le marché de l’immobilier a entamé sa baisse après avoir atteint son pic à fin 2006 – début 2007. En ce moment, l’indice SPCS20 qui est un indice composite du prix du logement aux Etats-Unis atteint près de 210. Il est descendu rapidement jusqu’à 144 en début 2009. Les marchés des crédits hypothécaires et des produits titrisés ont été entrainés dans la même chute. L’indice ABX des produits titrisés adossés aux crédits hypothécaires est de 100 en janvier 2006 à moins de 20 à fin 2007. 13 (ii) Crise bancaire La crise des crédits subprimes a provoqué une accumulation de créances douteuses au niveau du système bancaire. Il s’ajoute les difficultés à placer les produits titrisés. Il en résulte une dépréciation très nette des actifs détenus par les banques. Un climat de panique s’installe auprès des ménages provoquant un retrait massif des dépôts. Les mouvements massifs de désengagement de ces titres ont entraîné des problèmes de trésorerie chez un grand nombre de banques. La méfiance des institutions financières entre elles s’est traduite par une baisse sensible des prêts entre banques, avec pour conséquence une crise de liquidité sur le marché :la circulation des actifs toxiques crée un climat de méfiance réciproque entre les banques affectant sérieusement le marché interbancaire ; une crise de liquidité en découle. Les banques sont aux prises avec une crise de solvabilité. Les faillites se multiplient. C’est ainsi que par exemple Lehman Brothers qui est la 4ème banque d’investissement américaine a été liquidée tandis Merril Lynch a été rachetée par Bank of América pour 50 milliards de dollars. (iii) Crise boursière La crise a été aggravée par l’effondrement de la valeur des actions de plusieurs institutions financières sur les marchés boursiers La crise boursière s’est traduite par : • l’effondrement du marché hypothécaire • la chute des cours boursiers des banques en difficulté • l’effet de panique • la forte baisse de 20% dans la semaine du 06 octobre 2008 14 (iv) Crise économique Au niveau des ménages des pays développés, l’inquiétude née du risque de pertes ou de l’effritement de l’épargne et de l’accès plus difficile au crédit a conduit à une révision à la baisse de la demande de consommation. En conséquence, la récession économique s’est installée dans les économies développées. Les facteurs ci-après ont été en jeu : • • • • • restriction des crédits chute de la valeur des actifs détenus en bourse baisse de la demande baisse de la production, en particulier le secteur financier et le secteur de la construction augmentation du taux de chômage . Cette situation est à l’origine d’une évolution à la baisse des cours des matières premières. III. DES MESURES IMMEDIATES AU PLAN INTERNATIONAL Face à cette crise, les pays directement affectés ont engagé des actions au plan national ou régional, en vue de restaurer la confiance et assurer le fonctionnement normal des marchés du crédit et des marchés financiers en général. Il s’est agi de : 15 • • • politique fiscale avantageuse envers les ménages par exemple politique budgétaire expansionniste: infrastructures par exemple politique monétaire plus souple: injection de liquidités De manière plus spécifique, l’ampleur et la dimension mondiale de la crise ont conduit à des mesures vigoureuses et parfois exceptionnelles par les Etats pour appuyer les institutions financières ayant une importance systémique et prévenir ainsi leur faillite. Dans la plupart des cas, les actions ont consisté en: - une garantie publique explicite des dépôts des banques ; une garantie publique des prêts interbancaires ; la mise en place de mécanismes de rachat par les banques centrales et les Etats des créances douteuses et impayés ; la recapitalisation des institutions en difficulté par l’acquisition de leurs actions sur le marché boursier, par des fonds publics ; les injections massives de liquidité par les Banques centrales sur les marchés monétaires et une baisse concertée des taux d’intérêt. Le Gouvernement américain a déployé un plan de sauvetage du système financier dit Plan Paulson mobilisant 700 milliards de dollars. En Europe, de nombreux établissements bancaires ont été touchés par la crise au point de nécessiter leur renflouement par des fonds gouvernementaux. C’est le cas par exemple de Bradford & Bingley par l’Etat britannique et de Dexia par l’Etat français2 et les pays du Benelux, à hauteur de 6,4 milliards d’Euros. A cela s’ajoute la décision des autorités publiques françaises de garantir les dépôts du système bancaire avec une mobilisation de 22 milliards pour le financement des PME Cependant,les injections de liquidité et les baisses de taux d’intérêt initiées par les banques centrales, les opérations massives de soutien aux banques sur fonds publics et les garanties de dépôts décidées par les gouvernements n’ont réussi pas à endiguer qu’en partie la crise de confiance sur les marchés. Avec les resserrements du crédit, la crise s’est transmise au secteur réel. Les volumes du commerce mondial devraient se réduire de 2,1 % en 2009 et par conséquent, les exportations des pays en développement en souffriront fortement. Les pays émergents qui exportent de grandes quantités vers les marchés américains et européens sont les premiers concernés La croissance des investissements devrait également baisser tant dans les pays développés que dans les pays en développement en raison du resserrement des crédits et de l’augmentation de l’incertitude. La baisse devrait être de 1,3 % dans les pays développés et, dans les pays en développement, les investissements ne devraient augmenter que de 3,5 %, contre 13% en 2007. Il est à noter que les pays africains qui ont été épargnés par les premiers effets de la crise, parce que n’étant pas bien intégrés dans le système financier mondial, ne seront pas en marge des effets réels de la crise. Par divers canaux, notamment les exportations et les flux de capitaux y compris les transferts des émigrés et l’aide C’est la première fois depuis les années 90 que l’Etat français intervient pour sauver une banque après le sauvetage du Crédit Lyonnais en 1994-95. 2 16 publique au développement, ces pays sont exposés aux effets de la récession économique qui a fini de s’installer partout ailleurs. IV. LES CRISES FINANCIERES DES ANNEES 1980 A MAINTENANT : DIFFERENCES ET SIMILITUDES. Les trois décennies passées ont toutes été marquées par des crises financières qui présentent cependant des similitudes et des différences. D’abord, l’on a enregistré une série de crises de la dette durant les années 1980, inaugurée par la crise mexicaine de 1982. Beaucoup de pays en développement s’étaient lourdement endettés auprès des banques commerciales occidentales à l’époque du recyclage des pétrodollars. Pour faire face à la crise, le Plan Brady était allé à la rescousse des pays à revenu intermédiaire pendant que les pays à revenu faible s’adressaient au Club de Paris. Le Plan Brady a surtout profité aux pays latino-américains alors fortement engagés vis-à-vis des grandes banques privées. Plus tard en décembre 1994, le Mexique est confronté à nouveau à une crise quand le Gouvernement a dévalué le peso (la monnaie mexicaine) de 15 %. Les opérateurs sur le marché des changes et les investisseurs pris par la panique ont cherché à se débarrasser des actifs en peso, ce qui a exacerbé la baisse du peso. Dans le même temps, il y a eu une sortie massive de capitaux et une chute de 48 % de l’indice boursier mexicain. Les effets de cette crise se sont fait sentir dans les pays voisins, notamment au Brésil. Deux ans et demi plus tard, à partir de juillet 1997 plus précisément, l’économie mondiale a été subitement secouée par une autre crise, la crise financière asiatique. A l’origine de cette crise, beaucoup d’observateurs indexent les systèmes financiers nationaux qui ont pêché du côté des régimes de change fixe, de la gouvernance d’entreprise (“crony capitalism”), d’un endettement excessif du secteur privé local (y compris le secteur bancaire local) auprès des systèmes financiers internationaux et d’une supervision insuffisante. Les reproches vont également aux investisseurs, le retrait massif de capitaux aux premiers signes de la crise ayant été qualifié de réaction disproportionnée. La crise éclata en premier en Thaïlande et s’est rapidement étendue à la Malaisie, les Philippines, l’Indonésie et la Corée du Sud. Singapour et Hong Kong ont échappé à la crise grâce à la solidité de leurs systèmes financiers et à une supervision adéquate. Le FMI a été la cible de beaucoup de critiques pour n’avoir pas : - anticipé cette crise asiatique ; accordé suffisamment d’attention au problème des hedge funds ; surveillé de près les marchés financiers. Ses prescriptions ont été jugées peu adaptées à la situation des pays de la région excepté dans le cas de la Thaïlande. Quant à la crise financière russe, l’onde de choc de la crise asiatique a provoqué une première attaque spéculative sur la monnaie russe, le rouble, en novembre 1997. La chute des prix des produits primaires d’exportation (pétrole, gaz naturel, métaux et 17 bois) qui constituent 80 % des exportations russes, observée à partir de décembre 1997, a accentué les difficultés de l’économie russe. En dépit des efforts déployés pour garder une parité fixe avec le dollar par des interventions massives sur le marché des changes (novembre 1997 et avril 1998) et éviter la dévaluation, celle-ci interviendra le 17 août 1998, suivie du flottement libre du rouble. Le Gouvernement russe annonce en même temps la cessation de paiement sur la dette intérieure et un moratoire sur la dette extérieure. En 1998, la croissance économique russe a été négative de 4.9 %. La crise de cessation de paiement russe a été à son tour le point de départ d’autres répercussions Les crises mexicaine, asiatique et russe ont particulièrement attiré l’attention sur la volatilité des capitaux et la rapidité de contagion dont elles font preuve. Pour ce qui est de la crise financière mondiale, elle est en cours depuis l’été 2007 et s'est fortement aggravée en 2008 à partir de la semaine du 14 Septembre 2008 lorsque plusieurs établissements financiers américains entrent en situation de faillite. Plusieurs de ces établissements sont sauvés in extrémis par la Fed (Banque Centrale Américaine), soit rachetés par des concurrents en meilleure situation, soit véritablement liquidés (comme c’est le cas de Lehman Brothers). Les difficultés engendrées par les prêts hypothécaires à haut risque aux Etats-Unis ont eu des répercussions immédiates sur les marchés mondiaux. Les actifs « toxiques » ont installé la méfiance entre les grandes banques internationales et entraîné un resserrement du crédit. Bien que la crise ait éclaté sur les marchés américains De ce qui précède, il ressort que les crises financières diffèrent les unes des autres sur plusieurs points : le foyer de départ de la crise, les pays qui sont touchés, la vitesse de propagation ou l’ampleur de la crise. Quant aux traits communs, il suffit de relever le levier des flux de capitaux comme le principal trait de similitude des crises survenues sur ces trente dernières années. Le reflux massif de capitaux a, à chaque fois, contribué considérablement au déclenchement de la crise. En particulier, deux caractéristiques ont été souvent à l’œuvre : la volatilité des capitaux privés d’une part et d’autre part la rapidité de diffusion des crises en raison de la globalisation financière actuelle. CONCLUSION La crise financière mondiale se distingue par son ampleur. Partie des Etats-Unis suite aux difficultés de remboursement des prêts hypothécaires, la crise financière s’est traduite par un resserrement du crédit et s’est vite internationalisée. Les Gouvernements et les banques sont allés à la rescousse du système financier en crise par des interventions énergiques à une échelle sans précédent. En dépit de ces mesures, la crise financière est devenue une crise économique profonde qui affecte toutes les régions du monde. Par ailleurs, dans le but de conforter les actions engagées dans les pays développés, l’idée d’une refondation du système monétaire international pour une meilleure gouvernance financière mondiale a été lancée. Il faut noter à cet égard que le groupe du G20 s’est réuni à deux reprises depuis le déclenchement de la crise et 18 a arrêté un certain de mesures. Pour l’essentiel, ces mesures visent à assurer une meilleure surveillance des marchés de capitaux. 19 Chapitre 2. CRISE FINANCIERE ET ECONOMIQUE MONDIALE : REPERCUSSIONS SUR L’ECONOMIE SENEGALAISE La crise financière a eu des effets directs et indirects sur l’économie mondiale. Si au début les effets directs ont affecté principalement le système bancaire et financier dans les pays développés, aujourd’hui le monde est plongé dans une profonde crise qui n’épargne aucun pays en dépit des mesures exceptionnelles prises au plan international. Les projections font état d’une baisse du PNB des pays de l’OCDE de 3.8% en 2009 contre une hausse de 1% en 2008. Les pays en développement pendant ce temps verraient leur taux de croissance passer de 6% en 2008 à 3% en 2009. Dans l’analyse qui suit il est surtout question des conséquences de la crise financière mondiale sur l’économie sénégalaise et des mesures prises ou en cours pour y faire face. I. CONSEQUENCES SUR L’ECONOMIE SENEGALAISE Les différents observateurs sont généralement d’accord pour dire que les effets directs de la crise financière, c'est-à-dire l’impact sur le système bancaire et financier, sont faibles et qu’il n’y a pas de péril de ce côté compte tenu du dispositif prudentiel de l’UEMOA et de la faible intégration du système financier sénégalais ou de l’UEMOA au système financier international. Quant aux effets indirects, ils sont potentiellement plus importants, les canaux de transmission étant : les exportations, les flux des capitaux privés (transferts des travailleurs et investissements directs étrangers) et l’aide publique au développement. S’agissant des exportations sénégalaises, la baisse de la demande mondiale du fait de la crise peut affecter les exportations en volume et en prix. Pour le premier trimestre 2009, on note une baisse de 10,2 % par rapport au même trimestre de 2008 de la valeur des exportations. Des projections antérieures étaient plus optimistes et donnaient une légère baisse du volume des exportations, se fondant sur le fait que 50 % des exportations sont orientées vers la sous-région avec l’hypothèse que celle-ci serait moins touchée que la moyenne des pays de l’OCDE. Les rentrées de devises au titre du tourisme et l’activité touristique risquent de subir plus les répercussions de la crise. En effet, l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) a affirmé que le tourisme mondial avait été touché dès la deuxième moitié de 2008 par une économie mondiale extrêmement volatile (crise financière, augmentation du prix du pétrole et fluctuation intensive des taux de changes). Le nombre de touristes qui avait augmenté de plus de 2% en début 2008 par rapport à l'année 2007 a radicalement baissé durant les six derniers mois de l’année. Les 5% de croissance enregistrés de janvier à juin 2008 ont de ce fait été suivis d'un déclin de 1% les six mois suivants. 20 Selon les données de la conjoncture de l’économie sénégalaise, l’indice du chiffre d’affaires pour le sous-secteur Hotels-Bars-Restaurants indique une baisse de 31% au 1er trimestre 2009 par rapport au même trimestre de 2008. De leur côté, les transferts des ONG et les transferts des sénégalais établis à l’étranger vont subir le contrecoup de la baisse de l’activité et du pouvoir d’achat dans les pays industrialisés. Les envois de fonds constituent une source croissante et importante de revenus des ménages en Afrique, et au Sénégal en particulier où les transferts des migrants représentaient en 2007, 459.1 milliards de Francs CFA. La baisse de ces transferts a des impacts directs sur la consommation des ménages ainsi que sur la construction de bâtiments et par voie de conséquence sur l’activité économique. Une baisse n’a pas été observée en 2008 mais elle est à craindre en 2009. En tous cas durant le premier trimestre 2009, les envois de fonds ont diminué de 4.9% par rapport à la même période de 2008. En ce qui concerne le flux des capitaux étrangers, il faut s’attendre à ce que les économies de la sous région, celle du Sénégal en particulier subissent les effets de la crise. Il est à craindre que cette situation affecte négativement les flux d’investissements directs étrangers. Au demeurant, les investissements directs étrangers avaient commencé à prendre la destination africaine dans le financement de secteurs porteurs de croissance comme les infrastructures. En effet les taux de croissance record enregistrés en Afrique au cours de ces dernières années sont en partie dus aux investissements privés étrangers qui jouent un rôle de plus en plus important dans le développement économique du continent. Le ralentissement des flux d’investissement, surtout si la baisse atteint les 50% avancés par certaines projections, pourrait avoir des conséquences sévères sur le développement des infrastructures et d’autres secteurs. En ce qui concerne les projets actuellement en cours au Sénégal (DP World, Aéroport de NDIASS, Zone Economique Spéciale, Arcelor-MITTAL, IFCO dans les phosphates), ils devraient maintenir le cap pour l’essentiel même si l’on n’est pas à l’abri de révisions en termes de calendrier et de volume du fait de la crise. Pour ce qui est de l’aide publique au développement, malgré les engagements pris lors des Sommets de Greeneagles et de Monterrey, elle risque d’être affectée à la baisse. La question est donc de savoir si les pays du Nord pourront tenir leurs promesses, en dépit de la crise financière et économique. Les conséquences socioéconomiques : la crise (financière), si elle n'est pas jugulée, va aggraver la situation de précarité des populations pauvres et affecter les efforts de long terme pour stimuler la croissance. La baisse du pouvoir d’achat, du niveau de l’emploi, et le report de la date d’atteinte des OMD sont au nombre des principales conséquences socioéconomiques auxquelles le Sénégal fait face. C’est ainsi que la croissance économique pour ce qui est du Sénégal est prévue à 3,1 % en 2009 contre 5 % dans les projections initiales. Déjà en 2008, le taux de croissance n’a été que de 2.5 % du fait de la crise énergétique et de la crise alimentaire qui ont précédé et qui expliquent, par leurs effets cumulés, cette faible croissance en 2008. La situation socioéconomique est rendue particulièrement difficile par le contexte de crise de la période 2008-2009. Mais il faut noter une 21 évolution favorable des prix des matières premières énergétiques et agricoles. En effet ceux-ci se sont inscrits en baisse depuis plusieurs mois déjà. II. MESURES DE LUTTE CONTRE LA CRISE Mesures à court terme Dans le cadre du programme ISPE, un Comité de veille a été mis en place. La mission de ce Comité est de porter une attention particulière sur les effets de la crise en ce qui concerne la solvabilité et la liquidité du système bancaire et des marchés financiers. Dans le cadre de la politique budgétaire, l’objectif des autorités est la poursuite de l’appui aux populations les plus vulnérables sans aggraver le déficit budgétaire. A titre d’exemple, en 2008, le filet de sécurité sociale a coûté, à l’Etat, plus de 180 milliards de FCFA de subventions des produits de première nécessité. En définitive, la poursuite des efforts de stabilisation revêt un caractère prioritaire et s’articule autour : - d’une gestion prudente et ciblée des dépenses publiques ; - d’un appui ciblé et efficace aux populations les plus démunies ; - de la négociation de prêts concessionnels pour réduire le poids du service de la dette en situation de difficulté économique ; - du renforcement des acquis en matière d’élargissement de l’assiette fiscale pour disposer d'une marge de manœuvre accrue en matière budgétaire Au premier trimestre 2009, le taux d’inflation est ressorti à 1.9 %, en dessous de la norme UEMOA et est le plus faible de la zone UEMOA où la moyenne est de 5.4%. C’est le résultat sans doute de la baisse des prix du pétrole et des prix des produits alimentaires que l’on a observée depuis la fin de l’année 2008 mais aussi le résultat des mesures de stabilisation indiquées plus haut et qui devraient se poursuivre. Mesures à moyen et long terme Les économies africaines devront continuer à mener les réformes structurelles nécessaires à l’expansion de l’investissement privé. Il s’agit, entre autres, de consolider la stabilité macroéconomique, d’asseoir un environnement des affaires de classe internationale, de mener les réformes pour une bonne gouvernance publique et privée et d’identifier des créneaux porteurs capables d’attirer des investisseurs dans l’économie réelle. A cet égard, la politique en faveur de l’instauration d’une administration de services capable de répondre aux principales préoccupations des usagers est en cours d’élaboration. Récemment, la signature d’un contrat de performance entre la Direction Générale des Impôts et des Domaines et le Ministère de l’Economie et des Finances, entre en droite ligne dans cette option politique. Dans le même sillage, la définition des normes relatives aux délais de traitement des dossiers au sein du Ministère de l’Economie et des Finances mérite d’être signalée. 22 Au titre des mesures à moyen terme, le Sénégal a surtout deux instruments phares dont la mise en œuvre visera à enrayer la crise et retrouver le plus vite possible le rythme d’une croissance forte et l’atteinte des OMD. Il s’agit du Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté de seconde génération (DSRP II) et de la Stratégie de Croissance Accélérée (SCA). Pour rappel, le DRSPII est bâti autour de quatre axes : - Axe 1 : Création de richesses pour une croissance pro-pauvre - Axe 2 : Accélération de la promotion de l’accès aux services de base - Axe 3 : Protection sociale, prévention et gestion des risques et catastrophes - Axe 4 : Bonne gouvernance et développement décentralisé et participati La SCA vise à opérationnaliser l’axe 1 du DSRP. Elle poursuit un objectif de croissance de 7% voire 8% à l’horizon 2015 et repose sur deux piliers de base : la mise en place d’un environnement des affaires de classe internationale et le choix de cinq grappes de croissance en raison de leur potentiel d’exportation et de valeur ajoutée et d’emploi. Ces cinq grappes sont : l’agriculture et l’agro-industrie, les produits de la mer et l’aquaculture, le textile et l’habillement, les technologies de la communication et télé services, le tourisme, les industries culturelles et l’artisanat d’art. Dans le secteur de l’agriculture en particulier, le lancement de la GOANA a permis d’obtenir une production céréalière en nette augmentation, dans le sens de réduire la dépendance à l’importation de produits alimentaires et de promouvoir la sécurité alimentaire de nombreuses populations du monde rural. Le Gouvernement est en train de préparer la GOANA II qui devrait aller dans le sens de consolider les acquis de GOANA I. D’autres programmes qui existaient avant l’apparut ion de la crise sont rendus encore plus nécessaires par le nouveau contexte de crise. Il s’agit entre autres des Fonds pour l’emploi des jeunes ou le micro crédit. Ils seront renforcés à l’effet d’atténuer les conséquences socioéconomiques de la crise. CONCLUSION Depuis bientôt un an, la crise financière reste au devant de l’actualité économique internationale. Elle est devenue en fait une crise économique profonde qui n’épargne aucune région du globe. Les effets directs sur le secteur bancaire et financier sont peu ressentis au Sénégal. Par contre, la crise financière et économique mondiale a des répercussions sur le secteur réel de l’économie sénégalaise, C’est un fait que les données disponibles du premier trimestre 2009 semblent attester à travers les canaux de transmission que sont les exportations, l’activité touristique et les flux de capitaux privés et publics. Les programmes en cours du Gouvernement visent à atténuer l’impact de la crise en 2009 et d’amorcer la sortie de crise à l’instar du scénario que de plus en plus d’observateurs mettent en avant pour l’économie mondiale, c'est-à-dire une reprise économique à partir de l’année 2010. 23 Chapitre 3. CRISE FINANCIERE ET ACCES AUX FINANCEMENTS La crise financière mondiale a affecté le secteur financier africain à des degrés divers. Le système bancaire a été relativement épargné. Par contre, la crise a sévèrement touché d’autres segments du système financier tels que les Bourses de valeurs. Quels enseignements peuvent être tirés de cette expérience, notamment en ce qui concerne la question de l’accès aux financements ? Pour répondre à cette question, l’analyse qui suit, traite d’abord de l’impact de la crise sur le système financier. Elle traite ensuite de la justification de maintenir ou non les systèmes de contrôle des changes. I. IMPACT SUR LE SYSTEME BANCAIRE Le système bancaire africain intervient principalement dans l’intermédiation classique. Il est très peu exposé à des transactions hors bilan, concernant le marché des titres et des dérivés. Egalement dans certains pays africains, l’accès aux ressources des banques étrangères est fortement réglementé. Cette situation de déconnexion relative explique le fait que le système bancaire africain est resté en dehors de la crise des sub-primes qui a secoué le système bancaire dans les pays du Nord. Même la forte présence de filiales occidentales en Afrique ne s’est pas traduite par des effets directs de la crise, Le constat est que les banques américaines et européennes présentes sur le continent n’ont pas répercuté directement leurs pertes sur leurs filiales africaines. II. IMPACT SUR LES MARCHES DE CAPITAUX Du côté du marché des capitaux, la situation est toute différente. Les principales bourses africaines ont enregistré une forte baisse. C’est ainsi qu’entre le 31 juillet 2008 et le 12 février 2009, les indices boursiers ont connu une baisse de 30 % à la BRVM (UEMOA), 61 % en Egypte, 41 % au Kenya, 42 % à l’Ile Maurice, 27 % au Maroc, 55 % au Nigéria et 25 % en Afrique du Sud. Pendant ce temps, les pays BRIC ont vu en moyenne une moindre baisse de leurs bourses : 30 % au Brésil, 68 % en Russie, 33 % en Inde et 16 % en Chine. La baisse a été moindre également dans un échantillon de pays OCDE : 23 % au Royaume Uni, 31 % aux Etats-Unis, 32 % en France et 42 % au Japon. Deux raisons semblent expliquer la baisse très significative des bourses africaines, à savoir une certaine dose de surévaluation des actifs sur ce marché d’une part et d’autre part d’énormes sorties de capitaux d’investissements de portefeuille. Les marchés des obligations de leur côté ont subi aussi les effets de la crise. La mobilisation de ressources sur ces marchés a fait face à une montée des marges de taux d’intérêt allant jusqu’à 200 points de base. 24 Plusieurs pays africains ont vécu cette situation. Les difficultés qu’ils éprouvent à lever des fonds sur les marchés de capitaux internationaux se sont accentuées. C’est ainsi que des pays comme le Kenya, le Nigéria, l’Ouganda et la Tanzanie ont été amenés à annuler des plans de mobilisation de ressources sur ces marchés. En raison de la crise financière, les flux nets de capitaux privés vers l’Afrique sont attendus à la baisse en 2009. C’est le cas en particulier de l’investissement direct étranger (IDE). Or l’IDE a joué un rôle déterminant dans l’accélération de la croissance économique en Afrique dans la décennie précédant le déclenchement de la crise. En effet, les réformes de politiques entreprises durant cette période ont permis de créer un climat propice à l’investissement et à l’entrée de capitaux . Mais le système plus ouvert ainsi mis en place au prix de différentes réformes a rendu possible le retrait massif de capitaux que les investisseurs ont opéré face aux risques nés de la crise. En d’autres termes, la libéralisation du compte capital a favorisé le développement du secteur financier dans un certain nombre de pays africains. Mais ces mêmes pays ont été plus vulnérables aux phénomènes de contagion. A côté, d’autres pays africains continuent d’exercer un contrôle de changes plus strict. Leur système financier est moins développé. Mais ils maîtrisent beaucoup mieux les flux de capitaux à l’entrée et à la sortie. III. COMPTE DE CAPITAL ET CONTROLE DE CHANGE Que faire ? Faut-il procéder à la libéralisation du compte de capital de la balance des paiements et ainsi pousser le secteur financier à l’émergence ? Mais dans ce cas de figure, le pays en question court le risque de subir le reflux de capitaux dans des situations similaires à la crise financière actuelle. Ou bien faut-il maintenir le contrôle de changes en l’état et se mettre à l’abri des risques de contagion ? L’inconvénient dans ce deuxième cas de figure est que les restrictions sur le compte de capital gênent le développement et l’émergence du marché financier. A cet égard, il est possible de voir le dilemme qui se pose aux pays de la zone UEMOA. En effet les pays ont un régime de change fixe. Celui-ci n’est pas compatible avec une libéralisation du compte de capital selon la règle de « l’impossible trinité », si l’on considère que ces pays veulent conserver une certaine marge de manœuvre dans la conduite de la politique monétaire (détermination des taux d’intérêt). Si ce postulat en matière de politique monétaire est posé, « l’impossible trinité » conduit en pratique aux deux scénarios suivants : le libre mouvement de capitaux à l’entrée et à la sortie pour un pays donné s’accompagne de la flexibilité du taux de change. Inversement, un régime de change fixe s’accompagne d’un contrôle de change. S’agissant de la flexibilité des taux de change, il convient d’ajouter que la crise financière mondiale a provoqué une forte dépréciation de plusieurs monnaies africaines. A contrario et à titre de comparaison, le franc CFA qui est en régime de change fixe n’a pas été concerné par ces variations. La lecture de ce tableau très 25 contrasté appelle quelques commentaires. De prime abord, la dépréciation des monnaies a pour effet immédiat d’alimenter l’inflation puisque les prix des produits importés rendus en monnaie locale portent de façon mécanique la hausse induite par le taux de change. Par conséquent, elle reflète dans une certaine mesure l’impact négatif de la crise. Mais la dépréciation traduit aussi et surtout un processus d’ajustement de l’économie vers un nouvel équilibre rendu nécessaire suite au choc exogène. Ici le choc exogène prend essentiellement la forme de sortie de capitaux ou d’une moindre entrée nette de capitaux d’une part et d’autre part de réduction des recettes d’exportation dans le contexte de la crise. Le déplacement du point d’équilibre est mesuré par la variation du taux de change réel. Dans le cas d’un pays à régime de change flexible, la dépréciation nominale de la monnaie assure l’essentiel de cette variation du taux de change réel, laquelle variation correspond au mouvement du point d’équilibre. Dans le cas à régime de change fixe, l’ajustement est d’ordre interne. Il s’opère par la déflation sur une période plus longue et donne lieu souvent à une réduction plus nette du taux de croissance économique. CONCLUSION De ce qui précède, il ressort que la libéralisation du compte de capital est d’un enjeu important. Elle influe sur le développement du secteur financier, la capacité d’ajustement d’une économie face à des chocs exogènes mais aussi sur la vulnérabilité aux phénomènes de contagion. Dans l’ordre de la libéralisation, la stabilisation macroéconomique et la libéralisation du compte courant de la balance des paiements viennent en tête, avant la libéralisation du compte capital. Les pays ont suivi en général ce cheminement et ont aujourd’hui presque tous libéralisé le compte courant. Ils se sont engagés dans la dernière étape à savoir la libéralisation du compte de capital. Aujourd’hui les pays développés, les pays émergents mais aussi beaucoup d’autres pays en développement ont déjà libéralisé leur compte de capital. 26 Chapitre 4. CRISE FINANCIERE MONDIALE : PROPOSITIONS DE REFORME DU SYSTEME MONETAIRE INTERNATIONAL La crise financière qui est partie des Etats-Unis s’est étendue au reste du monde à partir du second semestre de l’année 2008. Les pays développés ont engagé des actions énergiques visant à enrayer la crise. Malgré ces efforts, l’économie mondiale est entrée en récession. La crise financière mondiale fait suite aux crises financières russe, asiatique et mexicaine dans les années 1990. Elle est cependant beaucoup plus sévère que ces autres crises par le nombre de pays touchés, l’impact financier et socio-économique et la vitesse de propagation. Le moment est peut-être venu de réformer le système monétaire international afin de le rendre plus adapté au nouveau contexte et de prévenir la récurrence des crises financières. Les propositions ci-dessous visent la mise en place d’une architecture financière mondiale dans le volet monétaire et celui du financement du développement. I : VOLET MONETAIRE 1.1. Bref rappel des fonctions et de l’historique pendant l’après-guerre Avec la chute du système de régimes de change fixe de Bretton Woods qui a été mis en place en 1944 et l’avènement des changes flexibles, les mouvements de capitaux privés ont régulièrement joué un rôle dans les crises qui ont eu lieu dans les années 1980 et les années 1990 ainsi que la crise financière mondiale actuelle. Il est à noter que le marché des capitaux avait beaucoup gagné en intensité dans les années 1970, et le recyclage des pétrodollars aidant, il semblait couvrir l’essentiel des besoins de liquidité de l’économie mondiale au point de reléguer au second plan le Fonds Monétaire et la Banque Mondiale. Au cours des années 1980, l’économie internationale était confrontée à une situation de déséquilibres importants, caractérisés notamment par un large déficit du compte courant des Etats-Unis face à un tout aussi large excédent commercial du Japon, et une appréciation du dollar. Dans ce contexte, les pays membres du G7 ont entrepris des initiatives visant une meilleure coordination des interventions et l’élimination ou tout au moins la réduction des déséquilibres extérieurs. Les Accords de Plaza en 1985 et de Louvre en 1987 sont le résultat des compromis réalisés à l’occasion. Mais ils ont semblé avoir perdu de vue la question des flux de capitaux pourtant apparente dans l’irruption en 1982 de la crise de la dette de l’Amérique Latine marquée par les menaces de cessation de paiement du Mexique et de l’Argentine. Toujours à la faveur du développement accéléré du marché de capitaux, l’économie internationale a atteint un nouveau stade plus connu sous l’étiquette de globalisation des marchés. L’expansion du marché des capitaux a été largement facilitée par le développement non moins rapide des technologies de l’information et de la communication. 27 Par ailleurs, nombre de pays en développement participent au processus de globalisation et sont qualifiés de pays ou marchés émergents. Ces pays ont ainsi accès à des volumes importants de capitaux privés pour financer leur développement. Dans le même temps, une forme de pression s’exerce sur eux dans la mesure où ils sont en face du risque de retrait massif et presque instantané des capitaux privés en cas de crise de confiance vis-à-vis du pays récipiendaire et des politiques menées. De ce fait, les systèmes financiers nationaux de ces pays sont devenus plus exposés. Les années 1990 ont constitué un tournant et ont vu le monde entier prendre pleine conscience du processus de globalisation des marchés. Plus de dix ans plus tard, le nombre et la diversité des acteurs ont rendu la tâche plus complexe. A côté des banques, il faut compter d’autres acteurs tels que les hedge funds, les fonds de pension, les fonds mutuels et la multitude d’investisseurs individuels. La libéralisation du compte de capital dans un nombre croissant de pays signifie que le privé national, les banques locales en tête, peut se financer à l’extérieur. Si les conditions de supervision, de transparence et de « currency matching » ne sont pas assurées, le pays en question s’expose aux risques de crise financière. Le débat sur les régimes de change semble avoir mis le Fonds Monétaire International (FMI) dans une position inconfortable. En effet, parmi les pays membres et même dans la profession de même qu’au niveau académique, il y avait ceux en faveur des régimes de change flexibles (free float) et ceux en faveur des régimes de change fixes tandis que les régimes intermédiaires étaient considérés en général comme moins adaptés au contexte. C’est l’approche dite des deux extrêmes. L’exemple de régime de change fixe souvent cité à cet égard était celui du système monétaire européen qui a conduit par la suite à l’euro. La question est de savoir ce que devient depuis lors le camp des pro-changes fixes après l’accélération des libéralisations à la suite, notamment, de la crise asiatique, la Chine faisant figure d’exception qui confirme la règle. Toujours est-il que le Fonds semble être toujours dans une situation de ne pas pouvoir proposer un ancrage à la politique macroéconomique : le taux de change ou l’inflation. Il n’a pas d’avis tranché ou de conseil spécifique sur une question qui à l’origine constituait le point clé de son mandat. Malgré cette position perplexe sur la question de l’ancrage et malgré ses performances mitigées face aux différentes crises, le Fonds continue d’apparaître, aux yeux de ses principaux actionnaires comme l’institution la seule en vue et dédiée à la tâche de surveillance du système monétaire international. En effet, non seulement des réformes majeures n’ont pas eu lieu, mais également différentes augmentations des ressources du Fonds ont été réalisées, par exemple celle de 1998-99 intervenue dans le contexte de la crise asiatique et qui a vu ses ressources passer de 146 milliards de DTS à 212 milliards de DTS. L’entrée en scène de nouveaux acteurs ne concerne pas seulement le secteur privé. En effet, le système de 1944 dans lequel les Etats-Unis pesaient de tout leur poids au plan économique, financier et politique est différent de la situation des 28 années 1990 ou 2000. La zone euro a vu le jour entre-temps. La Chine, l’Inde, le Brésil et d’autres pays émergents sont aujourd’hui membres du groupe des 20 (G20). C’est dans ce nouveau contexte que vont intervenir les réformes du système monétaire international. Cela augure plus de démocratie dans les réformes à venir mais en contrepartie, le nombre d’acteurs peut être source de lenteurs dans les négociations. De plus, les domaines de discussion aujourd’hui, outre les questions de représentation, vont au-delà des domaines de compétence et des points détaillés dans les statuts du Fonds et touchent à de nouvelles questions telles que le traitement à réserver au compte capital, les procédures d’audit et comptables, les procédures de liquidation et d’insolvabilité, de supervision et de régulation reflétant dans une certaine mesure le niveau très avancé de l’intégration des marchés. Cette interconnexion étroite des marchés fait que les mesures de renforcement et de stabilisation des marchés financiers nationaux représentent des préalables pour asseoir la stabilité financière internationale. 1.2. Propositions de réforme L’économie internationale est confrontée à des crises financières récurrentes. La dernière en date, celle de 2008 qui s’est transformée en une crise économique très sévère, montre à quel point les conséquences peuvent être néfastes. Aujourd’hui, la demande est plus forte que jamais pour une réforme du système monétaire international et l’avènement d’une nouvelle architecture qui soit à même de : - contribuer à la croissance économique et au progrès durable ; réduire sensiblement la fréquence et l’ampleur des crises à défaut de pouvoir les éliminer totalement ; assurer une gestion efficiente des crises qui éclatent. Cette nouvelle architecture sera la réponse aux attentes de la communauté internationale. Pour ce faire, sa légitimité apparaît comme un impératif si l’on veut faire du Fonds un outil adapté à son époque. Il sera extrêmement important que le public, les Etats et le secteur privé se reconnaissent pleinement dans la nouvelle institution qui sera mise en place. Les dichotomies actuelles laissent penser à un traitement de « deux poids deux mesures » entre pays riches et pays pauvres, entre les grandes économies et les petites économies, traitement dans lequel les uns traînent leurs déséquilibres ou tardent à adopter des mesures de réformes pendant que les autres sont tenus à la rigueur de l’ajustement structurel malgré leur vulnérabilité à une variété de chocs exogènes et l’asymétrie de ceux-ci. La réforme en question n’est pas à présenter comme un instrument pour gérer seulement la crise actuelle. Elle dépasse les préoccupations du moment pour embrasser une perspective de plus long terme. L’architecture financière actuelle se compose du Fonds Monétaire International, de la Banque Mondiale et des banques régionales de développement et du Comité de Bâle sur la Supervision Bancaire. Dans la mesure du possible, la nouvelle infrastructure institutionnelle gagnera en clarté et simplicité. Le nombre 29 d’institutions qui la composent sera réduit au minimum avec des mandats clairement définis pour éviter les doublons et assurer la cohérence interne. A ce titre, le Comité de Bâle pourra se concentrer sur la définition des normes et standards en matière bancaire et de supervision. La Banque Mondiale et les banques régionales de développement se consacreront à la lutte contre la pauvreté et le financement des investissements dans les infrastructures socio-économiques du monde en développement. Dans la nouvelle configuration, le FMI quant à lui, reprend sa place d’institution monétaire majeure à qui échoient le rôle et la responsabilité de veiller à la bonne marche de l’économie mondiale et d’intervenir en cas de difficultés de balance de paiements. Il est le point focal de la réforme à entreprendre. Du reste, la communauté internationale gagnerait beaucoup à décentraliser le système monétaire international par la création de Fonds monétaires régionaux (FMR), un peu à l’image de la Banque mondiale et des Banques régionales de développement. Mais ici, l’articulation sera plus marquée. Déjà, en 1976, le monde arabe a fondé le Fonds Monétaire Arabe. Aussi, l’Afrique ainsi que l’Asie pour ne citer que ces régions ont de leur côté laissé entendre leur intention de créer un Fonds monétaire propre à leur région. Dans le schéma envisagé ici, lesdits FMR seraient liés de manière organique au FMI et chargés en relation avec celui-ci d’assurer la gestion de proximité de l’économie régionale, d’alerter sur tous développements au niveau régional et d’intervenir en cas de nécessité dans les pays de la région. Les actions des FMR sont à calibrer à leurs moyens, capacités et expériences tandis que le FMI complète ces actions en tant que de besoin et continue de jouer son rôle d’intervenant de dernier ressort. Un autre défi de taille concerne la surveillance des marchés de capitaux. Les flux de capitaux traversent les frontières à une vitesse sans précédent grâce aux technologies d’aujourd’hui. A l’expérience, leur capacité de déstabilisation est énorme. Quelles sont les dispositions à prendre ? Il y a lieu de s’entendre sur le fait que la coopération financière internationale n’a pas pour objet de supplanter les marchés financiers. Au contraire, elle cherche à promouvoir leur développement. L’anticipation et la prévention des crises ou leur résolution rapide et la moins coûteuse possible rentrent dans ce cadre et concourent à leur développement harmonieux. Il convient de renforcer le rôle du Fonds dans ce domaine à travers trois mesures. Premièrement, il est proposé de réviser les statuts du Fonds (l’article 6 relatif aux transferts de capitaux à sa section 3 portant sur le contrôle des transferts de capitaux) à l’effet de prendre en compte la nouvelle donne de libéralisation du compte capital. Les statuts actuels couvrent seulement la libéralisation du compte courant de la balance des paiements. Dans la pratique, la libéralisation du compte capital est en cours et s’est accélérée depuis la fin du système de Bretton Woods et semble de plus en plus un processus irréversible. Elle est effective dans les pays développés, les pays émergents et beaucoup d’autres pays en développement. 30 Deuxièmement, le Fonds sera amené à entrer en relations constructives avec le secteur privé international. Le dialogue et le partenariat public-privé sont à fortifier au niveau national et à construire au niveau international. Troisièmement, il est préconisé d’adjoindre à ce partenariat une fonction spécifique de surveillance des marchés de capitaux internationaux à l’aide d’une autorité et de capacités bien établies du Fonds dans ce secteur et d’indicateurs de suivi pertinents. 1.3 Allocation de DTS Les Droits de Tirage Spéciaux ou DTS constituent des actifs de réserves internationaux créés par le Fonds Monétaire International (FMI) en 1969 pour venir en appui aux pays membres en matière de réserves officielles. C’est un panier actuellement composé des quatre principales monnaies (US dollar, euro, yen et sterling). La question des allocations de DTS entre en ligne de compte dans les réformes à mettre en œuvre. En effet, cette question a plusieurs fois opposé les pays principaux actionnaires du Fonds aux pays en développement. Très souvent, les débats se cristallisaient vite sur l’autre question de savoir si oui ou non l’économie mondiale avait besoin de nouvelles liquidités. L’argument mis en avant ici en guise de proposition est qu’il est permis d’avancer que de nouvelles allocations de DTS sont profitables à la communauté internationale pour autant qu’elles contribuent à la croissance économique sans provoquer une poussée inflationniste dommageable à l’économie internationale. Cela semble être le cas dans les situations suivantes : - - une situation de récession économique à l’échelle globale comme le monde est en train de l’expérimenter, concomitante avec un tassement de l’inflation ; de nouvelles allocations de DTS orientées principalement vers les pays à faible revenu, notamment les PMA, dans la mesure où le risque d’un impact inflationniste au niveau mondial est presque nul si l’on considère la part marginale de ces pays dans le PIB mondial et les transactions internationales d’une part et d’autre part la destination de telles ressources qui seraient consacrées à des dépenses d’investissement pour accroître les capacités de production et accélérer la croissance. Ce point de vue semble avoir prévalu sur la période récente, le contexte de crise aidant. En effet de nouvelles allocations de DTS viennent d’être opérées. Il existe deux types d’allocations de DTS : - allocation générales de DTS basées sur les besoins en liquidités de l’économie internationale à moyen et long termes ; - allocations spéciales de DTS opérées de manière ponctuelle. De nouvelles allocations de DTS sont survenues en août 2009 pour un montant de 182.7 milliards de DTS (l’équivalent de 290 milliards US dollars) et se répartissent en une allocation générale à hauteur de 161.2 milliards de DTS et en une allocation spéciale à hauteur de 21.5 milliards de DTS. Cette allocation générale est la 3éme du genre après celle d’un montant de 9.3 milliards de DTS étalée sur la période 1970-72 et celle d’un montant de 12.1 milliards de DTS étalée sur la période 1979-81. Quant à l’allocation spéciale, elle est la 31 première du genre à être effectivement mise en œuvre et a permis de prendre en compte les quotas des nouveaux pays membres et de faire quelques autres ajustements. Il y a eu allocation certes et même une allocation très substantielle de DTS. Mais au regard des propositions formulées plus haut, on peut relever que les besoins spécifiques des pays en développement n’ont pas présidé à la mise en œuvre de ces allocations. En effet, la répartition a plutôt obéi au système des quotas. Par conséquent, l’essentiel du montant de DTS nouvellement alloués est allé aux pays riches. Le nouveau Fonds monétaire qui transparaît à travers les propositions de réformes indiquées ci-dessus est un Fonds doté de pouvoirs élargis à la mesure des responsabilités qui sont les siennes d’institution supranationale chargée de veiller à la stabilité de l’économie internationale. Il s’appuiera sur ses relais au niveau régional autant que nécessaire. A travers le dispositif d’ensemble, le nouveau Fonds interviendra auprès des pays membres soit en raison de déséquilibres au niveau du compte courant soit en raison de politiques mal avisées. Il indiquera aux pays en question ce qu’il y a lieu de faire de sorte que globalement le système monétaire fonctionne correctement. En particulier, chaque pays aura à : - conduire des politiques macroéconomiques appropriées ; veiller à la bonne santé de son système bancaire et de son système financier de manière générale ; informer mieux et plus largement ; renforcer les normes et standards comptables et de gestion des entreprises ; prendre les dispositions pour se prémunir des effets d’un reflux éventuel des capitaux ; se doter d’assez de réserves de change. Si malgré tout, une crise financière survient, le Fonds a un rôle important à jouer. Il lui revient de coordonner les efforts tendant à “éteindre l’incendie”. Cette stratégie dans laquelle une institution tierce intervient à la fois auprès du débiteur et des créanciers paraît plus efficace que celle consistant à laisser le pays en crise traiter seul avec ses créanciers. Dans le schéma décentralisé du système monétaire international, le Fonds peut dans ses activités de surveillance s’intéresser au niveau régional ou sousrégional, laissant au Fonds monétaire régional ou tout autre arrangement tenant lieu, le soin de prolonger ces activités au niveau des pays membres, tout dépendant de la taille des économies en question et de leur potentiel à impacter l’économie internationale. II. VOLET FINANCERMENT DU DEVELOPPEMENT 2.1 Le système de financement : état des lieux 32 Les politiques de réduction de la pauvreté et l’impératif d’une croissance soutenue ont posé avec acuité les questions du financement du développement en général et celle de la mobilisation des ressources extérieures en particulier. La question d’un accroissement significatif du volume de l’aide publique au développement (APD) et d’une amélioration de son efficacité dans les phases de la mobilisation et de l’utilisation est d’une grande actualité. Elle est en rapport direct avec la réalisation des objectifs de développement fixés au niveau international. Un large consensus a été dégagé à la conférence internationale de Monterrey. Aujourd’hui, la crise financière mondiale présente l’occasion de s’arrêter un moment pour mesurer le chemin parcouru et se projeter sur le futur. Pour rappel, il y a un peu moins d’une décennie, le monde faisait son entrée dans le 21e siècle. A l’occasion, la communauté internationale a renouvelé son engagement à gagner la bataille du développement. Les difficultés du siècle précédent n’ont pas pris le dessus sur sa volonté d’aller de l’avant. Au contraire, la détermination semblait être plus forte que jamais. Trois évènements au moins semblent l’attester. D’abord, il y a eu le Sommet du Millénaire des Nations Unies de septembre 2000 qui a révélé une prise de conscience de l’ampleur des besoins d’une aide internationale accrue. Outre l’objectif majeur de lutter contre la pauvreté et la faim, le Sommet du Millénaire invite la communauté internationale à accorder une importance particulière aux objectifs de l’éducation pour tous, de l’égalité des sexes, de la mortalité infantile et maternelle, des grandes pandémies telles que le paludisme, le Sida et la tuberculose et de l’environnement. Ces préoccupations majeures pour un développement durable ont conduit la communauté des partenaires au développement à s’engager à augmenter la part de leur Produit National Brut consacré à l’aide pour atteindre le niveau de 0,7% fixé par les Nations Unies en 1970. Dans ce cadre, la Conférence internationale sur le Financement du Développement ou Conférence de Monterrey au Mexique s’est tenue en 2002. Les résultats de la Conférence figurent dans ce qu’il est convenu d’appeler le Consensus de Monterrey, c’est à dire un engagement fort des pays plus nantis à fournir l’appui nécessaire aux efforts déployés par le monde en développement et en particulier l’Afrique pour l’atteinte des OMD. Plus précisément la Conférence de Monterrey a souligné que la réalisation des OMD nécessite un apport supplémentaire d’aide publique au développement de 50 milliards de dollars US par année. C’est dire qu’au moment d’inaugurer le nouveau millénaire, les décideurs venus des cinq continents s’étaient entendus sur les priorités et avaient tracé la voie à suivre. Il restait la mise en œuvre. Les résultats seront-ils au bout du compte à la mesure des nombreuses attentes de centaines de millions de personnes à travers le globe ? La question mérite d’être posée. En effet, plusieurs engagements ont été pris par le passé sans donner les résultats escomptés. Par exemple le célèbre engagement des pays développés de consacrer 0.7 % de leur PNB à l’aide publique 33 au développement a été lancé en 1970 alors que dans les faits le taux tourne autour de 0.3 % malgré les appels répétés de la part des pays en développement. Dans une nouvelle démarche, il importe que les pays en développement mettent en avant leurs objectifs de développement à partir desquels les besoins de financement seront évalués et la part contributive des pays bénéficiaires eux-mêmes et celle des partenaires techniques et financiers seront déterminées de manière consensuelle. Les OMD dans leur version actuelle ou dans une version révisée peuvent servir de base à ce nouveau consensus. L’amélioration du système de financement est devenue un impératif majeur au regard des défis que représentent la lutte contre la pauvreté et l’atteinte d’un développement durable. Elle est multidimensionnelle et appelle des nouveautés relatives aux sources de l’aide, aux modes de financement du développement, à l’efficacité de l’aide et même au paradigme de l’aide. 2.2 Les propositions de financement du développement Nouvelles sources de l’aide La coopération Sud Sud a pris de l’importance, notamment dans le contexte de l’émergence de nouveaux pôles de développement. Les pays BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) font une entrée de plus en plus remarquée sur la scène à côté des bailleurs traditionnels c'est-à-dire les pays occidentaux et dans une moindre mesure les pays arabes. Cette tendance pourra se renforcer si ces pays continuent sur leur lancée de développement économique rapide et s’ils acceptent de consacrer une partie conséquente de leurs ressources à l’aide. Elle peut prendre de l’ampleur aussi si d’autres pays émergents rejoignent ce peloton de tête des pays BRIC. Dans le cas du Sénégal, il est connu que la coopération avec les pays arabes, l’Inde et la Chine a atteint déjà un niveau très appréciable et se distingue par son dynamisme. Les relations entre le Sénégal et ces pays touche non seulement à l’aide bilatérale mais également au développement des flux de capitaux privés. En 2007, les investissements directs étrangers nets s’élèvent à 131 milliards soit une progression de 19% par rapport à 2006 et 351% par rapport à 2003 .Cette hausse est liée aux investissements immobiliers y compris ceux des organisations internationales, à la création de nouvelles sociétés, à l’exploitation minière, aux bénéfices réinvestis, à la téléphonie mobile etc… Nouveaux modes de financement du développement Les besoins de financement sont immenses au regard de la faiblesse des budgets nationaux. Même l’aide publique extérieure pourrait difficilement suffire à combler le gap. A y regarder de près, seule l’intervention du secteur privé fondée sur une démarche de partenariat public - privé permettrait de porter les investissements dans les infrastructures aux niveau et rythme souhaités. Dans le cas des infrastructures, le partenariat public-privé (PPP) se présente comme une voie prometteuse que beaucoup de pays à travers le monde ont déjà empruntée. 34 En guise de rappel, le PPP peut être considéré comme un contrat à long terme par lequel une institution publique s’associe à un partenaire du secteur privé pour la conception, le financement et la réalisation ou l’exploitation d’une infrastructure de service public. Il mobilise donc des investisseurs privés à la réalisation d’infrastructures et équipements de service public. Trois avantages au moins s’y rattachent : la maîtrise des coûts et l’amélioration de la qualité de services, la réduction de la contrainte budgétaire et le développement du secteur privé. Parmi les mécanismes innovants, on peut ranger les fonds verticaux, qui, d’après l’OCDE et la Banque Mondiale constituent « des initiatives internationales externes du système de l’ONU qui augmentent significativement les fonds au niveau local en même temps qu’elles supportent des objectifs thématiques ». Par exemple, le Fonds Global de lutte contre le SIDA et l’Initiative Fast Track au niveau de l’éducation représentent des exemples de fonds verticaux. Amélioration de l’efficacité de l’aide Cependant, même si l’aide publique au développement venait à augmenter en volume, la question de l’efficacité de son acheminement et de sa mise en œuvre dans les pays en développement demeure une préoccupation majeure. En effet, plusieurs contraintes concourent à entraver une mobilisation et une utilisation satisfaisantes. Prenant conscience de ces difficultés, la communauté internationale a pris des initiatives fort louables. C’est ainsi que le Forum sur l’harmonisation de l’aide de Rome en février 2003, la Table ronde sur la gestion axée sur les résultats de Marrakech en février 2004, le Forum sur l’efficacité de l’aide de Paris en 2005 et plus récemment le Forum d’Accra en septembre 2008 ont permis de mettre en relief les principales contraintes dans la mise en œuvre de l’aide et de retenir des mesures de bonnes pratiques pour améliorer la gestion de l’aide. Mais force est de constater que la somme de tous ces efforts n’a pas encore permis d’aboutir à une accélération des décaissements de l’aide, notamment depuis le Forum de Paris. Il faut s’en désoler pour deux raisons au moins. La première raison procède d’un constat à savoir que les pays bénéficiaires de l’aide, notamment les pays les moins avancés (PMA) ont un taux d‘absorption relativement faible des ressources qui leur sont destinées. Cette situation ne manque pas de déranger, moralement et économiquement quand on sait qu’il s’agit de pays pauvres qui ont le plus grand besoin de ces ressources pour leur développement et la réduction de la pauvreté. La deuxième raison est liée comme indiqué plus haut au contexte de l’aprèsMonterey où un consensus s’est dégagé pour une augmentation sensible de l’aide publique au développement, en direction des pays africains en particulier. Mais cette promesse risque de ne pas être suivie d’effet sur le terrain si au préalable les bailleurs de fonds et les pays récipiendaires ne font pas en sorte que les goulots d’étranglement qui limitent l’absorption des ressources soient levés et que l’accélération des décaissements de l’aide soit effective. 35 A cet égard, le Colloque de Dakar des 28 et 29 octobre 2008 a permis de faire ressortir la nécessité de renforcer les instruments et les capacités de gestion dans les pays bénéficiaires sur la base d’une stratégie de développement que ces pays auront souverainement arrêtée. On a noté le paradoxe que constitue le fait que plus les capacités de gestion du pays receveur sont faibles, plus les bailleurs multiplient les conditions au décaissement. S’agissant des objectifs de développement, le Colloque de Dakar a souligné que les priorités doivent s’inscrire dans les OMD et dans les aspects concrets de la réduction de la pauvreté que sont la diminution de la malnutrition, l’amélioration de la santé, de l’éducation dans un contexte d’augmentation de la productivité. L’unanimité ne s’est pas faite sur l’importance relative des appuis budgétaires et des aides projets mais plutôt sur le fait que plus la capacité de gestion budgétaire est bonne, plus la part de l’aide budgétaire doit être importante. Pour ce qui est des procédures notamment pour les aides – projets, le Colloque de Dakar a noté que beaucoup d’efforts restent à faire pour les simplifier et pour les unifier en évitant la différence de procédures selon les donateurs. En tout état de cause, ces procédures pourront être d’autant plus simplifiées et efficaces qu’elles seront transparentes. Cette nécessité de transparence ne concerne pas seulement les pratiques des pays receveurs mais tout autant celles des bailleurs de fonds. C’est une condition non seulement pour justifier la rapidité des déboursements mais aussi pour renforcer la légitimité démocratique de la relation d’aide à la fois du côté des pays receveurs et du côté des pays donateurs. Enfin, les participants au Colloque de Dakar se sont préoccupés de l’inadaptation des instruments actuels de financement face aux risques que la crise financière actuelle fait courir aux pays africains. Ils ont invité les institutions internationales à réformer, pour les rendre véritablement opérationnels, les mécanismes initialement conçus pour faire face rapidement à des chocs exogènes. En ce domaine, face à de tels chocs, la rapidité des versements est une condition de leur efficacité. CONCLUSION La réforme du système monétaire international s’impose dans un contexte marqué par la crise financière qui a fini de se muer en crise économique. Le point nodal de cette réforme concerne le FMI qui devrait recentrer ses activités sur sa fonction principale de gardien du système financier international et laisser à d’autres institutions, notamment la Banque Mondiale et les Banques régionales de développement, le soin de veiller au financement du développement et à la lutte contre la pauvreté. Le nouveau FMI sera nanti de pouvoirs et mettra en place des mécanismes à même d’assurer une égalité de traitement et une impartialité vis-à-vis de ses pays membres. 36 Dans ce cadre, il est envisagé la création des Fonds Monétaires Régionaux devant consacrer la décentralisation du FMI. Toutefois, ces Fonds auront leur ancrage avec le FMI, qui de toute manière reste le prêteur en dernier ressort. Par ailleurs, le taux de 0,7% du PNB des pays développés consacré à l’aide publique au développement doit être maintenu en dépit des lenteurs accusées depuis 1970 pour y arriver. Parmi les stratégies de mobilisation de cette aide, il y a les OMD qui devront être atteints d’ici 2015. Toutefois, la mobilisation de l’aide devrait s’accompagner aussi l’efficacité de l’aide, ce qui suppose d’une part une bonne maîtrise des procédures qu’il s’agisse d’appui projet ou d’aide budgétaire et d’autre part une bonne gouvernance et une transparence des opérations. En outre, les PMA doivent assainir leur cadre macroéconomique afin de permettre l’afflux des capitaux étrangers. Enfin, les pays en développement doivent exploiter l’opportunité du Partenariat Public Privé (PPP) pour booster les investissements sur les infrastructures. 37 Chapitre 5. LE SOMMET DU G20 DE LONDRES Les Chefs d’Etat et le Gouvernement du G20 ont tenu le 02 avril 2009 à Londres un Sommet sur la crise financière. L’Afrique a fait entendre sa voix à cette rencontre à travers la participation de l’Afrique du Sud qui est membre du G20, celle du NEPAD et de l’Union africaine. Ses propositions sur la crise financière ont été préparées par le Comité des Ministres des Finances et des Gouverneurs (le Comité de Dix) mis sur pied à cet effet. Ci-après figure une présentation des résultats de ce Sommet du G20. D’emblée, le Sommet reconnaît que la crise financière constitue le plus grand défi qui se pose à l’économie internationale des temps modernes. Elle n’épargne aucun pays. C’est une crise mondiale qui requiert une solution globale. Le Sommet donne les raisons de sa démarche à savoir que la prospérité est indivisible et que la croissance économique pour être réellement soutenable doit être partagée, sans oublier la solidarité intergénérationnelle. Il rappelle les fondements d’une mondialisation soutenable et d’une prospérité pour tous, qui sont : une économie internationale ouverte et bâtie sur des principes de marché, une régulation efficace et des institutions fortes. Les accords conclus à Londres ont trait à la mobilisation des ressources, à la régulation et à la supervision du système financier, au renforcement des institutions financières internationales, à la promotion du commerce et de l’investissement et à la sortie de crise. I. MOBILISATION DES RESSOURCES Près de mille milliards de dollars de ressources additionnelles sont à mobiliser pour faire face à la crise par le canal principalement du Fonds Monétaire International (FMI) et des Banques Multilatérales de Développement (BMD) telles que la Banque Mondiale (BM), la Banque Africaine de Développement (BAD). Du côté du FMI, ces mesures comprennent le doublement des ressources concessionnelles du FMI destinées aux pays à faible revenu ainsi que le doublement des limites d’accès. Elles comprennent également les produits de vente d’or par le FMI à concurrence de 6 milliards de dollars au titre des ressources concessionnelles à accorder aux pays les plus pauvres. Le Sommet a retenu une allocation générale de DTS pour un montant de 250 milliards de dollars à l’effet de renforcer la liquidité de l’économie mondiale, dont 100 milliards de dollars vont aller directement aux pays émergents et autres pays en développement. Du côté des Banques de développement, le paquet de mesures inclut 100 milliards de dollars de prêts additionnels y compris aux pays à faibles revenus. 38 Toutes ces mesures, conjuguées aux mesures exceptionnelles prises au niveau national forment le plan global de redressement et de relance de l ‘économie internationale. Les Banques centrales contribuent aux efforts de relance économique. Elles ont déjà baissé les taux d’intérêt directeur et continuent d’utiliser les instruments utiles à la relance pour autant que ceux-ci restent compatibles avec la stabilité des prix. II. RELANCE ECONOMIQUE Le G20 est confiant que la reprise sera au rendez-vous en 2010. En effet, il est attendu la restauration des liquidités, la remise à niveau des marchés du crédit et des flux de capitaux. Les leaders du G20 demandent au FMI d’assurer un suivi régulier des actions prises ainsi que des actions globales requises. Ils s’engagent à appuyer le FMI dans sa mission et ses activités pour une surveillance indépendante et impartiale de leurs économies et secteurs financiers, de l’impact de leurs actions sur les autres pays et des risques auxquels l’économie internationale est exposée. III. SUPERVISION ET REGULATION DU SYSTEME FINANCIER La crise est née en partie des failles du dispositif de supervision et de régulation du système financier. Pour cette raison, le G20 est résolu à bâtir un cadre plus solide et globalement plus cohérent de supervision et de régulation. Les actions vont concerner le niveau national et nécessiter la coopération entre pays et l’établissement des standards requis par un système financier global. Le nouveau système de régulation et de supervision devra promouvoir la propriété, l’intégrité et la transparence, être garant contre les risques pouvant menacer le système financier, atténuer et non amplifier le cycle économique et financier, réduire la dépendance sur des sources de financement trop risquées et décourager les prises excessives des risques. Dans ce cadre, le G20 a retenu d’établir un nouveau Conseil sur la stabilité financière avec un mandat renforcé, en lieu et place de l’actuel Forum sur la Stabilité Financière. Ce nouveau Conseil devra collaborer avec le FMI et alerter sur les risques macroéconomiques et financiers ainsi que les actions à prendre pour faire face à de tels risques. Le nouveau dispositif de régulation et de supervision s’étend à tous les instruments, marchés et institutions financières d’importance systémique dont, pour la première fois, les hedge funds : Le G20 est décidé à aller à l’encontre des juridictions qui ne coopèrent pas à la nouvelle démarche. Les paradis fiscaux sont particulièrement visés à cet égard. Le système de régulation et de supervision va étendre ses activités aux Agences de notation afin que celles-ci respectent le code international de bonne pratique, ce qui permettra de prévenir tous conflits d’intérêt peu acceptables. 39 IV. INSTITUTIONS FINANCIERES INTERNATIONALES Le Sommet G20 réitère son soutien aux Institutions financières internationales, en particulier le FMI, en dédicant de leur allouer d’importantes ressources additionnelles. En agissant ainsi, le G20 entend redonner vigueur aux flux de capitaux en direction des pays émergents et pays en développement qui ont été le moteur de la croissance de l’économie mondiale ces dernières années. Les ressources mises à disposition permettront de financer les dépenses anti-cycliques, les opérations de recapitalisation des banques, les infrastructures, le commerce, l’appui à la balance des paiements, le refinancement de la dette et les filets de sécurité sociale. L’utilisation de ces ressources vise à sous-tendre la croissance économique. Elle doit se faire dans un souci d’efficacité et avec flexibilité. Il est attendu des Institutions financières internationales qu’elles aident à gérer la crise actuelle et à prévenir des crises futures. Par conséquent, le G20 entend mieux asseoir leur pertinence à long terme, leur efficience et leur légitimité. Il est déterminé à les réformer et à les moderniser en ce qui concerne leurs mandats, l’étendue de leur champ d’intervention et leur gouvernance de façon à refléter les changements dans l’économie mondiale et les nouveau défis de la globalisation, et également de façon à donner davantage de voix et de représentation aux pays émergents et en développement, dont les pays les plus pauvres. La nomination et le processus de sélection aux premiers postes de décision de ces Institutions se feront désormais dans un cadre plus ouvert et privilégiant le mérite. L’idée d’une « Charte pour une activité économique soutenable » a fait jour au cours du Sommet. Mais elle sera approfondie à l’occasion des rencontres futures. V. PROMOTION DU COMMERCE ET DE L’INVESTISSEMENT L’expansion du commerce mondial a porté la prospérité en hausse durant un demi-siècle. Mais la tendance des échanges commerciaux est à la baisse pour la première fois depuis vingt cinq ans. Les facteurs en jeu sont la baisse de la demande mondiale, les pressions protectionnistes et le resserrement du crédit pour le commerce. Le Sommet du G20 souligne l’importance de revigorer le commerce mondial et l’investissement pour rétablir la croissance. Il appelle à tirer les leçons de l’histoire et éviter d’ériger des barrières à l’investissement et au commerce des biens et services. Du reste, des ressources importantes d’au moins 250 milliards de dollars seront mobilisées durant les deux prochaines années à l’effet d’appuyer le financement du commerce. Il y a également besoin de conclure rapidement de cycle de négociations commerciales de Doha. VI. UNE REPRISE A LA FOIS SOUTENABLE ET LARGE Le G20 est non seulement déterminé à restaurer la croissance économique mais aussi d’en faire une croissance soutenable et plus largement partagée. Il réaffirme ses engagements en ce qui concerne l’aide au développement et l’appui à 40 l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), pour ce qui est en particulier de l’Afrique sub-saharienne. CONCLUSION En conclusion, il ressort de ce qui précède que le Sommet de Londres du G20 a pris d’importantes mesures visant à indiquer la crise et à retrouver la croissance économique. Le cadre de mise en œuvre de ces mesures s’appuie largement sur les Institutions financières internationales. Cette croissance devrait profiter au plus grand nombre de pays et consacrer une lutte efficace contre la pauvreté, ce qui va nécessiter entre autres de mobiliser beaucoup de ressources. Dans ce cadre, le taux de 0,7% du PNB des pays développés consacré à l’aide publique au développement doit être maintenu en dépit des lenteurs accusées depuis 1970 pour y arriver. Parmi les stratégies de mobilisation de cette aide, les OMD pourront servir de point de mire dans la mesure ils devront être réalisés d’ici 2015. Toutefois, la mobilisation cette aide devrait s’accompagner d’une plus grande efficacité dans son utilisation, ce qui suppose d’une part une bonne maîtrise des procédures qu’il s’agisse d’appui projet ou d’appui budgétaire et d’autre part une bonne gouvernance et une transparence des opérations. En outre, les PMA doivent assainir leur cadre macroéconomique afin de permettre l’afflux des capitaux étrangers. Enfin, les pays en développement doivent exploiter l’opportunité du Partenariat Public Privé (PPP) pour booster surtout les investissements sur les infrastructures.