
Le « passage obligé » que représentent les
gardes de 24 heures en établissement
n’est donc plus. « Pour les justifier, cer-
tains disaient : “Ce n’est pas si pire, je l’ai
fait, donc fais le toi aussi”, se souvient M.
Dussault. Comme il y a déjà des services
qui le font, ça montre qu’il y a déjà du sou-
tien de certains patrons. La majorité
saluera le changement. »
Le Dr Louis Godin, président de la
Fédération des médecins omnipraticiens
du Québec, voit d’un bon œil la nou-
veauté : « C’est une question de sécurité
des patients et de qualité de travail. On
se réjouit pour les résidents, d’autant
plus que la décision a eu des échos posi-
tifs du gouvernement. » Notant que « les
choses changent », ce dernier admet que
même si travailler 24 heures a « déjà été
régulier pour bien des médecins », il faut
aujourd’hui « s’adapter » et « être capa-
ble d’être à l’avant-garde ».
Cette « bonne nouvelle », comme l’a
qualifiée l’avocate spécialisée en droit
médical Christine Clark, aura un impact
sur tous les médecins résidents du
Québec, dont l’entente collective est
échue depuis le 31 mars 2010. « La dé-
cision sera nécessairement insérée dans
les modalités de la nouvelle convention.
Comme la sentence est arbitrale, il n’y a
pas de possibilité d’interjeter en appel.
Ce n’est jamais exclu de remettre en
question la décision devant un tribunal
spécialisé, mais c’est très rare dans ce
type de situation », explique-t-elle. Selon
MeClark, comme la décision ordonne à
l’employeur de modifier les horaires de
garde et que l’arbitre accorde un délai
maximum de six mois, un non-respect
de celle-ci serait considéré comme un
outrage au tribunal, entrainant des
amendes pouvant atteindre 50 000 $.
De son côté, le ministère de la Santé a ac-
cepté favorablement la décision de l’arbi-
tre et l’intègrera dans la négociation de la
nouvelle convention, assure la porte-pa-
role du ministre Yves Bolduc.
DDÉÉJJÀÀ  1166  HHEEUURREESS
Le délai d’application du nouvel horaire de
six mois est tout à fait raisonnable, selon le
Dr Dussault, d’autant plus que certains
départements  dans  plusieurs  établisse-
ments de soins de la province fonctionnent
déjà avec des gardes de 16 heures, no-
tamment au Centre hospitalier universitaire
de  Sherbrooke  (CHUS).  Quatre  grands
secteurs fonctionnent de la sorte : pédia-
trie,  soins  intensifs,  anesthésiologie  et
médecine  interne.  Les  résidents  de  la
pédiatrie ont adopté cette formule il y a 10
ans, indique le directeur des services pro-
fessionnels du CHUS, le Dr Stéphane Trem-
blay. « Le modèle n’est pas identique pour
les quatre secteurs, la structure est flexible,
explique-t-il. Ça ne prend pas beaucoup de
temps à mettre en place, mais la première
année est complexe à coordonner. La struc-
ture des stages influence tout. »
Ce dernier a instauré des stages de jour, de
8 h à 17 h, et de nuit, de 22 h à 8 h. La fin
de semaine, la façon de faire diffère selon
le département. « Le fil conducteur, c’est le
patient », affirme le Dr Tremblay. 
3322SSaannttéé  iinncc..    juillet / août 2011 juillet / août 2011  SSaannttéé  iinncc..      3333
EEnn  pplleeiinnee  nnééggoocciiaattiioonn  ddee  ccoonnvveennttiioonn  ccooll--
lleeccttiivvee,,  lleess  mmééddeecciinnss  rrééssiiddeennttss  dduu
QQuuéébbeecc  oonntt  oobbtteennuu  ccee  qquuee  llaa  pplluuppaarrtt  aatt--
tteennddaaiieenntt  ddeeppuuiiss  ttrrooiiss  aannss  ::  cceesssseerr  ddee
ffaaiirree  ddeess  ggaarrddeess  ddee  2244  hheeuurreess  eenn  ééttaa--
bblliisssseemmeennttss  eett  aaccccééddeerr  aauuxx  ggaarrddeess  ddee  1166
hheeuurreess..  DD’’iiccii  ssiixx  mmooiiss,,  ttoouuss  lleess  ééttaabblliissssee--
mmeennttss  ddee  ssaannttéé  ddee  llaa  pprroovviinnccee  aauurroonntt
ddoonncc  rrééoorrggaanniisséé  lleeuurrss  qquuaarrttss  ddee  ttrraavvaaiill..  SSii
lleess  mmééddeecciinnss  nn’’eenntteennddeenntt  ppaass  ssee  llaanncceerr
ddaannss  uunn  tteell  pprroocceessssuuss  ééttaanntt  ddoonnnnéé  qquuee  llee
ccoonntteexxttee  qquuii  lleess  ccoonncceerrnnee  ddiiffffèèrree,,  cceerr--
ttaaiinnss  yy  vvooiieenntt  uunnee  oouuvveerrttuurree  ppoouurr  rreevveennddii--
qquueerr  ddee  mmeeiilllleeuurrss  hhoorraaiirreess..
Le 7 juin, les résidents criaient victoire. L’ar-
bitre Jean-Pierre Lussier a déposé sa sen-
tence  fondée  sur  une  preuve  qui
« démontre une atteinte à l’intégrité et à la
sécurité des résidents comme celle des pa-
tients ». Pour ces raisons, il y avait violation
de l’article 7 de la Charte canadienne des
droits et libertés et de l’article 1 de la Charte
des droits et libertés de la personne.
Dans sa décision, M. Lussier fait référence
aux recherches du docteur en médecine
et professeur de « sleep medecine » au
Harvard  Medicine  School  de  Boston,
Charles A. Czeisler, qui démontrent claire-
ment le danger relié aux longues gardes
qui empêchent de dormir suffisamment.
Non seulement les risques d’accident de
voiture suivant un quart de travail de 24
heures augmentent de 168 %, mais les
risques  de  quasi-accident  augmentent
quant à eux de 468 %. Une autre étude
comparant le risque d’erreurs auprès des
patients, selon qu’un résident est soumis
à un quart de 24 heures ou de 16 heures,
démontre également  qu’il y  a 36  % de
plus de fautes majeures commises par le
premier  que  le  second  et  5,6  fois  plus
d’erreurs diagnostiques. 
En  moyenne,  aux  soins  intensifs,  il  y  a
109  %  d’erreurs d’inattention  de  plus  et
36 % de fautes médicales importantes de
plus. Données à l’appui,  l’étude établit à
464 % de plus les probabilités d’erreurs dia-
gnostiques de la part d’un résident travaillant
30 heures d’affilée qu’un autre travaillant 16
heures. Selon une autre recherche, un rési-
dent sur cinq a reconnu avoir commis une
erreur liée à la fatigue ayant causé du mal à
un patient lorsqu’il travaillait 24 heures ou
plus. Parallèlement, un résident sur 20 a re-
connu avoir commis une erreur causée par
la fatigue ayant entraîné la mort d’un patient.
Si 30 % des résidents ont voté contre le
grief déposé en 2009 parce qu’ils craig-
naient  de  voir  leurs  apprentissages  en
souffrir, les recherches de M. Czeisler ont
encore une fois démontré que le manque
de sommeil pouvait affecter les notions ac-
quises. « Le sommeil a pour fonction, entre
autres, de consolider les apprentissages,
et la privation de sommeil a donc un im-
pact sur la rétention de nouvelles connais-
sances », peut-on lire dans la décision.
On y fait également une comparaison avec
différents pays. En Europe, depuis 2004,
les résidents ne peuvent travailler plus de
13 heures. En Nouvelle-Zélande, la limite
est de 16 heures. Aux États-Unis, il n’y a
pas de limite légale, mais l’ACGME fixe
celle-ci à un maximum de deux quarts de
30 heures et de 80 heures par semaine.
ÉÉVVOOLLUUTTIIOONN  AATTTTEENNDDUUEE
Le  président  de  la  Fédération  des
médecins résidents du Québec (FMRQ),
le Dr Charles Dussault, déplore que le li-
tige déclaré par l’Association des médecins
résidents de McGill contre le Centre uni-
versitaire de santé McGill (CUSM) ait pris
trois ans à aboutir. « Ça aurait dû se régler
beaucoup plus tôt, mais c’est un bel ac-
complissement et une excellente nouvelle
pour les médecins et les patients. C’est
une évolution, du progrès », s’est-il réjoui.
RÉSIDENTS
LES MÉDECINS SUIVRONT-ILS LEUR EXEMPLE?
PAR STÉPHANIE SAUCIER
STEPHANIE_SAUCIER@LIVE.CA
LES RÉSIDENTS 
AURONT DES GARDES
DE 16 HEURES