sociaux. Dans ce cas, les institutions étatiques interviennent soit en participant aux
structures préexistantes, soit en les complétant. En Suisse, ce processus a pour
conséquence une cohabitation entre les structures publiques et privées dans la
production du bien-être, et une constellation particulièrement complexe entre l’Etat,
l’économie et la société civile8.
La période de l’industrialisation peut être considérée en Suisse comme le point de
départ pour l’organisation étatique moderne en Suisse9. Cette période est en effet
accompagnée de l’émergence de la question sociale et de l’échec de l’aide
traditionnelle aux pauvres, essentiellement apportée par l’Eglise et les familles.
Conformément au principe de subsidiarité, ces développements obligent la société
civile à chercher de nouvelles solutions permettant de remédier aux problèmes
sociétaux. Cette tâche d’innovation est principalement prise en charge par des
organisations du privé social qui se développent à cette époque, dans une logique de
concurrence morale entre le monde bourgeois et le monde syndical en constitution10.
Ainsi, au XIXe siècle, avant que l’Etat n’entreprenne quoi que ce soit dans le domaine
de la politique sociale, deux mouvements dont le but est de réduire et d’éliminer les
disparités sociales apparaissent. D’une part, le mouvement ouvrier organise
progressivement, conjointement à ses pressions politiques en faveur des ouvriers, des
associations d’entraide dans les domaines de la consommation, de la production, du
logement et de la sécurité sociale. Par exemple, dans le cadre de la sécurité sociale,
des caisses de secours mutuels sont organisées pour distribuer des prestations en cas
de maladie, d’invalidité, de chômage et de vieillesse11. Parallèlement au mouvement
ouvrier, les « réformistes sociaux », principalement composés d’intellectuels et de
philanthropes d’origine bourgeoise, se regroupent au sein d’organisations d’utilité
publique afin d’aider les personnes socialement défavorisées. Si ces personnages sont
motivés par le besoin d’apaiser leur conscience, ils le sont aussi par une volonté de
stabiliser l’ordre existant12.