DESCRIPTION DES CAS
Cas observés dans notre institution
Cas 1
Un homme de 80 ans en bon état général était hospitalisé pour bilan
d'une anémie. Une endoscopie digestive révélait 5 lésions évocatri-
ces de cancer gastrique superficiel, sous-cardiales, fundiques et
angulaires. L'examen anatomo-pathologique était en faveur de
métastases d'un carcinome rénal à cellules conventionnelles. Un
scanner confirmait une tumeur du pôle supérieur du rein gauche
sans extension locorégionale, mais avec deux nodules pulmonaires
etdes adénopathies médiastinales. Au cours de 2 séances sous anes-
thésie générale après infiltration de la base d'implantation au sérum
adrénaliné, une exérèse des lésions à l'anse diathermique était pra-
tiquée, suivie de la mise en place de clips d'hémostase. Aucun trai-
tement n’était effectué pour la tumeur rénale car le patient a été
récusé pour la chirurgie. L'évolution était favorable avec correction
complète de l'anémie. À 5 mois, le patient était toujours en vie.
Cas 2
Une femme de 71 ans qui avait bénéficié en 2003 d'une néphrecto-
mie élargie pour carcinome rénal gauche stade pT3a N0 M0 de
grade 2 de Furhman. Une métastase cérébrale unique en 2005 était
traitée par radiothérapie stéréotaxique. La patiente était hospitalisée
en décembre 2005 pour une anémie ferriprive à 5 g/dl d'hémoglo-
bine. Une fibroscopie gastrique trouvait 2 volumineuses formations
polypoïdes fundiques et des biopsies confirmaient l'origine métas-
tatique rénale. Une localisation secondaire hilaire droite était égale-
ment observée sur le scanner thoracique. Une exérèse endoscopique
était réalisée selon le même protocole que ci-dessus, permettant de
traiter l'anémie. L'évolution était favorable avec correction complè-
te de l'anémie. A 7 mois la patiente était toujours en vie et asymp-
tomatique.
REVUE DE LA LITTERATURE
Au total, 17 cas de carcinomes rénaux avec métastases gastriques
ou duodénales (dont les 2 cas de notre institution) ont été décrits
dans 14 articles (2 articles rapportaient 3 et 2 cas). Il s'agit de 5 cas
de métastases duodénales et 12 cas de métastases gastriques. Les
résultats sont résumés dans le Tableau I. Les cancers primitifs du
rein étaient répartis en 5 reins droits, 7 reins gauches et 5 cas
avaient une localisation tumorale non précisée. Toutes les tumeurs
rénales étudiées étaient des carcinomes rénaux à cellules conven-
tionnelles dont 6 étaient d'emblée à un stade métastatique et 11
étaient non métastatiques au moment du diagnostic. Dans 3 cas, la
métastase gastro-duodénale était révélatrice du cancer du rein. Pour
les 14 autres cas, les patients étaient suivis pour un adénocarcino-
me rénal et la métastase etait apparue en moyenne 6,6 ans (2 à 14
ans) après le diagnostic d'adénocarcinome rénal. Le nombre de sites
métastatiques était en moyenne de 2,5 (1 à 5). Neuf articles décri-
vaient la lésion comme pouvant être bourgeonnante et/ou ulcérée
et/ou hémorragique. La symptomatologie révélatrice était dominée
par les hémorragies digestives hautes ou les mélénas (14 cas sur
17). Seuls 2 patients avaient pour seul symptôme une anémie et
dans un article, le mode de révélation n'a pas été décrit.
La prise en charge thérapeutique des différents cas retrouvés est
montrée dans le Tableau II. En ce qui concerne les lésions métasta-
tiques, le traitement doit être chirurgical dès que cela est possible,
par gastrectomie (totale ou partielle) et/ou duodénectomie. Les au-
tres alternatives sont le traitement endoscopique (électrocoagula-
tion laser ou exérèse à l'anse diathermique), l'embolisation de l'ar-
tère splénique ou une immunothérapie (interleukine 2 (IL2) + inter-
féron). La stratégie thérapeutique dépend du mode de révélation de
la métastase, associant ou non la néphrectomie à l'exérèse de la
métastase si elle est unique, chez un patient opérable. Un seul
patient n'avait pu être traité, du fait de son décès survenu 2 semai-
nes après la découverte de sa métastase [14].
Pour la lésion primitive rénale, il faut distinguer deux situations :
soit la découverte d'une métastase gastrique asynchrone se faisait à
distance d'un cancer du rein déjà diagnostiqué et traité. Dans ce cas,
le patient bénéficiait d'un traitement par néphrectomie associé ou
non à une immunothérapie quelques années auparavant. Soit la
métastase gastrique était révélatrice du cancer rénal. Dans ce
deuxième cas, si le patient n'était pas multi métastatique et si son
état général le permettait, il bénéficiait d'une néphrectomie élargie.
Il faut noter un cas un peu particulier [14] où la lésion gastrique n'a-
vait pas été révélatrice de la tumeur rénale, mais elle était proba-
blement synchrone, car un méléna était survenu 15 jours après la
néphrectomie. Sur la série, seuls 2 patients n'avaient pu bénéficier
d'une néphrectomie [15] du fait d'un état général précaire au
moment du diagnostic, conduisant à proposer un traitement pallia-
tif.
La survie n'est pas précisée dans 1 article [7]. De plus, 11 patients
sur 17 n'étaient pas décédés en fin d'étude, avec un temps de suivi
après la découverte de la métastase gastrique parfois très court, 8,6
mois en moyenne (1-36 mois). La médiane de survie globale n'a pas
été atteinte, mais elle est supérieure à 6 mois. En effet, 6 mois après
la découverte de la métastase gastrique, 9 patients sur 17 sont tou-
jours en vie, 3 sur 17 sont décédés et 5 ont un statut inconnu (cas
publié avec un suivi inférieur à 6 mois). Cependant, le traitement
radical de la métastase gastrique a montré plusieurs cas de survie
prolongée, en faveur d'un traitement agressif quand il était possible
[16].
La survenue de métastases gastriques ou duodénales de cancer du
rein est exceptionnelle [1-4, 6]. Des études post-mortem ont permis
d'en évaluer l'incidence comme l'étude de DAVIS et ZOLLINGER (23
019 autopsies, 67 métastases gastriques et aucun cancer primitif
rénal), l'étude HIGGINS (31 541 autopsies, 64 métastases gastriques
et aucun cancer primitif rénal), ou l'étude MING (14 000 autopsies,
26 métastases gastriques et 2 cancers primitifs rénaux) [8]. Le trac-
tus digestif est un site inhabituel pour les carcinomes rénaux [7].
Comme le confirme l'étude GRAHAM'S[8] sur 195 cancers rénaux,
70 étaient métastatiques dont seulement 2 gastriques.
La fibroscopie est l'examen de référence pour le diagnostic des
hémorragies gastro-intestinales hautes [4]. Elle apprécie l'étendue
de la lésion, le nombre de métastases [3] et permet de pratiquer des
biopsies multiples avec parfois même une prise en charge théra-
peutique. Souvent la lésion gastrique métastatique apparaît comme
étant de petite taille, surélevée, ulcérée en son centre, prenant
l'aspect d'un cratère [3]. Dans le cas des métastases hématogènes du
tractus gastro-intestinal, les cellules métastatiques s'implantent au
départ dans la sous-muqueuse, puis infiltrent lentement la muqueu-
se qui devient par la suite ulcéreuse, d'où la période asymptoma-
tique initiale [3, 6, 7]. Au stade initial, des faux négatifs des biop-
sies sont possibles [4, 6]. Du fait de l'hyper-vascularisation des car-
cinomes rénaux, l'artériographie peut conduire au diagnostic [7].
Mais elle est surtout utilisée dans la prise en charge thérapeutique
et peu pour faire le diagnostic.
J. Haffner et coll.., Progrès en Urologie (2007), 17, 1305-1309
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