Avant-propos
ans une série de six chapitres, nous allons nous intéresser à la période qui s’écoule du
milieu du
XVIII
e
siècle à nos jours, en cherchant à suivre l’évolution économique et sociale des
principaux pays du monde, à partir du moment où ils sont entrés dans l’ère de l’économie
moderne et du capitalisme industriel: l’Angleterre tout d’abord, la France, l’Allemagne, la
Russie, le Japon et les États-Unis.
Rien de plus faux que l’aphorisme de Nietzsche dans le Crépuscule des idoles: « À
force de vouloir rechercher les origines, on devient écrevisse. L’historien voit en arrière, il
finit par croire en arrière ». Raisonner de la sorte c’est ignorer que l’historien n’étudie pas le
passé, mais qu’il observe le temps qui passe. Notre objectif sera donc de mettre en évidence
les grandes évolutions et les grands enchaînements qui expliquent l’évolution de notre socié-
té au cours des deux derniers siècles, qui ont connu un bouleversement total des conditions
d’existence. Pour des raisons pratiques, il faut bien organiser une suite de chapitres. Mais il
convient aussi de se garder d’insérer l’ensemble des faits à décrire dans un cadre intellectuel
trop rigide. Celui qui a été retenu consiste à distinguer des grandes périodes, dont les dates
varient selon les pays considérés, dans le seul objectif d’une présentation pédagogique com-
mode. Il n’existe pas, en effet, de lois de l’histoire, permettant de mettre en évidence une
combinaison successive, soi-disant scientifique, d’étapes par lesquelles seraient passés ou des-
tinés à passer tous les pays. Rien n’est déterminé. À chaque instant s’ouvrent des possibilités
diverses, et, dans le choix effectué par les peuples, le « nez de Cléopâtre » a souvent joué un
rôle décisif.
Notre champ d’investigation est avant tout celui de l’histoire économique. On ne sau-
rait toutefois se limiter à une simple histoire de l’économie, car l’histoire économique n’exis-
te pas en tant que discipline autonome, dans la mesure où elle est inséparable des autres évé-
nements qui ont tissé l’histoire des nations. Il y a tout d’abord le volet social. Mais il faut aussi
prendre en compte tous les aspects institutionnels, juridiques ou culturels. Car la vie de
l’homme est un tout; la vie économique est inséparable de la vie privée de l’individu, de sa
vie familiale et sociale, de l’ensemble de ses croyances et de ses valeurs. C’est donc en réalité
l’évolution de tout un milieu social et culturel que nous allons essayer de suivre pendant un
peu plus de deux siècles.
Sans prétendre à apporter du neuf en la matière, cet ouvrage recherche essen-
tiellement un but pédagogique et culturel: en brossant une fresque d’ensemble, l’auteur de
ces lignes vise à faciliter l’acquisition d’un certain nombre d’idées sur l’évolution d’un monde
dans lequel les lecteurs vont être appelés à vivre et à travailler. Les faits n’ont de sens que dans
la mesure où ils sont analysés en vue d’éclairer les ressorts de l’activité économique.
L’économiste doit alors s’appuyer sur l’histoire, non seulement pour y découvrir le passé,
mais aussi pour mieux comprendre le présent et anticiper l’avenir.
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