Thème du mois
18 La Viconomique Revue de politique économique 3-2014
Lesannées de crise ontclairementmon-
tréque l’évolutiondel’économie réelleest
fortement liée àcelle desmarchés financiers.
Lesremous queces derniers ont traverséen
2008 ontentraîné l’économie
étasunienne
dans sa plus grave récessiondepuis lesan-
nées trente.Enl’espace de deux ans, le taux
de chômageaexplosé, passant de 4,7 à
10%1,tandis queleproduit intérieur brut
(PIB) se réduisait de plus de 4%2.Craignant
les répercussions de la crise financièresur
l’économie réelle, le gouvernement des
États-Unis ne s’est pas contende consa-
crer 700 milliards d’USD àunvastepro-
gramme destiné àsauverlesystème ban-
caire(«TroubledAssetReliefProgram»). En
février 2009, il adébloqué800 milliards
supplémentaires pour financer un impor-
tant plan de relancepluriannuel(«Ameri-
can Recovery and Re-investment Act»). Par
ailleurs, le budget de l’État devaitencore
supporterlepoids d’initiatives datant de
l’èredeGeorgeBush, comme desréductions
fiscales massives, l’extensiondel’assurance-
maladie desretraités (ou Medicare), ainsi
quelecoût desguerres menées en Irak et en
Afghanistan. Pour l’année fiscale 2009, les
États-Unis ontainsi enregistré un déficit re-
cord de 1,4 billiond’USD,cequi correspon-
dait àenviron 10% de leur PIB3.
Le conflit budgétaireauCongrès
se termine sans trop de dégâts
Depuis 2010, année où les républicains
ontobtenulamajoriàlaChambre desre-
présentants, les divergencessur la politique
budgétaire–les démocrates étant favorables
àlarelanceetles républicains àl’austérité –
se sont transformées en un conflit perma-
nent entreles deux grands partis. Comme
c’est le cas systématiquement depuis l’arri-
vée au pouvoirdel’administration Obama,
les dépenses publiques onté financées
durant toutel’année fiscale 2013, nonpas
par un budget ordinaire, mais par des
«continuing resolutions», lois temporaires
d’affectationdecrédits. L’automne dernier,
le budget 2014 victime de la division
du Congrès –Sénat àmajorité démocrateet
Chambre desreprésentantsrépublicaine –,
ce quiaprovoquéune interruptiondes acti-
vités gouvernementales. Après ce blocage
peuglorieuxpour les républicains, les deux
partissontparvenusàunaccordqui atté-
nuel’impact descoupes budgétaires auto-
matiques («sequester») imposées par la loi
de 2011 surlecontrôle du budget («Budget
ControlAct»). Pour l’année fiscale en cours
et la suivante, la politique budgétaires’ins-
crit ainsi en principedans un cadreappro-
prié.
Même s’il restevivementcritiqué, le mé-
canisme de «séquestre»anettement apaisé
la situationbudgétaire. Soneffet s’est com-
biavecd’autres coupes décidées dans le
cadredBudget ControlAct»etlanon-
prolongationdes allégements fiscaux oc-
troyés aux personnes disposant d’un revenu
dépassant 400 000 USD par an. Selon les
prévisions du serviced’études budgétaires
du Congrès (Congressional Budget Office,
CBO), le déficit budgétairecorrespondra
cetteannée encore àunpeu plus de 3% du
PIB, mais il passera au-dessous de ce seuil
d’ici la fin de la décennie. En même temps,
le taux d’endettement devrait se stabilise
75% du PIB(pour la dettecontractée surles
marchés publics)4ou à100% (pour le total
de la dette)5.
Malgcettetendanceencourageante, il
fautrelever queles coupes onopérées
jusqu’ici exclusivement dans le budget dis-
crétionnaire, autrementdit dans le tiers des
dépenses publiques dont le Congrès peut
disposerlibrement. Hormis la défense, elles
touchent en particulierl’infrastructureet
l’éducation, deux secteurs clés pour l’avenir
de l’économie. Cela ne résoutpas le pro-
blème plus profondque pose la hausse, in-
soutenable àlongterme, desdépenses obli-
gatoires dans les domaines de la santé et de
l’assurance-vieillesse.
Qu’en est-il de la situation conjoncturelle aux États-Unis?
Ces dernières années, la politique
économique des États-Unis
marquée par un assouplissement
extrême sur le front monétaireet
d’incessants litiges budgétaires
àWashington. L’arrêtdes activi-
sgouvernementales («shut-
down»), durant l’automne der-
nier,etles deux relèvements
in extremis du plafond de la dette
sont encoredans toutes les
mémoires. Dans le vacarme mé-
diatique quiaaccompagné ces
événements, l’importantecorrec-
tion des énormes déficits budgé-
taires estpassée pratiquement
inaperçue. Si l’on yajouteunmar-
chéimmobilier stabilisé et un
système bancairebénéficiant
dune bonne capitalisation par
rapportàcelui existant en Eu-
rope, les perspectives de l’écono-
mie étasunienne sont plutôt
bonnes.
Josef Renggli
Chef de la section écono-
mique, ambassade de
Suisse, Washington
Nicolas Mäder
Stagiaireuniversitaire,
ambassade de Suisse,
Washington
1Bureau of Labor Statistics.
2Bureau of Economic Analysis.
3Office of Management and Budget.
4Debt held by thepublic.
5Total debt.
Thème du mois
19 La Viconomique Revue de politique économique 3-2014
Politique monétaireexpansionniste:
le début de la fin
La stabilisationprévue surlegraphique 1
implique une vigoureuse croissanceréellede
l’économie. Le CBOpense quecelle-ci sera
en moyenne supérieureà3,1% durant cha-
cune desquatre années àvenir.Jusqu’en
2018, l’inflationdevrait rester,selon le FMI,
très légèrementau-dessus de l’objectif de 2%
fixé par la Réservefédérale detats-Unis
(Fed). Étant donné la détente attenduesur le
marchédutravail, la banque centrale aan-
noncé le retrait progressif («tapering») de sa
politique d’assouplissement quantitatif
(«quantitativeeasing»). Aussi longtemps que
l’inflationsesitue au-dessous de 2% et le
taux de chômageau-dessus de 6,5%, elle en-
tend toutefoiss’entenir au niveau bas du
taux directeur,lfederal funds rate», et
donc conserver une politique monétaireex-
pansionniste. Certes, de nombreuses entre-
prises profitentactuellementd’un marché
extrêmement liquide. Néanmoins, les autori-
tés compétentesdoivent surveiller cette
masse monétaireexcessive,qui atteint 2,5
billions d’USD.SilaFed –etsanouvellepré-
sidente JanetYellen–neparvientpas àrésor-
berentemps voululasurabondancedeliqui-
dités, devenuesystémique, on doit s’attendre
àvoirlerenchérissement atteindreàmoyen
termeunniveau indésirable.
Il existeenlamatièreunconflit d’objec-
tifs,puisqu’une éventuellehausse destaux
d’intérêt pourrait aggraverleproblèmebud-
gétaireenalourdissant le servicedeladette.
Dans ce contexte,leCBO laisse entrevoirque
le paiement desintérêts surles obligations
d’État pourrait quadruplerd’ici 2024. Cela
montre queladistinction classique entrepo-
litique monétaireetfiscale est toujoursplus
difficile àétablir.
L’évolution démographique ades
effets sur le marchédutravail
Le taux de chômage, quiest monté en
flèche dès 2007, est retombé dans le courant
de 2013 de 7,9 à6,7%, sonniveau le plus bas
en cinq ans. Selon la Fed, cetteembellie de-
vrait se poursuivre durant les prochaines an-
nées et se stabiliserautour de 5,5% àpartir
de 2016. Le taux adoncpeu de chancedere-
passeràmoyen termesous la barre des5%,
où il évoluait avant la crise.
En décembre2013, le nombre d’États-
uniens inscrits au chômageadiminué d’en-
viron490 000 par rapportaumoisprécé-
dent, mais cela ne veut pas direque tous ont
retrouvé un emploi. Plus desdeuxtiers –soit
347000 personnes –ont renoncé àchercher
du travail et n’apparaissent ainsi plus dans la
aPvisions du Département du Trésor.Source: CBO, Département du Trésor /LaVie économique
Graphique 1
Endettement public des États-Unis
aPvisions de la serve dérale. Source: CBO, Département du Trésor /LaVie économique
Graphique 2
Évolution de l’inflation et du marchédutravailaux États-Unis
0
20
40
60
80
100
120
2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014a2015a2016a2017a2018a
En %duPIB
Dette contractée sur les marchés publics («debt held by the public») Dette totale («total debt»)
–2
0
2
4
6
8
10
En %
Taux de chômage Inflation Quantitative Easing (politique monétaire ultra-souple)
2004 2005 2006 20072008 2009 2010 2011 2012 2013 2014a2015a2016a
Thème du mois
20 La Viconomique Revue de politique économique 3-2014
statistique de la populationactive, émise par
le Bureau of Labor Statistics (BLS). Lespré-
visions mentionnées plus hautsontdon
prendreavecprécaution,car elles dépendent
de la proportion de la populationconsidérée
comme active.LeBLS estime quelatendance
au déclin du taux d’activité –soitlapartdes
adultes actifs surlemarchédutravail–se
maintiendra. Ce taux, qutait encore de
66,6% en 2002, est tombé aujourd’hui à
62,8%. Selon le BLS, il descendraà61,6%
d’ici 2022. Cettrosionproviendranotam-
ment d’une diminutiondeplusde5%des
actifs dans la tranche d’âgedes 16–24 ans et
du départàlaretraitedelagénérationdu
«baby-boom».
En chiffres absolus, on acréé en moyenne
au moins 180000 emplois par mois en 2013,
comme en 2012. Pour les années àvenir,c’est
dans les domaines de la santé et de la
constructionque le BLS voit les plus forts
potentiels de croissance. Il prévoitenre-
vanche un recul dans l’agricultureetlafonc-
tion publique. L’essordémographique conti-
nu constitue un autredéfi, puisque la popu-
lationactiveaaugmenté de 9millions de
personnes au coursdeladécennie écoulée6;il
afallu créerchaque mois environ75000
nouveaux emplois pour maintenir un taux
de chômageconstant.
Nombredeproblèmes
apparaissent àlong terme
Bien queplusieurpreuvesl’attendent
encore,l’économie étasunienne peut envisa-
ger sereinement l’avenir immédiat. Àmoyen
terme, l’endettement devrait se stabiliser
–dumoins par rapportauPIB –, le marché
du travail évoluerpositivementetlepaysre-
trouverune croissancesaine. La condition,
toutefois, est queles liquidités dormant ac-
tuellementdans le système financiern’arri-
vent pas librement surlemarchédela
consommation, queleCongrès vote les fu-
tursrelèvements du plafonddeladette et
quel’économie étasunienne ne subisse pas
un choc externe. Àlongterme, par contre,les
États-Unis devrontfairefaceàdes problèmes
considérables. Ceux-ci seront liés d’une part
àlahausse incontrôlée descoûts dans les
domaines de la santé et de la prévoyance
vieillesse, d’autre partàunsystème fiscal
complexe quifreine les investissements avec
un taux d’impositiondes bénéfices quiest le
plus élevé au monde.
6Bureau of Labor Statistics.
aPvisions. Source: BLS/LaVie économique
Graphique 3
Évolution du taux d’activitéaux États-Unis
45
50
55
60
65
70
2002 2012 2022a
En %
Plus de 16 ans De 16 à24ans
1 / 3 100%
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