1 L`invasion de la puce électronique (ou semi

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LES DIFFERENTS SAUTS DE LA PUCE
L’invasion de la puce électronique (ou semi-conducteur) dans notre société est une réalité :
cartes bancaires, cartes vitales, cartes SIM, décodeurs télé, etc. La carte à puce représente
un marché considérable pour les industriels mais également pour les juristes.
Longtemps laissées de côté en raison de leurs particularités techniques et de la difficulté de
les associer à un régime juridique, les « puces » électroniques et leurs concepteurs
bénéficient depuis quelques années d’une protection spécifique.
Cette protection légale peut-être complétée par la mise en place de contrats qui permettent
d’accompagner les différents sauts de la puce, tout au long de sa vie.
1. QU’EST CE QU’UNE PUCE ?
La puce électronique1 est un micro-circuit électronique ou circuit intégré. Les circuits intégrés
numériques les plus simples sont des portes logiques (et / ou / non), les plus complexes sont
les microprocesseurs. Ces puces sont soudées sur un circuit imprimé (carte électronique 2).
Les puces les plus courantes comportent 8 à 80 broches.
Circuits intégrés DIP (Dual Inline Package)
Circuit intégré 44 broches
Le circuit imprimé2 est une plaque fabriquée à partir de matériaux composites, de résine
époxy et de circuits de cuivre. La plaque, de longueur et largeur variables, est épaisse de
16/10 mm en standard.
1
Jack Kilby (1923–2005) est l'inventeur du circuit intégré. En 1958, cet Américain, alors employé par
Texas Instruments, créait le tout premier circuit intégré, jetant ainsi les bases du matériel informatique
moderne. Pour la petite histoire Jack Kilby, qui venait de rejoindre la compagnie, a fait cette
découverte alors que la plupart de ses collègues profitaient de vacances organisées par Texas
Instruments. À l'époque, Kilby avait tout simplement relié entre eux différents transistors en les câblant
à la main. Il ne faudra par la suite que quelques mois pour passer du stade de prototype à la
production de masse de puces en silicium contenant plusieurs transistors. Cette découverte a valu à
Kilby un prix Nobel de physique en 2000, alors que ce dernier siégeait toujours au directoire de Texas
Instruments et détenait plus de 60 brevets à son nom. Source : fr.wikipedia.org
2
Circuit imprimé sur un support ou PCB (Printed Circuit Board)
1
La couche de cuivre recouvrant la plaque est dissoute avec précision par du perchlorure de
fer liquide pour ne laisser que les circuits dessinés par transfert photographique ou
sérigraphie. Des trous permettent d'implanter et souder, par brasure à l'étain, les
composants électroniques : circuits intégrés, transistors, résistances, diodes, etc., qui sont
ainsi interconnectés par les circuits de cuivre. Ce type de circuit imprimé est dit monocouche.
Les puces et composants sont soudés de l’autre côté de la plaque.
Les circuits devenant de plus en plus complexes, les techniques de gravures ont évolué. Le
nombre de couches des circuits imprimés s’est multiplié. Ainsi, une carte mère de microordinateur peut compter six couches et plus.
2. LA CARTE A PUCE
La carte à puce est une carte plastifiée normalisée ID1 de 85,6 × 54 millimètres d’une
épaisseur de l'ordre de 70 à 90 centièmes de millimètres. Elle comporte au moins un circuit
intégré. La puce d'une carte typique (ex. : carte bancaire) est constituée d'un
microprocesseur 8 bits tournant à une vitesse de 4 MHz, disposant de 6 à 32 Ko de ROM, de
256 à 2048 octets de RAM et de 1 à 32 Ko d'EEPROM. La puce n’a qu'une seule ligne
d'entrée-sortie.
Les cartes à puce récentes (depuis 2005) contiennent des microprocesseurs plus puissants
(32 bits et plus de 10 MHz) et un volume de mémoire plus important (plus de 256 Ko
d'EEPROM, 512 Ko de ROM). Les types de mémoire rencontrées dans les cartes à puce se
diversifient également, notamment avec l'introduction de Mémoire Flash de plusieurs Mo.
La puce1 de la carte peut-être accessible électriquement par ses contacts de cuivre
apparents mais aussi électromagnétiquement, à courte ou moyenne portée, au moyen d’une
antenne intégrée dont les spires sont coulées dans l'épaisseur de la carte (cartes sans
contact : accès, parkings, etc.).
Il existe une combinaison de cartes Avec et Sans Contact (ou ASC)
La puce des cartes se comporte comme un ordinateur en veille. Elle s’active dès lors qu’elle
est en contact (donc alimentée). Les informations peuvent alors être lues et écrites.
Avant d'être remises à la personne qui l'utilisera, une carte à puce est normalement
« personnalisée » électriquement (par l'organisme émetteur) via un encodeur de cartes et un
programme informatique (outil de personnalisation), afin d'inscrire dans la puce les
informations nécessaires à son utilisation. Par exemple, on inscrira dans une carte bancaire
les références bancaires de l'utilisateur, ou dans la carte d'un contrôle d'accès, les
autorisations accordées au porteur de la carte. La personnalisation consiste également à
imprimer des donnés supplémentaires 2.
Il est possible que la carte soit invalidée à un moment ou à un autre :
1
2
-
Soit c'est l'application présente sur la carte qui décide de s'invalider et il sera
seulement possible alors de lire certaines données, mais il ne sera plus possible
d'écrire en mémoire sur la carte
-
Soit c'est l'utilisateur, qui par un usage erroné, invalide sa carte, en se trompant
plusieurs fois consécutivement de code PIN par exemple
Normes, dimensions, brochage, voir : http://www.cartesapuce.fr/normes.htm
Différentes cartes à puce sur http://telecarte.free.fr
2
3. QUELLE PROTECTION LEGALE ?
3.1.
Des dispositions légales spécifiques
L’adoption de dispositions particulières pour la protection des puces a été précédée, dans la
plupart des pays industrialisés et notamment en France, d’un long débat doctrinal1 visant à
déterminer si ces « produits semi-conducteurs » pouvaient être couverts par un régime de
protection pré-existant, tel que le brevet, le droit d’auteur ou la protection des dessins et
modèles. Toutes ces propositions se devaient d’être rejetées pour diverses raisons 2. Le
brevet est apparu inadapté du fait de la complexité de la description, des revendications et
des dessins.
En France, il est cependant admis que le droit commun de la propriété intellectuelle
(notamment le brevet 3) puisse apporter une protection « subsidiaire » aux puces, et ce
malgré l’existence d’une protection spécifique désormais consacrée.
La mise en œuvre d’une telle protection ne fût pas simple. En 1984, les Etats-Unis ont
instauré la première loi destinée exclusivement à la protection des puces électroniques et
assimilés, le Semiconductor Chip Protection Act. Ce texte précurseur subordonne toutefois
la protection des circuits exploités en premier lieu à l’étranger à la condition de réciprocité.
Plusieurs pays adoptent rapidement des dispositions similaires. C’est ainsi que le Conseil
des Communautés européennes a adopté, le 16 décembre 1986, une Directive concernant
la protection juridiques des topographies originales des produits semi-conducteurs. Cette
directive a été transposée en droit français par la loi du 4 novembre 1987, aujourd’hui
intégrée au Code de la propriété intellectuelle aux articles L. 622-1 et suivants, et précisée
par les articles R. 622-1s du même Code (décret relatif à la protection des topographies de
produits semi-conducteurs). Enfin en mai 1989 le Traité sur la propriété intellectuelle en
matière de circuits intégrés de l'OMPI est ouvert à la signature4.
3.2.
Quel est l’objet de la protection ?
Le terme puce est utilisé très largement, et souvent de manière erronée, pour définir toute
réalisation faisant appel à des techniques de miniaturisation. Des termes divers et variés
sont assimilés à cette notion, ce qui entraîne généralement une certaine confusion.
Aujourd’hui encore, au gré des différentes dispositions législatives nationales ou
internationales, diverses appellations sont retenues pour définir la protection d’un même
objet. La loi japonaise et le traité sur la propriété intellectuelle en matière de circuits intégrés
de l'OMPI visent la notion de « circuits intégrés », la loi américaine protège les
« microplaquettes » (chips) alors que le Code de la propriété intellectuelle (Livre VI, Titre II,
Chapitre II) fait référence aux « produits semi-conducteurs ».
En réalité, tous ces termes font référence à une définition juridique relativement uniforme, à
savoir:
« la forme finale ou intermédiaire de tout produit:
i) composé d'un substrat comportant une couche de matériau semi-conducteur
et
1
Pour une vue d’ensemble du débat, voir Lamy Droit de l’informatique et des réseaux 2005, n°475.
Ibid, n°473s, ou Lucas, Devèze, Fraysinnet, “Droit de l’informatique et de l’Internet”, n°488s.
3
Lamy 2005 n°478 soutient qu’il n’y a aucune incompatibilité entre le brevet et le droit spécifique
conçu pour les topographies.
4
Mais n’est toujours pas entré en vigueur, faute d’avoir été ratifié par un nombre suffisant d ‘Etats.
2
3
ii) constitué d'une ou de plusieurs autres couches de matières conductrices, isolantes
ou semi-conductrices, les couches étant disposées conformément à une
configuration tridimensionnelle prédéterminée
et
iii) destiné à remplir, exclusivement ou non, une fonction électronique »
En outre, ce qui est protégé par les différentes dispositions, notamment en France, n’est pas
la puce à proprement parler, mais sa « topographie » définie de la manière suivante :
« une série d'images liées entre elles, quelle que soit la manière dont elles sont fixées
ou codées:
i) représentant la configuration tridimensionnelle des couches qui composent un
produit semi-conducteur;
ii) dans laquelle chaque image reproduit le dessin ou une partie du dessin d'une
surface du produit semi-conducteur à n'importe quel stade de sa fabrication »
Ces définitions sont celles adoptées par la Directive Européenne du 16 Décembre 1986
concernant la protection juridiques des topographies originales des produits semiconducteurs.
Il est à noter que suite aux difficultés posées par de nombreux autres termes techniques, le
gouvernement français a adopté en 1990 un Arrêté relatif à la terminologie des composants
électroniques.
Cependant, toutes ces définitions ne sont pas et ne peuvent être figées, puisqu’elles ont
vocation à s’adapter à tous les progrès techniques éventuels.
3.3 Qui bénéficie de la protection ?
L’article L. 622-3 du Code de la propriété intellectuelle édicte un principe qui est celui de
l’attribution des droits au créateur de la topographie (c'est-à-dire celui qui l’a conçue) ou à
son ayant cause. Lui seul bénéficie du droit au dépôt.
Si ce dernier est effectué par une autre personne, le créateur de la topographie ou son ayant
cause peut en revendiquer le bénéfice. L’article L. 622-3 du Code de la propriété
intellectuelle précise que cette action en revendication se prescrit trois ans après la
publication du dépôt.
Par ailleurs, aucun régime particulier n’est prévu pour le cas des topographies créées par
des salariés, contrairement à la présomption de dévolution à l’employeur qui a été posée par
la loi à l’égard des développeurs salariés de logiciels par exemple (article L.113-9 Du Code
de la propriété intellectuelle). Toutefois, même si la loi demeure silencieuse sur ce point, la
mission salariée spécifiquement confiée contractuellement peut, dans certains cas,
permettre de considérer que les droits y afférents sont nécessairement transmis à
l’employeur, qui est ainsi titulaire du droit de dépôt.
3.4.
Comment bénéficier de la protection ?
La protection bénéficie aux puces répondant à certaines conditions de forme et de fond :
Au titre des conditions de forme, la puce doit faire l’objet d’un dépôt. Alors que la directive
de 1986 laissait aux Etats membres la possibilité d'imposer ou non l'accomplissement d'une
formalité, l’article L. 622-1 du Code de la propriété intellectuelle subordonne la naissance
4
des droits au dépôt de la topographie auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle
(INPI). Ce dépôt doit être effectué dans un délai de deux ans à compter de la première
exploitation commerciale de la topographie.
L'article L. 622-1 du Code de la propriété intellectuelle exige que la topographie en cause
traduise un « effort intellectuel » et ne soit pas courante. On remarquera que ces deux
conditions se distinguent de celles retenues en droit d'auteur et en matière de brevet
d'invention. L'effort intellectuel ne doit pas être confondu avec l'originalité (pour le droit
d'auteur), matérialisée par le fait que l’œuvre doit refléter la personnalité de son créateur. De
même, l'absence de banalité ne doit pas être confondue avec l'exigence de nouveauté
requise dans le domaine des brevets.
3.5
Quelle est l’étendue de la protection ?
Conformément aux principes classiques de la propriété intellectuelle, l'exploitation directe
permet au bénéficiaire des droits d'interdire aux tiers certains actes afin de se les réserver.
La protection, d'une durée de dix ans à compter du dépôt ou de la première exploitation
commerciale si elle est antérieure (article L. 622-6, alinéa 1), implique l'interdiction pour les
tiers de reproduire, d'exploiter commercialement, ou d'importer à cette fin la topographie
(article L. 622-5).
Certaines limites sont néanmoins apportées à ces prérogatives. Tout comme la marque, la
topographie doit être exploitée, faute de quoi l'enregistrement devient caduc et le titulaire des
droits perd ses prérogatives (article L. 622-6, alinéa 2).
En raison du caractère technologique de la topographie, l’article L. 622-5 du Code de la
propriété intellectuelle dispose que la protection reconnue ne comprend pas :
-
la reproduction de la topographie à des fins d'enseignement, d'évaluation ou d'analyse,
l'utilisation de cette topographie pour en créer une distincte susceptible d'être protégée,
la possibilité d'interdire à l'acquéreur de bonne foi d'un produit semi-conducteur d'en
poursuivre l'exploitation commerciale à condition qu'il verse une juste indemnité.
Les formalités de dépôt sont prévues aux articles R. 622-1 et suivants du Code de la
propriété intellectuelle.
Les topographies peuvent évidemment faire l'objet de contrats à titre onéreux (licence,
cession) ou à titre gratuit.
Certaines formes d'exploitations autoritaires sont applicables aux topographie de semiconducteurs.
L’organisation de ces différents aspects est régie par les dispositions applicables aux brevets
d’invention auxquelles l’article L. 622-7 du Code de la propriété intellectuelle renvoie
expressément.
3. QUELS CONTRATS ?
L’industrie de la carte à puce implique différents acteurs :
Les fondeurs sont les fabricants des plaques (disques) de silicium qui seront ensuite
découpées en puces, testées et conditionnées.
Les « encarteurs » fabriquent la carte et procèdent à l’assemblage de la puce et de la carte.
5
Les développeurs sont les concepteurs du logiciel qui s’exécute dans la carte (on appelle
cette phase le développement du masque).
Enfin les fabricants de lecteurs de carte, fournissent le matériel nécessaire pour s’interfacer
avec carte à puce.
Plusieurs contrats accompagnent donc les différents stades de création (design, masquage),
découpage (packaging), tests et intégration de la puce.
On rencontre usuellement les contrats suivants : contrat de fabrication (fondeur) ; contrat de
« packaging », contrat de prestations de tests ; contrat dit OEM ou contrat d’intégration.
Ces contrats accompagnent toute l’évolution de la puce depuis sa conception, sa production
industrielle, sa distribution et requièrent une bonne connaissance technique des différents
métiers.
Les puces nouvellement mises sur le marché, sont souvent accompagnées de clause de
non-garantie ou de commercialisation « en l’état » lors de leur première mise sur le marché.
Cette phase de tests réels permet aux distributeurs de mettre en évidence, par l’usage, les
inévitables bugs fonctionnels que la haute technicité de ces produits ne manque pas
d’induire et qu’ils vont chercher à contourner ou à résoudre.
Cendrine Claviez
Avocat à la Cour
Aix-en-Provence
[email protected]
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