
La question qui nous est posée aux citoyens n’est donc plus d’être «pour ou contre la
pub» mais de savoir si nous laissons la publicité nous envahir chaque jour davantage.
Les mille fronts du combat antipub
2
C’est donc dans des secteurs de plus en plus nombreux que le combat contre l’invasion
publicitaire trouve matière à se déployer. Il est ainsi amené à entrer de plus en plus
fréquemment en résonance avec les préoccupations et les actions des syndicats, des
défenseurs des services publics, des militants des droits de l’homme et des libertés, de la
laïcité, de la santé publique… et à constituer alors un engagement partagé par de
nombreux militants de gauche. Il suffit pour s’en convaincre d’examiner concrètement
quelques-uns de ces nouveaux fronts du combat antipub.
Prenons l’exemple de la santé. Les dépenses publicitaires de l’industrie pharmaceutique
sont souvent limitées par des législations nationales qui interdisent la publicité pour des
médicaments disponibles uniquement sur prescription médicale
3
. Elles représentent
pourtant déjà le double des investissements en recherche et développement du
secteur. Lobbying, création de fausses associations «indépendantes» qui font la
promotion de certains traitements, séduction des étudiants les plus brillants dès
l’Université par le biais du financement de leurs papiers et recherches, multiplication des
«colloques» promotionnels… tout les moyens sont bons pour convaincre les médecins de
prescrire tel ou tel produit. Ces dépenses de publicité et de promotion représentent aux
Etats-Unis une moyenne de 13000 dollars par an et par médecin. Ces sommes
contribuent plus à la surconsommation médicale qu’à l’information et la formation des
médecins laissés entre les mains des visiteurs médicaux.
Quant à la publicité en direction du public, les cas autorisés sont exceptionnels dans
notre pays. Mais ces rares dérogations donnent déjà une idée des dégâts sanitaires
auxquelles la publicité pourrait conduire si elle était demain plus largement autorisée. On
lui doit en effet quelques scandales mémorables comme la campagne pour la
vaccination contre l’hépatite B menée en France à partir de 1994. Soutenue par le
ministre de la Santé de l’époque, Philippe Douste-Blazy, et financée par quelques gros
labos, elle a réussi à convaincre à coup de spots télévisés et d’encarts dans la presse
plus de trente millions de Français de recourir soudainement à ce vaccin jusqu’alors peu
utilisé. On les avait même incité à vacciner les nourrissons. Pour quels résultats ? Dix ans
après, une seule chose est sure : les profits engrangés à cette occasion ont été
considérables. L’utilité sanitaire d’une telle opération dans notre pays n’a en revanche
jamais été démontrée. Plus grave, plusieurs études suggèrent que ces vaccinations
précoces contre l’hépatite B sont responsables d’une augmentation tragique des cas
de sclérose en plaques. Sur la même question, l’Angleterre a été moins crédule. Les
autorités publiques n’ont pas suivi les publicitaires stipendiés par les labos. Le British
Medical Journal (revue de l’association des médecins britanniques, une des cinq revues
les plus lues au monde) s’en amuse encore : «L’agence de communication Shire Hall
Communication réalisa un travail remarquable. Même si l’immunisation universelle des
enfants anglais pour une maladie qui ne s’attrape que dans certains pays tropicaux, ou
lors d’injection de drogue par intraveineuse, ou encore en cas de fréquentations
sexuelles multiples, a mis un sourire sur de nombreux visages.»