Chap 6 - georepere

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LA DECOLONISATION ET LA NAISSANCE DU TIERS MONDE
17 juillet 2014
Chap. 6
1
LES FACTEURS DE LA DECOLONISATION
INTRODUCTION
A partir de 1880, l’exploration du monde par les grandes puissances devient systématique et
totale. La crise économique des années 1880 pousse les pays puissants au protectionnisme et à
la recherche de « chasses gardées » pour les matières premières et l’exportation : c’est
l’impérialisme colonial ou colonisation. Les grands bénéficiaires sont la France et la grande
Bretagne qui conquièrent d’immenses territoires. Le partage colonial s’achève pour l’essentiel
en 1914. A cette date, les Britanniques possèdent l’empire le plus étendu : ils sont présents en
Asie (Inde) et en Océanie, mais également en Afrique (Egypte, Afrique orientale et Afrique
occidentale anglaises, Union Sud-Africaine), en Méditerranée (Gibraltar, Malte, Chypre) et
en Amérique (Guyane anglaise). Aux colonies au sens propre du terme, il convient d’ajouter
les dominions, comme la Nouvelle-Zélande et le Canada. La France possède le second
empire colonial du monde. L’empire français est principalement étendu sur le continent
africain : Afrique du Nord (Algérie, Tunisie, Maroc), Afrique occidentale française (AOF),
Afrique équatoriale française (AEF), la Réunion, les Comores, Madagascar. En Asie, la
France domine l’ensemble de la péninsule indochinoise (Cochinchine, Cambodge, Annam,
Tonkin, Laos) et possède cinq comptoirs en Inde (Pondichéry, Chandernagor…). A ces
territoires, il faut ajouter des possessions telles que Tahiti ou la Nouvelle Calédonie et, en
Amérique, la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane française et Saint-Pierre-et-Miquelon.
Pour les autres pays colonisateurs, on ne peut guère parler d’empire : l’Allemagne (qui
possède le Togo, le Cameroun une partie du Sud-Ouest et de l’Est africains), l’Italie (présente
en Erythrée, en Somalie et en Tripolitaine), la Russie, la Belgique (le Congo), les Pays-Bas, la
Belgique, l’Espagne (Maroc septentrional), le Portugal (Angola et Mozambique), les EtatsUnis (Les Philippines) et le Japon possèdent des territoires restreints, morcelés ou minuscules.
La première guerre mondiale marque un coup d’arrêt à l’expansion coloniale. Au lendemain
de la Seconde Guerre Mondiale, c’est le mouvement inverse qui se produit : on parle alors de
décolonisation.
I- DECOLONISATION : SIGNIFICATION
Selon Le Nouveau Petit Robert (1993), p.553, la décolonisation est la « Cessation pour un
pays de l’état de colonie ; processus par lequel une colonie devient indépendante. […]
Libération de groupes humains ou de secteurs socioéconomiques tenus dans un état de
dépendance, de subordination. »
C’est le « processus (pacifique ou violent, rapide ou par étapes) par lequel une colonie accède
au rang d’Etat indépendant. »
La décolonisation implique que le temps des colonies est fini. Elle implique la fin de la
domination politique (l’ex-colonie se dote elle-même de ses propres organes politiques) et
militaire et la fin de l’exploitation économique du territoire dominé.
Dans ce processus les puissances coloniales luttent pour maintenir leur pouvoir politique et
économique et d’autre part les peuples opprimés se révoltent contre elles. Cette situation peut
déboucher sur le néocolonialisme :
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« Nouvelle forme de colonialisme qui impose la domination économique à une ancienne
colonie ayant accédé à l’indépendance.»1
« Politique visant à rétablir, sous des formes nouvelles, une domination sur les anciens pays
colonisés devenus indépendants.»2
En principe les colonies n’existent plus car elles sont devenues libres et autonomes. Ainsi la
puissance coloniale ne dicte plus ses intérêts aux gens. Officiellement elle n’instaure plus
l’appareil de l’Etat dans les pays indépendants. Mais comme les anciens oppresseurs n’ont
jamais cessé de réaliser leurs propres objectifs économiques et politiques là-bas, on appelle
cette situation « le néocolonialisme ».
La seule différence entre les circonstances coloniales et néocolonialistes est l’effort de cacher
la répression omniprésente sous le prétexte de l’indépendance.
Qu’est-ce qui a mis fin à la domination coloniale ? Les causes ou origines de la décolonisation
sont nombreuses : certaines sont liées au système colonial lui-même alors que d’autres
découlent de l’environnement international.
II- LES FACTEURS INTERNES DE LA DECOLONISATION OU LES FACTEURS
INHERENTS AU SYSTEME COLONIAL
1- Le retard économique des pays coloniaux
Le système colonial était basé sur une exploitation économique qui avait détruit l’économie
traditionnelle de subsistance en remplaçant les cultures vivrières par des cultures de
plantations destinées à l’exportation. Les meilleures terres sont réservées à la grande culture
moderne et l’exode rural augmente. En conséquence, le retard économique des pays coloniaux
s’avère très important et les métropoles ne font rien pour le combler. Au contraire, elles s’en
tiennent à l’idée que chaque colonie doit pouvoir prendre en charge ses propres
investissements pour se développer et coûter le moins possible aux contribuables européens.
Mais, ce faisant, les puissances coloniales doivent s’appuyer sur les autorités traditionnelles
pour administrer les différents pays, permettant ainsi aux cadres administratifs et politiques
des futures indépendances de se mettre en place.
2- La confiscation du pouvoir par les colons
La colonisation favorise surtout l’apparition et le développement d’élites locales,
commerçants, négociants, bourgeois et intellectuels, qui restent exclues du pouvoir confisqué
par les colons et le personnel de la métropole. Leurs frustrations les incitent à se radicaliser
peu à peu et à abandonner leurs revendications tendant à l’assimilation pour devenir
nationalistes. Formés en métropole, frottés à la culture et aux idées occidentales, ils utilisent
les valeurs telles que l’État-nation, la république, le socialisme ou le libéralisme pour
dénoncer le colonialisme et justifier leurs revendications à l’indépendance.
3- La pression démographique et les inégalités
1
Le Nouveau Petit Robert (1993), p.1480
Le petit Larousse illustré (2001), p.691
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Les nouvelles politiques sanitaires et médicales suscitent une véritable explosion
démographique mais la misère augmente. L’urbanisation liée à cet exode et à la nouvelle
pression démographique est anarchique et seuls les négociants locaux s’enrichissent.
L’inégalité sociale et juridique entre colons et indigènes est devenue insupportable. Un vrai
phénomène de déculturation touche les élites locales.
4- L’essor des nationalismes3
Les conséquences de la guerre (en particulier les « traces » de l’occupation nippone),
l’influence de l’URSS au sortir du conflit, les pressions de plus en plus fréquentes de l’ONU,
sont autant d’éléments qui réactivent les nationalismes, tout particulièrement dans l’espace
asiatique.
En effet, en Europe, dès 1919, se diffusent les idéaux défendus par le président Thomas
Woodrow Wilson, concernant en particulier le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes,
thème qui rencontre chez les colonisés une forte résonance4, ainsi que ceux de
l’anticolonialisme et du communisme, qui fait de la lutte anti-impérialiste l’un des points
principaux de son programme. Cette diffusion favorise l’émergence d’un courant intellectuel
et politique hostile au maintien de l’empire colonial, qui s’efforce en métropole même de
soutenir, voire de relayer, les mouvements indépendantistes.
III- LES FACTEURS LIES A L’ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL
1- Les conséquences des guerres dans les mondes coloniaux
Les défaites subies par les vieilles puissances coloniales pendant la guerre montrent que
celles-ci ne sont pas invincibles.
La décolonisation est remise en cause dès la fin de la première guerre mondiale mais peu de
pays accèdent à l'indépendance durant cette période car les métropoles répriment violemment
ces revendications comme en Egypte en 1922 et en Irak en 1931.
La deuxième guerre mondiale relance les revendications. Le mythe de l'homme blanc est
fini maintenant que les nazis ont montré l'horreur. Les vicissitudes de la guerre ont fait
perdre à L’Europe le capital de crainte que sa force avait amassé auprès des peuples
coloniaux. Par exemple, en Asie du Sud-Est, la victoire japonaise montre aux nationalismes
indigènes que l’Occident ne détient plus le monopole technique et militaire qui assurait sa
domination.
Pendant la guerre, les puissances européennes ont fait largement appel à leurs
possessions. Deux millions d'indiens ont combattu dans l'armée britannique et 520 000
ressortissants de l'Afrique française ont formé la majeure partie des Forces Françaises Libres
(FFL). La mobilisation a été forte et beaucoup d'hommes ont trouvé la mort aux combats. En
plus dans tous les empires les métropoles ont eu recours à une ponction économique
Doctrine et action politique des individus qui cherchent à réaliser l’indépendance de leur nation en la libérant
de la domination étrangère.
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Effet qui se répercute dans l'esprit ou dans le cœur
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importante: pour accroître les productions, les métropoles ont développé les cultures
"forcées" et les réquisitions de main d'œuvre, accroissant les déséquilibres économiques et
suscitant des mécontentements. Donc après la victoire, les peuples colonisés espèrent
bénéficier des valeurs qu'ils ont contribué à défendre, c'est à dire le droit des peuples à
disposer d'eux-mêmes, la résistance à l'occupant.
Les revendications nationalistes nées avant la guerre vont donc se durcir: En Afrique du
Nord, la guerre réactive les mouvements nationalistes. D’autant que les autorités coloniales
refusent toute concession, malgré les données nouvelles de la guerre. En Tunisie, Le résident
général ne répond pas à un projet de réformes que lui soumet le nouveau bey Mohamed elMoncef en août 1942. Le bey constitue alors un gouvernement nationaliste modéré.
Emprisonné par les Français, Bourguiba est libéré par les Allemands. Rentré à Tunis, il se
déclare prêt à collaborer avec l’Axe en échange de la reconnaissance de l’indépendance
tunisienne. Mais quand les Français entrent à Tunis, Moncef est destitué sous prétexte de
collaboration avec l’ennemi et les pouvoirs du Résident général sont renforcés. Autre
exemple, celui de l'Algérie où la faillite de la politique d’assimilation, les conséquences de la
guerre, aboutissent en 1943 à l’unification des différents courants nationalistes autour du
« Manifeste du peuple algérien ». Dépouillé de toute référence religieuse, il réclame, dans un
langage très ferme, la constitution d’un Etat algérien autonome et démocratique.
2- L’anticolonialisme en 1945
En 1945, le courant anticolonialiste s’alimente d’abord de l’idéologie marxiste dont
l’influence se fait surtout sentir en Asie. Ici, elle séduit nombre d’hommes d’action qui lient
étroitement la pensée théorique à l’action militante. Des chefs comme Ho chi-Minh au
Vietnam, Sjarifuddin en Indonésie ou Than Tun en Birmanie, adaptent ses concepts de base
pour les masses, invitées à lutter pour l’autodétermination et l’égalité sociale. En Afrique,
l’influence du marxisme est plus diffuse, du moins au cours des années de l’immédiat aprèsguerre. Elle agit surtout à travers des personnalités, telles celle de Nkrumah en Côte de l’Or
(Ghana).
Au lendemain de la guerre, l’URSS se présente comme la championne de l’anticolonialisme.
Or, son audience idéologique est à l’échelle de son prestige de nation résistante et victorieuse.
C’est ainsi que renouant avec les vues léninistes, Staline, dès 1947 (création du Kominform),
proclame, par l’intermédiaire de Jdanov, la nécessité de développer la subversion5 dans les
pays colonisés. A l’ONU, l’URSS se fait le porte-parole de l’anticolonialisme, soutenant les
pays latino-américains et afro-asiatiques contre les résistances des métropoles et celles des
Etats-Unis, soucieux de maintenir la solidarité occidentale. L’U.R.S.S. condamne donc le
colonialisme qui est dans l’idéologie marxiste, une expression du capitalisme. Elle souhaite en
réalité affaiblir le bloc occidental et amener dans son camp les nouveaux pays indépendants.
Plus spécifique apparaît l’anticolonialisme américain. Dès 1941, les Etats-Unis renouent avec
la tradition interventionniste de Wilson. Dans cette attitude se lit une volonté sincère
5
Action visant à saper (détruire quelque chose à la base par une action progressive et sécrète) les valeurs et les
institutions établies.
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d’émancipation des peuples dominés6 et un désir de promotion du modèle américain en
matière économique et politique. Aussi, la Charte de l’Atlantique d’août 1941 reprenait-elle
de nombreux thèmes abordés par Wilson dans ses fameux « 14 points » de janvier 1918. La
Charte proclame en particulier « le droit de chaque peuple de choisir la forme de
gouvernement sous laquelle il doit vivre » et le libre accès, pour tous les Etats du globe, aux
matières premières. En réalité, dans le contexte politique de l’heure, il s’agit surtout pour les
Etats-Unis de s’assurer le soutien des peuples coloniaux contre l’ennemi ; pour cela, il faut
leur faire des promesses d’émancipation. Cependant, le président Roosevelt insiste à plusieurs
reprises sur le fait que son pays n’est pas entré en guerre pour conserver aux nations
européennes leurs empires coloniaux. Selon lui, une transformation du statut politique des
colonies est nécessaire, une fois la paix assurée. C’est ainsi que les Etats-Unis adoptent une
attitude en faveur de la décolonisation de l’Afrique du Nord où la « contagion » marxiste est
moins marquée.
En proclamant dans sa Charte de 1945 l’égalité des peuples et leur droit à disposer d’euxmêmes, l’ONU devient, dès 1945, l’une des tribunes du débat colonial. On y voit s’affronter
les tenants de la colonisation7 classique et ceux de la décolonisation89. Ainsi, les sessions de
l’assemblée générale exercent une véritable fascination sur les nationalistes des pays soumis à
une domination de type colonial, ravis d’entendre accuser leurs « tuteurs » de ne pas respecter
les droits de l’homme. Aussi, dans son activité, l’ONU manifeste un effort constant de faire
disparaître les systèmes coloniaux. Par exemple, le 16 décembre 1952, elle émet une
résolution sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Son pouvoir d’incitation
s’exprime en particulier dans le règlement statutaire des anciennes colonies italiennes,
abandonnées par leur métropole en vertu du traité de février 1947 : la Libye accéderait à
l’indépendance au 1er janvier 1952, la Somalie en 1960, tandis que l’Erythrée formerait une
unité autonome fédérée au royaume d’Ethiopie.
3- La posture anticoloniale de la conférence de Bandoeng
A l'ONU est formé un groupe Afro-asiatique qui tente de promouvoir une politique
indépendante des deux blocs. Du 18 au 25 avril 1955, a lieu la Conférence de Bandung en
Indonésie. Elle est présidée par Sukarno. Sont représentés 29 pays, soit la moitié de
l'humanité et 8 % des richesses : Afghanistan, Arabie Saoudite, Birmanie, Cambodge, Ceylan,
Chine populaire, Côte de l'or ( Ghana), Egypte, Ethiopie, Inde, Indonésie, Irak, Iran, Japon,
Jordanie, Laos, Liban, Libéria, Libye, Népal, Nord- Vietnam, Pakistan, Philippine Soudan,
Sud- Vietnam, Syrie, Thaïlande, Turquie, Yémen.
Les résolutions adoptées sont les suivantes : droit des peuples à disposer d'eux-mêmes,
souveraineté et égalité des nations, refus de toute pression des grandes puissances, règlement
6
Les Etats-Unis aiment à rappeler leur pays fut lui-même une colonie.
France, Belgique, Pays-Bas, Grande-Bretagne.
8
Pays latino-américains et arabo-asiatiques soutenus par l’URSS.
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Dès 1946, aux Nations Unies, le délégué de l’Inde, K. Menon, se fait remarquer par la hardiesse de ses
initiatives et la violence de ses discours, au moment où son pays prend la direction des mouvements de libération
des peuples d’Asie. L’Egypte entend jouer le même rôle auprès des pays arabes et se fait la championne de leur
lutte contre la domination franco-britannique.
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pacifique des conflits, désarmement, interdiction de l'arme atomique, condamnation du
colonialisme et proposition de la création d'un fonds des nations unies pour le développement.
CONCLUSION
C’est la combinaison de tous ces éléments qui va conduire les peuples colonisés à la
souveraineté internationale. Le mouvement est amorcé au lendemain de la Seconde Guerre
mondiale. Lorsque les Américains reconnaissent l’indépendance des Philippines dès 1946. La
Grande-Bretagne s’engage très rapidement après la guerre dans la voie d’une décolonisation
globale. Ainsi, en Asie, c’est l’Inde qui accède à l’indépendance en 1947. L’Indochine,
colonie française, accédera beaucoup plus tard à l’indépendance.
Sujet de réflexion :
1- Le contexte international entre 1914 et 1955 et l’écroulement de la domination coloniale.
Chronologie indicative :
- 1914-1918 : Première Guerre mondiale
- Janvier 1918 : « 14 points » du président Woodrow Wilson
- 1939-1945 : Deuxième Guerre mondiale
- Août 1941 : La Charte de l’Atlantique proclame « le droit de chaque peuple de choisir la
forme de gouvernement sous laquelle il doit vivre »
-Juin 1945 : Adoption de la Charte des Nations Unies qui proclame l’égalité des peuples et
leur droit à disposer d’eux-mêmes,
- 1947 : Staline proclame, par l’intermédiaire de Jdanov, la nécessité de développer la
subversion dans les pays colonisés.
- 18 au 25 avril 1955 : Conférence de Bandung en Indonésie.
Consigne de travail : Le candidat relèvera l’influence des deux guerres mondiales, du
courant anticolonialiste des deux grands et de l’ONU, ainsi que celle de la conférence de
Bandoeng sur la fin de la domination coloniale.
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