Communications affichées Lien entre l’impact et l’acceptation du diagnostic d’autisme et la sévérité du trouble chez l’enfant : étude préliminaire dans un service de prise en charge au Brésil Q uoiqu’aujourd’hui l’impact du diagnostic d’autisme sur le système familial soit bien reconnu, peu d’études portent sur les liens entre les difficultés vécus par les parents au moment du diagnostic et la sévérité du trouble chez l’enfant. Actuellement placé dans le cadre des Troubles Envahissants du Développement (APA, 1994), l’autisme est une condition précoce, persistante et qui atteint le développement de l’enfant de manière globale. De plus ces déficits varient en fonction des particularités subjectives de chaque enfant, ils déterminent plusieurs manifestations cliniques, différentes en gravité, qui définissent le « spectre de l’autisme ». L’autisme étant un trouble qui atteint de manière « envahissante » le développement et notamment celui de la relation avec autrui, plusieurs études dès Kanner (1943) se sont intéressées aux réactions des parents à la pathologie de leur enfant (Benson, 2006 ; Dale et al., 2006 ; Schmidt et Bosa, 2003). Bien qu’avant les parents étaient considérés comme exerçant une influence négative et même déterminante sur les difficultés d’interaction de leur enfant (Kanner, 1943 ; Bettelheim, 1950), on voit de nos jours une implication des parents comme des partenaires nécessaires au traitement de l’enfant, et un intérêt pour les effets psychologiques et sociaux du fait d’avoir dans la famille un enfant atteint d’autisme (Sprovieri et Assumpção Jr., 2001). Ainsi, plusieurs travaux portant sur les familles d’enfants autistes se sont intéressés à étudier leur profil typique, les types de réaction émotionnelle possibles face au trouble autistique, le stress qui résulte de la vie quotidienne avec une personne autiste, et les méthodes utilisées par les familles pour y faire face (Fávero et Santos, 2005). Ce travail est effectué au centre de recherches à propos des réactions et perceptions des parents par rapport au diagnostic d’autisme, étant donné qu’on constate habi1 Camilla Mazetto1 tuellement chez ces parents des réactions de déni de la pathologie et des difficultés à reconnaître le handicap de leur enfant (Lenoir, Malvy et Bodier-Rethore, 2003). A partir de notre expérience clinique dans une institution de prise en charge d’enfants autistes et de leurs familles, nous n’avons pas toujours observé une Mots clés : autisme, diagnostic, relation directe entre impact psychosocial, famille, la sévérité du trouble représentation. autistique chez l’enfant et l’impact occasionné par la confirmation diagnostique. Notre hypothèse est donc que l’impact et la difficulté d’acceptation du diagnostic d’autisme sont corrélés inversement à la sévérité du trouble chez l’enfant. On comprend par impact, la résonance, l’impression laissé par un phénomène, et par acceptation la concordance entre la perception des parents et le diagnostic des professionnels, ainsi que la capacité des parents à évaluer de manière réaliste la sévérité du trouble de leur enfant. Objectif Ce travail a pour objectif d’étudier, de manière préliminaire, l’impact et l’acceptation du diagnostic d’autisme par les parents et leurs liens avec la sévérité des symptômes autistiques chez l’enfant, dans le cadre d’un service de prise en charge pour des enfants autistes et leur familles, le Centro Pró-Autista, à São Paulo, Brésil. Méthodologie Population Ont participé à cette étude 19 familles d’enfants diagnostiqués avec autisme selon les critères du DSM-IV, reçus systématiquement en 2007 dans un service de prise en charge à São Paulo. Au départ, 21 familles d’enfants entre 4 et 13 ans reçues dans le service durant cette période Psychologue, Centro Pró-Autista, São Paulo, Brésil ([email protected]). Avec la supervision de Maria Clara Nassif, Psychologue, Coordinatrice du Département de Psychologie du Centro Pró-Autista, São Paulo, Brésil. Avec des remerciements aux collaborateurs du Centro Pró-Autista: Ariela Goldstein, Beatriz Werneck, Edmir Gurgel, Joana Cytrynomicz, Nair Sato, Wanderley Domingues, Zenaide Barbosa et Edgard Pimentel. le Bulletin scientifique de l’arapi - numéro 21 - printemps 2008 Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification v.4.0 Internationale (cc-BY-NC-ND4.0) 141 Communications affichées ont été invitées à participer. Deux familles ont quitté le service et n’ont pas participé à l’étude (reste 19 au total). Procédure et outils utilisés Pour l’évaluation de la sévérité du trouble autistique, nous avons utilisé l’échelle « Childhood Autism Rating Scale » (CARS, Schopler, Reichler et Renner, 1988), après traduction libre en système « back translation », étant donné que nous ne possédons pas d’études de validation et d’adaptation de cette échelle dans la culture brésilienne. La cotation de l’échelle était faite par deux professionnels du service, un thérapeute de l’enfant et un observateur extérieur. La CARS est une échelle comprenant 15 domaines comportementaux, cotés de 1 (normal) à 4 (sévèrement anormal), avec des intervalles de 0,5 points (Schopleret al., 1988). Le total des points dans chaque domaine nous permet d’évaluer la sévérité du trouble autistique selon les catégories : non-autistique, légèrement a moyennement autistique et sévèrement autistique. Les résultats au CARS sont présentés dans le tableau 1. Non-autiste Légèrement à moyennement autiste Sévèrement autiste Total 4-6 ans 2 7-9 ans 0 10-13 ans 1 2 1 2 6 10 3 4 2 5 Tableau 1 : Distribution de la population par âge et résultat à la CARS. Pour l’évaluation de l’impact et de l’acceptation du diagnostic d’autisme chez les parents, nous avons créé un questionnaire (annexe 1) qui était coté par les parents après un entretien semi-structuré. La moyenne des réponses aux trois premières questions, cotées de 1 à 4, étaient pour nous la mesure quantitative de l’impact et de l’acceptation du diagnostic. La dernière question fait référence à la perception des parents à propos de la sévérité du trouble de l’enfant et peut être comparée à la note à la CARS. Analyses statistiques Afin d’estimer une structure de corrélation entre les variables : sévérité du trouble autistique chez l’enfant (CARS), impact du diagnostique (IMPACT) et perception des parents à propos de la sévérité du trouble chez l’enfant (PARENTS), et dans l’intention d’obtenir une consistance dans la direction des relations, les données ont été soumises à une analyse des corrélations (Pearson) pour l’échantillon, et des analyses point à point, étant donné le nombre restreint d’observations. En outre, les hypothèses ont été soumises aux analyses des Ordinary Least Squares (OLS), test T de Student et Generalized Method of Moments (GMM). 142 Résultats L’analyse des résultats nous permet d’inférer l’existence d’une relation négative entre le résultat de la CARS et l’impact du diagnostic chez les parents (tableau 2), ce qui signifie que plus la sévérité de l’autisme est importante, moins l’impact sera intense. Ce résultat semble aller dans le sens de l’hypothèse selon laquelle les manifestations les plus légères d’autisme sont acceptées avec plus de difficulté par les familles, au moment du diagnostic. L’analyse des corrélations IMPACT CARS PARENTS IMPACT CARS PARENTS IMPACT CARS PARENTS -0.200112 -0.092897 -0.200112 0.476678 -0.092897 0.476678 Co-variance dans l’échantillon IMPACT -6.473518 -0.282465 CARS -6.473518 95.58449 PARENTS -0.282465 95.58449 - Tableau 2 : Résultats des analyses de corrélation entre les variables CARS, IMPACT du diagnostic et évaluation des PARENTS à propos de la sévérité d’autisme chez l’enfant. En outre, l’évaluation/perception des parents à propos de la sévérité d’autisme de leur enfant et l’échelle CARS semblent avoir une corrélation positive, c’est à dire que plus la sévérité d’autisme est élevée et plus intense est la perception quotidienne des parents. Par conséquent, plus la sévérité de l’autisme est importante pour les parents, moins l’impact du diagnostic l’est pour eux (figure 1). 100 80 CARS 60 40 20 00 1 2 3 Impact 4 5 Figure 1 : CARS x Impact chez les parents le Bulletin scientifique de l’arapi - numéro 21 - printemps 2008 Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification v.4.0 Internationale (cc-BY-NC-ND4.0) Communications affichées bonne capacité de jugement et perception de la sévérité du trouble, mais une plus grande difficulté d’accepter le diagnostic lorsque l’enfant est moins atteint. 100 80 - Les résultats présentés ici doivent être considérés au regard de certaines limitations dans notre étude : l’échantillon restreint et l’utilisation d’une échelle non-validée pour l’évaluation de l’impact chez les parents. CARS 60 40 20 00 1 2 3 Parents 4 5 Figure 2 : CARS x Evaluation des parents à propos de la sévérité du trouble chez l´enfant 12 - Bibliographie American Psychiatric Association (1994). Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (4ème edition). Benson, P.R. (2006). The impact of child symptom severity on depressed mood among parents of children with ASD: the mediating role of stress proliferation. Journal of Autism and Developmental Disorders, 36, 5, 685-95. 10 8- Bettelheim, B. (1950). Love is not enough: the treatment of emotionally disturbed children. Glencoe, The Free Press. 64200 Cette étude va dans le sens des travaux pré-cités dans l’intention de contribuer à la compréhension de la dynamique présente au processus diagnostique, pour le travail quotidien avec les parents et leur implication dans le traitement de le leurs enfants. 1 2 3 Impact 4 5 Figure 3 : Évaluation des parents a propos de la sévérité d´autisme chez l´enfant x Impact chez les parents Nous avons utilisé des analyses statistiques plus précises (OLS) pour étudier les relations décrites ci-dessous: 1. CARS = βo + β1 IMPACT + β (t = -0.84) 2. CARS = βo + β1 PARENTS + β (t = 2.23) 3. IMPACT = βo + β1 PARENTS + β (t = -0.38) Le teste t de Student, et l’étude par le GMM, renforcent l’idée que les parents sont capables d’attribuer des notes corrélés à la CARS, même si on considère l’impact subjective dans cette évaluation. Néanmoins, si on considère un échantillon plus large, il est possible que la corrélation entre la note à la CARS et l’impact chez les parents ne soit pas observé. Dale, E., Jahoda, A., Knott, F. (2006). Mother’s attributions following their child diagnosis of autistic spectrum disorder: exploring links with maternal levels of strees, depression and expectations about their child’s future. Autism, 10, 5, 463-79. Fávero, M.A.B., Santos, M.A. (2005). Autismo infantil e estresse familiar: uma revisão sistemática da literatura. Psicol. Reflex. Crit, 18, 3, 358-369. Kanner, L. (1943). Autistic disturbances of affective contact. Nervous child, 2, 217-250. Lenoir, P., Malvy, J. et Bodier-Rethore, C. (2003). L’autisme et les troubles du développement psychologique. Paris: Masson. Schmidt,C., Bosa, C. (2003). A investigação do impacto do autismo na família: revisão crítica da literatura e proposta de um novo modelo/ The autism burden in the family: a critical review and a new model proposal. Interação (Curitiba), 7, 2, 111-120. Schopler, R., Reichler, R.J. et Renner, B.R. (1988). The childhood autism rating scale (CARS). Los Angeles, Ca: Western Psychological Services. Sprovieri, M.H.S., Assumpção Jr, F.B. (2001). Dinâmica familiar de crianças autistas. Arquivos de neuro-psiquiatria, 59, 2A, 230-237. Nous n’avons pas trouvé de corrélations significatives avec l’âge des enfants pour l’évaluation des parents (t=1.33) ou pour l’évaluation à la CARS (t=-0.77). Conclusion Dans le cadre de cette étude préliminaire, les résultats obtenus, compte tenu de la petite taille de l’échantillon, ont permis de spécifier un lien possible entre le niveau de sévérité du trouble autistique et l’impact du diagnostic chez les parents, dans une corrélation négative. De plus, nous avons constaté que la perception des parents par rapport à la sévérité du trouble chez l’enfant est positivement corrélée à la note sur l’échelle CARS, ce qui démontre une le Bulletin scientifique de l’arapi - numéro 21 - printemps 2008 Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification v.4.0 Internationale (cc-BY-NC-ND4.0) 143 Communications affichées Annexe 1 : Questionnaire d’auto-référence Impact, acceptation et perception de la sévérité du trouble chez l´enfant. (Coté par les parents) 1. Comme vous definiriez la réaction (impact/surprise) entraîné par le diagnostic de votre enfant ? 1 – Nous n´avons pas eu de réaction au diagnostic, il n’a pas eu d´impact ou d’effet de surprise. 2 – Nous avons eu une réaction légère au diagnostic, nous avons ressenti un impact léger mais nous nous sommes habitués très vite au diagnostic. 3 - Nous avons eu une réaction moyenne au diagnostic, nous avons ressenti un impact moyen, mais nous comprenons le diagnostic peu à peu. 4 – Nous avons eu une réaction forte au diagnostic, nous avons ressenti un impact profond et c´est encore difficile de nous habituer au diagnostic. 2. Est-ce qu´il y a eu de changements dans la perception et dans la relation avec l´enfant après le diagnostic ? 1 – Il ´y a pas eu de changements dans notre perception, ni dans la relation avec notre enfant. 2 – Il y a eu peu de changements dans notre perception et relation avec notre enfant. 3 - Il y a eu assez de changements dans notre perception et relation avec notre enfant. 4 - Il y a eu beaucoup de changements dans notre perception et relation avec notre enfant. 3. Comment vous vous situeriez face au diagnostic de votre enfant ? 1 – Nous n´avons pas eu de difficulté à accepter le diagnostic et nous sommes entièrement d´accord avec ce diagnostic. 2 - Nous avons eu quelques difficultés à accepter le diagnostic mais nous l’acceptons et nous sommes d´accord avec ce diagnostic. 3 – Nous avons toujours des difficultés à accepter le diagnostic, mais nous sommes d´accord avec ce diagnostic. 4 – Nous n´acceptons pas le diagnostic, nous ne sommes pas d´accord avec le diagnostic. 4. De votre point de vue, comment vous situeriez votre enfant dans cette échelle ? 1 – Mon enfant n´est pas autiste. 2 – Mon enfant est légèrement autiste. 3 – Mon enfant est moyennement autiste. 4 - Mon enfant est sévèrement autiste. 144 le Bulletin scientifique de l’arapi - numéro 21 - printemps 2008 Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification v.4.0 Internationale (cc-BY-NC-ND4.0)