Médecine
& enfance
Si l’on devait retenir trois mots clés de ce dossier ce serait ceux de précocité, précision et pluridis-
ciplinarité.
Précocité. Les médecins voient actuellement des enfants avec suspicion d’autisme au plus tôt entre
deux ans et demi et trois ans et demi. Il faudrait les voir entre un an et demi et deux ans. Cela
changerait le pronostic, éviterait les surhandicaps, l’enfermement de l’enfant dans sa solitude et
ses stéréotypies. Bien que la preuve scientifique absolue ne puisse être faite, tous les spécialistes
s’accordent sur ce point. Ce n’est pas une chose simple, puisque nous n’y sommes pas parvenus à
ce jour, mais les mentalités sont en train de changer et il n’est plus de mise d’attendre l’âge de
trois ans pour adresser un enfant.
Précision. Il faudrait que cessent les absences de diagnostic ou des flous préjudiciables et que
nous allions vers des diagnostics non seulement posés avec des outils validés mais comportant
aussi toutes les dimensions des déficits et déviances autistiques ainsi que celles des compétences
préservées, cela afin d’agir de manière plus ciblée sur les domaines pathologiques. Par exemple,
savoir qu’on est face à un enfant ayant un trouble du spectre autistique (TSA) qui n’a aucun langa-
ge, présente des problèmes psychomoteurs et auditifs et est déficitaire sur le plan psychométrique
n’est pas la même chose que d’être face à un enfant autiste de bon niveau au langage simplement
en retard, et ces cas diffèrent tous deux de celui d’un enfant qui a des troubles des interactions so-
ciales isolées mais dont le renfermement évoque l’autisme. On ne fait pas des bilans pour faire des
bilans ou remplir des statistiques, mais pour confirmer ou non des impressions cliniques (parfois
trompeuses) et organiser le suivi des enfants : le temps du menu unique est révolu, s’ouvre main-
tenant celui des traitements « à la carte ».
Pluridisciplinarité. Elle doit être:
첸sémiologique: observation de l’enfant sous divers angles par divers spécialistes (médecin, psy-
chologue, orthophoniste, psychomotricien, ergothérapeute) ;
첸médicale: des examens en ORL, en ophtalmologie et en neuropédiatrie devraient être systéma-
tiques ;
첸thérapeutique: traiter ce qui ne va pas en tenant compte de l’unité de l’enfant, qu’on ne peut dé-
couper en ses fonctions, c’est là que la dimension éthique doit guider nos avis. Et les traitements
qui paraissent non scientifiques (comme le lait de chamelle, la nage avec les dauphins, les régimes
sans gluten ni caséine, etc.) ne doivent pas être critiqués s’ils ne nuisent pas, car c’est un chemine-
ment parental pour tenir face au désespoir, et dans certains cas ils améliorent l’enfant, sans que
l’on comprenne pourquoi. Mais doit-on tout comprendre dans un mystère?
첸pédagogique: certains enfants nous surprennent, car, au sein d’un tableau qui semble être une
altération cognitive, ils manifestent des pics de compétences que nous devons repérer et utiliser
pour qu’ils apprennent, de manière non orthodoxe. L’école en France promeut l’autonomie, mais,
comme du temps d’Alfred Binet, elle impose le régime unique. C’est exactement le contraire qui
est souhaitable chez l’enfant autiste. Faut-il créer des classes spéciales ou des intégrations spéci-
fiques? C’est plus un problème politico-économique que médical.
M. Boublil
Sommaire du dossier :
첸Autisme et pensée sauvage, par M. Boublil, page 22
첸Le diagnostic précoce des troubles du spectre autistique : contribution des études sur
l’orientation sociale et l’attention conjointe, par M. Franchini, E. Gentaz, M. Schaer, page 23
첸Application en France du modèle d’intervention précoce dans les troubles du spectre autistique :
intérêts et obstacles, par S. Vesperini, page 28
첸Avancées dans l’autisme infantile, par M. Boublil, page 31
Avancées 2016 dans l’autisme
infantile : précocité, précision,
pluridisciplinarité
Dossier coordonné par
M. Boublil, CAMSP, Grasse
LEDOSSIER
janvier-février 2016
page 21
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