Les recherches sur la publicité durant les années 1970

publicité
Marc Bonhomme
Le nouveaux discours publicitaires http://semen.revues.org/9631
Les recherches sur la publicité durant les années 1970-2000 :
bref bilan
Dans les années 1970-2000 considérées comme l’une des périodes florissantes de la publicité, les
discours publicitaires ont donné lieu à de nombreux travaux fondés sur des perspectives diversifiées dont
on peut dresser un bilan rapide. Les uns s’inscrivent dans une approche sociologique décrivant les
relations entre la publicité et son contexte tant économique que socioculturel. Ainsi, Cathelat (1987) ou
Cathelat et Ebguy (1988) ont vu dans le discours publicitaire un supra-langage commercial régulant les
mutations sociales et modifiant les comportements des consommateurs en agissant sur leurs styles de
vie1. Adoptant une position beaucoup plus polémique, plusieurs théoriciens ont reproché à la publicité
soit de nier la réalité des processus sociaux à travers un discours inessentiel et infantilisant (Baudrillard,
1968 et 1970), soit d’imposer une normalisation sociale, source de frustrations, par le biais d’une
rhétorique invariablement hédoniste (Brune, 1981)2.
D’autres chercheurs se sont appliqués à dégager les modalités de la communication publicitaire. Par
exemple, étendant à la publicité les théories du courant de Palo Alto, Bonnange et Thomas (1970) ont
montré la prédominance de la relation sur le contenu dans les annonces, tout en proposant une théorie
modulaire de la communication publicitaire3. Dans le même sens, Jouve (1991) a soumis celle-ci à l’épreuve
d’un certain nombre de modèles, qu’ils soient rationnels, comportementaux ou psychologiques. Quant à
Fresnault-Deruelle (1993), il a mis en avant l’essence de la démarche publicitaire qui consiste à feindre
une communication spontanée, en faisant oublier son statut d’intermédiaire.
L’approche pragmatico-rhétorique a également enrichi l’étude du discours publicitaire durant le dernier
quart du XXème siècle, cette fois dans l’optique de ses mécanismes de persuasion. En particulier, dans le
cadre pragmatique mis en place par Searle, Everaert-Desmedt (1984) a envisagé le discours publicitaire
comme un acte locutoire investi d’une double force illocutoire, explicitement constative et implicitement
directive, susceptible d’engendrer des effets perlocutoires (faire croire, faire faire) auprès du public. Pour
leur part, Adam et Bonhomme (1997) ont établi la filiation étroite du discours publicitaire avec les
productions issues de la tradition rhétorique, qu’elles soient épidictiques ou délibératives4, tout en
reconsidérant les annonces à l’aide des théories argumentatives modernes, comme celles de Toulmin ou
de Grize. De son côté, se situant dans le cadre d’une pragmatique énonciative, Kerbrat-Orecchioni (1999)
a souligné la propension des annonces à l’implicite, au jeu sur les valeurs dérivées et au masquage des
niveaux énonciatifs.
4Davantage structurales et attentives aux composantes du message publicitaire, deux autres approches
ont mis en lumière son fonctionnement intrinsèque. D’une part, les slogans publicitaires ont alimenté
diverses études lexico-sémantiques. Entre autres, Greven (1982) a examiné leur inventivité néologique
et leur dimension figurale importante. Grunig (1990) a surtout mis en exergue leur grammaire « rusée »,
avec leur capacité à susciter des sens multiples et à déconstruire le lexique. Ballabriga (1999) a montré la
richesse de leurs connexions sémantiques, à partir des relations fondamentales que sont l’homonymie, la
polysémie, l’antonymie et l’hypo/hyperonymie. D’autre part, l’approche sémiologique a renouvelé
l’analyse de l’image publicitaire, vue comme un système de signes à portée symbolique dont l’étude
inaugurale de Barthes (1964) a révélé le potentiel connotatif. On peut mentionner ici le modèle taxinomique
de Eco (1972) qui définit l’image publicitaire comme une stratification de codes, dont le code topique à la
source des structures stéréotypées développées dans les annonces et le code stylistique. Ou encore le
modèle génératif de Floch (1990) inspiré des théories de Greimas, selon lequel les images publicitaires
opèrent un parcours progressif de sens entre leurs matrices sous-jacentes et leurs manifestations iconiques
concrètes.
Ces différentes approches, qu’on pourrait encore compléter5, ont fourni en leur temps des résultats décisifs
pour l’analyse des discours publicitaires et elles conservent de nos jours une validité indéniable. Cependant,
avec l’essoufflement des pratiques publicitaires traditionnelles – accéléré par certaines campagnes radicales
comme celles de Benetton – et en dépit de la diminution des budgets consacrés au marketing, la publicité
a profondément évolué au tournant du XXIème siècle, ce qui nécessite un réajustement dans les recherches
la concernant.
2. L’évolution des productions publicitaires récentes
Depuis plusieurs années la publicité s’est en effet renouvelée au moins à quatre niveaux, un tel
renouvellement pouvant déjà être amorcé dans les annonces de la fin du XXème siècle.
2.1. Une diversification des supports publicitaires
Cette diversification est essentiellement due au développement rapide des messages publicitaires dans les
médias électroniques. En premier lieu, l’explosion de la publicité sur Internet se traduit par des évolutions
notables dans sa pratique. D’abord, l’apparition de formats spécifiques (bannières, pavés, flashs, popup) modifie la réception des contenus publicitaires, que ce soit sur le plan de leur impact, de leur effet de
surprise ou de leur caractère intrusif. Ensuite, la mise en place de nouveaux vecteurs liés à Internet étend
les formes de communication publicitaire, ce qui fait de celui-ci un bon complément par rapport aux médias
classiques. Ainsi, les blogs de marque (comme ceux de Heineken ou de Nestea) contribuent à un discours
promotionnel plus informel, tout en donnant l’occasion aux internautes d’émettre un avis sur les produits.
Le recours au mailing permet de prolonger une campagne, à l’instar de Perrier qui adressa voici quelques
années deux e-mailing video à 65000 internautes ciblés, suite à une campagne télévisuelle. Les sites des
annonceurs peuvent également comporter des espaces dédiés aux making-of des messages publicitaires,
ce qui accroît leur résonance médiatique (cas de Chanel lors de sa dernière promotion du parfum N°5 avec
Audrey Tautou).
Mais avant tout le média Internet rend l’exercice publicitaire beaucoup plus interactif. Il privilégie en effet
une communication segmentée sur des consommateurs a priori intéressés6. De plus, il établit une relation
personnalisée avec chaque client potentiel (marketing one-to-one) qui peut exprimer son point de vue,
refuser de recevoir une annonce ou au contraire participer à sa diffusion (cas du marketing viral à travers
lequel l’annonceur envoie un message à des internautes-cibles, les incitant à devenir à leur tour des
vecteurs de la marque7). Si en faisant du consommateur un « consomm’acteur » (de Barnier et Joannis,
2010), une telle interactivité donne un plus grand dynamisme aux pratiques publicitaires et
métapublicitaires, elle reste toutefois majoritairement sous la maîtrise des annonceurs qui contrôlent
l’essentiel du dispositif énonciatif.
Par ailleurs, la publicité par SMS – dite « marketing mobile » – joue un rôle croissant, avec globalement
les mêmes avantages que celle sur Internet. L’originalité de ce média tient à sa portativité qui permet de
multiplier les points de contact, en joignant les personnes visées où qu’elles se trouvent. Outre qu’elle
obtient un taux de lecture important, la publicité par SMS se caractérise par la possibilité qu’elle offre
d’envoyer des messages individualisés, à la fois simples et factuels. Les procédés linguistiques et iconiques
(troncations, smileys, idéogrammes…) typiques de l’écriture SMS confèrent de surcroît une forte convivialité
aux annonces transmises. De fait, le marketing mobile convient bien pour toucher un public jeune,
comme le montre une campagne de sensibilisation aux moyens de contraception que le Ministère de la
Santé a engagée en 2009 par ce média.
2.2. Une réorientation stratégique au profit des marques
Les stratégies publicitaires privilégient peu à peu la célébration des marques au détriment des
produits. Cette forme de médiatisation se traduit par l’élaboration d’univers imaginaires autour de marquescultes porteuses de valeurs spectaculaires. Ainsi en est-il dans les campagnes lancées récemment par
Kookaï, Coca-Cola ou Audi. Ces campagnes s’articulent couramment autour de mises en scène
frappantes à dimension mythique. Par exemple, à l’occasion de la coupe du monde de football au Japon
en 2002, Pepsi-Cola diffusa un spot TV dans lequel on voyait un match entre des stars du ballon rond et
une équipe de sumos dopés par le trophée promis au vainqueur : une glacière de Pepsi-Cola. Ces mêmes
campagnes se déploient fréquemment en sagas autour d’une vedette célébrant les valeurs de la
marque, dans une stratégie pensée sur le long terme et la sérialité. La saga décalée de Nespresso autour
de Georges Clooney est révélatrice de cette tendance. À travers de telles campagnes, le rapport au
public s’effectue davantage sur un mode de séduction que de persuasion, comme dans les
publicités classiques. De plus, faisant ressortir l’acte publicitaire lui-même, ces campagnes tendent à
l’autoréférence, avec l’objectif de consolider la mémorisation de la marque et la notoriété de l’annonceur.
En même temps, profitant du vide idéologique ambiant et de la désaffection du public envers les
institutions, les marques se transforment en gourous, vendant désormais des idées et
investissant les domaines de la philosophie et de la morale. Nike avait déjà donné le ton dès les
années 90 avec son slogan « Just do it » qui prenait le contre-pied des valeurs collectives du sport. Mais
d’autres marques se sont engagées dans la brèche, avec leurs conseils de performance (Levi’s : « Go
forth »), d’authenticité (Lacoste : « Deviens ce que tu es ») ou d’individualisme (Nikon : « I am brave »).
De la sorte, les slogans publicitaires évoluent en devises de vie et les annonces cessent de s’adresser à des
consommateurs pour cibler des personnes8. Au bout du compte, en prenant de la hauteur et en élevant le
débat, les marques se construisent un éthos de maîtres à penser, captant les préoccupations
existentielles du public et l’invitant à communier avec les solutions consensuelles qu’elles proposent.
2.3. Un brouillage croissant des messages commerciaux
Parallèlement, les publicités récentes brouillent volontiers leurs messages commerciaux, en les altérant par
des messages en principe étrangers à la pratique du marketing. C’est le cas lorsque les annonceurs
prétendent se substituer au politique, à l’instar du distributeur E. Leclerc et de sa publicité
« citoyenne ». En 2005, celui-ci a recyclé toute une iconographie contestataire issue de mai 68 pour
mettre en place une campagne institutionnelle sur la défense du pouvoir d’achat des consommateurs contre
la hausse des prix. Il s’agissait en fait de dénoncer la loi Galland de 1996 réglementant les relations entre
la grande distribution et ses fournisseurs. En 2007, le même E. Leclerc a développé une autre campagne
publicitaire s’adressant directement au président Sarkozy et lui reprochant de ne pas tenir ses promesses
dans la lutte contre l’augmentation du coût de la vie 9. En adoptant le rôle d’un acteur civique et en
élargissant son territoire de légitimité de parole, l’annonceur dissout son intérêt commercial
dans l’intérêt général. Le domaine du politique donne pareillement lieu à des récupérations publicitaires
de plus en plus fréquentes. Sur ce plan, la thématique très actuelle de la diversité a alimenté plusieurs
campagnes, dont celles de Casino (avec le recyclage des habitudes alimentaires attachées aux religions)
et de L’Oréal (avec la représentation de mannequins de races différentes) 10. Mais retraitée par le discours
publicitaire, la constitution d’une société pluraliste ne peut s’établir qu’à travers le filtre de la consommation
censée garantir l’égalité de tous.
Plus largement, revendiquant une communication responsable, de nombreuses campagnes
publicitaires s’impliquent depuis quelque temps en faveur des causes les plus variées. Ce peut
être en faveur de la santé publique, à l’image des initiatives de Danone sur l’anorexie mentale ou de la
« Charte d’engagement nutritionnel » de Coca-Cola. C’est aussi en faveur de certains groupes sociaux,
comme les femmes victimes de la tyrannie de la minceur et du jeunisme. Ainsi, les campagnes bien connues
de Dove prennent la défense des femmes enrobées (« Des vraies courbes », 2004) et des femmes âgées
(« Pro-Age », 2007), avec des messages plaidant pour l’estime de soi. Mais c’est encore la cause
écologique qui bénéficie le plus de la sollicitude des publicitaires depuis près de deux décennies 11, le
développement durable leur fournissant une nouvelle éthique. Tantôt les publicités vantent un produit aux
vertus écologiques (comme les campagnes BioSuisse), tantôt le plus souvent elles donnent des vertus
écologiques à des produits qui ne les ont pas, suivant la stratégie très contestée du greenwashing12.
La surenchère est de mise dans ce domaine de la protection de l’environnement, avec des engagements à
l’action (voir le slogan Renault de 2007 : « Tout le monde parle d’écologie, Renault agit ») et la démarche
du « produit-partage ». Selon celle-ci, la société d’eau minérale Thonon se propose par exemple de rétablir
l’équilibre de la planète en plantant un arbre pour une bouteille de son produit achetée. De telles confusions
entre militantisme et promotion commerciale finissent par brouiller la communication
publicitaire, contribuant au flou interprétatif et à la « dépublicitarisation » (Berthelot-Guiet et de
Montety, 2009) des annonces.
2.4. Entre dilution et durcissement des discours publicitaires
D’une façon générale, les discours publicitaires eux-mêmes évoluent depuis quelques années suivant deux
directions opposées. D’un côté, systématisant le registre ludique latent dans les annonces conventionnelles
– notamment dans les slogans, ils manifestent une propension à se diluer dans le second degré, à travers
des pratiques métadiscursives qui jouent avec la culture du public et les codes publicitaires. Cela se traduit
par un recours massif à l’intertextualité qui parasite la présentation des produits en pastichant les domaines
les plus divers. En particulier, les annonces publicitaires se déguisent facilement en articles de
dictionnaires (Buick Regal, 2004), en poèmes (Carlton, 2007) ou en contes de fées (Ypsilon de Lancia,
2009). De même, les annonces récentes multiplient les pastiches internes au genre publicitaire, à l’exemple
d’une campagne Afflelou (2002) imitant la réclame des années 50. La publicité affectionne en outre de plus
en plus les jeux sur le signifiant qui, loin de se cantonner au slogan, envahissent le rédactionnel. Ainsi
quand une annonce pour le convertisseur vocal ViaVoice (2001) exploite le procédé du virelangue 13 : « Si
six sangsues sont sur ses sourcils sans sucer son sang, ces six sangsues sont sans succès. Si vous pouvez
le dire, ViaVoice peut l’écrire ». Plus globalement, l’humour se généralise dans les annonces à travers la
riche palette de ses réalisations : assertions paradoxales (« Irlande. Aller loin sans aller loin », 2002),
hyperboles loufoques (représentation d’une vache soutenant un tracteur dans une publicité Swissmilk de
2004), références incongrues (préservatif géant tenu par des pompiers et remplaçant une couverture dans
une annonce de 2000 pour Kiosque Info Sida)… Toutes ces pratiques estompent les fonctions premières
des discours publicitaires (décrire les produits, persuader le public) en mettant au premier plan la
performance énonciative des annonceurs. Ce faisant, elles répondent à une visée de connivence avec le
public, fondée sur une euphorie entre initiés partageant la même culture publicitaire.
Mais par ailleurs, rompant – dans la foulée des campagnes Benetton des années 90 – avec la teneur
consensuelle de la publicité classique, les nouveaux discours publicitaires n’hésitent plus à durcir le ton et
à mettre en scène des univers propres à choquer le public selon la stratégie du shockvertising. Celleci concerne avant tout l’exploitation publicitaire des transgressions sexuelles… Pareillement, les annonces
ne reculent plus devant la transgression des tabous religieux. En 2012, une publicité sulfureuse de la plateforme Ashley Madison a été censurée en Suisse romande pour avoir représenté le pape Benoît XVI
embrassant une femme sur la bouche. Dans tous ces exemples où l’on peut voir un recul des valeurs
morales lié à la pensée postmoderne15, il s’agit principalement de créer la polémique, en faisant parler de
la marque, et de séduire une clientèle jeune ou émancipée.
16Par-delà ces annonces commerciales qui recherchent la provocation, les publicités institutionnelles pour
les grandes causes ont radicalisé leur discours dans le sens de la dysphorie et du pathos. En particulier, les
dernières affiches de la Prévention routière ont abandonné les messages didactiques des années 80 pour
des messages de dramatisation : « 25 ans d’amitié, elle la tuera ce soir ». …
3. Organisation du dossier
17Qu’elles amplifient certaines orientations des publicités antérieures ou qu’elles se situent dans des
stratégies de rupture – la « disruption » de Dru (2007), ces évolutions dans la publicité récente ont fait
l’objet de diverses publications. L’émergence de la publicité dans les médias électroniques a notamment
été analysée par Hussherr (1999) et Décaudin et Digout (2011). L’expansion des publicités de marques est
au centre des travaux de Klein (2001) et de Lewi (2009). Le brouillage croissant et la dilution des messages
publicitaires dans le second degré ont retenu l’attention de Riou (1999) ou, dans une perspective plus
critique, celle de Lavanant (2008). Pour sa part, Teyssier (2004) a consacré de larges développements aux
problèmes posés par le durcissement progressif des campagnes. À cela s’ajoutent des ouvrages plus
généraux qui dressent un bilan sur les réorientations actuelles de la publicité. Parmi eux figurent ceux de
Declerck (2007), de Lebtahi et Minot (2009) ou de Barnier et Joannis (2010). La plupart de ces études
privilégient, selon les cas, une approche à dominante sociologique, mercatique ou sémiologique des
nouvelles tendances de la publicité. Mais la dimension proprement discursive de celles-ci, avec ses
implications linguistiques, rhétoriques et communicationnelles, a encore nourri assez peu d’études sur des
corpus étoffés. Parmi elles, on peut citer les analyses de Lugrin (2006) sur l’intertextualité des publicités
de presse, celles de Soulages (2006) et de López Díaz (2006) sur l’humour dans la publicité, celles de
Liénard (2009) sur le langage des annonces par SMS, celles de Bonhomme (2009) sur les avertissements
anti-tabac ou celles de Picard (2009) à propos des campagnes de la Sécurité routière.
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Notes
1 Initiée par des chercheurs anglo-saxons comme Kardiner ou Yankelowitch, cette notion désigne les courants
idéologiques, érigés en modèles, qui influencent les individus.
2 Ce qui rejoint les critiques de Galbraith (1967) ou de Marcuse (1968) à l’encontre de la publicité.
3 Élaborée à partir des propositions de Starch et de Festinger, cette théorie s’appuie sur les modules
cognitif (learn), affectif (like) et pratique (do) qui, combinés, donnent différents types de conduites publicitaires.
4 Les productions épidictiques reposent sur l’éloge ou le blâme, tandis que les productions délibératives
s’organisent autour du conseil et du débat.
5 Pensons aux recherches psychanalytiques (Haineault et Roy, 1984) ou historiques (Martin, 1992), sans parler
des témoignages des professionnels de la publicité, comme Lemonnier ou Séguéla, sur leur pratique.
6 Ainsi, d’après un article du Monde (03-12-2001), la société Modulux, spécialisée dans la vente d’ordinateurs, a
passé pendant deux mois une publicité sur ZD/Net, un site Internet fréquenté à 70% par des responsables
d’achats informatiques. À la suite de cette campagne, ses ventes ont considérablement augmenté.
7 Ce type de marketing a entre autres été pratiqué par Sony et Aubade. À son sujet, voir ici même les articles
d’Olivier Aïm et de Séverine Equoy Hutin.
8 Auxquelles il s’agit néanmoins de vendre des produits.
9 Voir à ce propos Delalande (2012).
10 Sur ce point, Benetton avait ouvert la voie dès les années 90 avec ses campagnes United Colors (illustration
d’une femme noire allaitant un bébé blanc, etc.).
11 En 1989, la lessive Le Chat fait figure de précurseur, en lançant la première lessive sans phosphates, avec le
slogan : « Le Chat Machine protège votre environnement ».
12 Voir plus loin l’article de Marc Bonhomme et de Stéphanie Pahud.
13 Celui-ci consiste en la production d’un énoncé difficile à articuler, source d’erreurs probables de prononciation.
14 La provocation peut certes être atténuée ici par la polysémie ludique de « fouet » qui désigne aussi l’appareil
servant à battre les ingrédients alimentaires liquides.
15 « La culture postmoderne, c’est l’émiettement des valeurs qui facilite la perte des repères, le flou généralisé
dans lequel nos sociétés cherchent leur voie. » (Riou, 1999 : 7).
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Pour citer cet article
Référence électronique
Marc Bonhomme, « Présentation. Vers une reconfiguration des discours publicitaires », Semen [En ligne],
36 | 2013, document 1, mis en ligne le 15 avril 2015, consulté le 10 novembre 2015. URL :
http://semen.revues.org/9631
2) Un renouveau actuel de la rhétorique
publicitaire ?
Une mutation aspectuelle dans l’argumentation
proleptique
Comme l’ont encore relevé Adam et Bonhomme, le discours publicitaire se distingue par son argumentation
proleptique, en ce qu’il anticipe la consommation du produit dès le stade des annonces et en ce qu’il
valorise, dès sa production, un public en fonction de sa jouissance du produit. Si la figure rhétorique de la
prolepse est toujours attestée dans les publicités récentes, ne serait-ce que parce qu’elle est inhérente à
l’exercice publicitaire, contraint de court-circuiter le futur de la consommation dans le présent de son
discours, elle offre une réorientation aspectuelle depuis quelques années. En effet, les publicités classiques
s’inscrivent majoritairement dans une logique de l’immédiat et de la momentanéité, celle de la captation
ponctuelle de l’attention du public pour une acquisition/consommation rapide du produit 5. Or on voit se
dessiner deux inflexions de plus en plus affirmées allant dans le sens de la durée. En premier lieu, les
publicités insistent sur les conséquences à long terme de la consommation du produit. Soit le
slogan Skoda (2012) :
Prenez soin de ceux qui paieront votre retraite.
Au lieu d’anticiper le plaisir ou les bénéfices directs procurés par l’acquisition d’une voiture pour le
consommateur, l’accent est mis ici sur une prospection très ouverte : non plus protéger tout de suite ses
enfants grâce à une voiture sûre, mais tirer un avantage plus lointain pour soi-même dans l’achat de cette
voiture, une telle argumentation adoptant une tonalité humoristique. Plus sérieusement, cette mutation
durative dans les publicités pour les automobiles est manifeste à travers leur recours croissant à une
argumentation écologique :
Nouveau Diesel Volvo. 185 ch en harmonie avec la nature (2005).
Si le court terme de l’efficacité du produit est suggéré (« 185 ch »), ce slogan souligne le long terme de la
défense de l’environnement garanti par le modèle proposé.
En second lieu, l’influence grandissante des publicités mindstyle se traduit par une anticipation de la
philosophie du consommateur au détriment des bénéfices qu’il peut tirer des produits. Avec ce courant, on
met d’emblée en évidence l’adhésion à un système de valeurs, peu sensible au temps, et non plus le
processus nécessairement limité de la consommation. Ce passage d’un message consumériste à un
message existentiel reste encore ambigu dans un slogan comme : « Re-belle » (2012) promouvant l’un
des derniers modèles de la Smart. À travers sa décomposition graphique indiquant un mot-valise (belle +
rebelle), ce slogan amalgame deux informations : d’une part, l’invitation à acheter une voiture esthétique
(« belle » et même « une nouvelle fois belle », si l’on voit en plus dans re- un préfixe itératif) ; d’autre
part, la proclamation d’un acte de désobéissance (« rebelle ») qui peut s’appliquer au caractère hors-norme
de la Smart, mais qui sollicite surtout une connexion avec un public-cible, celui des « rebelles »,
revendiquant une philosophie fondée sur la marginalité et l’affirmation de soi. Par delà cet exemple, le
marketing mindstyle est clairement affiché dans la rhétorique publicitaire développée par Hugo
Boss (« N’imitez pas, innovez »), Adidas (« Crois en tes rêves ») ou Baume & Mercier (« Être ou ne rien
être »). Avec de tels slogans, il s’agit d’amorcer une relation durable et profonde autour d’une axiologie
consensuelle, centrée sur l’initiative ou l’épanouissement personnel.
Du reste, l’extension considérable des publicités de marque – auxquelles le marketing mindstyle est très
lié – depuis deux décennies favorise ce changement dans la rhétorique publicitaire. Avec les campagnes
de Nike, dePepsi ou de Kookaï, ce qui compte, c’est moins la persuasion immédiate du consommateur
quant aux vertus du produit que sa fidélisation à la marque pour une période indéterminée, dans le partage
d’un même imaginaire. Ce n’est plus alors l’acte d’achat/consommation immanent de l’objet qui est
anticipé, mais l’adhésion du sujet consommateur à des valeurs culturelles transcendantes – certes dans
l’air du temps – que la marque est à même de capter et de sublimer. Cette transcendance atemporelle est
amplifiée par les variations thématiques des campagnes autour d’un même concept (comme l’estime de
soi chez L’Oréal) et par l’emploi de formules génériques qui traversent les siècles. Pensons au
slogan Lacoste : « Devenez vous-même » qui fait écho à l’aphorisme de Nietzche : « Deviens qui tu es »
(Ainsi parlait Zarathoustra) et à l’injonction de Pindare : « Puisses-tu devenir qui tu es » (Pythiques).
4. Des publicités moins sophistiques ?
Du fait des comportements manipulateurs de la publicité et de son opportunisme, Adam et Bonhomme se
demandent « si elle ne rejoint pas la sophistique, cette discipline voisine de la rhétorique, qui cultive
l’omnipuissance du LOGOS indépendamment de tout principe moral. » ( : 218). Cette interrogation
prolonge les considérations de Soulages (1994 : 59) :
Les messages publicitaire ne peuvent s’identifier à des énoncés proprement fictionnels, ni à des énoncés de
réalité (documentarisants), ils se présentent plutôt comme des types d’énoncés virtuellement polymorphes qui
mobilisent, à travers de multiples stratégies de discours, des procédés rhétoriques, des effets visés (de réalité
ou de fiction) dont la seule finalité est la captation des sujets interprétants.
Plus généralement, de nombreux auteurs (Packard 1958, Porcher 1976, Brune 1981…) se sont élevés au
XXème siècle contre les mensonges supposés de la publicité et contre sa recherche du seul profit. Il convient
toutefois de se méfier de toute approche moralisante. Outre que les lois sanctionnant la publicité
mensongère ne manquent pas, la publicité dit le « vrai-faux » suivant la formule d’Houdebine (2004 : 73),
en ce qu’elle offre inévitablement une « schématisation » du monde au sens de Grize (1982 : 151).
Construite pour des destinataires particuliers, une schématisation est partielle et sélective, ne visant « pas
le vrai, mais le vraisemblable » ( : 189). Tel est le cas de la publicité qui consiste en une activité discursive
proposant une interprétation de la réalité à des fins stratégiques.
Quoi qu’il en soit, les annonces tiennent de plus en plus compte des reproches de dérive sophistique
formulés à leur encontre, en intégrant dans leur argumentation la dimension éthique de la sincérité
de leur discours et de leur responsabilité sociale. D’un côté, manifestant une activité métalinguistique
sur leur pratique, de nombreuses annonces se positionnent désormais par rapport à la doxa selon laquelle
la publicité peut mentir ou décevoir les exigences du public, même si c’est pour neutraliser ces critiques
dues aux nouvelles compétences des consommateurs envers la communication médiatique. Ainsi, une
annonce Volkswagen (2012) proclame en accroche : « Cette année encore, vous nous avez fait mentir ».
Mais le montage consécutif de l’annonce corrige – dans une stratégie de rattrapage – à l’avantage de la
firme un mensonge a priori perçu en sa défaveur. Le rédactionnel y explique en effet comment en 2012 les
participants au championnat d’éco-conduite organisé par Volkswagen sur Golf TDI n’ont consommé en
moyenne que 2,82 litres par cent kilomètres, alors que les données officielles du constructeur annonçaient
pour cette voiture une consommation moyenne de 3,80 litres par cent kilomètres, elle-même placardée en
haut d’un panneau publicitaire représenté en abyme sur l’image associée. Les campagnes des années 2000
pour la chaîne de distribution Casino jouent quant à elles sur l’idée que les consommateurs n’apprécient
pas forcément ses produits, sondages SOFRES à l’appui :
39% d’entre vous n’ont pas aimé le Clear Cola Casino.
Alors nous le liquidons (2006).
Ici, le contrat de sincérité avec le public est souligné et ce qui pourrait sembler une faiblesse pour la marque
(Casino vend de mauvais produits) est retourné en force par le slogan final : « Aucun doute Casino
m’écoute ». Ce souci d’adhérer au verdict du public peut cependant servir de base pour une contreargumentation plus tendancieuse. Dans une autre annonce Casino agencée en teasing, on lit sur la première
page :
21% d’entre vous ne voulaient pas de notre crème dessert (2006).
Mais ce constat empreint de franchise sert d’amorce pour la présentation, cette fois sans preuve et dans
une pétition de principe, d’un produit de substitution valorisé : « Voilà la nouvelle Crème Dessert Casino.
Elle est plus savoureuse ».
Une même ambiguïté se retrouve dans les annonces récentes qui réagissent aux reproches faits à la
publicité d’axer sa rhétorique uniquement sur la performance économique des marques, en dehors de toute
conscience sociale. Sous cet aspect, l’une des grandes tendances des campagnes publicitaires est
d’afficher un éthos de responsabilité citoyenne à la hauteur de leur influence sur le public. Cela donne
les publicités dites « aspirationnelles » (Declerck 2007) qui militent en faveur de causes d’intérêt
général. Ce peut être la santé, à l’instar de Yop de Nestlé (2003) qui propose un « contrat enfant et
nutrition » pour combattre l’obésité. C’est aussi l’action au bénéfice d’institutions d’utilité publique, comme
celle mise en avant par la Loterie romande (2009) pour soutenir des projets éducatifs.
Mais l’engagement le plus souvent assumé par les campagnes depuis quelque temps est celui au profit de
la cause écologique. La communication dite « verte » constitue la nouvelle vache à lait des
publicitaires dans de nombreux domaines : automobiles, énergie, alimentation, lessives… Elle recourt à
quelques constantes sémiologiques reconnaissables dans une publicité pour l’eau minérale
Valvert (2008). Au niveau iconique, celle-ci privilégie la couleur verte et les motifs végétaux. Au niveau
textuel, elle s’articule autour d’un lexique symbolique (« nature », « respecter »…), tout en développant
une argumentation de soumission à l’ordre naturel :
Zéro gaspillage !? Oui, LE CAPTAGE de l’eau minérale naturelle Valvert est spécialement conçu pour RESPECTER
LA NAPPE aquifère. En effet, pour la capter, nous profitons du DÉBIT NATUREL de la source Valvert sans jamais
toucher à ses réserves. Sur le site de Valvert, ce n’est pas nous qui nous servons, mais LA NATURE qui met
Valvert DANS VOTRE VERRE. Au cœur de la nature. VALVERT.
L’objectif est d’établir une communion de valeurs avec les éco-consommateurs autour de la sensibilité
environnementale et de montrer la contribution de la marque à une cause éthique qui dépasse la pratique
commerciale, même si l’argumentation naturalisante utilisée renforce la promotion du produit.
Mais tout en ancrant la communication publicitaire dans l’une des préoccupations sociopolitiques majeures
du tournant du XXIème siècle, l’argumentation écologique ne manque pas de susciter des problèmes
qu’illustrent les campagnes EDF des années 2000. Ces campagnes sont motivées lorsqu’elles prônent le
recours à des énergies moins chères, comme les ampoules à basse consommation :
Si vous ne préservez pas la nature en utilisant des ampoules basse consommation, qui le fera ?
Aujourd’hui, avec des petits gestes simples, chacun peut contribuer à préserver l’environnement tout en faisant
des économies d’énergie. Par exemple, en utilisant des ampoules basse consommation, vous pouvez
économiser jusqu’à 30% d’énergie pour l’éclairage. EDF préconise l’utilisation d’ampoules basse consommation
de qualité (classe A), commercialisées sur www.particuliers.edf.fr (2006).
Dans cette publicité, l’accroche consiste en une question rhétorique suggérant que personne d’autre que le
consommateur peut protéger l’environnement, ce qui interpelle chaque lecteur dans sa conscience
écologique. La réponse négative inférée est confirmée par le montage ludique, mais purement
contrefactuel, de l’image conjointe qui représente un orang-outan, debout sur une chaise, en train de
mettre une ampoule à basse consommation sur une lampe. Pour sa part, le rédactionnel renferme un
message de persuasion rationnelle fondé sur un enthymème, avec une règle initiale (chacun peut préserver
l’environnement), un cas particulier (utilisation d’ampoules à basse consommation) et une conclusion
(conseils écologiques d’EDF). Le passage entre le cas particulier et la conclusion est certes quelque peu
forcé, dans la mesure où EDF ne constitue qu’un des organismes engagés dans la réduction des énergies,
mais il reste légitime, vu qu’EDF est une société compétente dans le domaine énergétique.
Par contre, la justification écologique pose des problèmes non seulement argumentatifs, mais aussi
éthiques, lorsqu’elle est employée par EDF pour promouvoir l’énergie nucléaire, à l’exemple de cette
annonce :
Centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux. Production quotidienne de CO2 : zéro. Production annuelle de
kWh : douze milliards.
Chez EDF, le soin de l’environnement est capital. Ainsi, en France plus de 90% de l’électricité est produite sans
émettre de CO2, gaz responsable de l’effet de serre. Et ceci, essentiellement grâce à l’énergie nucléaire. En
vingt ans, la pollution a été réduite de 30% et la France est devenue le pays où l’atmosphère est la moins
polluée par la production d’énergie (2004).
Sur le plan argumentatif, cette annonce comporte un sophisme, en ce qu’elle établit un passage contestable
entre le couple Cas particulier-Étayage (non émission de CO2 grâce à l’énergie nucléaire) et sa conclusion
(moins de pollution). De plus, elle convertit un aspect positif très périphérique de l’énergie nucléaire (non
émission de CO2) en argument principal. Sur le plan éthique, cette annonce est difficilement acceptable,
car elle opère une ellipse généralisée de tous les aspects négatifs de l’énergie nucléaire : risque de pollution
atomique, dangers sanitaires, etc. Il s’agit en fait d’une publicité de contre-connotation qui tente d’inverser
la doxa hostile au nucléaire et qui joue sur un contrat de véridiction flou. Elle est explicitement non
mensongère, vu que les centrales nucléaires produisent effectivement peu de CO2. En même temps, elle
est implicitement mensongère, puisqu’il est scientifiquement prouvé que l’énergie nucléaire est une menace
pour l’environnement. Cette publicité s’inscrit dans la mouvance du greenwashing – ou de
l’écoblanchiment, abondamment pratiqué depuis quelques années et vivement dénoncé par de nombreuses
associations6, qui consiste à détourner l’argument environnemental pour promouvoir des produits non
écologiques.
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