Sémiotique, marketing et communication en terrain sensible
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stratégiques différentes »1, voyons déjà séparément les relations établies,
d’une part sur le versant sémiotique et communication, d’autre part sur le
versant sémiotique et marketing, pour mieux situer le point de rencontre
qu’offre aujourd’hui le sensible.
Sémiotique et communication, d’abord. S’il nous est permis de le
rappeler, nous avons souvent travaillé cette question2, en nous demandant
pourquoi le partage des compétences a tardé à se manifester ou à trouver sa
voie. Aujourd’hui encore, la communication accepte mal un principe
d’immanence et un métalangage qui coupent la sémiotique des contextes
d’énonciation et de leur ancrage pragmatique ; à l’inverse, la sémiotique
voit mal comment la communication peut toucher en profondeur la
signification, alors même qu’elle se définit, bien souvent, dans la publicité,
les médias, toute forme de persuasion, par des visées intentionnelles et la
nécessité de transmettre un message, dont de l’instrumentaliser. Ces
réserves ont leur justification, mais il a fallu les dépasser et sortir, de part et
d’autre, de ce prisme déformant, pour mieux entrevoir les relations de
solidarité entre sémiotique et communication, même si du chemin reste à
parcourir.
Ainsi, dans la direction qui est la nôtre, à l’orée du sensible, la
communication n’a pu se contenter de voir, dans la sémiotique, un outil de
décryptage des signes et des codes, des images et des connotations, qui ont
fait de la publicité un modèle d’application par excellence. Le caractère
multimodal de la communication, sa dimension symbolique, avec tous les
processus mis en jeu, en termes d’identité, de sens, de relation, tous ces
facteurs ont étendu le champ d’intervention sémiotique en communication.
En retour, la sémiotique s’est nourrie des supports de communication et des
problématiques sous-jacentes à leur utilisation (discours médias, nouvelles
technologies de l’information et de la communication, objets de
consommation) pour tracer de nouvelles voies dites sémiopragmatiques ou
sociosémiotiques (Semprini, Landowski, Fiske), non soumises à la
composante linguistique de la communication. Même idéalement construit,
le signe apparaît bien comme un élément de vie, de la vie sociale, dans
l’étendue de ses modes de manifestation et de communication (verbale, non
verbale, sensorielle, spatiale, etc.).
1 T. A. Sebeok, « Messages in the marketplace », Marketing and Semiotics. New Directions in
the Study of Signs for Sale, Mouton de Gruyter, 1987.
2 J.-J. Boutaud, Sémiotique et Communication. Du signe au sens, L’Harmattan, Paris, 1998 ;
« Sémiotique et communication. Un malentendu qui a bien tourné », Les sciences de
l’information et de la communication. Savoirs et pouvoirs, Hermès n°38, 2004.
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