La limite supérieure de la norme pour le QTc est de 450 ms
chez l’homme et 460 ms chez la femme. Bien sûr, la relation
entre le QTc et la survenue de torsades de pointes n’est pas
linéaire ; toutefois, un QTc supérieur à 500 ms ainsi qu’une
augmentation de plus de 60 ms du QTc entre l’ECG basal et
celui réalisé après l’introduction d’un traitement semblent pré-
dictifs de la survenue de torsades de pointes (Schwartz et al.,
1993). L’intervalle QT peut être augmenté, suite à la mutation
de certains canaux ioniques (actuellement une douzaine de
syndromes génétiques du QT long ont été identifiés), mais
nombreuses sont les molécules qui peuvent également provo-
quer un allongement de la repolarisation myocardique. En
effet, les médicaments sont les principaux responsables du QT
long acquis, et la liste des molécules incriminées ne cesse
d’augmenter. Ces médicaments sont répertoriés sur différents
sites Internet
1
et regroupent essentiellement des antiaryth-
miques, des antihistaminiques, des antibiotiques (essentielle-
ment macrolides tels que l’érythromycine), des antifongiques
de la famille des imidazoles (kétoconazole notamment), des
antimalariques et enfin des psychotropes. Parmi ces derniers,
on note la présence de certains antidépresseurs tricycliques et
antisérotoninergiques (paroxétine et fluoxétine), l’halopéridol,
le lithium (Haverkamp et al., 2000).
Pour les antiépileptiques, en dehors du felbamate, il
n’existe pas de données très claires en faveur de troubles de la
repolarisation cardiaque qui leur soient associés.
Une équipe a rapporté un blocage plus important in vitro
d’un courant potassique Ikr par la lamotrigine comparée au
topiramate et à la gabapentine (Danielsson et al., 2005), mais
ces données n’ont pas été confirmées par une étude clinique
ayant recherché un allongement de l’espace QTc avant et
après traitement par lamotrigine chez des adultes sains (Dixon
et al., 2008).
En ce qui concerne les autres molécules, Saetre et al. (2009)
n’ont pas mis en évidence de différence significative en termes
de durée du QRS et d’intervalle QTc entre 108 patients traités
soit par carbamazépine, soit par lamotrigine dans le cadre
d’une étude de monothérapie de première intention chez des
sujets de plus de 65 ans.
Pour la carbamazépine, aucun trouble de la repolarisation
n’a été rapporté chez de jeunes patients sains (Kennebäck
et al., 1995) ou épileptiques (Matteoli et al., 1994).
Par ailleurs, une équipe coréenne a mesuré l’espace QTc
chez 152 enfants sous antiépileptiques (valproate de sodium,
carbamazépine, oxcarbazépine, topiramate) et n’a pas trouvé
de différence significative avec le groupe témoin non traité
(Kwon et al., 2004).
Il s’agit certes de quelques rares études comportant un
nombre limité de patients, mais il ne semble pas exister de
données cliniques très claires en faveur de l’existence d’une
augmentation du QT par les antiépileptiques.
On restera par contre attentif en cas de mise en place d’un
régime cétogène, puisque quelques modifications de l’espace
QT ont été rapportées (Best et al., 2000), et lors de la co-
prescription de médicaments connus pour augmenter le QT et
métabolisés au niveau hépatique via le cytochrome P450, avec
des antiépileptiques inhibiteurs de ce système de cytochromes
tels le valproate de sodium et le stiripentol.
Par ailleurs, des situations de QT particulièrement court
(< 320 ms) peuvent également entraîner des troubles du
rythme (Morita et al., 2008), et certains anticonvulsivants tels
la primidone (DeSilvey et Moss, 1980) et le rufinamide (Cheng-
Hakimian et al., 2006) sont connus comme pouvant être
responsables d’un raccourcissement de l’espace QT. Toutefois,
l’implication clinique d’un QT court semble actuellement bien
moins claire que celle d’un QT long (Lu et al., 2008).
En ce qui concerne les risques d’arythmies supraventricu-
laires, là encore les données sont relativement rares et reposent
essentiellement sur des cas cliniques ou de petites études non
contrôlées et concernent essentiellement la phénytoïne et la
carbamazépine.
Pour la phénytoïne, on retrouve essentiellement, des bra-
dyarythmies chez des patients âgés avec des anomalies cardia-
ques préexistantes (Tomson et Kennebäck, 1997).
De même pour la carbamazépine, les anomalies rapportées à
type de bradycardie sinusale ou de bloc auriculoventriculaire le
sont essentiellement chez des patients prédisposés (Tomson et
Kennebäck, 1997), mais ne sont pas retrouvées lors d’études élec-
trophysiologiques plus systématiques sur un plus grand nombre
de patients (Kennebäck et al., 1992, Matteoli et al.,1994).
Ainsi, au vu des données de la littérature, les médicaments
antiépileptiques ne semblent pas associés de façon notable à la
survenue de troubles du rythme cardiaque. Nos patients sont
toutefois fréquemment traités avec des médicaments allon-
geant le QT tels que certains antidépresseurs, neuroleptiques,
lithium…Il conviendra dans ces conditions d’être plus attentif
à la prescription d’inhibiteurs du cytochrome P450 surtout
dans des contextes connus pour être des facteurs de risque
d’allongement du QT (hypokaliémie, hypomagnésémie, sexe
féminin) (Wolbrette, 2004).
Enfin, au moindre doute et surtout en cas d’antécédents
familiaux de mort subite, le neurologue ne devra pas hésiter à
réaliser un ECG et à ressortir sa règle !
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Conflit d’intérêts : aucun.
Références
Best TH, Franz DN, Gilbert DL, Nelson DP, Epstein MR. Cardiac
complications in pediatric patients on the ketogenic diet. Neurology
2000 ; 54 : 2328-30.
Cheng-Hakimian A, Anderson GD, Miller JW. Rufinamide: pharma-
cology, clinical trials, and role in clinical practice. Int J Clin Pract 2006 ;
60 : 1497-501.
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http://www.qtdrugs.org
C. Sabourdy
Épilepsies, vol. 22, n° 3, juillet-août-septembre 2010 224
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