Le
syndrome congénital
du
QT
long
L'ECG
du
sportif,
bien
que
le
plus
souvent
normal
,
peut
présenter
des
particularités,
mais
aussi
des
difficultés
dia-
gno
stiques.
Cette
nouvelle
rubrique
se
propose
de
présenter
les
principaux
pièges
à
côté
d
esquels
il
ne
faut
pas
passer
.
Le
syndrome
du
QT
long
peut
se
compli-
quer,
dans
20
à
30%
des
cas,
de
torsades
de
pointes
à
l'origine
de
syncopes
et
de
morts
subites,
parfois
inaugurales,
qui
en
font
toute
la
gravité
clinique.
Pr
François Carré, Hôpital Pontchaillou. Université Rennes
1.
Dr Marc Ferrière, Service de cardiologie
B,
Montpellier.
> L'intervalle
QT
et
sa
mesure
Sur
l'ECG
de
surface,
l'intervalle
QT
reflète la durée de l'ensemble des poten-
tiels d'action des cellules ventriculaires.
Trois types
de
cellules ventriculaires,
épicardiques, endocardiques et cellules
de
la région
médiane
de
type
M,
élec-
trophysiologiquement hétérogènes sont
décrites. Ce
sont
les cellules
de
type M
qui
ont
le potentiel d'action
le
plus pro-
longé
et
déterminent
donc
la
fin
de
l'intervalle
QT.
La
mesure
de
sa durée, conseillée
dans
la dérivation D2, doit se faire depuis le
début
du
complexe
QRS
jusqu'à
la fin
de
l'onde
T.
La
durée
de
cet intervalle
étant
fréquence-dépendante, elle doit
être corrigée par la fréquence cardiaque.
La
correction
CQTc)
classiquement
employée est celle de Bazett
(QTc
(msec)
= QT/v'RR). Cette correction
présente
cependant des limites,
en
particulier
en
cas
de
bradycardie, cas
non
rare chez
les sportifs et
notamment
d'endurance.
Elle reste
cependant
la plus employée,
essentiellement
par
commodité.
le doute. Cependant,
il
faut retenir
que
la durée
du
QTc
du
sportif est normale-
ment
inférieure à la limite supérieure
classique
de
la normale de 440 ms.
>
Le
syndrome du
QT
long,
une maladie génétique
Le
diagnostic du
QT
long qui prédomine
chez la
femme
est souvent établi chez
les
sujets
jeunes
.
Son
incidence
est
estimée
à 1
pour
5 000.
Il
s'agit d'
une
maladie
génétique
de
transmission
autosomique dominante.
Les progrès récents
dans
les connais-
sances génétiques
ont
permis de révéler
l'hétérogénéité de ce syndrome décrit
ini-
tialement dans les années
60
par
Jervell
et Lange-Nielsen
(QT
long+ surdité), puis
par
Romano et
par
Ward. Ces deux syn-
dromes classiques
ne
sont
en
fait que la
forme homozygote
(Jervell
et Lange-Niel-
sen)
ou
hétérozygote (Romano et
Ward)
d'
une
même
anomalie génétique tou-
chant
un
canal ionique impliqué dans le
potentiel d'action cardiaque.
Les
carac-
téristiques de
ce
potentiel d'acti
on
dépen-
dent de l'activité successive et ordonnée
MOTSCLES
Electrocardi
og
ramme,
sp
ortif, intervalle
OT
,
génét
iq
ue
, arythm
ie
s
causes les plus fréquentes
de
QT
long
congénital. Mais de nouvelles mutations
génétiques sont régulièrement rappor-
tées.
Le
diagnostic du
QT
long
congénital
Des gènes différents sont donc respon-
sables
d'une
même
anomalie phénoty-
pique
électrocardiographique,
un
intervalle
QT
anormalement long sou-
vent
associé
à
une
déformation
de
l'onde T
et/
ou
à
une
bradycardie. Une
valeur
de
QTc
supérieure
à 460
msec
laisse
peu
de
doute
sur
le diagnostic à
l'inverse des valeurs
comprises
entre
440
et
460
msec. C'est pourquoi des cri-
tères diagnostiques
ont
été récemment
proposés
(Tab. 1). En
cas
de
doute
,
d'autres examens,
au
mieux réalisés
en
milieu spécialisé,
comme
une
étude de
la
dynamique
du
QT
analysée
sur
un
Holter rythmique de
24
heures, devront
être réalisés.
Le
QT
long de type 1 (LQTl) est carac-
térisé
par
une
onde
T étendue, celui de
type 2
(LQT2)
par une onde T
peu
ample
> L'intervalle
QT
chez
le sportif
de différents canaux
,.--
---
--
----
-
--;;;---
--
----
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Certaines étUdes contrôlées
ont
mis
en
évidence
une
durée
de
QT
et
de
QTc
prolongée
chez
les
sportifs
de
haut
niveau d'entraînement,
en
particulier
spécialisés
en
endurance,
par
rapport
aux sédentaires. De
pl~s,
des modifica-
tions de morphologie de l'onde Tasso-
ciées peuvent, dans de rares cas, majorer
Cardio
&Sport
n°3
ioniques. Des
ano-
malies
des
canaux
'
rvv-~-+--.r--"..,.__~
potassiques
avec
ralentissement de la
repolarisation
ou
des canaux sodiques
avec
prolongation
de
la dépolarisation
sont
actuellement
décrites comme les
10
--+~~~......---~
_j
~~~L__.._..,L.......-J~
Figure
1
Exemple
de
QT
long
de
type
LQT2
.
~11'1
Les
arythmies,
complications
du
QT
long
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1 J
Les
variations
des
potentiels
d'action
secondaire aux modifi-
cations
brutales
de
la
fréquence
cardiaque
peuvent s'accompagner
IL
...
J
J,~--'--{-~~~L______j
Figure 2 Exemple
de
QT
long
de
type
LQT3.
et
bosselée
(Fig.
1)
et
celui
de
type
3
(LQT3)
par
une
onde
T tardive
(Fig.
2).
Le
QT
long de type 4
CLQT4),
moins bien
connu,
est
caractérisé
par
une
onde
T
sinusoïdale, souvent associée à
une
bra-
dycardie
profonde
ou
une
fibrillation
auriculaire. Des alternances
de
polarité
de l'onde T ainsi
qu'une
grande
onde
U
peuvent aussi être observées.
Les
varia-
tions de la morphologie de l'onde T
sur
des
tracés
enregistrés
le
même
jour,
reflètent le rôle régulateur
du
système
nerveux
autonome
dans
l'expression
phénotypique
du
QT
long.
Quelques
différences
cliniques
sont
rapportées
en
fonction
des
types
de
LQT.
Ainsi, les LQTl qui
ont
tendance
à
se
prolonger
à
l'effort
et
à
un
moindre
degré les
LQT2
peu
modifiés
par
l'exercice
sont
les
plus
sensibles
au
stress
et
à l'effort. La repolarisation
de
LQT3
très anormale
au
repos a ten-
dance
à se
normaliser
à l'effort,
dans
cette
forme les
accidents
rythmiques
surviennent
préférentiellement
au
repos.
d'
une
alternance
des
courants de repolarisation avec oscilla-
tions
de
l'ondeT. Des
phénomènes
de
post-dépolarisations précoces, à l'ori-
gine d'activité déclenchée, peuvent alors
survenir
et
dégénérer
en
torsades
de
pointes qui peuvent dégénérer
en
fibril-
lation ventriculaire
(Fig.
3).
rapparition
de
troubles
du
rythme
dans
les formes
familiales est modulée
par
des facteurs
environnementaux
et/
ou
génétiques
encore
mal
appréciés.
> Le
traitement
du
QT
long
En l'absence de traitement, la mortalité
est de 50% dans les
10
ans qui suivent la
survenue
d'
une
syncope. Les bêtablo-
quants restent le traitement pharmaco-
logique le plus employé.
Le
traitement
est
avant
tout
préventif
,
par
enquête
familiale et
par
proscription chez le sujet
atteint des substances pharmacologiques
susceptibles d'allonger l'intervalle
QT.
La
liste
de
ces drogues s'allonge régulière-
ment
mais les plus concernées,
en
par-
Tableau 1 • Critères en
faveur
du
diagnostic
de
QT
long
congénital. Denjoy 1
et
coll. Arch
Mal
Cœur 1999.
QTc
> 460 msec
QTc
> 440 msec
et
bradycardie ou
morphologie
anormale de l
'onde
T
Episode de syncope ou de torsade de
pointe
dans une
famille
de
QT
long
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Figure 3 Torsade
de
pointes
survenue
sur
un
QT
long
congénital.
11
r
v ,
'
1
ticulier dans la population sportive, sont
certains antihistaminiques et les macro-
lides.
Les
anti-arythmiq
ue
s de classe la
et
III,
certains antidépresseurs et neuro-
leptiques
étant
moins
utilisés
dans
le
cadre qui nous intéresse.
>
Syndrome
du
QT
long
et
pratique
sportive
Plusieurs
facteurs
reconnus
comme
déclenchants des arythmies dans le syn-
drome
du
QT
long
ont
été décrits
dans
le
domaine
sportif. Ainsi, le stress
de
l'exercice intense ainsi
que
celui propre
à la compétition, la natation, le plongeon
et/
ou
le
coup
de pistolet
du
starter
ont
été rapportés
comme
des facteurs favo-
risants potentiels. Ainsi, sachant
qu
'
une
arythmie fatale
peut
être inaugurale
et
vu les limites actuelles de la stratification
du
risque
dans
les
QT
longs, le sport
de
compétition
reste
interdit
dans
cette
pathologie quelle
que
soit sa forme.
> En
conclusion
Actuellement, devant la découverte d
'un
QT
long chez
un
sportif, le principe
de
précaution
s'impose.
La
pratique
de
compétition est interdite et la mise
en
route
d'un
traitement
par
bêtabloquant
est conseillée. La pratique
d'une
activité
sportive de
loisir,
sous couvert
d'un
trai-
tement,
peut
être autorisée. 1
Biblioara hie
Le
Heuzey
JY,
Davy JM, Weissenbur-
ger
J
et
al.
Intervalle
QT
et
médica-
ments
.
Recommandations
pour
la
prescription
des médicaments chez les
patients
atteints
d'un
syndrome de QT
long.
Arch
Mal
Cœur
Vaiss 1998 ;
91:
59-66.
Denjoy
1,
Lupoglazoff
JM,
Berthet
M
et
al. Syndrome
du
QT
long
congénital.
Arch
Mal
Cœur
1999;
92:
557-64.
Priori
SG,
Schwartz
PJ,
Napolitano
C
et
al. Risk
stratification
in
the
long
QT
syndrome.
N
Engl
J
Med
2003 ; 348 :
1866-74.
Maron
BJ,
Chaitman
BR,
Acjerman
MJ
et
al.
Recommendations
for
physical
activity
and recreational sports partici-
pation
for
young
patients
with
genetic
cardiovascular
diseases.
Circulation
2004;
109 : 2807-16.
Cardio
&
Sport
n°3
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