Lois de Frottement et Modélisation du Cycle Sismique IRD/ISTerre, Grenoble [email protected] La distribution de la sismicité dessine les frontières des plaques La Terre: Une machine thermique... • La convection mantellique est une manifestation de l’activité thermique de la Terre • L’existence des plaques tectoniques et le mouvement associé est le résultat de cette convection… Tectonique des plaques litosfera • La lithosphère est divisée en 12 plaques rigides • La déformation tectonique, la sismicité et le volcanisme se concentrent en limites de plaques Taiwan, 1999 San Andreas, 1906 Tremblements de Terre: épisode de mouvement de la faille et discontinuité du champ de glissement Modèle Conceptuel de Faille Zona sismogenica Zona de transition fragile-ductile Zona ductile Microsismicidad Hypothèse d’une interface d’épaisseur nulle: l’épaisseur de la zone de faille étant au plus de quelques mètres, l’hypothèse est a priori justifiée pour les grands séismes Structure de la faille: 1)Zone sismogène: bloquée sauf au moment des séismes 2)Zone de transition fragile-ductile: se déplace continument mais peut avoir des réponses transitoires fortes suite à un séisme 3)Zone ductile: se déplace à vitesse constante. C’est le moteur de la déformation Données Géophysiques pour Etudier les Séismes Sismologie Enregistrer et analyser les ondes sismiques pour caractériser la source sismique Glissement co-sismique du Japon (Mw=9,0, 2011) Wei et al., EPSL, 2012. Données brutes Géodésie Interférométrie Radar (InSAR) Séisme de Pisco (Mw=8.0, 2007) GPS (Global Positioning System) Mesure de déplacements millimétriques sur la surface de la Terre. Le Cycle Sismique Le Cycle Sismique vu par la station GPS AREQ (Pérou) Phase Co-sismique Phase Inter-sismique Phase Post-sismique Perfettini et al., Journal of Geophysical Research, 2005 Temps Profondeur Déplacement Perfettini et al., 2003 Phase Durée (%) Déformation (%) Intersismico >98 % +100 % Nucleation? < 0.5 % ~0 % Rupture ~0.0005 % -60 % Post-sismique ~ 2% -40 % Durant un cycle complet, la déformation permanente pour un modèle purement élastique est 0… En réalité, une partie de la déformation n’est pas élastique et se transforme de manière permanente (ex: création de relief, de nouvelles failles, …) San Franciso, Mw=8, 1906 Théorie du Rebond Elastique (Reid, 1906) a) Loin de la faille, le milieu se déplace de part et d’autre de la faille mais le frottement s’oppose au mouvement sur le plan de faille b) Au cours du temps, la faille est mise sous contrainte par le chargement tectonique c) Quand la contrainte élastique excède celle du frottement, la faille se déplace brutalement Frottement des Roches Coefficient de Frottement des Roches ~0.6 pour la majorité des roches Byerlee, 1978 contrainte Modèle de Coulomb s d Temps <s: pas de mouvement. Accumulation de contrainte (phase inter-sismique) =s: déplacement. • La contrainte frictionnelle chute de s a d, initiant le séisme • Chute de contrainte: = s -d. contrainte Modèle de Coulomb s d Temps Problèmes • Prédit une périodicité des séismes (ca n’est pas le cas…) • La contrainte n’évolue pas de manière continue dans le temps • En réalité, s n’est pas constante mais dépend de l’histoire du glissement (cf. laboratoire et lois rate and state) • Ne prédit aucune phase de nucléation du séismes (phase observée au laboratoire) Frottement type “slip weakening” Ts Td Dc •En réalité, il faut un déplacement Dc pour que le frottement évolue de Ts a Td •Une aproximation linéaire donne: T=Ts-(Ts-Td)*slip/Dc Loi de frottement adapté à la modélisation de la phase cosismique Loi de frottement “rate and state” s~log(temps): cicatrisation de la faille d~(a-b)*log(V), V:vitesse de glissement La réalité est donc plus complexe que le simple slip weakening… Loi de frottement “rate and state” Coefficient de frottement =+a log(V/V*)+b log(/*) d/dt=1-V/dc : coefficient de frottement basal (Coulomb) V: vitesse de glissement : variable d’état a>0: paramètre “visqueux” (effet direct) b: paramètre d’évolution V*,*=dc/V*: valeurs de V et de référence dc: déplacement caractéristique pour l’évolution du frottement Loi de frottement “rate and state” Coefficient de frottement =+a log(V/V*)+b log(/*) d/dt=1-V/dc Régime stationnaire (steady-state) d/dt=0 ss= dc /V ss=+(a-b) log(V/V*): Coefficient de frottement en glissement stationnaire a-b<0:velocity weakening (affaiblissement avec la vitesse) glissement instable (séisme) a-b>0: velocity strengthening (durcissement avec la vitesse) glissement stable (glissement inter- et post-sismique) Loi de frottement “rate and state” • Coefficient de frottement =+a log(V/V*)+b log(/*) avec d/dt=1-V/dc • Interprétation physique de =âge moyen des contacts entre les 2 surfaces dc: taille moyenne des contacts • Pour une vitesse V, le temps de contact est de l’ordre de: dc/V=ss • V0, d/dt1, t, log(t) (cicatrisation de la faille au repos: fault healing) Modèle Physique • Surface de contact: S(,sn)=sn*[1+g*log(/t1)] • Contrainte par contact: s(V)=*[1+b*log(V/V*)] • sn: contrainte normale • V: vitesse de glissement • : âge moyen des contacts • b<<1, g<<1 termes correctifs / modèle de Coulomb • t1, V, * constantes =S(,sn)*s(V): contrainte frictionnelle a { { (V,)sn avec (V,)*+(**b)log(V/V*)+(**g) log(/t1) b Glissement stationnaire ss= dc /Vss== /s= *+(a-b) ln(V/V*) (cf. Rice and Ruina 1983) a-b>0 a-b<0 Glissement stable (faille en fluage ou creep) Glissement potentiellement instable (stick-slip possible) a-b Correspond à T~300 °C pour les roches Quartzo-Feldspathique Blanpied et al, 1991. Comparaison de la distribution de la sismicité avec la profondeur Séismes crustaux (San Andreas) laboratoire b>a a>b b>a: glissement instable (zone sismogène) a>b: glissement stable (zone en fluage) Blanpied et al. 1995 •Les variations de a-b avec la température (ou la profondeur) explique la distribution des séismes. •La zone sismogène correspond à des températures de l’ ordre de 100-150o C jusqu’à 300-350o C. Comparaison de la distribution de la sismicité avec la profondeur Cas d’une zone de subduction Scholz 1998 Inter-sismique Co-sismique Séismes lents Post-sismique Nucléation des Séismes Rigidité d’une faille y xy W x Contrainte: xy=G duy/dx (Elasticité) xyG uy/W (analyse dimensionelle) xyku, kG/W La faille se comporte comme un ressort de raideur: kG/W Stabilité du Glissement d’une Faille Equation du mouvement f(V)=0+ k(V0t-d) 0: contrainte initiale. k: raideur du milieu élastique (kG/W) V0: vitesse de glissement long terme d: déplacement de la faille W: dimension caractéristique de la faille G: module de cisaillement. contrainte Stabilité de la Faille k>kc=stable kc Dc k<kc=instable glissement kc=/Dc: rigidité critique k>kc: déplacement stable (la décharge élastique est plus grande que celle du frottement) k<kc: déplacement instable (la décharge élastique est plus faible que celle du frottement) kc=s(b-a)/dc LcG/kc= Gdc/s(b-a) (Rice 1993): taille de nucléation L>Lc: condition de stabilité LbGdc/sb<Lc (Perfettini and Ampuero 2008) L>Lb: condition d’accélération Lb ne dépend pas de a-b et est définit pour a>b (mais Lc<0 pour a>b) Phase de Nucléation en Laboratoire Lnuc/2 Ohnaka and Shen, 1999 Dieiterich and Kilgore, 1996 Granite: • Vnuc 50 m/s • Vrupt 3 km/s •Lnuc/2 5 cm Nucléation d’un séisme (modélisation numérique) Lnuc • LnucGdc/S •S=s(b-a) (Rice 1993) ou S=sb (Perfettini and Ampuero, 2008) •dc (labo) 1-10 m, G=30 GPa, b0.01, s300 MPa Lnuc1-10 cm (cohérent avec le laboratoire) Nucléation d’un Séisme dcw Marone and Kilgore, 1993 • Si Lnuc est centimétrique Phase de nucléation indétectable • Si dc croit avec l’épaisseur w de la zona de faille, dc pourrait atteindre des valeurs centimétriques (dc1-10 cm). Cela implique Lnuc0.1-1 km Phase de nucléation détectable Nucléation d’un Séisme Conclusions • La taille Lnuc de la zone de nucléation dépend de dc (Lnuc dc) • Au laboratoire, Lnuc est centimétrique • L’absence d’observations de phase de nucléation suggère qu’un séisme se prépare sur une zone si petite qu’elle échappe à la détection des réseaux GPS • Aujourd’hui, la détectabilité de la phase de nucléation d’un séisme reste un sujet débattu… Les Séismes Lents Exemple de Séisme Lents (ex: zone de Guerrero, Mexique) • Lentes bouffées de glissements situées sous la zone sismogène, dans la zone de transition fragile ductile • Durée: quelques jours à quelques mois • Vitesse de propagation: de l’ordre du km/jour • Observés dans le monde entier et dans des contextes tectoniques variables • Comportement hybride entre le glissement stable et instable… Mais la zone sismogène est très hétérogène… • Glissement post-sismique à l’intérieur de la zone sismogène (afterslip superficiel) • Hétérogénéité de la rupture sismique • Tremblements de terre lents: épisodes d’accélération du glissement dans les régions stables de la faille Utilisation de la Déformation Postsismique pour Caractériser le Frottement des Régions Stables Glissement post-sismique: exemples Pisco, Pérou, 2007, Mw7.3 Landers, Californie, 1992, Mw7.3 Tohoku, Japon, 2011, Mw9.0 Glissement post-sismique: caractéristiques • Observable quand le choc principal est assez fort (Mw>7.0 en continental, Mw>8.0 en subduction) • Observable au voisinage d’un bon réseau GPS, opérationnel très rapidement • Le déplacement post-sismique croit comme le logarithme du temps • Il est situé dans les régions stables de la faille, i.e., les zones de faible couplage (C~0) Réponse de la zone de transition fragile-ductile à un séisme Contrainte de frottement f: f(V)=s (V) s: contrainte normale effective Vde/dt: taux de déformation (V): coefficient de frottement Coefficient de frottement (V) (V)=’+Alog(V), A=a-b>0 (glissement stable) Prédiction des lois rate and state slippost(t)=VLtr × log[1+ (V+/VL)× (exp(t/tr)-1) ] Vpost(t)=V+ exp(t/tr)/[1+ (V+/VL)× (exp(t/tr)-1) ] •VL: vitesse de glissement long terme •V+: vitesse de glissement de la zone stable à la fin de la phase co-sismique •tr: temps de relaxation de la phase post-sismique •tr=(a-b)σ/(dτ/dt) •a-b>0: coefficient de la loi rate and state •σ: contrainte normale effective •dτ/dt: taux de chargement •V+=VL × exp(ΔCFF/(a-b)σ) •ΔCFF: variation de contrainte de Coulomb co-sismique Applications Pisco, Pérou, 2007, Mw7.3 Landers, Californie, 1992, Mw7.3 Tohoku-Oki, Japon, 2011, Mw9.0 La loi: slippost(t)=VLtr × log[1+ (V+/VL)× (exp(t/tr)-1) ] Permet d’ajuster le glissement post-sismique de toutes les séquences récentes On trouve (a-b)σ=1-10 bars, ce qui suggère soit une contrainte normale effective très faible sur la faille, soit que les régions répondants sont proches de la frontière de stabilité (a≈b) Conclusions • Les lois Rate and State permettent de modéliser les grandes caractéristiques du cycle sismique • L’interprétation de la variable d’état à l’échelle d’une faille n’est pas claire. Cette variable est une sorte de boite noire… Nécessité de développer des modèles physiques du frottement d’une faille, dans un milieu granulaire saturé en fluides… • L’existence des séismes lents reste un mystère. Un slow quake correspond à une instabilité semblable à un séisme avorté, apparemment spontanée, dans une région qui glisse normalement de manière stable • Cette jeune science, au fort impact sociétal, est intrinsèquement pluridisciplinaires (Géologie, Physique, Mécanique, Modélisation Numérique,…) et nécessite de meilleures interactions entre les communautés…