les pages BLEUES Pharmacothérapie du glaucome primaire à angle ouvert Texte rédigé par : Annie Lavoie, B. Pharm. M.Sc., Hôpital Sainte-Justine (Centre hospitalier universitaire mère-enfant) Le glaucome est une pathologie du nerf optique regroupant un ensemble relativement hétérogène de maladies oculaires qui ont certaines caractéristiques communes, notamment une excavation anormalement agrandie de la papille optique et une perte du champ visuel et dont le principal facteur de risque est une pression intraoculaire trop élevée pour la santé de l'œil(1). Nous traiterons de la physiopathologie, de l'épidémiologie, du diagnostic, des signes et symptômes, de l'évolution clinique et des modalités thérapeutiques (chirurgicale et pharmacologique). La pharmacothérapie du glaucome a connu un développement sans précédent au cours de la dernière décennie, notamment compte tenu des efforts de recherche et du grand nombre de patients touchés dans le monde (plus de 600 000 canadiens âgés de plus de 40 ans). L’objectif de cet article est de présenter une mise à jour des différentes modalités thérapeutiques du glaucome primaire à angle ouvert. témique ou épisclérale) empêchant l’évacuation du liquide. Lorsqu’on définit le glaucome primaire à angle ouvert (GPAO), on mentionne que la PIO élevée en est le principal facteur de risque. Toutefois, la PIO peut être normale chez certains patients atteints d’un glaucome à pression normale ou basse. Ainsi, le glaucome est une neuropathie optique et non pas une pathologie d’emblée à pression élevée. PHYSIOPATHOLOGIE La PIO (pression intraoculaire) dépend d’un équilibre entre la formation de l’humeur aqueuse et sa résorption. Ainsi, un flot continu de celle-ci est produit à raison d’environ 2 à 3 µl par minute. Cette formation se fait au niveau des procès ciliaires, structures de la pars plicata du corps ciliaire qui se trouvent tout juste derrière l’iris. La circulation se fait alors de la chambre postérieure, via la pupille, vers la chambre antérieure. De là, l’humeur aqueuse passe par un filtre appelé trabéculum, se situant dans l’angle formé par l’iris et la cornée, pour se diriger vers le canal de Schlemm, puis dans les plexus veineux intrascléraux et épiscléraux. Une seconde voie, quoique moins importante chez l’humain (20 % du drainage de l’humeur aqueuse) consiste à emprunter les espaces intersitiels le long du muscle ciliaire pour se rendre dans la choroïde ou l’espace suprachoroïdien, puis à travers la sclère ou dans les canaux vasculaires de celle-ci, pour aboutir dans le tissu conjonctif orbitaire (aussi appelé voie uvéosclérale). Par la suite, il y a drainage vers les veines systémiques. Finalement, une faible partie de l’humeur aqueuse quitte l’œil via l’iris2. La PIO est élevée lorsqu’il y a une résistance à la sortie du flot. Par exemple, il peut s’agir d’un contact entre l’iris et la cornée périphérique (glaucome par fermeture de l’angle) ou encore de plusieurs mécanismes où il n’y a pas de contact entre ces deux dernières structures (glaucome à angle ouvert). Dans ce dernier, on pourra rencontrer, par exemple, une résistance au niveau du trabéculum ou encore une augmentation de la pression veineuse (sys- Classifications du glaucome Il existe plusieurs classifications du glaucome. Retenons qu’il y a des glaucomes à angle ouvert et d’autres à angle fermé. Parmi les glaucomes à angle ouvert, il y a le GPAO qui est le plus fréquent et dont nous parlerons abondamment dans cet article, puis les glaucomes secondaires, soit ceux qui sont causés par d’autres anomalies oculaires ou systémiques (prise de corticostéroïdes, hyphéma, uvéitique, traumatique, obstruction de la veine cave supérieure, etc.). De même, le glaucome par fermeture de l’angle peut être primaire ou encore secondaire à d’autres pathologies (présence de synéchies après une uvéite au long cours, iris repoussé vers l’avant par un cristallin trop épais – phacomorphe – ou encore une tumeur, etc.). Finalement, mentionnons les glaucomes pédiatriques, dont le glaucome congénital, qui représentent un tout autre chapitre1. Patrick Hamel, M.D., FRCSC, Médecinophthalmologiste, Hôpital Sainte-Justine et Jean-François Bussières, B. Pharm. M.Sc. Hôpital Sainte-Justine (Centre hospitalier universitaire mère-enfant) Texte original soumis le 24 août 2004 Révision : Chantal Duquet B. Pharm. M.Sc., et le Dr Dan Bergeron, médecinophthalmologiste Définition Le glaucome primaire à angle ouvert se définit comme une neuropathie optique progressive dont le principal facteur de risque est une PIO trop élevée 3-5. Le nerf optique, composé d’au moins un million d’axones, permet la transmission de l’influx nerveux des cellules ganglionnaires rétiniennes vers le cortex visuel. L’atteinte crée des déficits particuliers du champ visuel qui sont graduels, jusqu’à une perte complète de la vision. Comme l’atteinte est progressive et n’affecte la vision centrale qu’en stade avancé, la personne qui en est affectée peut ne s’en apercevoir que très tardivement. Une perte de 40 % des fibres nerveuses peut être atteinte avant que la maladie ne devienne symptomatique3. Québec Pharmacie vol. 51, no 10, novembre-décembre 2004 859 les pages BLEUES L'hyperémie conjonctivale est l'effet indésirable le plus fréquent des analogues des prostaglandines. On notera que la douleur, la rougeur et la vision de halos autour des sources de lumière, bien que présents dans d’autres types de glaucome, ne font pas partie des caractéristiques du glaucome primaire à angle ouvert 6. La PIO se situe normalement entre 10 et 21 mm Hg. Il s’agit d’une courbe de Gauss légèrement déplacée vers la droite, avec une moyenne d’environ 16 mm Hg et un écart type de 3 mm Hg. Les raisons invoquées pour cette neuropathie optique glaucomateuse sont multiples. On parle avant tout d’une atteinte mécanique par pression élevée ou encore d’une atteinte ischémique, cette dernière expliquant davantage le glaucome à pression normale. D’autres théories plus récentes ont aussi été invoquées, comme l’apoptose (mort cellulaire programmée), l’excitotoxicité (acides aminés, tel le glutamate, en quantité excessive), la présence d’oxyde nitrique, ainsi qu’une hypothèse immunologique4, 7, 8. L’étiologie même du GPAO n’a pas encore été établie. Les chercheurs se sont beaucoup intéressés à l’hypothèse génétique, particulièrement depuis la découverte, en 1993, d’un gène, MYOC, responsable du GPAO juvénile. Bien que plusieurs études aient proposé un mode de transmission autosomal dominant, il semble que le GPAO soit surtout d’origine multifactorielle9-14. Facteurs de risque Enfin, outre la PIO, il existe plusieurs facteurs de risque du glaucome primaire à angle ouvert, notamment le vieillissement, l’appartenance à la race noire, l’hypertension artérielle, la pression de perfusion anormale du nerf optique, les antécédants familiaux, la myopie, ainsi que la minceur de la cornée15, 16. Les migraines, le vasospasme périphérique et la maladie cardiovasculaire athérosclérotique ont aussi été invoqués. La présence de diabète comme facteur de risque est un sujet controversé. ÉPIDÉMIOLOGIE Le GPAO de l’adulte représente 90 % de tous les cas de glaucome17, 18. Le glaucome, dans sa dénomination générale, serait la deuxième cause de cécité à l’échelle mondiale. Environ 6,4 millions de personnes seraient devenues aveugles après avoir développé cette maladie18. Au Canada, elle serait à l’origine de 6,2 % des cas de cécité et représente la deuxième plus importante cause de cécité chez les plus de 60 ans19. Le GPAO affecte environ 2 % de la population de plus de 40 ans des pays industrialisés20. Au Canada, on estime à 600 000 le nombre de cas; aux États-Unis, à 2,2 millions21, 22. L’origine ethnique et l’âge influencent la prévalence de cette affection oculaire. La prévalence de GPAO chez les Caucasiens de plus de 40 ans a été estimée à 1,69 % dans une méta-analyse récemment publiée21. Elle grimpe à 6,94 % chez les gens âgés de plus de 80 ans. La population noire d’origine africaine est davantage touchée18,23. La prévalence du GPAO chez les populations hispanique et asiatique ressemble à celle qu’on a observée chez les Caucasiens. 860 Québec Pharmacie vol. 51, no 10, novembre-décembre 2004 Cependant, peu d’études ont évalué la prévalence du GPAO chez ces groupes ethniques18, 21. DIAGNOSTIC Il existe différents moyens d’établir la présence de la neuropathie optique. Le plus simple est d’observer la papille optique à l’aide de l’ophtalmoscopie, le moyen de dépistage du GPAO recommandé au médecin de famille (plutôt que la prise de PIO)16. Quant à la PIO, elle peut être vérifiée à l’aide de différents instruments. Le principal est le tonomètre de Goldmann, qu’on trouve dans les cliniques spécialisées. Le tonomètre portatif (Perkins), le tonomètre digital ressemMD blant à un crayon (Tonopen ), le pneumotonomètre, le tonomètre plus ancien (Schiotz) ainsi que le tonomètre sans contact à jet d’air sont aussi utilisés. Le GPAO est une maladie très insidieuse qu’il importe de dépister. Un examen de base, comprenant particulièrement l’ophtalmoscopie pour la visualisation de la papille, devrait être effectué par un optométriste ou un médecin de famille selon un intervalle tenant compte de deux des principaux facteurs de risque : l’âge et la race16. S’il y a un doute quant à la présence de la maladie, on consulte un ophtalmologiste en vue d’un traitement possible. Présentement, l’ordonnance d’une médication anti-glaucomateuse demeure du ressort du médecin, habituellement l’ophtalmologiste. Au Québec, des changements législatifs permettent aux optométristes, en territoires désignés, avec la permission du médecin, de renouveler la médication en s’assurant que le nom et le numéro de pratique de ce dernier soient inscrits sur l’ordonnance24. SIGNES ET SYMPTÔMES Compte tenu qu’il existe différents types de glaucomes, la symptomatologie est très variée. Le GPAO est une maladie très sournoise. Une PIO ne créera de la douleur que si elle est très élevée ou si elle augmente rapidement. Dans le GPAO, elle ne s’élève pas rapidement et peut demeurer normale (glaucome à pression normale ou basse). Il s’agit habituellement d’une pathologie indolore. Par ailleurs, la neuropathie optique engendrée crée une constriction du champ visuel qui commence en périphérie, pour progressivement ne laisser qu’une vision centrale ou para-centrale, puis finalement affecter la fixation. Il est très rare qu’une personne s’aperçoive de cette perte du champ visuel avant qu’il y ait atteinte de la vision centrale. À ce point, le glaucome est d’ores et déjà très avancé. Le GPAO ne crée généralement pas d’érythème oculaire ou d’œdème cornéen. Le glaucome à angle ouvert doit être dépisté plutôt que diagnostiqué sur la base de symptômes. Du point de vue clinique, il faut rechercher l’excavation agrandie de la papille optique, qui, lorsque créée par le glaucome chez l’adulte, indique une mort neuronale. Il faut aussi examiner le champ visuel, habituellement par campimétrie automatisée, qui démontrera des pertes typiques du glaucome, ainsi que la PIO, qui bien qu’élevée dans la majorité des cas, peut parfois être normale. En Pharmacothérapie du glaucome primaire à angle ouvert présence de douleur, rougeur ou œdème de la cornée, il faut penser à un autre type de glaucome ou encore à une autre maladie oculaire. ÉVOLUTION CLINIQUE Le but ultime du traitement du GPAO est de préserver un champ visuel suffisant pour maintenir une qualité de vie acceptable. Jusqu’à présent, la compréhension des mécanismes causant cette neuropathie optique est encore incomplète. La PIO est la cible principale à laquelle s’attaquent les traitements disponibles. Récemment, l’amélioration du flux sanguin au nerf optique et la neuroprotection ont émergé comme concepts thérapeutiques25. Il n’existe aucun traitement curatif du GPAO. La décision de surveiller le patient sans intervention, d’amorcer un traitement chirurgical ou d’amorcer une pharmacothérapie repose sur les facteurs suivants : atteinte du nerf optique ou du champ visuel, PIO élevée, présence de facteurs de risque. Ainsi, certaines personnes ne se présenteront qu’avec une PIO élevée sans évidence d’atteinte du nerf optique ou du champ visuel, alors que d’autres démontreront un glaucome franc. En présence d’un nerf optique et de champs visuels normaux, les ophtalmologistes s’entendent le plus souvent pour traiter une PIO de 30 mm Hg ou plus où les risques d’atteinte glaucomateuse ou d’une complication telle une occlusion de la veine centrale de la rétine, sont plus élevés22. Une étude récente, Ocular Hypertension Treatment Study (OHTS), a démontré qu’en abaissant la PIO de 20 % chez des patients avec PIO entre 24 et 32 mm Hg, sans atteinte neuronale, le risque de passage vers un glaucome franc diminuait de 50 %26. Et s’il y a véritablement glaucome, peut-on l’arrêter ? Une seconde étude, Early Manifest Glaucoma Trial , a démontré qu’on pouvait diminuer significativement le risque de progression de l’atteinte du nerf optique chez un patient souffrant de glaucome, en le traitant tôt après le diagnostic.27 Toutefois, la possibilité de progression existe clairement même quand il y a traitement. En général, on estime que la PIO doit être réduite d’au moins 30 % pour éviter la progression des dommages glaucomateux. Toutefois, même à 50 % de diminution, des patients ont démontré des dommages supplémentaires28. Il est important de mentionner que certains groupes sont aussi plus à risque de progresser et conséquemment d’atteindre la cécité, comme les gens de race noire, les patients plus âgés et ceux dont le nerf optique est déjà atteint22. Somme toute, certaines personnes peuvent vivre avec une PIO de 26 mm Hg toute leur vie sans connaître l’atteinte glaucomateuse alors que d’autres seront contrôlées à moins de 21 mm Hg, avec médication maximale ou chirurgie, et deviendront aveugles. Avant la publication de l’étude OHTS, le lien entre la diminution de la PIO et la préservation du champ visuel demeurait peu étayé. Cette étude contrôlée à répartition aléatoire, incluait des sujets ayant une hypertension intraoculaire sans trace de glaucome. Elle a démontré qu’après 60 mois de traitement et une diminution moyenne de la PIO de 22,5 % dans le groupe traité et de 4 % dans le groupe témoin, la probabilité cumulative de développer le glaucome était de 4,4 % dans le groupe traité et de 9,5 % dans le groupe témoin (hazard ratio 0,40; 95 % IC, 0,270,59; p< 0,0001). Bien qu’utile, cette étude ne procure aucune réponse quant au choix thérapeutique, à la PIO visée ou à la fréquence du suivi. Elle soulève aussi une préoccupation quant à l’utilité réelle d’un traitement réduisant la PIO, le risque de développer le glaucome en dedans de cinq ans étant somme toute peu élevé en comparaison avec la lourdeur d’un traitement quotidien. Néanmoins, il demeure indiqué de traiter le GPAO dès que son apparition est décelée puisque le champ visuel est alors déjà atteint. Les deux modalités thérapeutiques disponibles sont la chirurgie et la thérapie médicamenteuse. Elles agiront soit en réduisant la production d’humeur aqueuse, soit en augmentant son élimination via la voie trabéculaire ou uvéosclérale. Habituellement, on opte en premier lieu pour la thérapie médicamenteuse. TRAITEMENT CHIRURGICAL Il existe plusieurs types de chirurgies qui peuvent être recommandées dans le traitement du GPAO. Nous aborderons brièvement la chirurgie au laser du trabéculum, la chirurgie filtrante et la chirurgie de destruction du corps ciliaire. Il existe deux types de traitements au laser qui peuvent être utilisés pour diminuer la résistance à l’évacuation de l’humeur aqueuse. Il s’agit de la trabéculoplastie au laser argon et, plus récemment, de la trabéculoplastie sélective au laser. Dans les deux cas, plusieurs impacts de laser sont pratiqués sur le trabéculum. Par des procédés mécaniques et/ou biochimiques, le flot d’humeur aqueuse à travers le trabéculum est amélioré et la PIO s’en trouve diminuée. Ces interventions peuvent être utilisées soit dès que le diagnostic a été établi, soit après que le traitement via les différentes médications eurent été tentés en vain27, 29, 30. Si la médication anti-glaucomateuse (avec ou sans la trabéculoplastie au laser) n’arrive pas à contrôler le glaucome, on aura alors recours à une chirurgie plus conventionnelle. Il s’agira de créer une voie de dérivation de l’humeur aqueuse. Une de ces chirurgies, appelée trabéculectomie, permet cette dérivation par création d’une fistule à même les tissus du patient traité. Depuis récemment, une chirurgie probablement tout aussi efficace, mais moins risquée, est de plus en plus employée, surtout par les Européens. Il s’agit encore d’une méthode visant à améliorer l’évacuation de l’humeur aqueuse, mais sans que l’œil ne soit complètement pénétré. On parle alors de viscocanulostomie ou de sclérectomie profonde31-33. Finalement, si aucune intervention ne fonctionne, il est possible, en tout dernier recours, de détruire le corps ciliaire, producteur de l’humeur aqueuse, par laser, ou encore par cyclocryothermie. En dépit de ces interventions chirurgicales, plusieurs patients Québec Pharmacie vol. 51, no 10, novembre-décembre 2004 861 les pages BLEUES doivent poursuivre une pharmacothérapie afin de réduire la PIO qui demeure élevée. TRAITEMENT PHARMACOLOGIQUE Principes de traitement L’approche pharmacothérapeutique du glaucome repose sur les principes suivants. Compte tenu de l’évolution clinique et des facteurs de risque du Figure 1 Cheminement de l'humeur aqueuse à partir de son site de patient, on amorce une pharmaproduction (procès ciliaires), jusqu'à sa filtration cothérapie lorsque la pression demeure (canal de Schlemm). élevée et/ou qu’on observe une détérioration de la papille optique ou du champ visuel. La monothérapie doit être favorisée afin d’assurer une meilleure observance thérapeutique. La durée d’un essai thérapeutique devrait être de quatre à 12 semaines avant qu’on passe à un autre agent. On pourra combiner deux agents ou plus lorsque l’essai de deux ou trois monothérapies consécutives aura échoué, à moins que la PIO soit très élevée ou en présence de facteurs de risque (par exemple, appartenance à la race noire)34. De plus, il est possible d’expérimenter d’abord un nouvel agent dans un seul œil pour en vérifier la tolérance et en comparer l’efficacité. Quant au choix de l’agent utilisé en monothérapie, il repose sur les caractéristiques individuelles du patient (autres problèmes ophtalmiques, présence ou absence du cristallin, état de la vision, couleur des yeux, port de lentilles cornéennes, âge, maladies cardiaques ou pulmonaires, interactions médicamenteuses potentielles, nombre de prises quotidiennes, etc.), de la capacité de payer (pour les médicaments non inscrits sur les listes de tiers-payeurs) et de l’efficacité recherchée. Au Québec, on peut consulter les sections 52.20, 52.24 et 52.36 - autres ORLO dans le site de la RAMQ (www.ramq.gouv.qc.ca/pro/listmed/pdf/qra4fr52), où on trouve un pdf des médicaments inscrits à la liste. La plupart des médicaments utilisés dans le traitement du glaucome sont administrés par voie topique. Bien qu’on ait utilisé certains médicaments par voie systémique (p.ex. acétazolamide sol. inj., méthazolamide p.o., mannitol, glycérine), la voie topique est maintenant presque toujours utilisée, ce qui limite les effets systémiques et favorise l’atteinte de concentrations intraoculaires plus élevées. L’épithélium et l’endothélium cornéen sont lipophiles, tandis que le stroma cornéen est hydrophile. Puisque la formulation topique doit traverser la cornée pour agir, elle doit être à la fois liposoluble et hydrosoluble. Les produits neutres, les acides ou les bases faibles qui sont non ionisés sont plus aptes à pénétrer la couche lipidique de la cornée. Le véhicule peut aussi jouer un rôle dans la pénétration cornéenne du médicament. En effet, l’hydroxypropylméthylcellulose ou l’alcool polyvinylique, les gels, les suspensions ou les émulsions augmentent l’absorption en prolongeant la durée du contact35. 862 Québec Pharmacie vol. 51, no 10, novembre-décembre 2004 Pharmacologie et pharmacocinétique En dépit de sa petite taille, l’œil est une composante complexe du corps humain comportant de nombreux récepteurs des systèmes sympathique (récepteurs alpha 1 aux fibres radiaires de l’iris responsable de la mydriase), parasympathique (récepteurs M3 aux muscles ciliaires affectant la vision), des prostaglandines (récepteurs des prostamides) et de nombreuses autres substances1, 2. La plupart des médicaments ont un effet sur la production de l’humeur aqueuse (via les procès ciliaires) ou l’élimination de l’humeur aqueuse (via le réseau trabéculaire ou la voie uvéosclérale). Certains médicaments ont plus d’un effet pharmacologique qui peuvent être parfois opposés; il est important de retenir l’effet net produit sur la production ou l’élimination16. On connaît peu de chose sur la pharmacocinétique oculaire comparativement à celle des médicaments ingérés par voie orale. Dans le traitement du GPAO, on ne recherche pas un début d’action rapide compte tenu du fait que l’affection est chronique. La plupart des agents disponibles sur le marché ont un début d’action de 30 à 60 minutes et l’on recherche une demi-vie oculaire prolongée pour limiter le nombre de prises, idéalement à une seule par jour28. Nous avons regroupé, plus loin, l’ensemble des médicaments généralement utilisés dans le traitement du glaucome primaire à angle ouvert en deux groupes, soit les agents contribuant à une augmentation de l’écoulement de l’humeur aqueuse et les agents contribuant à une réduction de la production d’humeur aqueuse. Intolérances et allergies médicamenteuses Il est important de préciser la nature de l’intolérance médicamenteuse avant de conclure au passage à une autre classe de médicament ophtalmique. Puisqu’il existe de plus en plus de choix de classes, on passe plus rapidement de l’une à l’autre. Ainsi, un inconfort à l’instillation avec le bétaxolol ne justifie pas forcément d’opter pour une autre classe. Par contre, une douleur périorbitaire avec la pilocarpine ou un changement de pigmentation avec le latanoprost nécessite un changement de classe. On note plusieurs types d’intolérances avec les préparations ophtalmiques comme l’irritation, la démangeaison ou les picotements. Par ailleurs, il existe différents types de réactions allergiques. Elles sont parfois dues aux excipients (lors de substitution thérapeutique de génériques de pilocarpine ou de timolol), parfois dues à l’ingrédient actif (ex. apraclonidine, brimonidine, latanoprost). Dans le premier cas, on doit tenter à nouveau la solution bien tolérée initialement. Dans le second cas, il faut passer à une autre molécule. Il ne semble pas y avoir d’allergie croisée entre l’apraclonidine et la brimonidine. Il peut exister une allergie croisée entre les bêta-bloquants via un dérivé aldéhyde commun. Effets indésirables La fréquence des effets indésirables varie considérablement selon les études et selon les ouvrages consultés. Il faut savoir Pharmacothérapie du glaucome primaire à angle ouvert que la plupart des études utilisent des questionnaires validés pour faciliter la collecte d’information, ce qui peut toutefois la biaiser en suggérant des effets aux patients. Par ailleurs, des effets indésirables systémiques ont été rapportés pour plusieurs produits, souvent chez les enfants ou les personnes âgées dont le métabolisme est immature ou perturbé. L’inconfort à l’instillation, qui se manifeste sous forme de picotements, de brûlures ou de démangeaisons et qui est rapporté pour la plupart des agents ophtalmiques dure généralement moins de 5 minutes. Il en est de même pour la vision brouillée observée davantage avec les suspensions et les gels. En ce qui concerne les effets systémiques, il est important de noter que jusqu’à 80 % d’une goutte atteint la muqueuse nasale et peut gagner la circulation systémique. On peut réduire les effets indésirables systémiques en administrant la dose adéquate (et non une double-dose), en appuyant sur la canal lacrymal et en fermant la paupière durant 5 minutes pour chaque œil36-38. Interactions et contre-indications On note très peu d’interactions médicamenteuses significatives dans le domaine du glaucome. Toutefois, il faut tenir compte de certains éléments. De ce fait, on doit utiliser avec prudence deux médicaments d’une même classe par des voies différentes (topique et orale, par exemple) comme le timolol et le métoprolol (risque de bradycardie) ou le dorzolamide avec l’acétazolamide (risque accru de troubles électrolytiques). De plus, il faut tenir compte de la pharmacologie des médicaments et éviter les combinaisons antagonistes. À ce chapitre, on évite d’associer les parasympathomimétiques qui pourraient avoir un effet contraire aux analogues des prostaglandines sur la musculature ciliée. Par ailleurs, le recours aux inhibiteurs de l’anhydrase carbonique par voie orale induit plusieurs interactions médicamenteuses potentielles, notamment avec l’acide acétylsalicylique les hypoglycémiants oraux, les anticoagulants et les diurétiques. L’utilisation du latanoprost concomitamment à des produits contenant du thimérosal (ex. Sulf-10MD, FluoracaineMD, OcufenMD) doit se faire en les espaçant d’au moins 5 à 39 10 minutes car on observe la formation d’un précipité . Quant aux contre-indications, mentionnons l’utilisation d’anticholinergiques ophtalmiques et systémiques (antiparkinsoniens, antispasmodiques, antihistaminiques, antipsychotiques, antidépresseurs, autres médicaments ayant des propriétés anticholinergiques) qui peuvent augmenter de façon transitoire la PIO. On doit donc les éviter dans les angles étroits et les utiliser avec prudence dans les angles normaux, en monitorant la PIO. Les benzodiazépines représentent un risque très limité. Les sympathomimétiques (décongestionnants, vasoconstricteurs, stimulants du SNC, coupefaim, bronchodilatateurs) sont contre-indiqués uniquement chez les patients affligés d’un angle étroit (qui ne se connaissent pas forcément). La xylométazoline topique est acceptable chez les patients atteints de glaucome à angle ouvert et devrait être employée de préférence. La principale contre- indication chez les patients atteints de glaucome est liée à l’utilisation concomitante des stéroïdes ophtalmiques (ex. prednisolone, dexaméthasone, fluormétholone) qui augmentent la PIO après plusieurs semaines d’utilisation (>2-3 semaines). Un patient atteint de glaucome ne doit généralement pas utiliser de stéroïdes topiques sans supervision d’un ophtalmologiste. On peut toutefois utiliser des stéroïdes topiques en présence de glaucome inflammatoire ou d’uvéite accompagnée de glaucome (avec cyloplégie adéquate en évitant les analogues des prostaglandines). Un suivi plus étroit de la PIO de même qu’une observance des quantités à administrer est de rigueur chez les patients utilisant des stéroïdes inhalés ou oraux. Quant aux précautions, il faut savoir utiliser avec prudence ces médicaments en présence de contre-indications ou de précautions pour certaines pathologies. Notamment, les bêta-bloquants (incluant le bétaxolol) doivent être utilisés avec prudence chez les patients souffrant d’asthme, de troubles respiratoires, de diabète ou de troubles cardiaques. On doit utiliser avec prudence les sympathomimétiques en présence de glaucome par fermeture de l’angle, les prostaglandines en présence de glaucome de type inflammatoire. Il faut éviter les agonistes alpha-2 chez les jeunes enfants, compte tenu de cas de dépression du système nerveux central pouvant aller jusqu’à la dépression respiratoire. On peut réduire les effets indésirables systémiques en administrant la dose adéquate en appuyant sur le canal lacrymal et en fermant la paupière durant 5 minutes. Pharmacoéconomie Le coût d’acquisition des nouveaux médicaments utilisés dans le traitement du glaucome est plus élevé. Il faut toutefois tenir compte de plusieurs facteurs dans l’examen du coût d’un médicament ophtalmique. Le coût d’un format ne reflète pas le coût quotidien. En fait, le coût dépend du volume total disponible dans le flacon; les fabricants pratiquent le sur-remplissage pour s’assurer d’avoir en tout temps le format indiqué sur l’étiquette (ex. 5 mL); cette pratique amène des surplus pouvant atteindre 0,7 mL pour un format de 5 mL. Le coût dépend aussi de la taille de la goutte libérée (un flacon libère une goutte de 20 à 40 uL; le sac conjonctival accueille généralement environ 30 uL); plus la taille est petite, plus le nombre de gouttes dans le flacon sera élevé. Enfin, le coût dépend du nombre de médicaments requis pour assurer un contrôle. Le tableau 1 présente les données concernant les particularités, l’efficacité relative, la posologie et la pharmacocinétique des médicaments utilisés. AGENTS QUI AUGMENTENT L’ÉLIMINATION DE L’HUMEUR AQUEUSE Les analogues des prostaglandines, les agonistes alpha-adrénergiques non spécifiques et les parasympathomimétiques augmentent l’élimination de l’humeur aqueuse. Parasympathomimétiques Les parasympathomimétiques, ou agents cholinergiques, apparus en 1877, furent les premiers hypotenseurs oculaires utilisés pour traiter le glaucome. Leur action peut être directe Québec Pharmacie vol. 51, no 10, novembre-décembre 2004 863 les pages BLEUES sur les récepteurs muscariniques (pilocarpine et carbachol) ou indirecte par inhibition des cholinestérases responsables de la dégradation de l’acétylcholine (échothiopate et carbachol). La pilocarpine est l’agent le plus utilisé de sa classe. Elle agit en favorisant la contraction du muscle ciliaire et facilite ainsi l’écoulement de l’humeur aqueuse par le réseau trabéculaire et le canal de Schlemm. Elle réduit la PIO de 20-30 % et l’effet maximal serait obtenu avec une concentration de 4 %. Le carbachol possède, en plus de son effet direct, un faible effet inhibiteur des cholinestérases. Il est peu utilisé car il entraîne de nombreux effets indésirables36. La pilocarpine doit être administrée quatre fois par jour en raison de sa courte durée d’action. Sous forme de gel, on l’administre une seule fois par jour et sous forme d’implant, une fois par semaine. Les effets indésirables les plus fréquents sont le myosis et la myopie secondaire. La contraction du muscle ciliaire peut entraîner un spasme douloureux quoique souvent transitoire. L’irritation oculaire et la vision brouillée sont accentuées avec le gel. Environ 20 % des patients renoncent au traitement à la pilocarpine en raison des effets indésirables38. Le carbachol produit des effets indésirables semblables mais plus prononcés et plus fréquents35. Les effets systémiques rapportés sont la sialorrhée, la sudation, le larmoiement, les nausées, les vomissements et la diarrhée. On a aussi rapporté des arrêts cardiaques chez des patients recevant de hautes concentrations de pilocarpine topique. Les contre-indications à l’usage des parasympathomimétiques sont le glaucome à angle fermé, une condition où un myosis doit être évité et l’asthme mal 40 contrôlé . Puisqu’il existe maintenant d’autres médications efficaces et beaucoup mieux tolérées, les agonistes cholinergiques sont maintenant relégués en troisième ligne de traitement. Agonistes adrénergiques non spécifiques La classe des agonistes adrénergiques se divise en deux groupes : les agonistes non spécifiques et les agonistes alpha-2. Leur mécanisme d’action est différent. L’un augmente principalement l’écoulement d’humeur aqueuse et l’autre diminue sa production. Voilà pourquoi nous aborderons les agonistes alpha-2 dans la deuxième section. L’épinéphrine et la dipivéfrine (promédicament de l’épinéphrine) sont les deux agents de cette classe. Ils agissent sur les récepteurs oculaires alpha-1, alpha-2 et bêta-2 et diminuent la PIO en augmentant le flot d’humeur aqueuse dans le réseau trabéculaire et la voie uvéosclérale. Toutefois, ils en augmentent légèrement la production. La dipivéfrine a été développée dans le but d’améliorer l’index thérapeutique de l’épinéphrine. Elle est davantage lipophile et, par conséquent, sa facilité de pénétration de la cornée est 17 fois supérieure à celle de l’épinéphrine. Son efficacité est comparable, entraînant une réduction de la PIO de 15-25%35. L’épinéphrine produit une mydriase qui peut produire un éblouissement. L’hyperémie conjonctivale rebond, le larmoiement, la coloration de la cornée, la conjonctivite folliculaire et la blépharoconjonctivite allergique surviennent 864 Québec Pharmacie vol. 51, no 10, novembre-décembre 2004 assez fréquemment. Des effets systémiques tels la tachycardie, l’hypertension, les arythmies et l’anxiété ont été observés chez les patients plus âgés. La dipivéfrine cause les même effets indésirables, mais à moindre intensité35,38,41. Comme l’efficacité des sympathomimétiques non spécifiques est inférieure à celle des autres alternatives disponibles et que leur profil d’effets indésirables est peu avantageux, ils ne constituent pas un premier choix de traitement. Analogues des prostaglandines Quatre produits appartiennent à la classe pharmacologique des analogues des prostaglandines. Le latanoprost, premier analogue à être commercialisé, et le travoprost, sont des analogues des prostaglandines F2 alpha. L’unoprostone est un docosanoïde, analogue d’un dérivé de l’acide docosahexanoïque. Le bimatoprost est, quant à lui, un analogue des prostamides. Les prostaglandines proviennent de l’acide arachidonique tandis que les prostamides sont des anandamides. Tous agissent sur le récepteur FP des prostanoïdes avec une affinité plus ou moins importante et tous, à l’exception du bimatoprost, sont des promédicaments42,43. Ils réduisent la PIO en augmentant l’écoulement d’humeur aqueuse via la voie uvéosclérale. Le mécanisme par lequel ils exercent leur action est hypothétique; elle peut être due à la relaxation des muscles ciliaires ou à une affaiblissement de la matrice extracellulaire entourant le faisceau musculaire. On croit que le bimatoprost agit aussi sur le réseau trabéculaire42,43. Le latanoprost a démontré une efficacité supérieure au timolol dans une méta-analyse qui a inclus 11 études contrôlées à répartition aléatoire en diminuant la PIO de 4 à 7 % de plus. Une étude, la seule d’une durée de douze mois, ne démontre aucune différence entre les deux agents44. Le travoprost possède une structure semblable à celle du latanoprost. Dans une étude contrôlée à répartition aléatoire (n = 801), on a comparé le travoprost 0,0015 % H.S., le travoprost 0,004 % H.S., le latanoprost 0,005 % H.S. et le timolol 0,5 % B.I.D. L’issue primaire était la PIO diurne moyenne mesurée à 8h, 10h et 16h. Le travoprost 0,004 % s’est révélé égal au latanoprost et supérieur au timolol pour réduire la PIO avec une diminution respective de 27 %, 27 % et 21 % (p < 0,0007). Les auteurs ont rapporté une meilleure diminution de la PIO par le travoprost à 16h et chez les gens de race noire, par comparaison avec le latanoprost, mais ce résultat est discutable étant donné l’absence d’une différence statistique diurne dans le premier cas et une valeur de base inférieure dans le groupe travoprost dans le deuxième cas45. Le bimatoprost présente également une structure analogue au latanoprost, sous sa forme acide. Il agit donc sur le récepteur FP, contrairement à ce que l’on croyait. La métaanalyse de Sherwood, d’une durée de six mois, regroupe 1198 patients provenant de deux études46. On y comparait le bimatoprost 0,03 % H.S. et B.I.D. au timolol 0,5 % B.I.D. Le bimatoprost administré une fois par jour y réduit la PIO de 29 % et le timolol, de 21 % (p< 0,05). Il a aussi été comparé au latanoprost dans une étude de trois mois Pharmacothérapie du glaucome primaire à angle ouvert (n = 232). On y conclut qu’il diminue de façon aussi efficace que son comparateur la PIO (29 % vs 26 %)45. L’unoprostone est un analogue des docosanoïdes endogènes approuvé au Japon depuis 1994. Étant donné sa faible affinité avec le récepteur FP, on croit que son action implique également la relaxation des fibres du réseau trabéculaire.47 Il est important de noter que c’est le seul analogue des prostaglandines à s’administrer deux fois par jour. On rapporte une diminution de la PIO de 16 et 22 % respectivement dans deux études japonaises de 114 et 158 patients. On la compare au timolol dans la deuxième étude et on ne rapporte aucune différence entre les deux traitements48. L’unoprostone a aussi été comparée au latanoprost dans une courte étude de 8 semaines incluant 118 patients avec GPAO ou hypertension oculaire49. La réduction de la PIO fut de 13 % avec l’unoprostone et de 28 % avec le latanoprost (p< 0,001). Dans les études précédemment citées, on utilisait l’unoprostone 0,12 %. Même si cette concentration est commercialisée dans plusieurs pays, la formulation approuvée au Canada et aux États-Unis est de 0,15 %. L’efficacité de l’unoprostone de même que l’apparition d’effets indésirables pourrait être modulée par cette différence. L’unoprostone n’est toutefois pas disponible sur le marché canadien. L’hyperémie conjonctivale est l’effet indésirable le plus fréquent des analogues des prostaglandines. Le travoprost et le bimatoprost en causent plus souvent que le latanoprost et l’unoprostone. L’irritation, la sensation de brûlure et la sécheresse des yeux semblent toutefois signalées plus souvent lorsqu’il y a utilisation de l’unoprostone43. L’hypertrichose apparaît plus fréquente avec le bimatoprost42. La réaction indésirable la plus préoccupante est probablement l’hyperpigmentation de l’iris. Elle survient dans 6,6 % des cas de traitement de l’oeil lors des trois premiers mois du traitement et son incidence augmente avec le temps. Ainsi, après deux ans, plus de 18 % des yeux traités présentaient des changements de pigmentation dans les études cliniques. Les yeux de couleurs mixtes sont le plus souvent touchés, des couleurs les plus foncées aux plus pâles. Les personnes aux yeux brun-vert représentent 48 % des patients, celles aux yeux bleu-gris, 15 %. Cet effet serait causé par une stimulation de la synthèse de mélanine (mélanogenèse). Présentement, il n’existe pas d’évidence que les analogues des prostaglandines affectent le tissu de l’iris ou favorisent la prolifération des mélanocytes38,43,50. Les analogues des prostaglandines causent peu d’effets systémiques. Des céphalées, un syndrome grippal et des douleurs musculo-squelettiques ont été rapportées de même que des cas d’hypertension38,41. Cette classe thérapeutique doit être utilisée avec précaution chez les patients présentant des facteurs de risque d’œdème maculaire, particulièrement chez les aphaques et chez certains pseudoaphaques à cause du risque élevé d’œdème maculaire. De plus, il est préférable de les éviter chez les femmes enceintes, en l’absence de données claires43. Puisqu’ils sont efficaces et relativement bien tolérés, les ana- logues des prostaglandines s’inscrivent parmi les premiers choix de traitement du GPAO. AGENTS QUI DIMINUENT LA PRODUCTION D’HUMEUR AQUEUSE Les médicaments qui diminuent la production d’humeur aqueuse sont les bêta-bloquants, les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique et les agonistes alpha-2 adrénergiques. Bêta-bloquants C’est en 1978 que le premier bêta-bloquant topique, le maléate de timolol, a été commercialisé. Son efficacité, sa fréquence d’administration à deux fois par jour de même que l’absence de myosis ou de spasme d’accommodation en ont fait la molécule la plus utilisée51. Le lévobunolol, le métipranolol et le cartéolol sont, comme le timolol, des bêtabloquants topiques non sélectifs. Le cartéolol a une activité sympathomimétique intrinsèque qui lui conférerait une meilleure tolérance au chapitre des effets cardiorespiratoires. Le bétaxolol, quant à lui, est relativement sélectif pour les récepteurs ß1, ce qui peut également présenter un intérêt du point de vue de certains effets indésirables systémiques, par exemple le risque de bronchospasme qui en est réduit35,38. Le timolol a démontré une réduction de la PIO de 27 à 35 % durant un traitement à long terme dans plusieurs études38. Cependant, certains auteurs ont rapporté une perte d’efficacité chez 10 % des patients par année de traitement, c’est-à-dire qu’un patient sur deux démontrera une réponse cliniquement significative après cinq ans de traitement52. Les sujets ayant les yeux foncés requièrent habituellement une concentration de timolol de 0,5 % car celui-ci se lie au pigment de l’iris35. Le lévobunolol et le métipranolol ont une efficacité semblable au timolol. Le bétaxolol, qui est sélectif pour le récepteur (ß1, doit exercer son activité grâce à une certaine action sur les récepteurs (ß2, les récepteurs (-1 étant peu nombreux sur le corps ciliaire. Son effet sur la PIO est moindre que celui du timolol35,38,51. Par contre, à long terme, il bénéficierait d’un effet protecteur sur le flot sanguin de la papille optique53. Le cartéolol a démontré une efficacité semblable au timolol35. Il est possible que l’administration oculaire d’un bêta-bloquant cause une sensation de brûlure, de corps étranger ou embrouille momentanément la vision. Cependant, ces effets indésirables sont relativement peu fréquents et s’atténuent avec le temps35,54. Le bétaxolol en solution et le métipranolol causeraient davantage d’inconfort à l’instillation36. Alors que les premières études cliniques ne rapportaient pas d’effets indésirables systémiques majeurs, l’utilisation des bêta-bloquants topiques dans la population générale fut associée à une panoplie de manifestations systémiques38,40. Ainsi, il est possible d’observer de la bradycardie, une diminution de la tension artérielle, des effets inotropes négatifs, un allongement du segment QT, une diminution du volume expiratoire forcé, une réduction des lipoprotéines à haute densité (HDL) et des changements dans la symptomatologie de l’hypoglycémie. De plus, des effets plus subQuébec Pharmacie vol. 51, no 10, novembre-décembre 2004 865 les pages BLEUES Contrairement aux IAC oraux ou intraveineux, qui causent de nombreux effets indésirables systémiques, les IAC topiques en sont presque dépourvus. 866 tiles, comme l’anxiété, la dépression, l’impuissance, la fatigue, la confusion et le manque de résistance à l’effort, peuvent être causés par les bêta-bloquants topiques35,37,38. Malgré le fait que le bétaxolol dû à sa spécificité et le cartéolol dû à son activité sympathomimétique intrinsèque seraient moins enclins à causer des effets indésirables systémiques, il demeure risqué de les administrer à un patient asthmatique. Puisqu’il existe d’autres alternatives thérapeutiques efficaces et mieux tolérées à cet égard, il est de mise de choisir une autre classe pour ce type de patients. Outre l’hypersensibilité à une composante du produit, l’asthme, la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), la bradycardie sinusale sévère, le choc cardiogénique, le bloc auriculoventriculaire des 2e et 3e degrés et l’insuffisance cardiaque manifeste sont les contre-indications usuelles à l’usage des bêta-bloquants topiques37. Vander Zanden et ses collaborateurs, dans une étude qui visait à réviser le contenu scientifique publié à ce jour pour appuyer les contre-indications aux bêta-bloquants topiques, suggèrent effectivement que cette classe soit contre-indiquée chez les patients souffrant de troubles respiratoires (asthme et MPOC) et cardiovasculaires (bradycardie, bloc et insuffisance cardiaque). Ils proposent également des précautions moins restrictives dans le cas de patients souffrant de dépression, de dyslipidémie ou de diabète, les données publiées ne 39 présentant pas de preuves durables de préjudices . Ces médicaments devraient être utilisés prudemment chez les patients souffrant de myasthénie grave ou recevant des bêtabloquants oraux. Il y a peu d’interactions médicamenteuses rapportées. Cependant, les effets systémiques d’un bêta-bloquant topique ajoutés à ceux d’antihypertenseurs ou d’antiangineux oraux peuvent résulter en un risque accru d’effets cardiovasculaires. Les bêta-bloquants demeurent, en l’absence de contreindication, un premier choix de traitement. Cependant, certains auteurs remettent en question cette philosophie. Ainsi, on compare leur profil de tolérance avec les molécules nouvellement apparues sur le marché et on constate qu’ils ne sont plus aussi avantageux qu’à leur débuts, alors qu’on les comparait aux parasympathomimétiques, difficiles à tolérer. On constate aussi la diminution d’efficacité parfois observée après un an de traitement et on est préoccupé par le manque 51,54 d’effet sur la production nocturne d’humeur aqueuse . Le dorzolamide 2 % s’administre trois fois par jour en monothérapie, tandis qu’il peut être donné deux fois par jour lorsqu’il est associé à un bêta-bloquant. Il a démontré une réduction de la PIO de 16,9 à 20,1 % en monothérapie dans une étude le comparant au brinzolamide56. L’administration B.I.D. de brinzolamide 1 % a été comparée à l’administration T.I.D. et on a conclu à une efficacité statistiquement semblable55-57. Le brinzolamide est considéré aussi efficace que le dorzolamide. Cependant, tous deux sont moins efficaces que le timolol pour réduire la PIO. Les IAC topiques semblent procurer un effet hypotenseur additif lorsque jumelés au timolol55. Contrairement aux IAC oraux ou intraveineux, qui causent de nombreux effets indésirables systémiques, les IAC topiques en sont presque dépourvus. Par contre, ils causent fréquemment une sensation de brûlure ou de piqûre à l’instillation, de l’hyperémie conjonctivale ou des blépharites. L’inconfort oculaire que génère le dorzolamide est expliqué par son pH relativement bas (5,2-5,8). Le brinzolamide, formulé en suspension à pH physiologique, causerait moins d’inconfort, comme l’ont démontré Silver et ses collaborateurs dans une étude de 572 patients57. Bien que peu rapporté, le risque de réactions systémiques avec les IAC topiques demeure préoccupant puisque ces derniers se retrouvent en circulation et s’accumulent dans les érythrocytes. L’acidose métabolique, les néphrolithiases, la dépression, l’anorexie et le délirium ont fait l’objet de quelques rapports de cas38. Par ailleurs, les cliniciens observent en général moins d’efficacité sur la baisse de PIO avec les IAC topiques que systémiques58. À l’exception de l’hypersensibilité à une composante du produit, il n’y a pas de contre-indication franche à l’usage des IAC topiques. Il est cependant recommandé de les utiliser prudemment dans le glaucome à angle fermé, en concomitance avec les IAC systémiques, dans l’acidose hyperchlorémique, en cas d’hypersensibilité aux sulfamidés, si la clairance à la créatinine est inférieure à 0,5 ml/seconde, en cas d’insuffisance hépatique, d’infection ou d’inflammation oculaire, de chirurgie récente ou de grossesse et d’allaitement38. Les IAC topiques sont utiles en première intention lorsque les bêta-bloquants où les analogues des prostaglandines sont contre-indiqués. Ils peuvent aussi être ajoutés au bêta-bloquant pour un effet hypotenseur accru. Inbibiteurs de l’anhydrase carbonique L’arrivée d’inhibiteurs de l’anhydrase carbonique (IAC) topiques était très attendue compte tenu des effets indésirables importants observés avec les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique systémiques. Afin d’exercer une inhibition efficace de l’enzyme, les IAC doivent inhiber 100 % des enzymes en tout temps. Ils diminuent la production d’humeur aqueuse en bloquant la sécrétion active de sodium et de bicarbonate du corps ciliaire à l’humeur aqueuse25, 35. Le dorzolamide, grâce à sa solubilité mixte, réussit à bien pénétrer la cornée. Le brinzolamide, plus lipophile, traverse encore mieux la couche lipidique de la cornée55. Alpha-2 adrénergiques Cette classe diminue la PIO en réduisant la production d’humeur aqueuse principalement. Le premier agoniste alpha-2 topique fut la clonidine mais ses effets indésirables systémiques (hypotension, bradycardie, somnolence) et son manque d’efficacité à ralentir la progression de l’atteinte du champ visuel l’ont vite rendue désuète. L’apraclonidine, qui pénètre peu la barrière hémato-encéphalique, permettrait aussi une légère augmentation de l’écoulement d’humeur aqueuse. Elle réduit la PIO de 20 à 27 %, ce qui se compare au timolol au pic d’action mais s’avère inférieure à la fin de l’intervalle35. Cependant, la tachyphylaxie qui tend à se Québec Pharmacie vol. 51, no 10, novembre-décembre 2004 Pharmacothérapie du glaucome primaire à angle ouvert Tableau 1 - Efficacité, particularité, posologie et pharmacocinétique des médicaments utilisés dans le traitement du glaucome selon le mécanisme d’action Noms génériques - teneurs - forme (Principaux noms commerciaux)b,c Particularités % de réduction de PIOd Posologie généralement utilisée Pharmacocinétique Début d’action (h) Durée d’action (h) Agents qui augmentent l’écoulement d’HAa Parasympathomimétiques Éviter chez les patients atteints de glaucomes de type inflammatoire avec uvéite ou de type exfoliatif43 Pilocarpine - 1, 2, 4, 6 % sol. opht. (mioPeu utiles lorsque la PIO > 40mm Hg, peu d’avantages à carpine®, Isopto-Carpine®, Dio-carpineMD) ++ QID <1 4-8 Pilocarpine gel 4% (PilopineMD) Cause un voile cornéen chez près de 20 % des patients43 ++ DIE <1 18-24 Carbachol 1,5%, 3% sol. opht. (IsoptoCarbacholMD) Dernière option thérapeutique pour les cas résistants ayant déjà répondu à la pilocarpine ++ TID <1 6-10 Bid <1 12 Sympathomimétiques - agonistes alpha-1 Éviter chez les patients avec glaucome par fermeture de l’angle Dipivéfrine 0,1% sol. opht. (PropineMD) Promédicament + Analogues des prostaglandines et des prostamides Éviter dans les glaucomes inflammatoires45, éviter chez les femmes enceintes43,56 et utiliser avec précaution chez les gens ayant des yeux de couleur mixte Latanoprost 0,005% sol. opht. (XalatanMD) Réfrigérer; stable 6 semaines à température ambiante +++ >= au timolol36,43 Travoprost 0,004% sol. opht. (Travatan ) Réfrigérer; stable 6 semaines à température ambiante; dim. efficacité observée avec administration BID44. Promédicament, le plus acide des quatre analogues; efficacité potentiellement accrue chez les gens de race noire comparé au timodol et au latanoprost44 > au timodol; >= au latanoprost44,45 Bimatroprost 0,03% sol. opht. (LumiganMD) Prostamide (composé analogue aux prostaglandines) -Augmentation possible de l’écoulement d’humeur aqueuse par le réseau trabéculaire -Contient du chlorure de benzalkonium > au timodol; >= au latanoprost36,43 Unoprostone 0,15 % sol.opht. (ResculaMD) Seul agent de la classe qui s'administre BID; non disponible au Canada même si le fabricant détient l'avis de conformité 56. MD Latanoprost 0,005 %-Timolol 0, 5% sol.ophtal. (Xalacom) DIE HS 3-4 24 DIE HS 0,5-2 24 DIE HS 3-4 > 24 BID 1-2 12 Die HS <1 24 +++ +++ ++ <= +++ Agents qui diminuent la production d'humeur aqueuse Bêtabloquantse Timolol 0,25 %, 0,5 % sol.opht. (TimopticMD) Timolol a un effet anesthésique local léger 37 +++ Bid < 0,5 12 Timoptic 0,25 %, 0,5 % sol. Opht. Avec gellane (Timoptic XEMD) Le véhicule prolonge la durée d'action +++ Die <1 24 Lévobunolol 0,25 %, 0,5 % sol.opht. (BetaganMD) Produirait moins de vasoconstriction rétinienne et choroidale67 ++ = timolol37 Bid <1 12-24 Bétaxolol 0,5 % sol.opht. (BetopticMD) Bétaxolol 0,25 % susp.opht. (Betoptic SMD) Sélectivité pour le récepteur 1 Bid <1 12 TID en monothérapie; BID si associé à un bêta-bloqueur 2 8-12 TID 2 8-12 BID <1 12 ++ < timolol37,53,54 Inhibiteurs de l'anhydrase carbonique Se lient à anhydrase carbonique des globules rouges. Impact inconnu. Structure sulfamidée44. Dorzolamide 2 % sol. opht. (TrusoptMD) Allergie croisée possible avec sulfamidés, contre-indiqué lorsque la ClCr < 0,5 ml/s. 43 Brinzolamide 1% sol. opht. (AzoptMD) Le pH du véhicule se rapproche du pH physiologique; sensation de brûlure moins intense qu'avec le dorzolamide68 Dorzolamide 2 % - Timolol 0,5 % sol. Opht (CosoptMD) ++ Comparable au bétaxolol43,67 ++ Comparable au dorzolamide a. HA = humeur aqueuse b. La liste présente les principaux noms commerciaux disponibles au Canada; les fabricants ont retiré du marché les produits suivants à ce jour : échothiopate (Phospholine iodure ® de Wyeth, épinéphrine (Epifrin ® de Alcon, épinéphrine-pilocarpine (E-Pilo ® de Alcon), pilocarpine réservoir (Ocusert ® de Alza Pharms) c. Il existe un ou plusieurs formats ; consulter le site de Santé Canada pour la liste des formats disponibles- http://www.hc-sc.gc.ca/hpb/drugs-dpd/index.html d. La réduction de PIO obtenue dans les études varient grandement selon la nature des patients traités, selon les combinaisons, selon les posologies, selon l'évolution clinique; l'échelle proposée vise à situer globalement les agents entre eux et ne constituent pas une appréciation systématique ou une méta-analyse permettant de titrer leur efficacité + = réduction de 10-25 % , ++ réduction de PIO de 15-30 %, +++ réduction de 20 à 35 %. e. Métipranolol 0,3 % sol.opht.(Optipranolol®) et cartéolol 1% sol. opht. (Ocupress®) ne sont pas disponibles au Canada. Québec Pharmacie vol. 51, no 10, novembre-décembre 2004 867 les pages BLEUES Tableau 1 - suite Noms génériques - teneurs - forme (Principaux noms commerciaux)b,c Particularités % de réduction de PIOd Posologie généralement utilisée Pharmacocinétique Début d’action (h) Durée d’action (h) Sympathomimétiques - agonistes alpha-2 Apraclonidine 0,5 %, 1 % sol. opht. (IopidineMD) Brimonidine 0,2 % sol.opht. (AlphaganMD) Brimonidine 0,15 % sol. opht. (Alphagan PMD) - avec purite) Ne traverse pas la barrière hémato-encéphalique pas d'hypotension37. Utilisé en 3e ligne comme adjuvant chez les patients avec doses maximales des autres agents ; utilisé pour réduire la PIO lors de chirurgies au laser ; tachyphylaxie et risque élevé d'allergie limite son usage à une courte durée 12 fois plus sélectif que la clonidine et 23 fois plus que l'apraclonidine pour le récepteur-2 ; effet neuroprotecteur potentiel63 ; formulation avec purite pour réduire les effets indésirables locaux; cas rapportés de dépression respiratoire chez jeunes enfants; donc contre-indiqué chez < 2 ans43 et contre-indication relative chez les enfants plus vieux. Brimonidine 0,2 % - Timolol 0,5 % sol. Opht. (CombiganMD) développer en quelques mois la rend peu utile dans le traitement d’une maladie chronique comme le glaucome. La brimonidine est plus liposoluble et plus sélective pour les récepteurs alpha-2 que l’apraclonidine. En plus de diminuer initialement la production d’humeur aqueuse, elle facilite son écoulement par la voie uvéosclérale59. La brimonidine a été comparée au timolol dans une étude de 48 mois et a démontré un abaissement moyen de la PIO de 5,02 mm Hg comparativement à 5,57 mm Hg pour le timolol à la troisième année (p = 0,383)62. En plus de son effet sur la PIO, la brimonidine a démontré un effet neuroprotecteur chez quelques modèles animaux. La même neuroprotection reste à prouver chez l’œil humain61. De 25 à 48 % des patients sous apraclonidine développent une dermatite palpébrale, une blépharoconjonctivite ou une conjonctivite folliculaire d’origine allergique. C’est l’oxydation de l’apraclonidine en produits intermédiaires agissant comme haptènes qui est probablement responsable des réactions allergiques. Outre l’allergie, ce médicament peut aussi causer une mydriase, de la vasoconstriction et une rétraction de la paupière. Il ne semble pas y avoir d’allergie croisée avec la brimonidine bien que l’on rapporte que jusqu’à 10 % des patients allergiques à l’apraclonidine développaient une allergie à celle-ci38. La vision brouillée, l’hyperémie conjonctivale et la conjonctivite folliculaire sont les effets indésirables locaux les plus communs de la brimonidine. La xérostomie, la fatigue ou la somnolence et les céphalées sont les principaux effets systémiques rapportés38,59. Une nouvelle formulation ayant comme agent de conservation le PuriteMD au lieu du chlorure de benzalkonium permet de réduire le risque d’allergie. De plus, comme cette formulation contient une concentration moindre de brimonidine et que son pH est presque neutre, on remarque moins d’hyperémie et de xérostomie. On notera que 868 Québec Pharmacie vol. 51, no 10, novembre-décembre 2004 +++ TID <1 8-12 ++ BID <1 8-12 BID <1 12 < que timolol 61 +++ puisque la brimonidine traverse la barrière hémoencéphalique, son utilisation est particulièrement contre-indiquée chez les jeunes enfants étant donné le risque d’arrêt respiratoire. De plus, on doit en éviter l’utilisation chez les patients traités avec un inhibiteur de la monoamine oxydase41. L’apraclonidine, compte tenu du risque élevé d’allergie et de tachyphylaxie, est réservée au traitement à court terme des poussées de PIO suivant une chirurgie au laser35,38. La brimonidine peut faire partie des alternatives thérapeutiques lorsque les bêta-bloquants ou les analogues des prostaglandines sont contre-indiqués ou mal tolérés. Elle a également une place comme traitement additif aux bêta-bloquants et aux analogues des prostaglandines. Quelques études l’ont comparée à l’apraclonidine pour la prévention des élévations de PIO post-chirurgicales. Celles-ci semblent donner des résultats encourageants59. Associations de médicaments Historiquement, les préparations combinées de médicaments ont été peu ou pas ajoutées aux listes provinciales des médicaments remboursés par les régimes publics au Canada. Parmi les arguments évoqués, il y a celui selon lequel les préparations combinées ne permettent pas un titrage d’un des deux médicaments, rendent difficile l’imputabilité d’intolérance ou d’effet indésirable à un agent en particulier et sont coûteux. Le non-remboursement de ces préparations a contribué à en limiter le recours. L’observance thérapeutique étant souvent limitée dans le traitement de maladies chroniques, le recours à des préparations combinées pourrait limiter le nombre de prises et influencer positivement l’observance. Récemment, le Common Drug Review de l’Office canadien de coordination d’évaluation des technologies de la santé a publié ses recommandations concernant le recours au CombiganMD. On y souligne que lorsque le recours à cette Pharmacothérapie du glaucome primaire à angle ouvert association est requis, le recours séparément au timolol et à la brimonidine est plus coûteux que la préparation combinée si on tient compte des honoraires pharmaceutiques Glaucome à angle fermé Le glaucome à angle fermé constitue une urgence médicale. Il se développe rapidement et on doit diriger le patient à l’urgence d’un établissement de santé pour une intervention rapide. Il faut confirmer le diagnostic (éliminer un glaucome uvéitique, phacolytique, etc.) On débute généralement par un traitement médical dans le but de réduire le bloc pupillaire et la PIO. De nombreuses recettes existent et peu d’études sont réalisées compte tenu du nombre limité de cas ainsi que du caractère imprévisible et urgent de la situation. Les parasympathomimétiques sont peu utiles à des pressions supérieures à 40 mm Hg compte tenu de l’ischémie du sphincter de l’iris. La pilocarpine n’est plus un premier choix, on pourra alors utiliser de l’apraclonidine et un bêta-bloquant. Un inhibiteur de l’anhydrase carbonique par voie orale (ex. 500 mg acétazolamide PO) ou par voie parentérale et un agent hyperosmotique (90 à 150 mL glycérine orale PO) peuvent être utilisés. Si la pression est à moins de 40 mmg Hg, plusieurs utilisent la pilocarpine 2 % Q.I.D., l’acétate de prednisolone 1 % Q.I.D., le timolol 0,5 % B.I.D., l’acétazolamide 500 mg B.I.D. jusqu’à l’iridotomie. Cette cascade ne vise qu’à réduire le bloc pupillaire et la PIO pour faciliter l’iridotomie accompagnée d’autres gestes opératoires visant à corriger la fermeture de l’angle. Généralement, ces patients ne recevront pas de façon chronique de traitement médical par la suite mais devront être très prudents avec les médicaments susceptibles de précipiter une crise de glaucome à angle fermé si l’autre œil comporte une fermeture de l’angle et qu’il n’a pas subi d’iridotomie préventive. Perspectives d’avenir Des études préliminaires démontrent que les bloquants des canaux calciques et les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine peuvent abaisser la PIO et influencer l’évolution du glaucome62,63. Au début des années 70, on a découvert que la marijuana absorbée par inhalation réduisait la PIO. La découverte récente de récepteurs aux cannabinoïdes oculaires et les nouvelles technologies de formulation font des cannabinoïdes une classe d’hypotenseurs ophtalmiques potentielle64. ■ La découverte récente de récepteurs aux cannabinoïdes oculaires et les nouvelles technologies de formulation font des cannabinoïdes une classe d’hypotenseurs ophtalmiques potentielle64. Un cas clinique Étape 1 - Diagnostic Étape 2 – Conseil au patient Un homme de 58 ans, 60kg, 1,7m, sans allergies connues, yeux de couleur mixte (brun-vert), se présente chez son ophtalmologiste à la suite d’une référence pour possibilité de glaucome. Il s’agissait alors d’un examen de dépistage par son optométriste. L’évaluation oculaire indique les paramètres suivants : acuité visuelle avec correction de 20/20 OD et OS avec correction légèrement myopique, angles irido-cornéens normaux, critallins normaux, PIO 32mm Hg OD et 36 mm Hg OS, rapport d’excavation de 0,8 OD et 0,9 OS et champs visuels automatisés démontrant un scotome arciforme supérieur bilatéralement (atteinte typique d’un glaucome). Aucun trouble pulmonaire ou cardiaque. À l’histoire familiale, on note la présence de glaucome chez la mère du patient. Un diagnostic de glaucome primaire à angle ouvert est posé. On amorce une monothérapie avec un bêta-bloquant (Timolol 0,5 % BID). On aurait pu recourir à d’autres agents (agoniste alpha-2, inhibiteurs topiques de l’anhydrase carbonique). Le recours à un analogue des prostaglandines est discutable compte tenu des changements de coloration au niveau de l’iris chez les patients ayant des yeux de couleur mixte. Proposer un horaire de prise tenant compte de son travail (de jour, de nuit), vérifier les habitudes de conduite, vérifier la dextérité et la capacité d’administration sur place, aider à distinguer les produits par les couleurs, proposer un ordre d’administration pour établir une route. Toutefois, il n’y a pas une rationnelle très scientifique à un ordre plutôt qu’un autre au niveau des mécanismes d’action; il en va autrement pour les véhicules: administrer les médicaments actifs d’abord (réserver les larmes pour la fin... s’il en faut malgré tout!); instillez d’abord les solutions, puis les suspensions et les onguents; préférez les gouttes die avant les autres sachant que les 2e, 3e doses sont données sans respecter l’intervalle et que le trop plein est éliminé; espacez de 5 minutes chaque instillation; donnez un horaire différent pour les antibiotiques; utilisez les codes de couleur pour faciliter la reconnaissance des produits (parasympathomimétique-vert, sympatholytique-jaune/bleu, sympathomimétiquemauve, inhibiteur de l’anhydrase carboniqueorange). Ces associations ne sont pas vraies pour tous les produits. Québec Pharmacie vol. 51, no 10, novembre-décembre 2004 869 les pages BLEUES ERRATUM Pour le bénéfices de nos lecteurs, veuillez noter deux erreurs qui se sont glissées lors de l'édition de l'article publié dans les pages bleues du numéro de juillet-août 2004 intitulé « Mise à jour sur le traitement de l'hypertension artérielle ». En page 582, colonne de droite, section « Traitement de l'hypertension artérielle : efficacité du traitement antihypertenseur » Il faut préciser que la grande majorité des études rétrospectives ayant mis de l'avant ces conclusions ont été menées lorsque les patients prenaient en traitement principal des diurétiques et des bloquants des récepteurs bêta-adrénergiques. RÉFÉRENCES 1. Shingleton B. Basic and Clinical Science Course. Vol. 10 (Glaucoma) (ed T.L. Slamovits). San Francisco, CA: American Academy of Ophthalmology; 1994-95. 2. Lütjen-Drecoll E, Rohen J. Morphology of Aqueous Outflow Pathways in Normal and Glaucomatous Eyes. In: R. Ritch MBS, and T. 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CNIB Client Statistics- Institut National Canadien pour les aveugles. 870 En page 584, colonne de gauche, 2e paragraphe : Cependant, les cinq classes médicamenteuses dont on a démontré les bienfaits en terme de réduction de la morbidité et de la mortalité et qu'on peut utiliser en traitement de première intention chez le patient avec hypertension systolo-diastolique sans pathologies concomitantes sont les diurétiques thiazidiques, les bloquants des récepteurs bêta-adrénergiques, les IECA, les ARA et les BCC. Les alpha-bloquants sont actuellement contre-indiqués en traitement de première intention pour des raisons qui seront précisées plus loin dans cet article. 20. Abel SR. Eye disorders. In: Young LY, ed; 1995. 21. Friedman DS, Wolfs RC, O'Colmain BJ, et coll. Prevalence of open-angle glaucoma among adults in the United States. Arch Ophthalmol. 2004;122:532538. 22. Quigley HA. Open-angle glaucoma. N Engl J Med. 1993;328:1097-1106. 23. 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Une patiente se présente avec un bronchospasme induit par le brinzolamide (Azopt MD). D. Un patient note un changement de pigmentation de son iris avec le latanoprost (Xalatan MD). E. Un patient se plaint de douleur orbitaire avec la pilocarpine (Miocarpine MD). 2. La diminution de la pression intraoculaire peut résulter d'un mécanisme d'action différent selon l'agent utilisé. Parmi les énoncés suivants, lequel est FAUX? A. Le lévobunolol (Bétagan MD) agit en augmentant l'écoulement d'humeur aqueuse. B. Les sympathomimétiques ont un effet sur la production d'humeur aqueuse. C. Le dorzolamide (Trusopt MD) peut diminuer la production d'humeur aqueuse. D. Le travoprost (Travatan MD) augmente l'écoulement d'humeur aqueuse en agissant sur la voie uvéosclérale. E. Les parasympaticomimétiques augmentent l'écoulement d'humeur aqueuse via le réseau trabéculaire. 3. Un patient de 74 ans est traité depuis 1 an avec le timolol (0,5 % 1 goutte OU BID) et le dorzolamide (2 % 1 goutte OU BID). On envisage une trabéculoplastie au laser. Une fois l'intervention terminée, ce patient aura-t-il BESOIN de médicaments topiques ? A. Oui, même si la trabéculoplastie permet la guérison à 100 %. B. Non, parce que la trabéculoplastie est efficace dans 75 % des cas et que ces patients auront une pression intraoculaire normale. C. Oui, pour une courte période de temps, notamment pour éviter les augmentations transitoires de PIO post-intervention. the calcium channel blocker verapamil on experimental glaucoma. Int Ophthalmol. 2004;25:75-79. 65. Costagliola C, Di Benedetto R, De Caprio L, Verde R, Mastropasqua L. Effect of oral captopril (SQ 14225) on intraocular pressure in man. Eur J Ophthalmol. 1995;5:19-25. 66. Jarvinen T, Pate DW, Laine K. Cannabinoids in the treatment of glaucoma. Pharmacol Ther. 2002;95:203-220. 67. Costa VP, Harris A, Stefansson E, et coll. The effects of antiglaucoma and systemic medications on ocular blood flow. Prog Retin Eye Res. 2003;22:769-805. 68. 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On pense qu'il y a une allergie croisée entre les différentes formulations de pilocarpine à cause d'un groupe aldéhyde. E. On pense qu'il y a une allergie croisée entre les prostaglandines parce qu'elles sont toutes des promédicaments. 5. Au niveau des interactions médicamenteuses et précautions observées dans la pharmacothérapie du glaucome, on peut noter les éléments suivants. Parmi les énoncés, lequel est FAUX ? A. On évite (ou utilise avec prudence) une association de bêtabloquant ophtalmique et oral pour éviter une décélération du rythme cardiaque. B. On doit éviter en tout temps l'utilisation de stéroides chez les utilisateurs de timolol (TimopticMD) ophtalmique. C. Le recours à la brimonidine (AlphaganMD) ou l'apraclonidine (Iopidine MD) ne devrait pas se faire chez les utilisateurs d'inhibiteurs de monoamine oxydase. D. On évite l'utilisation du dorzolamide avec de l'acétazolamide. E. On ne devrait pas utiliser l'échothiopate (Iodure de phospholineMD) chez les patients porteurs d'une déficience en cholinestérase ou qui devront subir une chirurgie sous anesthésie générale. Québec Pharmacie vol. 51, no 10, novembre-décembre 2004 871