7 Glaucome à la SFO Apport des dernières études Dr Jacques Laloum1 Introduction La journée de la Société Française de Glaucome et les autres réunions réalisées sous son égide ont été l’occasion de découvrir les nouvelles voies diagnostiques et thérapeutiques, et de préciser, grâce à l’apport des dernières études publiées, les lignes de force de cette affection. Hypertonies Le bilan des facteurs de risque est primordial. Si on divise les hypertones en trois groupes selon les facteurs de risque (un tiers avec le risque le plus faible, un tiers avec un risque moyen, et un tiers avec le risque le plus élevé), il faut traiter 98 patients du premier groupe pendant 13 ans pour éviter une seule conversion glaucomateuse, alors qu’il suffit d’en traiter 19 du deuxième groupe. L’évaluation des facteurs de risque a été précisée par le poolage de deux études multicentriques (USA et Europe). Un calculateur utilisant ces résultats est disponible sur internet. Il permet une estimation rapide du risque glaucomateux chez les patients hypertones. 1 Ophtalmologiste. Paris Fluctuations de la pression intraoculaire (PIO) Les glaucomateux ont une modification du rythme nycthéméral de la PIO. Une mesure à différentes heures de la journée avant de commencer un traitement permet de relever l’importance du pic et l’amplitude des fluctuations. L’importance des fluctuations est retrouvée dans certaines études comme un facteur de risque indépendant. Examens complémentaires Le champ visuel garde toute sa place dans le suivi du glaucome. L’apparition de logiciels de suivi constitue un progrès majeur. Ces logiciels, incapables d’indiquer un aggravation du glaucome avant 5 examens, soulignent l’importance d’une fréquence suffisante pour un suivi correct. Les analyseurs d’événement signalent les points dont le déficit dépasse la variabilité attendue par rapport à deux examens de référence. Les analyseurs de tendance calculent pour chaque point une courbe de régression linéaire dont la pente indique l’aggravation. Ce calcul peut aussi être affecté à un groupe de points correspondant à un même faisceux de fibres visuelles. Enfin, un indice permet d’estimer et de prévoir la réserve de Pratiques en Ophtalmologie • Juin 2011 • vol. 5 • numéro 45 champ visuel du patient, indépendamment de l’opacification des milieux. L’OCT des fibres visuelles prend une place de plus en plus importante dans les examens de structure. Les paramètres de la papille semblent moins utiles que ceux des fibres visuelles. Dans la région maculaire, la cartographie d’épaisseur du complexe cellulaire ganglionnaire, ou de la rétine entière, semble particulièrement utile pour les diagnostics précoces. L’objet des examens complémentaires de suivi devient une quantification de l’aggravation et non plus son simple diagnostic. Ils permettent aussi, par l’amélioration de la reproductibilité (Gdx et HRT) le diagnostic de glaucome, non pas en affirmant le caractère pathologique d’une atteinte, mais en démontrant une progression de cette atteinte. D’où l’importance d’établir une base de référence. L’OCT du segment antérieur a deux avantages : il permet un examen dans l’obscurité, et apprécie l’épaisseur de la racine de l’iris, donc la dynamique semble jouer un rôle important dans la pathogénie des fermetures de l’angle. Il ne visualise pas les structure situées derrière l’épithélium pigmenté de l’iris, au contraire de l’UBM. L’UBM prend son intérêt quand le mécanisme de la fermeture n’est pas seulement au bloc pupillaire, en particulier après IP, en cas de suspicion de syndrome iris-plateau. L’examen de référence pour affirmer la fermeture de l’angle 155 DOSSIER spécial Congrès de la Société française d’Ophtalmologie spécial Congrès de la Société française d’Ophtalmologie DOSSIER reste cependant, malgré les progrès des appareils, la gonioscopie dynamique. Un travail (primé) sur l’Ocular Responder Analysis confirme que les cornées de patients glaucomateux et non glaucomateux présentent des caractéristiques biomécaniques différentes, à épaisseur de cornée comparable. Traitement Le seul traitement éprouvé reste la baisse pressionnelle. L’importance du rôle de cette baisse pressionnelle sur la progression du glaucome a encore été soulignée par une étude canadienne récente : une baisse de 20 % de la PIO divise par 3 la progression du déficit périmétrique (évaluée par le MD). L’observance reste un problème central dans cette affection chronique : seulement 56 % des patients prennent 75 % de leur traitement. Elle doit être appréciée par des questions ouvertes, non culpabilisantes et ne mettant pas le patient en difficulté. Elle est améliorée par les explications, et la fréquence des consultations. L’utilisation des génériques en France est encore très inférieure à ce qu’elle est en Allemagne. Leur tolérance et même leur efficacité n’est pas toujours identique (galéniques différentes). Un doute sur l’efficacité, ou une mauvaise tolérance doit faire repasser au produit princeps. Les 156 différences de dénominations sont une cause de confusion : demander au patient d’apporter les flacons est souvent utile. La chirurgie du glaucome a été abordée sous son aspect le plus spécifique : l’importance centrale du suivi postopératoire. Ce suivi intensif recherche les complications postopératoires immédiates. Un Seïdel peut ainsi nécessiter une reprise : - en urgence si l’effacement de la chambre antérieure au centre est menaçant ; - mais de toute façon très rapidement s’il persiste, car il menace en quelques jours la viabilité de la filtration. De façon générale, la plupart des gestes postopératoires visent à combattre la fibrose précoce ou le risque de fibrose à moyen terme. Glaucome à pression normale (GPN) Dans trois études sur le GPN (1981, 1992, et 2002) une imagerie cérébrale pratiquée à titre systématique a découvert une lésion intra-crânienne dans une proportion significative de cas. L’inclusion de l’IRM au bilan initial de tout GPN semble donc logique. L’association GPN-syndrome d’apnée du sommeil (SAS) n’est pas rare. La recherche d’un GPN doit être systématique en cas de SAS, car le traitement par pression positive augmente la PIO nocturne et diminue le débit sanguin oculaire. Les Dips nocturnes a longtemps été mis en avant comme facteur aggravant, à corriger. Une limite est que ces Dips s’avèrent utiles sur le plan général et doivent donc être respectés. Le traitement médical du GPN vise une PIO cible très basse, mais une étude récente montre dans des cas d’atteinte bilatérale que les asymmétries périmétrique et pressionnelle ne pas corrélées. Ce résultat conforte l’idée que la pathogénie du GPN n’est pas totalement pressiondépendante. Un autre volet de la même étude, comparant l’aggravation du champ visuel chez des patients traités par timolol vs brimonidine, montre un avantage net à la brimonidine, peut-être lié à un effet neuroprotecteur. Conclusion Les progrès technologiques n’enlèvent pas à la clinique son rôle central dans le diagnostic et la surveillance du glaucome. Amélioration de l’observance, attention à la qualité de vie du patient, réévaluation régulière du rapport bénéfice-risque du traitement : la qualité de la relation avec le patient est aussi primordiale dans la prise en charge de cette affection chronique. n Mots-clés : Glaucome, Facteurs de risque, ­Thérapeutique, Examens ­complémentaires, Chirurgie, ­Glaucome à pression normale. Pratiques en Ophtalmologie • Juin 2011 • vol. 5 • numéro 45